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année
Avril 1868.
iV.“ 4
L'ÉCHO DES VALLÉES
(NOUVELLE SÉRIE)—
Que toutes les choses qui sont véritables........ occupent
vos pensées — ' Phiîippiens., IV. 8. )
SOMMAIRE : — Ecoles du soir. — Evangélisation : Le D' Guthrie. Procès Hibetti.
— Mélanges: Une pétition au Parlement. — Faits divers. — Vallées
Vaudoises.
ECOLES DU SOIR
Les écoles du soir, autrement écolea^poar «âoltes,
ouvertes pour la seconde fois à La Tour vers la fin de novembre,
tant au profit des femmes que des hommes, ont été fermées
les premiers jours d’avril, au grand regret de plus de quarante
jeunes filles qui auraient volontiers continué leurs leçons. —
Comment il s’est fait que des 250 élèves qui s’étaient présentés en janvier 1867, nos deux écoles ensemble n’en ont
guère compté cette année,que la moitié, c’est ce que nous ne
saurions dne au juste. — Seulement il ne faut pas oublier
que la,lumière, même quand elle s’offre sous la forme de
l’instruction élémentairejj ne va pas également à tous les yeux
et que le spectacle d’un peuple ignorant ou misérable n’afflige-pasi< tout le monde aq.méme degré.,,—, La difficulté principale de notre tâche se trouve donc dans la nature des choses.
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Il en est aussi dans la nature des hommes... et des femmes.
Chose étonnante, ce ne sont pas ceux qui en auraient le plus
grand besoin qui montrent le plus d’empressement à venir
demander l’instruction : ce sont les jeunes gens, quelquefois
même les enfants, qui en ont déjà reçu un petit commencement aux écoles ordinaires. La complète ignorance paraît
avoir perdu le sentiment de sa laideur. Il est vrai aussi que la
fausse honte contribue pour sa part à retenir un certain
nombre de personnes, surtout de celles qui sont parvenues
à ràge de raison : ce n’est pas peu de chose que de venir à
quinze, vingt ou trente ans s’asseoir sur les bancs de l’école
pour y apprendre humblement à lire mot après mot, ligne
après ligne. A supposer qu’on en ait le désir, que d’objections
à écarter avant de faire le premier pas ! — Et du soir où l’on
a commencé que de soirs à compter encore pour arriver à lire
tout seul sa petite page I — Ajoutons à cela le manque de
temps, la distance, la fatigue , d’autres difficultés encore, et
nous aurons lieu de nous louer plus que de nous plaindre du
zèle avec lequel notre jeunesse accourt à l’école.
Quand il n’y aurait que cet élan ; que le plaisir intellectuel
venant après une journée de travail machinal, nous croirions
avoir obtenu déjà un bon résultat ; car nul n’ignore ce qu’une
intelligence en éveil peut prêter de ressources sait à l’âme,
soit au corps. Bien plus : l’impulsion une fois donnée, le
mouvement se propage, et il se produit autour de l’école,
dans le public et dans les familles toute une préoccupation
dans le même sens et d’un effet très-salutaire. C’est ainsi que
plus d’une personne désireuse de s’instruire elle aussi paye
un maître à domicile. Mais ce résultat général n’est pas le seul ;
à force de persévérance on finit par arriver à lire et à éerirè
tolérablement:'Or l’écriture et la lecture c’esbavecle calcul.
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le gland instrument de toute culture intellectuelle, sans compter
ce que peuvent y gagner la conscience et la volonté.
Si nous nous laissons aller à rappeler ainsi des choses connues de chacun, c’est parceque nous souhaiterions de voir
les écoles pour adultes se multiplier dans nos Vallées, et cela
n’importe sous quelle forme. Partout on s’effraie de la masse
de l’ignorance qu’on va découvrant ; partout aussi l’on s’efforce
d’apporter à cette maladie des peuples quelque remède, et
l’on s’évertue à faire jaillir au moins quelques étincelles dans
l’immense obscurité. La France, par exemple, qui n’est certes
pas avancée en fait d’instruction primaire, comptait, il y a
plus d’un an, déjà vingt quatre mille écoles d’adultes. L’Italie
à son tour pour ses dix à quinze millions d’illettrés, non compris les enfants, en avait trois mille, toutes dans une vingtaine
de provinces seulement, auxquelles on pourrait en ajouter
trente nouvelles, destinées à former des maîtres.
Témoins d’un si beau mouvement, les habitants de nos
Vallées vaudoises ne voudront pas rester des plus arriérés,
eux pour qui l’ignorance est plus encore qu’un malheur, et
savoir lire presqu’un devoir religieux. On ne viendra pas nous
dire que le nombre des illettrés est insignifiant parmi nous ;
sans proportion avec celui qu’on a constaté pour l’Italie en
général, nous le croyons toutefois encore plus fort qu’il ne
devrait l’être avec les moyens d’instruction dont nous pouvons
disposer. — Une statistique détaillée et scrupuleuse desVaudois
adultes, capables de lire assez couramment pour le faire avec
fruit, pourrait seule nous apprendre où nous en sommes à cet
égard. On se connaît mal soi-même, tant qu’on ne s’est pas
conscienscieusement examiné. L’Italie, avant la statistique
du Baron Natoli, se-serait offensée qu’on l’eût placée plus bas
que l’Espagne sur l’échelle de l’instruction populaire ; elle
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est bien revenue de son illusion ! Nous n’avons pas à craindre
pour nos communes des résultats aussi humiliants ; mais ils
pourraient bien nous étonner encore. A La Tour, par exemple,
l’un des endroits les plus privilégiés de nos Vallées , on trouve
un fonds d’ignorance qui dépasse de beaucoup ce que nous
eussions pu croire ; et si, comme c’est le cas en Islande et dans
tel autre pays du nord, le mariage était défendu à quiconque
ne sait pas lire et écrire d’une manière satisfaisante, nous en
verrions des célibataires malgré eux ! — Mais passe pour le
mariage entre ignorants ; ce à quoi nos vingt neuf ou trente
communes plus ou moins vaudoises ne doivent absolument
pas se résigner, c’est à voir le nombre des personnes illettrées
rester dans leur sein ce qu’il est encore maintenant. La commune doit l’instruction élémentaire à tous ceux de ses ressortissants qui sont en état de la recevoir, et plus la commune
est petite, plus le devoir est grand, parcequ’il est plus facile.
Que si l’on préférait ne point entendre parler d’obligation,
tout au moins nous permettrait-on d’aiTirmer que la commune
est profondément intéressée à ce que parmi les habitants de
son ressort il n’y eût pas un homme, pas une femme qui ne
sût lire, écrire et compter couramment.— L’ignorance produira
l’ignorance, et cette rouille, en enlevant toute vigueur à la
population, coûtera plus cher, à la longue, que toutes les
écoles du soir et du jour. — Un ministre de l’instruction publique , Berti, l’a remarqué ; l’une des grandes misères de
l’Italie c’est le manque d’intelligences productives. — En
sommes-nous pourvus nous-mêmes autant qu’on pourrait le
souhaiter ? Sont-elles nombreuses parmi nous les intelligences
qui travaillent et produisent? On voit des bras qui bougent,
des pieds qui se meuvent, des corps qui s’inclinent et qui se
relèvent ; mais U faut chercher passablement pour trouver
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un esprit éclairé au service d’une volonté énergique. Et pourtant un peu plus d’intelligence en mouvement, et voyez ce
qu’y gagnerait notre agriculture avec notre imperceptible
industrie , pour ne point parler de ce que perdraient nos
auberges. On nous dira qu’avec les manufactures et les machines que nous avons il suffit de quelques intelligences pour
conduire des centaines d’ouvriers ; nous répondrons que même
en face d’une machine qu’il doit suivre et servir, l’ouvrier
intelligent doit valoir mieux que l’ouvrier stupide ou n’ayant
de ressources que dans ses yéux et dans ses doigts. Nous ne
prétendons pas qu’il suffise d’éclairer les intelligences pour
les rendre productives ; mais le caractère le mieux trempé,
s’il est privé de tout secours intellectuel, demeure incapable
de la moindre initiative, et finit comme toutes les forces
aveugles par se soumettre humblement à ce qu’il appelle
la nécessité. Or si la communauté ne vaut que ce quevalentles
individus qui la composent, on peut se figurer ce qu’elle
devient quand l’ignorance y abonde.
Mais peut-être que nous prêchons à des convertis. Depuis
deux années la municipalité de La Tour vote une partie de
l’argent nécessaire pour faire donner de leçons aux personnes
grandes et petites que leurs occupations empêchent de profiter des écoles ordinaires. Telle manufacture à son tour cède
une heure par semaine aux ouvriers désireux de fréquenter
les écoles du soir, ou fait venir chaque jour (1) dans la fabrique
même un maître pour les plus jeunes. Voilà donc un bon
commencement. Doit-on croire que nous n’aurons là qu’une
exception? Certainement pas. Sous une forme ou sous une
(1) Nous apprenons que M'' Gaddum , propriétaire de la filnUire de S. Ciò,
a bien voulu l'aider. par un don en argent, à courir les frais de nos deux
écoles du soir.
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autre, toutes les communes des Vallées voudront, pour ce
qui les concerne, fournir à leurs adultes illettrés les moyens
de remédier autant que possible à leur malheur présent ou
à leur négligence passée. — Elles feront mieux encore : quand
elles auront donné l’instruction à qui la sait apprécier, elles
iront chercher les renitents qui n’en veulent point. C’est le
bel exemple que donnait, il y a moins d’un an, la ville de
Bologne (1). — C’est ce que sauront faire également nos communes vaudoises, quand elles y seront sérieusement invitées.
Sans doute elles n’ont pas attendu jusqu’ici de s’occuper de
leurs écoles, et ce n’est pas nous qui ferions peu de cas des
sacrifices qu’elles s’imposent chaque année au profit de l’instruction populaire ; mais il est permis de souhaiter encore
que, tout en continuant à donner leurs soins à l’enfance,
les communes veuillent prendre en même temps la ferme
résolution de ne plus s’accorder de repos qu’elles n’aient
réduit à zéro le nombre de leurs illettrés.
Ce que nous demandons à la Commune, nous ne craignons
pas de le demander avec plus d’instance encore à chacune
de nos églises vaudoises. Encore ici gardons-nous de méconnaître ce qu’a fait notre église en faveur de l’instruction ; soit
par elle-même, soit par ses amis chrétiens, elle a multiplié
les écoles au point de rendre inexcusable quiconque est
demeuré ignorant ; mais le bien qu’on a fait ne dispense
pas de celui qui reste à faire j surtout quand on est éloigné
d’avoir atteint, nous ne dirons pas la perfection , mais seule
^ ' m '!■
(1) Ayant constaté qu'il n y avait clans sa circonscription pas moins de quatre
mille familles qui n’envoyaient point leurs enfants aux école.s élémentaires de la
ville, la municipalité de fJoIopne eut la charitable idée de nommer pour chaque
district une dame, qui s'aidant d autres personnes disposées é partager sa noble
tâche, irait de maison en maison supplier les parents de ne pas laisser croupir
dans l’ignorance leurs enfants, quand il y a tant de moyens de les instruire.
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ment la simple convenance. On a de la peine à concevoir
cpi’un homme ou une femme puissent ótre admis comme
membres d’une église évangélique , sans être en état de lire
leur Bible ; et pourtant cela s’est vu et se voit encore tous
les jours, tant on met de soin à ce que nul n’échappe au catholique enrôlement. — Qu’on ne dise pas qu’un homme
peut être un parfait chrétien tout en étant un parfait ignorant :
il nous répugnerait de l’admettre. — Qu’il soit possible d’arriver à la connaissance de l’Evangile avant de savoir lire ,
nous l’accordons; mais alors un des premiers devoirs du
néophyte c’est de se mettre à même de se nourrir Journellement de la Parole sainte, sans autre secours que celui de
ses propres yeux : l’obligation de se faire introduire dans
l’église n’est pas plus pressante que celle-là. Nous avons connu
telles personnes qui, passées tard des ténèbres à la lumière ,
n’ont pas craint d’apprendre à lire à l’âge de quarante ans,
pour n’être point comme des aveugles devant les saintes
lettres. — 11 ne tiendrait qu’à l’église que des faits de ce
genre fussent beaucoup plus fréquents. — Elle s’y prendra
comme elle voudra ou comme elle pourra ; mais tant qu’elle
aura des illettrés volontaires parmi ceux qui se réclament de
son nom, nous ne pouvons nous empêcher de croire qu’il lui
reste une grande tâche à remplir. Et si en parlant de la commune nous avons pu nous borner à dire qu’elle est profondément intéressée à ce que chacun sache au moins lire couramment , quand il est question de l’église, nous croyons
pouvoir affirmer sans réserve qu’il y a là pour elle un vrai
devoir, un devoir religieux.
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E V AIV OELIS ATIOIV
l,e Dr Ciutlirle. On se rappelle , nous n’en doutons pas , les efforts couronnés de succès par lesquels les amis de l’évangélisation
italienne en Ecosse, le Gulhrie en particulier, sont parvenus
à créer en faveur de l’œuvre de notre Eglise une puissante coopération
représentée par la Waldensian aid Society. Ce mouvement s’est poursuivi,
cette année même , en Angleterre ; et le 13 mars p. p. a eu lieu ,
aux Willis’s Rooms à Londres , ce que les Anglais appellent d’un mot
italien une conversazione, où, en présence d’une nombreuse et brillante assemblée que présidait l’honorable A. Kinnaird, le D” Revel et
le D'' Guthrie ont successivement attiré l’attention sur l’Eglise Vaudoise
et sur l’œuvre de Dieu qui s’accomplit par son ministère en Italie.
Nous ignorons encore le résultat définitif de cette campagne , mais
nous ne doutons pas qu’elle n’ait déjà amené la fondation d’une
Waldensian Aid Society,
Procès itibetti. Pour un discours prononcé sur le cimetière de
Livourne , aux funérailles de quatre jeunes gens victimes de la trop
fameuse journée de Mentana, le procureur royal de Livourne avait
intenté un procès à l'Evangéliste Ribetti , en vertu de l’article 137
du Code Pénal Toscan , qui punit les moindres attaques contre la religion de l’Etat par cinq ans ou plus de travaux forcés. Quoi , direzvous , sommes-nous bien en Italie , et n’avons-nous pas rêvé d’être
les sujets de Victor-Emmanuel, que des lois édictées par un féroce
principicule intitulé Grand-Duc soient encore en vigueur et puissent
menacer aussi sérieusement la liberté religieuse ? En quoi donc consistait le crime de M*' Ribetti ? On l’avait invité à parler; il n’était
pas homme à refuser l’invitation ; et dans son discours , publié sans
obstacle à Florence et jugé par le fisc, de la capitale parfaitement
innocent , il appuya sur ce que le pape n’est qu’un prétendu Vicaire
de Christ , pour démontrer que le seul mbyen d’aller à Rome et
d’y rester serait de rompre avec le papisme et de retourner à l’Evangile.
Le procureur fiscal de Livourne, infiniment plus zélé que son collègue
de Florence , s’ émut à l’ouie de ces deux propositions ; et s’il eût
réussi à envoyer notre ami M’’ Ribetti aux galères, nul doute, dit l’Fco
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délia verità (du 11 avril) qu’on ne l'eût, de son vivant, canonisé. Mais
la Cour d’Appel de Lucques a été beaucoup plus raisonnable : M' le
Commandeur Cesarini , Procureur-général , demanda et obtint sans
peine une déclaration de non-lieu qui a remis, hommes et choses ,
à leur place naturelle.
Une pedilón nu Parlement. Le 8 mars était à la Chambre
des Députés la journée des pétitions. Dans le nombre de ces recours
individuels ou collectifs il y en a toujours qui méritent l’intérêt. Nous
avons surtout remarqué celui de cette famille palermitaine qui réclame l’exemption d’une redevance à laquelle elle est obligée envers
le domaine.
Quelle est l’origine de cette redevance? Celte famille paie une
somme annuelle jau domaine pour les frais du procès de Sœur Gertrude , brûlée vive par ordre du Saint-OfRce de Palerme en l’année
1724 L’histoire est fameuse dans les annales italiennes du midi. La
voici telle que la raconte Colletta ;
• En l’année 1699, furent mis au procès par le Saint-Office de Palerme, frère Romuald, laïque augustinien, et sœur Gertrude, religieuse
de saint Benoît; celui-là pour quiétisme, molinisme, hérésie-, celle-ci
pour orgueil, vanité, témérité, hypocrisie. Tous deux sorte de fous... Les
saints inquisiteurs et les théologiens du Saint Office avaient disputé
plusieurs fois avec ces malheureux, qui, obstinés comme des fous,
répétaient leurs hérésies.
t Enfermés en prison, la femme pendant 25 ans, le frère pendant
18, ils supportèrent les tourments les plus cruels, la torture, le fouet,
la faim, la soif, et enfin arriva le moment désiré du supplice. Les
inquisiteurs les avaient en effet condamnés à mort. La sentence
louait la douceur, la mansuétude, la bénignité des saints inquisiteurs,
et en regard de tant d’humanité, elle faisait ressortir la méchanceté,
l’irréligion, l’obstination des deux coupables. On insistait aussi sur
la nécessité de maintenir la discipline de la sacro-sainte religion
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catholique, d’éteindre le scandale et de satisfaire l’indignation des
chrétiens.
« Le 6 avril 1724 sur la place Saint Erasme, la plus grande de la
■cité de Palerme , le supplice fut préparé. Au milieu était une croix
blanche, et de chaque côté, un bûcher haut de dix brasses. Des tribunes , richement ornées , s’élevaient en amphithéâtre en face de la
croix. Au milieu de ces tribunes , un pavillon plus élevé, orné de
velours et dorures , était réservé au vice-roi, à l’archevêque. aux inquisiteurs. au Sénat, au clergé, à la noblesse, aux dames de la ville.
«Dès l’aube les cloches sonnèrent; puis vinrent les confrères, les
moines.
• Vers deux heures après midi, la faim ayant saisi tout le monde,
on se mit à manger ...
Parmi ces festoiements parut la première la malheureuse Gertrude,
liée sur une charrette , couverte d’ignobles vêtements , les cheveux
épars , ayant sur la tête un grand bonnet de papier sur lequel était
son nom parmi des flammes infernales....
• Frère Romuald venait ensuite... — On avait obligé 26 prisonniers
de l’inquisition à assister au supplice ..
» La malheureuse étant demeurée seule sur l’échafaud, la flamme
commença de lui brûler le dessous des pieds , et ses gémissements...»
Mais en voilà bien assez, diront nos lecteurs avec l’Italie du 9 mars,
à qui nous empruntons cet extrait de l’histoire de Colletta. Nous ne
saurions dire au juste en quoi consistaient cette hérésie et cette témérité qui valurent à ces deux victimes de l’Inquisition une mort si
affreuse ; l’historien n’y voit lui-même qu’une obstination insensée.
Mais ce sont là les crimes dont on accuse d’ordinaire les amis de
l’Evangile, et nous nous sentons pénétrés d’un vrai respect pour toute
folie ou témérité qui après avoir pendant vingt cinq ans tenu bon
contre des tortures à vous donner, le frisson, finit par soutenir les
hérétiques jusque sur le bûcher.
F-AITS I>IVER,S
larnélitea en Koiinuiiiic. Ce n’est pas la première fois
qu’on entend parler de la malveillance des Roumains envers les
Israélites ( V. L’Echo du mois d’août 1867)! Etablis dans lés provinces
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danubiennes au nombre d’un demi million', tandis qu’il y en avait à
peine vingt-cinq mille en 1828 , ces enfants d’Abraham vont s’accroissant et s’enracinant dans ces contrées à tel point que la population roumaine en a pris peur tout de bon; commerce et industrie,
communes urbaines et communes rurales, le juif a tout envahi ,
sans que les maîtres du pays soient capables d’exercer sur cette
minorité conquérante la moindre influence salutaire. — Cette prospérité des juifs paraît d’autant plus menaçante à leurs ennemis que
du propre aveu de ceux-rci, elle coïncide avec la décadence morale et
matérielle de la société roumaine. — On pouvait s’expliquer cette
coïncidence d’une façon fort naturelle en se rappelant que là où sont
les corps morts, là s’assemblent les aigles ; les Roumains ont préféré
chercher la cause de l’état de dissolution où ils sont tombés, dans
ce qu’ils appellent l’irruption des juifs , l’effrayante « invasion des
C’est du moins ce que font les 31 députés , le président de la
Chambre en tête, qui n’ont pas craint d’apposer dernièrement leur
signature au bas d’un document digne tout au plus d’être placé dos
à dos avec tel édit que pourraient indiquer les Vaudois. A entendre
ces députés qui ont la naïveté de se croire tolérants, la seule mesure
à prendre pour avoir raison de ces juifs qui leur fout ombrage, c’est
de les mettre poliment au ban de la Roumanie ; et certes , à moins
de leur interdire l’eau et le feu, le projet de loi des trente un ne pouvait être plus sauvage. — Défense aux juifs d’acheter en Roumanie,
— défense de posséder aucun immeuble, — défense de tenir
en ferme , ni hôtel, ni vignes , ni étables , ni même un moulin ;
— défense de vendre comestibles ni boisson pour les chrétiens;
ordre aux, autorités locales de les déclarer vagabonds , puis de
les expulser comme tels. — Voilà quelques unes des dispositions
de ce projet de loi. — Jour l’honneur du temps où nous vivons
l’opinion publique s’est émue à la lecture d’un tel document: la
presse a stigmatisé celte aberration morale, quelques gouvernements,
du nombre desquels est le nôtre, ont fait des observations à celui
de Bnkarest,' et le danger , pour le moment, paraît conjuré. Pour le
moment, disons-nous, car on annonça des vexations contre les juifs
à Jassyi,)capitale de Moldavie, et l’on peut tout craindre d'un pays
iqui a pu trouver trente un députés pour signer un Rapport et un
projet de loi comme celui qu’a publiés l’Jialie du 9 avril 1868.
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LMÎnmlne en 190S. Les églises vaudoisesoDldernièremeDt célébré
leur jeûne annuel du vendredi saint. Quand cette privation volontaire
et momentanée n’aurait pas eu d’autres résultats, elle aura du moins
fait sentir à plus d’une personne ce qu’il en serait de nous sans ce
pauvre morceau de pain qui nous est donné chaque jour. Notre reconnaissance envers Dieu serait plus vive encore si nous savions ce
qu’on a souffert de la disette depuis quelques mois en divers pays.
Que parlons-nous de disette ? c’est la famine qu’il faut dire , et la
famine avec tout ce qui l’accompagne. Laissant de côté ce que les
journaux ont rapporté de la misère dans la Prusse orientale et dans
quelques régions de la Russie , voyons seulement ce qui se passe
dans l’Algérie française.
Là une famine affreuse et comparable seulement à celle d’Orissa
dans riude en 1866 , exerce ses ravages au sein de la population
mahométane. Arabes et kabyles quittent leurs foyers pour aller çâ
et là chercher quelque moyen de soutenir leur vie défaillante , et
chaque matin l’on trouve le long des routes ou dans les rues des
villes les corps inanimés dos malheureux qui ont succombé aux
étreintes de la faim. — Quant aux scènes de cannibalisme auxquelles
donne lieu cette famine , c’est à peine si l’on ose y croire , tant
elles sont horribles ; ce dont il est impossible de douter , c’est la
mortalité causée par le défaut de nourriture : déjà au milieu du mois
de mars ou évaluait à 200 mille, — ce qui équivaut à 10 fois la population Vaudoise, — le nombre des Arabes morts de faim dans cette
partie de l’Afrique. Que sera-ce d’ici à la prochaine moisson qui n’aura
lieu qu’à la fin de juin ? — En attendant il se fait des collectes dans
toute la France au profit des affamés de l’Algérie, tandis que là bas
catholiques et protestants rivalisent de zèle pour le soulagement de
tant de misère.
Encore un Concordat qui prend fin. Tandis que la papauté
menace de relever la tête en Occident, elle semble au contraire perdre
du terrain dans l’Europe orientale et centrale. — En décembre 1866,
c’était la Russie qui brisait ses relations de vingt ans avec la Cour de
Rome ; quelques mois auparavant le colosse papal avait reçu à Sadowa
un tel ébranlement qu’il s’en ressent encore aujourd’hui. — A peine
remise du coup étourdissant qui l’avait un instantterrassée, l’Autriche s’est
aussitôt occupée de rechercher la cause première de sa faiblesse, et
elle n’a point tardé à la trouver dans les fatales concessions qu’elle
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avait faites à la papauté pav son trop fameux Concordai de 1855 —
Au 21 décembre 1867 une constitution très-libérale était rédigée , et
l’empereur François-Joseph lui donnait par sa signature force de loi
fondamentale dans tout l’empire , au grand étonnement du monde civilisé , qui n’avait jamais parlé qu’avec ironie de • la liberté comme
en Autriche •. Ce n’était pourtant là que le commencement. A partir
du 21 mars dernier, le cabinet de Vienne, la Chambre des Seigneurs
et celle des députés n’ont fait que nous préparer surprise après
surprise en votant, sans le moindre égard pour le concordat, un
jour la loi sur le mariage civil, un autre jour la loi qui enlève l’instruction primaire à la tutelle du clergé , plus tard encore la loi qui
défère à la jurisdiction du jury les délits et crimes de la presse ,
enfin , et mieux que tout cela, une loi qui proclame en Autriche la
liberté des cultes. C’était plus que le clergé d’Autriche ne pouvait
supporter, plus qu’il n’eût jamais osé craindre. Sa colère fut immense,
elle éclata. Battus à plate couture dans la Chambre des seigneurs ,
les cléricaux déclarèrent, gros de menaces, qu’ils ne prendraient
plus part aux délibérations qui louchaient au concordat.
Quelque temps après, quatorze prélats ou princes de l’Eglise, comme
ils s’appellent humblement, écrivirent au président du Conseil pour
lui faire leurs plaintes; mais la réponse ne fit guère que les exhorter
à patience. — De son coté le Vatican fait mine de vouloir forger
ses foudres. Mais tout fait espérer que lui aussi finira par y perdre
son latin; car, ainsi que l’aurait dit le baron de Beust au nom du
pape , si à Rome on ne peut rien contre le concordat, à Vienne
l’on ne peut rien pour; la conclusion de tout cela c’est que le concordat aura fait son temps et que plus de trente millions d’âmes vont
passer de la servitude religieuse la plus dure , à une liberté trèssufifisante pour quiconque voudra servir Dieu selon sa parole. « Après
läge de quatorze ans accomplis, dit l’art. 4 de la loi votée le 4 avril,
chacun a le droit de choisir librement sa religion suivant sa propre
conviction , et les autorités doivent, au besoin , proléger ce libre
choix ».
lieMlMiionimireI.lviii|eatone. Contrairement aux bruits .’qui avaient
coui'u 1 année dernière de la mort du docteur Livingstone, on apprend
maintenant que le savant missionnaire poursuit ses explorations dans
l’intérieur de l’Afrique. — Les nouvelles reçues à ce sujet par la
Société royale de géographie de Londres , paraissent parfaitement
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rassurantes. Leur seul défaut est de porter une date un peu trop
ancienne , le messager à qui Livingstone les avait remises ayant dû
employer près d’une année à faire son périlleux voyage. On a pourtant tout lieu d’espérer que du lac Tanganika où il était , l’apôtre
de l’Afrique poursuivant sa course du sud au nord ne terminera point
sa carrière avant d’avoir annoncé l’Evangile â beaucoup d’âmes et
ouvert de nouveaux champs â l'œuvre des Missions.
Nouvelles persécutions rellsieuses en Espagne. « Réprimer
et châtier » tel est, au dire du duc de Valence (Narvaez)(l) la tâche extrêmement simple du gouvernement espagnol. On sait s’il a tenu parole
dans la sphère politique. Mais c’est en religion surtout que l’Espagne
s’entend à réprimer et à châtier. Nul n’a oublié les longues souffrances
de Matamoros , mort dans l’exil il n’y a que deux ans. C’est 'aujourd’hui par un de ses frères que la persécution a recommencé. • En
février dernier , lisons.nous dans Yltalie du 15 avril , ün ordre royal
fut adressé au gouverneur de la province de Malaga , enjoignant aux
autorités tant civiles qu’ecclésiastiques de s’entendre pour nommer
dans leur sein une commission chargée d’avoir l’œil sans relâche sur
les auteurs de la propagande protestante et sur le dépôt de livres
protestants répandus avec une grande abondance dans quelques contrées de l’Espagne voisines de Gibraltar (qui appartient aux Anglais),
et de les traduire, dans le cas où ils seraient découverts, devant les
tribunaux pour être jugés selon les lois de la nation ». L’ exécution
ne se fit pas attendre. Dès le même mois Matamoros eut une visite
de la police , qui dut s’en retourner comme elle était venue , n’ayant
rien trouvé de ce qu’elle cherchait. — Le 4 mars nouvelle visite à
M' Julien de Vargas , un instituteur bréveté qui dirigeait une école
nombreuse et fiorissante. — ün Nouveau Testament ayant été saisi ,
ce fut assez pour que, la nuit du 11 mars, ou vînt enlever le
pauvre instituteur à sa famille et à son école pour le conduire aux
prisons de la ville. — « Son premier interrogatoire, qui a duré plus
d’une heure , ajoute le même journal, a roulé sur son enseignement,
dont il a rendu compte comme instituteur , et sur ses opinions personnelles en religion, ‘qu’il a exposées'selon l’Evangile». — Quand
sortira-tril de sa prison ? — Dieu le"sait ; mais les chrétiens en pareille circonstance ont leur devoir tout tracé. • oi
(1) Naryaez vient de mourir sous le poids de la bénédiction et de l’absoltitipn
papales.
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Le« Conci^ffAtlons Catltollques de France« D’après la Croix du
t1 avril 1868. le nombre total des religieuses de France, s’élevait
en 1861 à 90,343 , dont près de 59 mille vouées à l’enseignement;
plus de iO mille aux devoirs hospitaliers ; 8095 à des devoirs purement religieux (contemplatifs), et 3073 dirigeant des maisons de
refuge ou instituts agricoles pour des enfants.
Les communautés d’hommes comprenaient 17,777 religieux , dont
près de 12 mille voués à l’enseignement , sans compter les 490 qui
dirigeaient des maisons de refuge ou instituts agricoles pour les enfants ; 390 étaient voués aux devoirs hospitaliers , et plus de deux
mille à des devoirs purement religieux ou contemplatifs.
Le nombre des religieux des deux sexes étant ainsi de 108,119,
il y a sept ans , c’était un religieux pour 346 habitants. Ajoutez à
cette bagatelle ce que peut donner pour son contingent le clergé séculier , et vous aurez pour l’armée du pape en France . un chiffre
très-respectable.
Le clergé régulier est distribué dans quatorze mille maisons, à peu
près , dont deux mille environ sont occupées par les hommes.
très Juifs de Jërusniem. L'almanach de Jérusalem pour 1863 ,
porte pour cette année à neuf mille le nombre des Israélites établis
dans cette ville.
VALLEES VATJLOISES.
BKIsstons à l’ëtranger. Voici le montant des coutributions et
collectes des paroisses pour 1867;
1. — Angrogne: Paroisse . . . . Fr. 75 00
10 00
2. — Boby...................... 18 45
3. — La Tour .Paroisse .... 63 00
Société du filage ....
, Paroisse ....
i Don de G. Mus ton en souvenir
par ) de son fils .
M. B. Malan jSouscription de l’Ecole de filles
i De la Directrice de l’orphelinat
\ (travaux des orphelines) .
10 00
10 00
17 00
A rapporter Fr, 203 45
16
— 64 —
Rapport Fr. 203 45
La Tour Vente , par M“® L. Malan . . 210 l'û
» Société de travail, par M”® Chambeaud 40 00
» Par M®® Caroline Malan ( sou hebdom). 54 00
4. — Hassel . . ,.................... 26 00
5. — Mancille....................................... 18 00
6. — Périer ........ 6 00
7. — Pomarel...................................... 40 00
8. — Praly ....................................... 12 50
9. — Pramol . .......................... 18 35
10. — Prarustin.................................... 35 00
11. — Rorà 25 00
12. — S* Germain . . , . . . 43 07
13. — 5* Jean-. Collectes au temple . . . 59 63 1
• Id. à l’Ecole du dimancbe . 18 60( q/ 70
» Id. au Ciabas . . 14 SOI
» Don de Rivoire . . . . 2 00;
» Collecté par David Lantaret . 30 00
14. — Turin ..................................... 262 63
15 — Villar ................................... 107 20
16. — Villesèche .... .... 20 75
Total Fr. 1246 68
Visite Pastorale. Dimancbe, 19 avril , à 2 b. p. m. a eu lieu
â La Tour la continuation de la visite pastorale dont nous avons
parlé dans notre précédent numéro. — Présidée par un délégué de la
Table, M‘' le Mod'' adjoint E. Malan, l’assemblée électorale a été invitée
d se prononcer sur une question spéciale, â savoir sur l’application
qu’il convenait de faire du revenu de l’immeuble des Coppiers. Après
une longue discussion , il a été décidé par 22 votes sur 33 que le
pasteur continuerait, comme par le passé, â jouir de ce revenu, que
d’autres eussent désiré appliquer en tout ou en partie aux besoins
très-réels de l’instruction. — Qnand on songe que le nombre des
électeurs inscrits dépasse le cbiffre de 200, on se dit, non sans raison ,
que l’opinion de la paroisse demeure à peu-près inconnue, et qu’il
n’y a pas de quoi se réjouir d’un aussi mince résultat
Pignerol, J. Chiantobb Impr.
H. Jahier Gérant.