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i' année
Octobre 1866.
N.o lO.
L’ÉCHO DES VALLÉES
—(XOI VELLE SÉRIE)—
Que toutes; les choses qui sont véritables. occupen.
vos pensées — ( PhtUppiens., IV. 8. )
SOMMAIRE — Un devoir à accomplir. — J. Jalla, Notice Biographique. — Gianurcs.
Nouvelles locales.
UN DEVOIR A ACCOMPLIR
.\ous avons (lernièreincnt essayé do rapijoler à nos Eglises
^ aiidoi.ses le devoir depuis si longtemps négligé de recourir
pour h'ur entretien à la libéralité de leurs propres membres.
Nos prétentions n’avaient, croyons nous , rien tpic d’assez
modeste : au lieu de commencer, comme nous faisons maintenant , par chercher au dehors l’argent qu’il nous faut pour
couvrir nos dépen.ses , tout en nous réservant d’y concourir
pour quelque cho.se à notre tour, il nous semblerait plus juste , sinon plus naturel, de renverser les rôles en disant : c’est
à nous de faire premièrement nos efforts pour nous suffire à
nous-mêmes , quittes à crier ensuite au secours, si nous ne
pouvons absolument satisfaire à toutes les obligations que le
devoir nous impose.
On ne dira pas que tout se réduirait alors à une affaire de
temps et de méthode, et partant à quelque chose d’assez
indifférent. — Quoique « la promptitude » et même un peu
de cette jalousie qu’on appelle du zèle ne fussent point déplacés en cet endroit, il est bien vrai cependant que l’essentiel n’est pas de savoir qui donnera le premier , mais qui doit
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avoir la responsabilité, le souci. — Or de cette salutaire inquiétude nos Eglises, dans la masse de leurs membres, en
ont trop fait jusqu’à présent le privilège exclusif de leurs représentants ou de leurs amis. — Quant |à la méthode , pourquoi serait-elle si mal reçue en cette affaire? Lorsque au lieu
do mettre le char devant les bœufs , vous vous obstinez à
conduire autrement votre attelage, que faites-vous sinon
d’accorder vos préférences à une méthode plutôt qu’à une
autre ? — La chose n’est pourtant pas si indifférente.
Elle l’est même si peu que déjà l’on y voit une innovation.
Grand malheur assurément pour la cause que nous entreprenons de défendre ! car lorsqu’une chose est nouvelle , c’est
bien connu , elle est toute jugée. — Le peuple n’aime pas
les réformes, et voulût-on le délivrer d’un joug ou d’un fléau,
s’il s’y est une fois habitué, il tient à laisser la nature suivre
son cours, et vous ôtes mal venus à parler de délivrance ou
d’amélioration. — Qu’il soit la victime de l’ignorance , de la
l'oufinc , ou du despotisme, il vous répondra invariablement
qu’on a toujours vécu ainsi et que le monde est trop vieux
pour changer. — Que sera-ce quand on viendra parler à nos
gens de sacrifices à faire, de soucis à ajouter à leurs soucis?
Ce n’est donc pas de sitôt que nous arriverons à persuader
à notre monde que le changement que nous proposons n’est
autre chose qu’un retour à la pratique de nos ancêtres, et
que la vraie innovation est dans le systêrne que nous suivons
depuis quelque cent ans. — Mais prenons patience 1 Ce qui
était nouveau hier, l’est déjà moins aujourd’hui , et le sera
moins encore demain. — L’important est de parler et d’agir
à mesure qu’on arrive à la conviction d’un devoir, — et le
meilleur moyen de prouver, le mouyement c’est toujours de
marcher.
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Il n’y a guère mieux à faire avec ceux qui accusent nos
réformes de manquer d’opjwrhniité. — A quoi bon, semlilet-on vouloir dire , à quoi bon demander aujourd’hui le concours régulier de nos Eglises? — Sait-on si elles manquent
du nécessaire ? Y a-t-il un lieu de culte , une école à bâtir
ou à réparer? Le pasteur ou le régent sont-ils mal logés,
insuiTisamment rétribués? — Qu’on nous le dise , et nous verrons ce qu’il peut y avoir à faire ; Jusque là , inutile d’irriter
nos populations en leur imposant de nouvelles charges.
Nous pourrions répondre à cela qu’il a y toujours opportunité à l’accomplissement d’un devoir. — Or l’obligation pour
chacun d’accepter individuellement sa part des charges de la
société à laquelle il veut appartenir est devenue tellement
étrangère à notre vie religieuse qu’il y aurait tout avantage
à revenir à cet égard, comme à quelques autres, aux vieilles
habitudes des Eglises Vaudoises et à commencer aujourd’hui
même plutôt que demain.
Mais est-il bien vrai que nos Eglises soient dans l’abondance au point de ne manquer de rien , ou de si peu de chose
qu’il soit indiscret de penser môme à les importuner? —
D’autres pourront le croire et s’en réjouir ; quant à nous notre crainte est qu’ils ne se trompent grandement. — Qu’on
regarde au culte ou à l’instruction , aux œuvres de bienfaisance ou à l’œuvre missionnaire, jamais nous n’avons eu
de besoins plus urgents, jamais nous n’avons plus demandé
à nos bienfaiteurs ni autant reçu d’eux ; jamais peut-être
aussi nos amis ne se sentirent plus fatigués de nos interminables appels à la charité chrétienne. — Nous-mêmes nous
sommes devenus moins faciles ; il n’y a guère plus que les
pasteurs qui continuent à se contenter des mêmes honoraires
qu’autrefois ; encore pourrait-on voir déjà quelque exception,
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et il n’y a pas jusqu’aux plus modestes qui ne demandent à
pouvoir dormir à l’abri sans recourir au parapluie. — Bien
plus ! Ceux-là même qui seraient disposés à trouver que les
biens abondent dans nos Eglises , sont les premiers à diriger
prudemment leurs enfants vers des carrières plus lucratives,
et s’il reste encore des jaloux, il est certain que le nombre
des imitateurs va diminuant à vue d’œil. C’est faire un sacrifice par le temps qui court et aux yeux d’un grand nombre ,
que de mettre son enfant sur la voie d’être un jour pasteur,
professeur , ou maître d’école , — même on dirait quelquefois qu’il y a pour plusieurs une sorte de dévoûment à se
laisser aider pour continuer des études un peu sérieuses.
Aussi l’ami le plus indulgent s’étonne-t-il quand on lui dit
que toutes nos écoles sont gratuites, et que l’étudiant du
Collège pour faire balayer son auditoire, pour acheter son
bois et pour allumer son feu, ne paye que la bagatelle de
dix francs, tandis que d’autre part il en peut aisément obtenir vingt fois plus à titre de bourse ou subside. — Et que
dirait-il s’il saAait que pour l’entretien même,de nos établissements d’instruction supérieure , — pour ne parler que de
ceux-là , — le Synode ne reçoit pas un centime de nos Eglises comme telles ? Faut-il blanchir nos parois, réparer un
pavé ou un toit, changer un banc , acheter un poêle , c’est
avec l’argent d’autrui qu’il faut y pourvoir. — Sur le tableau noir que nous devons à la charité de nos amis nous
écrivons, avec une craie qu’on nous a donnée, des mots que
doit effacer une éponge pour laquelle on a collecté au dehors. — C’est à peine si nous avnns laissé subsister le vieil
adage : « qui casse les verres les paie », tant nous nous sentons peu responsables des dégâts que peut causer un coup
de vent aux carreaux de nos fenêtres.
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Nous avons pris pour exemple un ou deux de nos établissements ; nous aurions pu tout aussi bien nous demander (pii
est à chargé de penser à nos orphelines, à nos Artigianelli
de Turin, à nos pauvres et surtout à nos malades. —Mais,
nous dira-t-on toujours , si l’on a jusqu’ici trouvé de ^l’argent
pour cela, si aujourd’hui même les sources de la charité
chrétienne ne sont point taries , quelle nécessité de recourir
à notre bourse avant le temps ? — Encore une fois , où est
l’œuvre en souffrance ?
Et c’est les yeux ouverts qu’on nous tient ce langage ! Eh
bien , nous demanderons à notre tour si même avec ce que
nous recevons si abondamment du dehors on croit que nous
ayons partout le nécessaire. — Nos écoles primaires ellesmêmes , qui nous intéressent de si près, ne laissent-elles
rien à désirer au point de vue du local, de l’ameublcmenl ?
— Le maître ou la maîtresse avec les dix , quinze , vingt
francs qu’ils reçoivent chaque mois , ont-ils bien ce que mérite leur travail, et quand ils se contentent de nous en donner pour notre argent , avons-nous fort à nous louer des résultats ? — Nous ne parlons pas du régent paroissial, pour
qui on a déjà fait quelque chose ; nous croyons néanmoins
que plusieurs de nos Eglises n’auraient rien à perdre à faire
encore mieux à l’avenir.
Que s'il nous fallait une dernière preuve de tout ce qui
reste à faire au milieu de nous, faute do ressources suffisantes , nous la trouverions toute prête dans les Rapports
que les Consistoires adressent chaque année à la Table et par
elle au Synode. — Si défectueux qu’ils soient, ces Rapports
oublient rarement de toucher à ce qui manque dans la paroisse.
— Les représentants des Eglises à leur tour ¡sont bien plus
souvent chargés de demander que d’offrir, tant il est vrai
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que les besoins, loin de diminuer, ne font que croître de
jour en jour.
Enfin , il est bon de ne point oublier que nous ne sommes
plus seuls aujourd’hui à frapper à la porte des Eglises du dehors ; les gens de notre espèce pullulent plus que jamais , et
il devient chaque jour plus difficile d’attirer l’attention sur nous
et nos œuvres. — L’opportunité pour nous de songer à nos
propres affaires, en y pourvoyant selon nos forces', nous paraît donc incontestable , et pour ne la point voir il faut ou
bien fermer les yeux à l’évidence , ou bien dire ouvertement
avec quelques uns que nous avons trop d’ouvrage sur le métier , et que nous péchons par excès d’activité.
J. JALLA
Nolice Biographique
Nous ne nous tf.nons point pour acquittés envers la mémoire d’un ami
aussi cher, par la courte notice nécrologique insérée dans notre dernier numéro. Nous devons à Jules Jalla une Notice Biographique, sinon
complète , du moins assez étendue pour qu’un souvenir précis et affectueux lui soit conservé dans VEcho des Vallées.
Notre tâche nous a été grandement facilitée par deux articles qui
ont paru successivement dans la Voice from Italy et VEco délia Verità;
l’article qu’on va lire n’en est cependant pas une reproduction.
Jules Jalla est du petit nombre de ceux qui ont commencé et achevé
leurs études préparatoires et leurs études théologiques dans l’enceinte
du Collège de La-Tour. Il n'a pas eu le privilège de se former à l’exercice du pastorat évangélique dans la capitale de l’Italie , et de boire
à la source du beau langage qu’une nouvelle génération de pasteurs
ne tardera point d’apporter dans nos alpestres vallées ; mais quoique
les circonstances aient poussé en Toscane notre Faculté de Théologie
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au moment même où Jalla terminait son triennium , nous pouvons
certifier qu’il n’avait négligé aucune des ressources mises à sa disposition, soit au Collège, soit dans sa propre famille, afin d’apprendre
à manier le flexible insti ument de l’idiome national. Il avait acquis,
et par son travail et par ses moyens naturels , une entente de la langue
italienne qui dut lui être d’un précieux secours au début de sa carrière si pleine de promesses et sitôt tronquée. Au reste , ce n’est point
de ce côté-là seulement qu’il se faisait avantageusement remarquer;
toutes ses études ont porté un même cachet de solidité et de sérieux,
et les épreuves annuelles lui valurent plus d’une fois la mention honorifique : Promu avec distinction.
Sa pensée , non moins que son imagination , se portait souvent avec
enthousiasme sur les perspectives que lui ouvrait la carrière d’Evangéliste. Mieux que cela; il fit, dans l’été de 1859, une tournée dans le
Val-Pragela, dont il rendit compte à l’administration ecclésiastique
en termes qui donnaient lieu d’espérer un succès réel, .si l’on avait
jugé à propos de faire un second essai.
Au terme de ses études , il partit pour l’Ecosse , où , à l’exemple de
ses prédécesseurs , il suivit les cours du Collège de l’Eglise Libre , à
Edimbourg II préparait en même temps une thèse , fruit d’une patiente
étude, sur r histoire et la critique de la Vulgate, travail essentiellement
polémique par où il préludait à des controverses qui ne furent pas
sans fruit dans son champ d’activité. .\u mois d’aoùt 1861 , il subissait , avec celui qui écrit ces lignes , ses dernières épreuves ; ensemble
ils furent examinés par le Corps des Pasteurs , et ensemble encore ils
reçurent à La-Tour l’imposition des mains. Peu après, Jalla fut appelé à desservir la station de Pignerol; il y prêchait en italien dans
la vaste chapelle que l’Eglise doit à la libéralité de M."' James Lenox
de New-york. Et nul doute que ce ne soit là sa véritable destination ,
au lieu d’être simplement le centre d’une population protestante fort
peu homogène , ou encore , la succursale d’une paroisse voisine. A
défaut d’une œuvre réellement missionnaire, Jalla dut, comme d’autres , partager son activité entre Pignerol, les quartiers voisins de Prarustin , et quelques fermes d’Osasco. Il y .avait pourtant un petit noyau en formation à Vigone , objet d’une vive sollicitude de la part du
jeune Evangéliste. Il se rendait dans cette localité très-régulièrement,
et je l’y ai moi-même accompagné un Dimanche de communion. Mais
alors nous ne pouvions nous défendre d’un sentiment de tristesse ; si
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les débuts de l’œuvre avaient été heureux et avaient promis uue moisson plus ou moins abondante, il n’en était plus de même en ce moment ; un ver rongeur avait passé par là ; un homme qui jouissait
d’une certaine influence et qui, comme le Diotrèphe de 2 Jean 9, ambitionnait la première place , se tint à l’écart, en entraîna d’autres
par son exemple , et la réunion naissante se trouva réJuite à une petite poignée de fidèles. Ils voulurent, ce soir-là , prendre la communion ; hélas! tel d’entr’eux ne savait point apparemment ce qu’il faisait , quoique Jalla, avec beaucoup de simplicité et de force , leur eût,
en un piémontois correct et élégant, représenté l’importance de l’acte
qu’ils allaient accomplir. Sauf l’exception dont nous venons de parler, c’étaient pourtant des âmes droites et ouvertes à l’Evangile.
Quelques mois après, Jalla quittait Pignerol pour Turin. Dans ce
■ nouveau champ de travail, ses facultés se développèrent, et son zèle
grandit. Il Jouissait surtout d’apporter l’Evangile là où la prédication
n’avait pas encore retenti- Une grande partie de son temps était consacrée à la petite ville de Ciriè, à huit ou dix milles de Turin. Il y
prêchait tous les Dimanches dans une chambre louée , en dépit d’une
forte opposition qui se traduisait souvent en menaces de mort. Il est
vrai que les ennemis de la vérité eurent en grande partie le dessus;
qu’ils réussirent à priver l’Evangéliste de tout local, à semer la discorde parmi les auditeurs de la Parole , et même à faire suspendre
la prédication ; mais le ministère de notre ami ¡n’a pas été stérile.
Plusieurs de ceux qui , par son moyen, ont trouvé la vérité , l’ont
hardiment professée au milieu d’une population hostile et fanatique,
et nous n’avons pas oublié ce que Jalla lui-même, au Synode de
1863 , a dit de réjouissant sur les fruits de l’Evangile dans les cœurs
de ces nouveaux convertis : esprit de renoncement, force d’âme, fidélité envers le Seigneur, foi et piété naïves, exemples contagieux
d’amour de Christ.
C’est à Turin que Jalla fit la connaissance de celle qui devait être ,
dans les voies de la Providence , sa compagne indivisible dans la vie
et dans la mort. Mademoiselle Joséphine Dolfus, native de Mulhouse
et catholique de naissance., servait en quahté de gouvernante dans la
famille d’un riche banquier juif de Turin. Un travail intérieur poussait la jeune fille à se préoccuper de son salut ; son ancienne foi ne
fournissant aucune base solide était fortement ébranlée ; il semblait
à D. que sa religion s’en allait pièce à pièce. Elle s’en effraya,
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et dans cet état d'âme elle demanda conseil â une de ses amies de
Mulhouse qui était protestante. Celle-ci lui fit obtenir d’un Pasteur de
l’endroit une lettre d’introduction auprès de M.'' le Pasteur .1. P. Meille
qu’elle vint visiter aussitôt, et par le moyen duquel elle fut amenée
captive à l’obéissance de Christ. Elle embrassa l'Evangile avec ferveur,
et ce fut pour elle un jour solennel que celui où , avec le fils aîné
du Pasteur de Turin , elle fut reçue dans la Communion de l’Eglise,
après avoir publiquement et à haute voix rendu compte de ses nouvelles convictions; —tous les deux sont maintenant entrés dans leur
repos !
Jalla assistait à l’émouvante cérémonie de leur réception , et il en
remporta pour la jeune prosélyte une estime qui ne tarda point â
devenir afi'ection. On a pu être surpris de ce qu’il mit si peu de temps
à se déclarer; et il est vrai que la jeune fille, tout en se montrant
flattée de sa démarche , ne put elle-même dissimuler son étonnement.
Mais il n’eut pas à se repentir du choix qu’il avait fait. Sa femme fut
en réalité la compagne de sa vie; rien ne l’a mieux démontré que
ses derniers moments ; en proie au délire elle se mit tout-à-coufi à
parler italien , circonstance qui affecta profondément les amis qui
l’entouraient, car l’italien n’était point sa langue maternelle : mais
l’usage involontaire qu’elle en faisait servit à montrer combien étroitement elle s’était associée aux travaux de son mari. C’était un caractère aimant ; et toute frêle qu’elle était, elle possédait une force d’âuu
remarquable qui ne se déploya jamais mieux que dans la premièrf
et unique journée de son veuvage.
Jalla était marié depuis quelques mois lorsque la Commission d'Evangélisation le plaça à la tête de la station de Brescia. Là encore il
dut lutter contre beaucoup de difficultés; mais son activité ne se démentit pas; au contraire, il faut reconnaître qu’elle porta dans ce jioste
de nouvelles fleurs et de nouveaux fruits. Son zèle et sa piété lui gagnèrent l’estime et l’affection de tous , et lui attirèrent même des éloges
ridiculement exagérés. En moins de six mois , le nombre des fidèles
avait presque doublé, et celui des communiants, auparavant de 30 ,
s’élevait â 60. Il institua des anciens eUdes diacres, et réussit à persuader sa Congrégation qu’il allait de son devoir de se suffire à ellemême. • Je suis heureux, — écrivait-il à la Commission — de pou• voir dire que je vois mes amis bien disposés et que les persécutions
» ne font que stimuler leur zèle et leur persévérance; preuve en soit
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» l’engagement de fournir par souscriptions annuelles fr. 600 , qui
» seront appliqués à couvrir les dépenses pour le local, l’éclairage ,
» le concierge etc., pour en décharger la Commission d’Evangélisation ».
Au mois d'avril 1865 , l’Evangéliste de Gênes, M Antoine Gay, ayant
été appelé à desservir la Paroisse de S. Jean, la Commission jeta les
yeux sur Jalla pour le remplacer dans ce poste important. 11 y montra,
on peut bien le dire , plus d’entrain que jamais , et l’on vit même
divers membres de la Congrégation Plymouthiste s’adjoindre à son
Eglise. De visibles progrès se montraient dans sa prédication , soit au
point de vue de la forme , soit au point de vue du fond ; le talent
que Dieu lui avait confié et qu’il s’efforcait toujours plus de faire
fructifier , serait arrivé rapidement à maturité complèle si le Seigneur
n’avait trouvé bon de le rappeler à Lui. Aucune partie de son ministère n’était négligée ou en soufl'rance ; et parmi les soins nombreux
que nécessitait la cure d’âmes , l’on a raison de citer ceux dont il
entourait nos domestiques vaudoises. 11 y en a un grand nombre à
Gênes , peut-être une centaine ; après bien des essais infructueux qui
faillirent lasser son courage , il réussit à en réunir beaucoup autour
de lui ; et malgré les réunions presque quotidiennes qu’il devait^présider et qui sans doute excédaient sa force physique , il en tenait encore une extraordinaire dans l’après-midi du jeudi, consacrée à nos
domestiques. A son lit de mort, cet objet spécial de sa sollicitude
pastorale ne s’effaça point de son esprit ; il paraît qu'il adressa de
sérieuses exhortations à sa propre domestique; car elle demandait
ensuite que l’on priât pour elle, afin qu’elle n’oubliât jamais les paroles qui lui avaient été adressées et la résolution qu’elle avait prise
en conséquence de se consacrer au Seigneur.
Un des plus beaux triomphes de l’activité énergique déployée par
Jalla dans la station de Gênes est sans contredit l’impulsion qu’il sut
donner aux souscriptions volontaires. On voudra bien nous permettre
d’allonger cet article, en considération du fait que nous venons
de rappeler. Nous avons entre les mains une feuille que Jalla
fit imprimer à l’occasion de ces mêmes souscriptions que la nonchalance vaudoise rend si difficiles à établir au sein de nos apathiques
paroisses. Nous y voyons établi un système bien ordonné de souscriptions volontaires ; les uns souscrivant par semaine , les autres par mois ;
les uns donnant plus, les autres moins, selon la mesure de leurs
ressources pécuniaires. Nous y voyons avec joie figurer bien des Vaudois
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qui donnent quelque chose de plus qu’un centune par semaine. Nous
V voyons enfin que, sans faire aucun tort à de nombreuses œuvres
de bienfaisance, une Congrégation qui compte 150 membres environ,
dont 80 communiants, — a pu recueillir en six mois la somme de
fr. 1104. 53, destinés à l’entretien du culte. Ces chiffres ont leur éloquence ; ils prouvent qu’un Pasteur , doué de quelque activité , peut
obtenir quelque chose de mieux que des rares collectes.
Un dernier trait. On a beaucoup parlé de la terreur dont Jalla a été
saisi lors de l’apparition du Choléra à Gênes. Peut-être y a-t-il eu des
personnes qui, sans avoir jamais eu rien à craindre , ont exprimé à
ce propos une pitié dédaigneuse. Nous ne voulons pas atténuer le
fait; une santé affaiblie, une constitution ébranlée y entrent pour
beaucoup ; du reste , l’expérience a montré qu’une certaine terreur,
dont on n’est pas le maître, peut s’emparer des gens les plus courageux et les plus décidés , à l’approche seule du terrible tléau. Mais à
côté de ce fait, essentiellement physiologique , il importe d’en relever
un autre : c’est que , ¡jusqu’au dernier moment, et alors qu’il était
trop tard , Jalla a toujours refusé l’offre que lui faisait la Commis.«ion
depuis l’hiver dernier d’être transféré ailleurs dans l’intérêt de sa
santé. Ce n’est qu’un vif sentiment de ses devoirs pastoraux qui a
pu le retenir à Gêhes. Voici, par exemple , ce qu’il écrivait à ses
parents , en date du 25 août ; « Les derniers jours d’août et le mois
» entier de septembre , voilà un assez long temps d’angoisses et de
» craintes mutuelles qui s’ouvre devant nous. Quant à quitter (Gênes)
» il ne peut en être question ; ce n’est pas au moment du danger qu’un
• Pasteur pourrait abandonner son troupeau. Le Seigneur peut d’ailleurs
» nous garder aussi bien ici qu’autre part et nous prendre (autre part
» tout comme ici. Je ne sais s’il nous sera donné de nous revoir sur
» la terre ; Dieu seul le sait. Mais par la grâce du Seigneur nous nous
» retrouverons, j’espère, dans le séjour des rachetés. En attendant,
• priez pour nous ; ne nous oubliez pas ; je vous recommande ma
» femme et mon enfant ; et si , le temps d’épreuve passé , Dieu nous
» permet de nous retrouver encore ici-bas, la joie de nous revoir n’en
» sera que plus grande ».
Nous avons esquissé de notre mieux une carrière bien courte , mais
bien remplie , et nous avons tâché d’en signaler le bon exemple. Puissions-nous avoir réussi !
Un passage de VApoealypse que Jalla, avant sa mort, se fit lire et
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relire , et où il puisa force et consolation, servira de conclusion à
cette notice ;
« Bienheureux, dès à présent, les morts qui meurent au Seigneur!
M Oui, pour certain , dit l’Esprit ; car ils se reposent de leurs travaux
» et leurs œuvres les suivent! » {Apoc. XIV. 13).
GLÂNURES.
I/® Jour favorable. — « L’Eternel aîlend pour vous faire grâce •
Isaïe 30 — Touchante patience ! selon quelques uns ; touchante impatience , selon d’autres. — Quant à nous, ajoutait du haut delà chaire
un professeur de théologie, nous continuons à croire que pour s’occuper de l’éternel avenir et s’assurer une place dans la maison de
Dieu , il suffit de s’y prendre sérieusement... un jour avant la mort.
— » Mais je puis mourir demain .... » fit observer aussitôt une voix
du sein de l’auditoire. — « Dans ce cas , reprit avec une douce gravité le sage docteur , dans ce cas, mon ami, vous n’avez pas un moment à perdre , et il est urgent que vous fassiez votre paix avec Dieu
— dès aujourd' hui ».
I.C plu® court des Credo. — Pour moi, disait un jeune homme
qui se targuait de son petit savoir , j’ai résolu de n'admettre absolument rien en fait de croyances religieuses , que je ne puisse comprendre
dans toute son étendue — S’il en est ainsi, lui dit en souriant le
Dr Pari', 'votre Credo sera bien le plus court que j’aie jamais connu.
Pensées. — L’argent est un excellent serviteur, mais un maître
détestable.
— Pour franchir librement l’étroite porte du royaume des cieux,
il n’est pas nécessaire de jeter le fardeau des richesses , il suffit de
l’envoyer en avant (Harms).
— L’amour de l’argent est presque le seul vice auquel on se puisse
livrer tout en gardant les apparences de la piété /'jI. FullerJ.
— Il est â craindre que de tous les péchés celui qui perdra le plus
grand nombre de personnes faisant profession de servir Dieu ne soit
encore l’amour de l’argent Cld.J
— Il y a dans le cœur de l’homme une soif que l’amour de l’argent
trompera toujours, tant que l’amour de Jésus-Christ ne l’étanchera
pas. — lA. MonodJ.
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Itlaxinies Vautloisea. — Quand Dieu ferme la porte
une fenêtre.
— Pour église ni moulin , ne t’attends à ton voisin.
— Dieu ne paye pas toujours le samedi.
— Mieux vaut lancer en l’air une pierre qu’une parole.
Il ouvre
NOUVELLES LOCALES
Perrier. — Le dix octobre , par la plus splendide journée d’automne qu’on eût jamais pu souhaiter après les pluies lorreutielles
q\ii avaient ruiné les routes et emporté les ponts ('), le bourg du Perrier au Val SV Martin oflrait un aspect des plus animés. — Par les
trois chemins qui aboutissent au village débouchait sur l’unique et
étroite place tout un monde d’hommes et de femmes , de vieillards
et de jeunes gens . habillés comme pour un jour de fête.
Etait-ce donc un de ces jours d'audience qui amènent par devant le
tribunal de l’endroit tant de pauvres gens et à la fois tant de misè"t s ? — Evidemuieiit non. — Car c’est en vain qu’on eût cherché ce
joi r-là un de res ii'onts soucieux et sombres qui excitent la compassion du passant ; on se reconnaissait avec bonheur , on s’accostait en
se serrant la main. — Etait-ce alors une de ces matinées de dimanche où les habitants de la montagne de retour du marché de Pignerol
traversent le Perrier avec leurs bêtes de somme plus ou moins chargées ? — Heureusement pas davantage.
Voyez ce grand nombre j de femmes avec leur livre à la main , et
cette blanche coili'ure qu’orne encore l’antique ruban; — cela vous
dit que ce monde est accouru là pour un service religieux , et qu’il
n’attend que le moment où la maison de prière s’ouvrira devant lui.
— Elle allait s’ouvrir en effet cette maison tant désirée, — et c’était
pour la consacrer solennellement à la prédication de l’Evangile de
notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, à l’Evangile tel que nous le
(*) L inondation a efface, à Massel un souvenir historique ; le moulin de la Balsille a disparu. Ce qui veut dire que, depuis la Rentrée , jamais on n'a été témoin
de pareils dégâts.
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donne la Sainte Parole de Dieu, que des centaines de Vaudois s’étaient
ce jour-là donné rendez-vous au Perrier.
On était venu de paroisses diverses et plus ou moins éloignées ; mais
c’est surtout le Val S.* Martin qui s’est fait un devoir de fournir
le plus gros contingent; non seulement on s’était réuni là de VilleSèche , des Clots , de Riclaret , des Trossiers , de Faïet , de Traverses
et Sd Martin, de Chabrans et de Maneille, mais encore les hautes paroisses de Pral , de Rodoret, de Salse et Massel y étaient largement représentées ainsi que celle du Pomaret.
Onze heures sonnaient quand la chapelle fut ouverte et qu’on entra
pour le service. — Comme on devait s’y attendre , la salle fut loin de
pouvoir contenir tous ceux qui auraient voulu y trouver une place ;
— les bancs , les corridors , la large plate-forme qui sert d’entrée ,
tout était rempli. — Selon l’usage de nos églises , les femmes allèrent d'elles-mêmes occuper les bancs de la droite, et les hommes ceux
qui sont à la gauche du Prédicateur. Quatorze Pasteurs et Ministres
de l’Evangile étaient présents , y compris deux Membres de la Table.
Le silence établi, le Modérateur Adjoint, M.r Etienne Malan monte
en chaire pour y apporter la Sainte Bible, qu’il ouvre devant l’Assemblée , et pour y prononcer la prière de dédicace. — Cela fait, M.'' Lantaret, en sa qualité de Modérateur, occupe la chaire à son tour. —
Partant de l’Epître du Seigneur à l’Eglise de Philadelphie ( Âpoc. III.
7-14 ) le Prédicateur commença par reconnaître qu’il aurait peut-être
moins surpris ses auditeurs s’il avait choisi pour eux telle parole adressée aux six autres Eglises d’Asie. —- Qui plus que le ,Vaudois d’aujourd’hui aurait besoin d’entendre du Seigneur cet avertissement :
« Si tu ne le repens , J’ôterai ton chandelier de son lieu », ou ce
reproche : « Tu as la réputation d’être vivant, mais tu es mort » ;
— ou bien encore ce souhait douloureux : « Oh ! si tu étais ou froid
ou bouillant ? » — Cependant , reprit-il , pour être moins sévère,
l’épître à l’Eglise de Philadelphie n'en renferme pas moins pour nous
un précieux enseignement. — Cette lettre n’est-elle pas signée par le
Saint, le Véritable, par Celui qui a la clé de David, soit pour ouvrir,
soit pour fermer, par Celui qui connaît les œuvres de chacun ? — Ne
pourrait-on pas dire de notre Eglise Vaudoise comme de celle à qui cette
lettre fut adressée : « qu’elle a un peu de force , — qu’elle a gardé ou
tout ou moins conservé la Parole, ■—• qu’elle n’a point renié le
nom du Seigneur Jésus-Christ? • — Enfin, et pour en venir au con-
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tenu de l’épilre , notre Eglise , si elle remporte la victoire , ne peutelle pas se réclamer des mêmes promesses qui furent faites à celle
de Philadelphie , et surtout n’a-t-elle pas besoin des mêmes exhorlatious ? —Tel est, à peu de chose près, l’ordre suivi par le Prédicateur dans les paroles sérieuses qu’il eut à nous adresser.
Dans l’après midi , de 2 à 4 heures , nouvelle réunion , moins nombreuse , il est vrai , que le matin , mais assez pour dépasser encore
ce que les bancs offraient de places. — Lecture ayant été faite de la
Parole de Dieu et en particulier de S.* Luc XII 49 , plusieurs personnes s’adressèrent à l’Assemblée , insistant sur la nécessité que le feu
qui va s’allumer dans cette partie du "Val Saint Martin , soit un feu gui
éclaire , un feu qui réchauffe, un feu qui purifie.
Nous n’avons rien dit encore ni de la chapelle elle-même, ni du
presbytère , ni d’une autre maison où l’on va loger l’école et le régent.
Quand on arrive au bas de la vallée par l’étroite ruelle qui aboutit
à la petite place du Perrier , la nouvelle salle de culte qui s’élève en
face présente une belle apparence , sinon par la façade , peu diflôrente de celle d’une maison ordinaire , du moins par un air de propreté qui repose agréablement la vue en cet endroit — Sans vouloir
demander ici pourquoi l’on ne va pas directement de la place à la
chapelle , nous dirons qu’un bel escalier latéral conduit à une plateforme assez large , et par elle à l’entrée même de la salle. — En face
et au fond de l’allée centrale , on voit la Table de Communion , que
recouvre le traditionnel tapis vert, puis la place de la Sainte Bible sut
la tribune du lecteur , enfin , et plus haut, — beaucoup trop à notre
gré, — s’élève la chaire , aussi belle qu’elle est simple. — Longue de
13 à 14 mètres la salle en mesure au plus une douzaine en largeur
et autant peut-être en hauteur.
Attenante à la salle de culte se trouve la partie de la maison où
l’on se propose de loger le Pasteur , et à l’autre extrémité de la bourgade . le local qu’on doit convertir en école. — Mais ces deux bâtisses exigeront encore de grandes dépenses , que la Table ne porte pas
â moins de vingt mille francs! (Voir VEcho de septembre).
Telle qu’elle est cependant, cette maison de prière ne laisse pas
que d’être déjà une grande faveur de Celui à qui appartient toute
la terre , y compris certains villages. — Commencée en 1868 la construction de ce modeste oratoire a rencontré de plus d’un côté des obstacles et des oppositions qu’il ne faut se rappeler que pour bénir le
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Seigneur de nous avoir accordé ce que nous avons. — La Table ellemême, qui a eu tant de luttes à soutenir , doit-être heureuse maintenant de voir sa persévérance et ses efforts couronnés d’un si beau
succès. — De notre côté c’est bien sincèrement que nous lui souhaitons de pouvoir trouver bientôt ces vingt mille francs qui lui manquent encore pour achever une œuvre arrivée désormais à si bon port.
S. Ceriiiaiii. — Le 30 septembre, l’Eglise de S. Germain a pourvu
au remplacement du Pasteur démissionnaire M.*’J. J. Bonjour. Sur 103
électeurs présents, 96 ont donné leur | vote à M le Pasteur émérite
Pierre Monaslier. Malgré ses 68 ans , le nouvel élu a accepté formellement sa nomination , par lettre , en date du 1.®'^ octobre. Le nouveau
Pasteur émérite doit installer l’ex-émérite son successeur , le Dimanche
4 novembre.
Examen de foi. — Ensuite d’un premier examen ( 4 septembre),
le Corps des Pasteurs « ne se sentant pas suffisamment éclairé pour
se prononcer sur les convictions religieuses de M.'' le Candidat Louis
Monaslier », l’avait invité à se présenter une seconde fois devant lui.
Se rendant à celte invitation , M.’’ Louis Monastier a été entendu une seconde fois dans le même local (école latine du Pomaret), le 11 octobre, sur les sujets suivants: 1) Mort de J. C.; son efficacüé\ 2) Résurrection de J. C., S071 importance; 3) La conversion; 4) L’œuvre du Ministère — .4pvès mûre délibération , l’examen est admis par 16 votes sur
19. Le sermon d’épreuve, pareillement admis , a été prêché au Pomaret, le 19 octobre sur Actes 26^17, 18, par devant une Commission
déléguée à cet effet.
PoiuaretJ — Le bel édifice , de caractère monumental, qui porte
le nom de Nouvelle Ecole Latine, a été inauguré le 1.®^ octobre par une
allocution de M.'' le Modérateur P. Lantaret L’absence du Rév.** Docteur
R. W. Stewart a été bien regrettée ; car c’est à l’actif dévouement de
cet ami vénéré que l’Eglise Vaudoise est redevable du nouveau local,
ainsi qu’à la générosité des amis d’Ecosse et d’Amérique. — Le nombre des élèves est comparativement restreint ; l’école s’est ouverte ,
cette année , avec 21 élèves répartis en deux auditoires. — On aimera
peut-être savoir , à ce propos , jusqu’à quel point sont fréquentés les
autres établissements d’instruction secondaire. Le Collège compte maintenant 76 élèves , dont 53 dans la première division et 23 dans la
seconde ; l’Ecole Normale en compte 29 répartis en 3 classes, et Y Ecole
supérieure des jeunes filles en compte 66. Total général, y compris VE<cole du Pomaret : 182.
Pignerol, J. Chiahtore Impr.
H. Jahibr Gérant.