1
«'« ANNEE
V
N° » .
E E I lOlAHS l » 4 f >
/cutUe iHensucUc
SPÉCIALEMIIM CONSACRÉE A l]\ INTÉRÊTS DE LA FAMILLE VAUDOISB
Hh dion q u ’ es V a u d es...
>>
Ils disent qu’ il est Vaiidois .■
Nobla Icyczon.
Histoire Vaudoise: Une lettre inédite. — Nécrologie: derniers
inpnients de Mr le pasteur Âppia. — Eglise: eomment se gouverne
l’Eglise vaudoise. — Politique. — Nouvelles religieuses. — Nouvelles
Sommaire:
politiques.
H I S T O I R E T A V D O IS E
Une lettre inédite
Immense fut rintérêl qu’éveilla parmi tous les Protestants
de l’Europe la nouvelle du triste état auquel les affreuses
persécutions de l’an 165b avaient réduit nos églises. Partout,
en Angleterre, en Hollande, en Suisse, en Allemagne et jus
qu’en Suède, des jeûnes publies furent célébrés , pour implorer
de Dieu la cessation de si grandes épreuves, et des collectes
considérables furent faites en vue de remédier, en partie, aux
désastres immenses que le feu et le fer avaient occasionnés.
Rien n’est touchant comme de lire dans L
(2 “ ® partie,
pages 202 et suiv., 2it0 et suiv.) les diverses lettres que
nombre de souverains évangéliques adressèrent à cette occa
sion, soit les uns aux autres, soit au duc de Savoie Charles
Emmanuel, en faveur des Vaudois. Mais une lettre manquait
à ce recueil, c’est celle qu’à cette même époque adressaient
aux églises vaudoises les directeurs de l’É^ise Wallonne (Hol
landaise) réfugiée à Francfort, conjointèment avec leur aumône.
éger
2
— 158 —
« J ’a! pensé » nous écrivait notre vénérable frère Mr le pasteur
Appia , à la bonté duquel nous devons cette communi
cation (1) « que cette lettre offrait de toutes manières . et
U dans tous les sens possibles un échantillon précieux de la
X sympathie qu’inspiraient alors nos ancêtres, et de la fraternité
'< active et chrétienne avec laquelle leurs coréligionnaires de
X toutes les dénominations les assistaient ». Et en effet cette
sympathie dut être à nos pères d’autant plus précieuse que,
c'était de la part de personnes elles-mêmes très-grandement
affligées, que le témoignage leur en était donné. De grandes
calamités nationales , suites d’une guerre terrible , avaient
répandu la misère et la désolation sur la majeure partie de
l’Allemagne. Les églises Wallonnes réfugiées avaient souffert
comme toutes les autres, et plus peut-être que toutes les
autres, de ces désastres; et celle de Francfort en particulier, si
prospère et si florissante, semblait alors sur le point de
s’éteindre. Or veut-on savoir par quel noble et touchant
langage, uni au témoignage de leur libéralité, ces chrétiens
dans l’épreuve savaient relever et consoler d’autres chrétiens,
leurs frères, plus souffrants encore et plus éprouvés qu’eux?
— Qu’on lise ;
Francfort-sur-le-Mcin,
juillet 1636.
à Messieurs, nos très-honorez frères, les Pasteurs, Anciens
et autres députez des Eglises des Vallées du Piémont. — à Pinache.
Messieurs et très-honorez frères !
Il y a une trop étroite communion entre tous les membres du
Corps mystique de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ pour ne
point compatir aux afflictions les uns des autres. Et ce sacré corps
ne sçaurait estre blessé en l’une de ses parties, que toutes les autres
( I) Quand nous la recevions il n’y a pas bien longtemps encore, nous étions loin de
de penser que nous apprendrions sitôt après la douloureuse nouvelle que celui qui
nous l'adressait n’était plus de ce monde. La mort d’un homme comme Mr Appia
n’est pas seulement une grande perte pour sa famille , pour son troupeau, pour ses
nombreux amis, mais encore pour la cause de l’Evangile dontil était un des cham
pions les plus vaillants et les plus aimables, et en particulier pour l’Eglise vaudoise dont il fut un des plus beaux ornements et qui lui est redevable d’immenses
services. Aussi regardons-nous comme un devoir pressant pour nous, de ra
conter à nos coréligionnaires (aussitôt que nous en aurons recueillis les princi
paux documents et dans les limites d’une feuille comme la nôtre) cette vie qui
leur fut en grande partie *consacrée, et de laquelle jailliront pour tous de pré
cieuses instructions. Eu attendant, c’est do fond do cœur que nous nous as
socions au deuil de la famille respectable que Dieu a si douloureusement visitée,
i;'
(Med.-)
3
—
139
—
n'eu ressentent de la douleur. Aussi ayants l’honneur d’appartenir
à ce précieux corps, nous en avons eu l’expérience en nous-mesmes,
car dès aussi tost que nous vint la triste et funeste nouvelle des
horribles et effroyables massacres (]ue vos cruels adversaires et
injustes persécuteurs avaient faits de vos Eglises, au mois d’avril
de l’année passée, nous ne pusmes ouïr tant de cniautez et de
barbaries atroces (dont plusieurs mesme estoyent auparavant inouïes),
et ne nous fut pas possible de lire les Relations qui en furent faites,
sans en frémir d’horreur, et sans espandre nos larmes en Abon
dance, pour une si grande froissure de Joseph; et cesle désolation
extraordinaire nous obligea à nous humilier aussi extraordinaire
ment à ce suject en présence de nostre Dieu; et dans ceste nostre
humiliation, à le prier très instamment pour la paix de Jérusalem
et pour le rassemblement et restablissement du reste de vos trou
peaux si cruellement traiciez et si pitoyablement dispersez. — Il
est vray que nous avons ouï depuis avec joye que vos prières et
les noslres ont esté en quelque sorte exaucées, Dieu vous ayant
donné par sa Bonté quelque Relâche et n’ayant point voulu
du tout esteindre le lumignon qui fumait encore. — Et nous osons
et voulons espérer de sa grâce et de sa puissance qu’il vous re
mettra, mesme en ceste terre, en un estât et plus paisible et
meilleur que celuy auquel vous vous trouviez avant ces derniers troubles;
et donnera par ce moyen à cognoistre évidamment qu’il aura bien
sçu et voulu tirer la lumière de vos ténèbres. Cependant, comme
nous avons apprins par celle qu’il vous a plu d’escrire au sieur
Richier, nostre pasteur, en date du quatrième febvrier dernier, que
vos églises, après une si rude secousse sont encore en l’estât
d'avoir besoin" de l’assistance des autres, nonobstantles divers secours
qu’elles ont receus de plusieurs lieux, quoy que la petitesse de nostre
troupeau qui n’est que d’environ deux cens communians nous einpesche de vous pouvoir fournir quelque assistance notable , nous
aymons mieux néantmoins contribuer nostre p ite , que de manquer à
nostre devoir, et nous envoyons pour la part de nostre petite église
françoise la somme de trois cens Risdales ou Escus de Roy ,
faisans quatre cens cinquante florins d’Allemagne, ou neuf cens livres
tournois, que nous vous prions de recevoir en bonne part, comme
un tesmoignage de la compassion sincère que nous avons pour vos
églisesdésolées, etcomme un petit présenldonné de franche volonté, pour
leur soulagement. Et comme une suite de la solicitation qui a ésté faite
par le dit sieur Richier, nostre pasteur vers les églises voisines, pour le
soulagement des vostres, les Eglises allemande, françoise et flamande
Réformées, voire mesme les Luthériens de la vieille et nouvelle ville de
Hanavr ont ici envoyé la somme totale de sept cens quarante huiet florins
d’Allemagne, qui font quatre cens nonante huict Risdales et deux tiers.
Le tout a esté conjoint ensemble, faisant la somme générale de sept
cens nonante huict Risdales et deux tiers, qui font onze cens nouante
huict florins d’Allemagne, dont l’un vaut deux livres tournois. — Et
comme toute ceste somme a esté mise ès mains de monsieur Jacob de
Famars, le V ieil, bourgeois et marchand banquier de Francfort , afin
4
— IkO —
de vous estre remise à Genève ès mains de messieurs Mestreïat et,
Lullin, marchands au dit Genève, vous trouverez dans la présente
lettre de change du dit sieur Jacoh de Famars, le V ieil, pour tirer
pareille somme que dessus des susdits sieurs Mestrezat et Lullin.
Nous prions Dieu de tout nostre cœur que vous ayant fait la grâce
de souffrir avec joye le ravissement de vos biens et mesme d’avoir
souffert jusqu’au sang pour la cause de nostre commun Maistre et
Sauveur, il vous veuille rémunérer gratuitement de ses bénédictions
spirituelles et temporelles, vous affermir de plus en plus en la foy
et en la piété, la laisser en héritage à vostre postérité et vous
conduire tous en ceste vie tellement par son sainct Esprit qui est
seul bon, seul sainct et seul puissant, qu’au sortir de ceste vallée
de m isères, vous soyez tous recueillis en la montagne de Joye et de
félicité éternelle. Ce sont les vœux de ceux qui sont véritablement.
Mess, et très-honorez frères,
Fos très humbles et très affectionnez serviteurs et frères au Seigneur,
les pasteurs et anciens et diacres de l’Eglise Réformée française de
Francfort-sur-le-Mein, et au nom de tout et par ordre:
J ean R ichier , p a s te u r.
J ean Mangón, a n c ie n .
J acob de F amars , le V ieil,
ancien.
» 11 sera éternellement, beau » écrivait à propos de la
lettre qu’on vient de lire, le vénérable frère dont nous pleu
rons la mort (et il n’est pas nécessaire de dire avec quel
cœur nous nous associons à ses réflexions) « il sera éternel
lement beau, exemplaire et il est bien consolant de voir des
chrétiens en grand nombre q u i , malgré l’épuisement où les
avaient réduits de longues calamités nationales, s’imposaient
« de franche volunté », c’est-à-dire de grand cœur des sa
crifices pour assister dans leur dénuement des frères persé
cutés à cause d’une foi qui leur était commune. Il est entr’autres bien émouvant pour les descendants de ces anciennes
victimes de la persécution, qui, il y a près de deux siècles
étaient les objets d’une si religieuse sympathie, de lire qu’en
plusieurs contrées leurs frères célébrèrent un jeûne pour im
plorer et obtenir du Très-haut la cessation des souffrances
qu’enduraient les Vaudois, scellant de leur sang le témoi
gnage de leur foi. Car tel est le sens de ces paroles de la
lettre ci-dessus citée: « or cette désolation extraordinaire nous
obligea à nous humilier aussi extraordinairement à ce sujet
etc. », comme d’ailleurs le fait est attesté par l’histoire ecclésia
stique contemporaine. Quel sérieux et quelle dignité austère
dans les marques d’amour fraternel que les chrétiens évan
géliques se donnaient à cette époque .que certaines personnes
5
—m —
aujourd’hui seraient disposées à appeler uii siècle bien ari iéré
en civilisation ! De nos jours, serait-il facile d'électriser à ce
point et dans ce sens des Eglises qui font aussi profession
d’être chrétiennes? — Quoiqu’il en soit, la preuve est donnée
que, il y a près de deux siècles , dans toute la Chrétienté
évangélique, des côtes de la mer Baltique, de l’Allantique ,
des rives monotones de l’Austral, de la Sprée et du Mein ,
des bords fertiles du H aut-Rhin, se dirigeaient de saints et
unanimes vœux et de charitables secours vers les cimes ardues
de nos Alpes, pour y aller consoler, fortifier, soutenir à la
hauteur du martyre nos vénérables prédécesseurs , membres
déchirés des églises vaudoises: spectacle digne des anges et
agréable à Dieu ! Puisse-t-il se renouveler, si les persécutions
pour cause de religion • se renouvellent! — N y a-t-il pas
dans ces faits une preuve dirimante que la véritable foi est
toujours opérante par la véritable charité? G al . V. v. G.
— N’est-ce pas encore une preuve irrécusable que les Eglises
évangéliques quelque diverses que soient leurs dénominations
sont réellement des sœurs, bonnes et fidèles sœurs, et qu elles
réalisent les deux précieux arlicles de notre symbole des
Apôtres: « Je crois la Sainte Eglise universelle et la com
munion des Saints ». On nous fait quelque fois un sévère
reproche de ce que la Réformation a créé une multitude de
sectes, de partis religieux, et suscité une multitude de con
troverses (mal dont Dieu , par son Esprit de vérité, a tiré
un grand bien) et il faut avouer pour prendre un exemple
sur plusieurs, que même après les désastres occasionnés en
Europe par la guerre de trente ans, les querelles théologiques
ne manquèrent pas entre les Luthériens et les Réformés;
mais cela empéchait-il les deux communions de fraterniser,
de s’u n ir, de célébrer simultanément des jeûnes et de faire
dans le sein de leurs Elglises respectives des collectes pom'
leurs frères italiens persécutés? Nullement. — C ’est-à-dire
que si les intelligences divergeaiut sur quelques points secon
daires, les cœurs et. les mains étaient ensemble sous la croix
qui sauve; c’est-à-dire encore que les diversités de physio
nomie religieuse nommées par les uns des sectes, peuvent
légitimement être nommées par nous des communions ;
c ’est-à-dire enfin que sur la base coqamune de I’É vasgile,
les enfants de Dieu parviennent toujours à s’entendre. —
Non, l’Alliance évangélique n'est pas un mot vide de sens;
6
— ik^ —
par la puissance de la croix et par la grâce de VEsprü de
vérité et de charité, cette alliance existe virtuelleraent. Sous
toutes les formes chrétiennes, il y a des cœurs obéissants à
la parole : ayez soin de conserver l’unité de l'Esprit par le
lien de la paix. E ph . IV. 13. — Ce sont ces cœurs qui
devant D ieu, sont les frères aînés de sa famille , les chefsde-lile de sa véritable armée. Après quelques errements, tributs
plus ou moins regrettables payés à la faiblesse hum aine, les
autres frères suivront : la croix du Sauveur est assez haut
élevée pour leur servir d’étendard à tous. HEsa. XII. 1 - U.
Paix et bénédiction sur les tombeaux des ces hommes de Dieu
qui, il y a deux siècles et depuis encore, les uns martyrs de
l’Evangile, les autres leurs bienfaiteurs, leurs frères, se sont,
par la foi, donné la main par-dessus les m ers, les fleuves
et les montagnes, réalisant ainsi à leur grande consolation,
et à l’édiQcation des siècles à venir , la sainte volonté de
Dieu Père, Fils et Saint Esprit, de fonder sur la terre une
Eglise immortelle, aa Royaume des d e u x ! I. P iebre II. 3-6.
Paix et bénédiction sur leurs tombeaux, en attendant que
le R oi, jadis couronné d’épines, aujourd’hui de gloire, nous
fasse la grâce de nous appeler à les rejoindre!
Frères Vaudois! une apostolique mission vous est confiée.
Autrefois vos pères ont été , vous-mêmes vous êtes encore
aujourd’hui, un centre d’affections religieuses, un point lumi
neux de convergence et d ’union pour des millions de fidèles
(Apoc. V. H .) qui , voyant dans vos Eglises un témoin
sanglant de l’éternelle vérité — laissant derrière eux les
petites différences extérieures qui les séparent — aiment à
se donner la main pour vous aim er, vous secourir et prier
le Père des lumières qu’il vous affermisse dans la foi et dans
la piété. Respect et amour à ceux d’entre vous qui com
prennent cette mission apostolique, et qui demandent sincère
ment et courageusement à Dieu 1a grâce de la remplir! Le
Dieu de nos pères sera aussi leur Dieu; les promesses de son
Alliance sont oui et amen en Lui (2. Cor . 1. 2 0 .), et
demeurent plus fermes que nos montagnes. Es. LIV. 10.
N E C R O liO C ilE
JVet*M<er« ntamewta me Mr le ;^atetee’
jApplt$
L’article qui précède avait déjà été envoyé à l’impression quand nous
furent communiqués quelques fragments d'une lettre écrite par le fils de
7
— 115 —
Mr Appia au MoHéraleur de l'Église vaudoise, raconlant les derniers
moments de son père. Sans renoncer à notre projet (voyez la note de
la page 157) nous ne pouvons résister au désir de faire connaître dès
aujourd’hui à nos lecteurs ce qu’il nous a été donné de savoir sur la
fin de cet homme vénérable. I.e voici dans les propres termes de la
(RédJ.
lettre susmentionnée,
Mardi 16 janvier. La maladie commença par un assou
pissement qui dura toute la journée, et auquel se joignirent
dans l’après-midi des symptômes plus sérieux. Dans la soirée
sa fllle Louise lui chanta quelques cantiques allemands i»our
lesquels il avait une prédilection. Pendant la nuit la maladie
(une pleurésie droite) se déclara avec une grande force. —
Le mercredi 17 au matin il demanda qu’on lui lût le psaume
81, puis qu’on le lui chantât dans le psaitme de sa vénérable
mère de laquelle il avait conservé un profond souvenir et
dont il nous a souvent parlé: elle est ensevelie aux Vallées.
-11 a suivi avec le plus grand recueillement, puis, comme il
souffrait beaucoup il dit à son collègue d’un ton très-sérieux :
« Si cela devient plus grave je compte sur vous pour nous
« en avertir ». Son collègue, Mr Bonnet le quitta à midi
pour le catéchisme; en revenant il lui dit: « J ’ai expliqué
« aux enfants l’histoire de Lazare, et nous avons dit ensemble
« dans notre prière : Seigneur, celui que tu aimes est malade! »
Un rayon de sérénité passa sur sa figure, et il dit : « Merci ,
« merci! » — Jeudi 18: Nuit très-agitée et douloureuse.
Le matin on lui chanta quelques versets du psaume
Le soir il y eut un peu de calme. Pendant cette journée il
s’est souvent écrié: « Mon D ieu, aie pitié de moi ! Sa fille
lui dit alors: « Dieu t ’entend même des lieux profonds ».
11 répondit: « Oui, même des lieux profonds ». — Vendredi
1 9 : La nuit ayant été mauvaise il se sentit très-mal, et
pressentant déjà sa fin il demanda la lecture du psaume 88,
puis le chant du psaume 77. Dans un moment de calme son
collègue lui ayant cité : « Je vous laisse ma paix , je vous
« donne ma paix »: il répondit a vee force: «Amen! ». De
temps en temps son collègue lui annonçait quelque parole de
vie telle que: « Bientôt la délivranee rj» « Voici je viens
« bientôt '» etc. Plus tard il lui proposa en présence de
deux amies dont il avait demandé la visite de prier avec
elles; il y consentit en citant lui-méme deux passages comme
texte de cette prière. Vers une heure sa fille lui dit:
« L’Eternel est ton Berger, quand tu jpasserais par la vallée
8
— \kh —
« même de la mort, n’est-ce pas, l’Eternel est ton Berger? »
— « Oui » répondit-il. Plus'tard pensant aux. membres absents
(1) de sa famille il nous dit pour eux d’une voix très-di
stincte: « A m our!... Perdre île vue les choses visibles!__
« la seule chose qui reste entre nous, c’est l’amour, l’espé« rance!... gardez ces principes! » — L’angoisse augmentant,
on lui chanta quelques versets du cantique de Mr Malan:
” Adieu, chrétien ! pour toi l'heure est venue » , puis le
premier verset du psaume 84. Une amie intime étant entrée
dans ce moment, il lui tendit sa main tremblante et lui dit:
« Chère amie ! vous ne manquez jamais au moment de la
« vraie amitié! » Bientôt après il insista à plusieurs reprises
pour qu’on le laissât s e u l, évidemment pour se recueillir.
Environ 10 minutes après il nous a rappelés (sou fils et sa
fille, Mr Bonnet, la femme de celui-ci et une amie) pour
leur donner sa bénédiction, et demandant qu’on appelât les
deux servantes il ajouta: « cela sera bon » . 'fous l’ont reçue
ensemble, puis chacun individuellement. [1 a dit à son col
lègue et à sa femme : « Que Dieu vous bénisse vous et vos
enfants. » Il a ensuite adressé en allemand quelques paroles
significatives à ses deux servantes. Puis sa pensée s’est portée
sur l’Église de Francfort, sur la paroisse à laquelle il était
si vivement attaché ; il lui a légué le passage des Ephésiens
I. V. 1 8 : « Qu’il éclaire les yeux de votre entendement,
« afin que vous sachiez quelle est l’espérance de sa vocation
« et quelles sont les richesses de la gloire de son héritage
« dans les saints, » qu’il a indiqué plusieurs fois pour être
plus sûr qu’on ne l’oublierait pas. Enfin il s’est adressé à
son bien-aimé collègue et lui a laissé les paroles suivantes
prononcées d’une voix forte et pour ainsi dire austère :
« Parlez avec autorité et ch a rité__ autorité! » Puis il dit à
son fils qui lui offrait quelque chose à boire: « Nous sommes
« frères......... bientôt ensemble . . __ ensemble. .. .. . le vin
« nouveau dans le royaume de Dieu ! » Il a employé en
core tous ses derniers instants à* exprimer des pensées reli
gieuses ; mais la respiration devenant toujours plus pénible,
nous eûmes la douleur de ne pouvoir comprendre la suite
de ses paroles entrecoupées et d’en saiskr seulement quelques>itnes dont voie! 1^ principales: « Regardez à l’av eu iru .....
.
'
.1
.
.
)
•
‘ ,
( i) Mme Appia elle-méme était de ce nombre ayant dû peu de temps auparavant
BV rendre à Paris pour y soigner son fils cadet dangereusement malade.
9
— I«l5 —
« avenir!.......avenir!........un jour vers L ui... tous heureux...
« Jésus toute notre espérance...... Anaour__ vrai am our....
« la croix ». Son dernier mot qui était très-intelligible fut;
« Se sentir en Lui! » Il s’endormit au Seigneur le I!»
Janvier à 3 'y, heures de l’après-midi, au chant du cantique :
« C’est toi Jésus que recherche mon âme ». Il était âgé
de 66 ans et demi. — Son fils ajoute: « Il avait déployé
depuis plusieurs mois une activité extraordinaire. Jamais il
n ’a plus fait qu’alors en si peu de temps. 11 a fondé deux
écoles du Dimanche, l'une de garçons qu’il dirigeait lui-même ,
l’autre de filles qu’il avait confiée à ma sœur Louise âgée:
de 22 ans. Il a laissé partout, parmi les vieillards, parmi
les adultes , parmi les enfants de notre Eglise des souvenirs
récents et durables de son zèle pour leurs âmes et de sa
charité. Nous avons eu des preuves innombrables de la
confiance de tous pour lui , par les marques spontanées de
sympathie qu’ils nous ont données. Nos salles étaient remplies
d’amis, d’enfants, de pauvres qui pleuraient comme nous,
qui le nommaient leur consolateur, leur frère, leur bienfaiteur.
Tous voulaient encore serrer cette main froide déjà, mais qui leur
rappelait celui qui n’avait cessé de les combler de bénédietions » .
E C I ilS E
C m m ttM n C me f f o t ê v e t t t e M 'KgUae ra M « lo tf« e 9
Après avoir dit dans deux articles successifs d’abord
ce qu'çsi l’Église vaudoise , puis ce qu’elle c ro it, il nous
reste maintenant à voir comment cette même Église se
gouverne
Toutefois avant d’entrer dans cet examen une. observation
est nécessaire, savoir: que, si les Ecritures sont on ne peut
plus explicites et plus précises quant aux doctrines auxquelles
le salut de l’homme est attaché et n’admettent à cet égard
aucune divergence, il n ’en est pas de •même pour ce qui a
trait au gouvernement de l’Eglise. En effet, c’est une chose
très-remarquable,.surtout en face des ordonnances si détaillées
et si spéciales données au peuple de l ’ancienne Alliance sur
cette matière, que de voir le petit nombre d’indications dont
elle est l’objet, soit dans les Evangiles, soit dans les Epitres;
10
146 —
cl la raison de cette différence nous paraît èt'’e : que l ’Evaniçile étant destiné à devenir , non pas la religion d'un seul
peuple, comme c’était le cas p(>ur la religion mosaïque, mais
celle de tous les peuples, les sociétés ou églises qui en naî
traient devaient —■ tout en retenant sans varier l'unité de
doctrine, puisque le mal et le remède à ce mal sont les
mêmes partout et en tout temps — pouvoir se prêter à une
grande diversité quant à leur organisation extérieure, celle-ci
étant de sa nature trés-dépendante des lieu x , des temps et
des circonstances au sein desquelles ces églises auraient été
fondées. Aussi, bien que nous admettions qu’il y a certaines
formes ecclésiastiques que la pratique des premiers temps de
l’Eglise recommande plus que d’autres; certaines formes plus
en harmonie que d autres avec l’esprit de l’Evangile; et bien
que pour notre compte nous soyons attachés de cœur à
l’organisation particulière de notre Eglise, nous déclarons-nous,
sans hésiter , prêts à reconnaître la légitimité de toutes les
formes de gouvernement ecclésiastique lesquelles ne repo
sent pas sur un principe contraire à la parole de Dieu,
c’est-à-dire sur une impiété.
Cette explication donnée, abordons le sujet que nous nous
sommes proposés de traiter. Deux formes principales de gou
vernement dominent au sein des églises évangéliques, savoir:
La forme que nous appellerons monarchique ou épiscopale.
La forme que nous appellerons démocratique se ramifiant
selon ses deux principales nuances en presbytérienne et en
conyrégationaliste.
Ce qui caractérise essentiellement la première de ces formes
c’est:
1° La direction spirituelle de l’Eglise remise aux seuls
ministres, sans participation aucune des laïques.
2“ Distinction de ces mêmes ministres en plusieurs ordi-es
élevés en dignité les uns sur lesnaulres depuis le diacre
jusqu’à Yévêque, le premier de tous.
■!.
3° Le nom et le caractère d’Eglise refusé à la commu
nauté particulière, et réservé seulement à cet ensemble dont
Vévêque (en grec épiscopos , inspecteur, d’où vient le ni*m
d ’Ëglise épiscopale) est envisagé comme le pasteur, les autres
n ’étant à proprement parler que ses.vicaires , ou suffragants.
Ce qui caractérise' la seconde de ces formes ; u c’est au
contraire ; q . j , i
-jl
:•
'
11
— I kl —
1* Participation des ¿aïqiMes conjointement avec les ministres
à la direction tant spirituelle que temporelle de l ’Eglise.
2 “ Egalité parfaite entre tous les ministres.
3® Chaque troupeau formant en principe et de droit une
Eglise, et libre comme te l, ou de se maintenir entièrement
indépendant (congrégationalisme), ou de s’unir à d’autres
Eglises par un lien de fédération plus ou moins étroit (presbyté
rianisme).
C ’est à cette seconde forme de gouvernement que se rattache
l’Eglise vaudoise: Selon la manière de voir de cette E glise,
l ’autorité spirituelle , au lieu de descendre du haut en bas,
c ’est-à-dire d émaner d’un évêque qui la tient d'un autre,
lequel l’a reçue d’un troisième , et ainsi de suite jusqu’aux
Apôtres, comme le prétend l ’épiscopat, procède de bas en
haut, c’est-à-dire qu’elle a sa base dans Vassemblée des fidèles, la
quelle l ’exerce ou directement,ou par le moyen deses mandataires.
Danscette Eglise.nonseulemenl lesminislresn’ont aucune supé
riorité les uns sur les autres; mais le ministre n'a de supériorité
sur le simple fidèle que celle que lui donne la sainte fonction
à laquelle il a été appelé, directement de D ieu, et indirecte
ment par l’Eglise qui , en le déclarant digne de l ’impositioti
des mains, rend par là même témoignage à la vocation qu’ il
dit avoir.
Dans celle Eglise encore, chaque communauté a en prin
cipe une existence indépendante, en sorte qu’il existe, a pro
prement parler, autant d ’Eglises qu’il y a de troupeaux divers
réunis autour d ’un pasteur chargé de leur annoncer la Parole
et de leur distribuer les sacrements.
Mais comme l’esprit du Cbristianisme est mn esprit d ’amour
et parconséquent de rapprochement ; comme il est naturel
que des gens qui ont une même espéranee et qui poursuivent
un même but, -agissent de concert; comme de l ’union naît
la force, tandis que de la division , du fractionnement naît
la faiblesse; mues par ces dilTércntes considérations, les Eglises
vaudoises ont, dès les temps les plus anciens, jugé bon et
convenable de s’unir les unes avec les autres par un lien
fédéral qui , tout en conservant à chaque Eglise particulière
cette part d’indépendance qui lui est nécessaire, créât c,ependant, entr’clles toutes un intérêt commun et une action com
mune sous l’çmpire de la même confession de foi et de la
même Constitution. —
12
—
iUS —
Celte ConstitulioD avec les règlements auxquels elle a
donné naissance forme ce qu’on est convenu d’appeler :
la Discipline de l’Eglise vaudoise.
Les pouvoirs reconnus par cette Discipline sont au nombre
de cin q , et divisés en deux classes, suivant qu’ils se rap
portent à l’Eglise particulière, appelée aussi Paroisse, ou à
l’Eglise dans son ensemble. Ce sont:
Pour l ’Eglise particulière : Yassemblée de paroisse, le consi
stoire et le pasleur.
Pour l’Eglise dans son ensemble: le Synode ,e\. la Table.
En parlant successivement de chacun de ces Pouvoirs,
nous nous bornerons d’abord à exposer ce qui est, nous ré
servant d’indiquer dans un article à part, les modilicatioiis
que nous voudrions voir introduites.
'
POlilTlQlJE
LE STATUTO FONDAMENTALE
expliqué et commenté dans ses principaux points.
Jean David. — Vous nous avez promis , Monsieur, d’examiner
avec nous les points essentiels du Statuto qui nous régit.
Le Journaliste. — Je l’ai promis, et je suis tout disposé à m’acquit
ter de 'ma promesse.
Jean David. — Et nous tout disposés à vous entendre ; donc com
mençons, et dites nous d’abord, s’il vous plait, quel sens il faut
donner au 1“ article ainsi conçu: La seule religion catholique, apo
stolique et romaine est la seule religion de l’Etat. Lomme je l’entends
cela veut dire : qu’il n’est permis de professer dans l’Etat aucune
autre religion que la religion catholique romaine; et s’il en est
ainsi, que deviennent, pour nous Vaudois, les libertés qui nous
ont été accordées et qui ont été au milieu de nous le sujet de si
grandes réjouissances ?
Le Journaliste. — Si ce paragraphe avait le sens que vous lui
donnez, mon cher a m i , nul doute que ces libertés ne fussent àpeu-près nulles pour ce qui nous concerne, et que notre condition
au lieu d’être améliorée, ne fût pire,^encore qu’auparavant. Mais
ce n’est pas ainsi que cet article doit être interprété. En disant
que la religion catholique romaine est « la seule religion de l’Etat »
le Statuto a simplement voulu dire ; que cette religion est la seule
que l’Etat reconnaisse comme sienne, la seule qu’il se charge de
13
—
Ii»9 —
fnire prêcher, et avec laquelle il consente à entrer en arrange
ment de traités. Quant aux autres religions ou cultes, il est si
peu vrai qu’ils ne puissent être exercés que le même paragraphe
porte immédiatement après tes paroles que vous avez citées, celle-ci :
Les autres cultes maintenant existants sont tolérés conformément aux
lois.
Paul. — C’ est très-vrai , Monsieur, ce que vous dites ; mais ce
qui ne l’est pas moins, c’est que cette même fin d’article que vous
venez de citer est conçue d’ une telle manière , et contient en soi
tellement de restrictions que i . David n’avait pas tous les torts de dire:
« qu’est ce donc que ces libertés qui nous ont été accordées, puisque
la plus précieuse de toutes nous manque encore ? En effet, com
ment s’exprime le Statuto à l’égard des cultes autres que le culte
catholique ? Dit-il qu’ils sont libres, comme aurait dû le dire une
Constitution franchement et sincèrement libérale V— Point du tout,
il sont tout simplement <■ tolérés », ce qui en italien aussi bien
qu’en français veut d ir e , je crois supportés , supportés comme l’on
supporte une chose reconnue mauvaise, mais que l’on ne peut sans
de manifestes inconvénients faire cesser tout-à-coup ! Un tel langage
était compréhensible dans ces temps, peu éloignés encore, où, grâces
aux inspirations d'un fanatisme aveugle, notre existence même sur
le sol que nous habitons était envisagée comme une disgrâce ; mais
que la parole de tolérance soit encore appliquée par un Statuto à la
religion professée par des citoyens , lesquels , à cause de moralité
publique irrépi-ochable ( 1 ), ont été appelés à la pleine jouissance
de leurs droits civils et politiques , voilà , il me semble , ce qui
implique une manifeste contradiction. Est-ce donc quelque chose de
simplement tolérable V ne m érile-l-il pas qu’on le laisse libre , ce
qui est capable de produire de si excellents effets? Ensuite, quels
sont, toujours d’après ce même article , les cultes qui jouissent de
ce privilège? — Les cultes, maintenant existants, y est-il d it; exi
stants donc au moment de la publication du Statuto. C’est-à-dire,
que le cas se présentant où aucun de ces eultes ne conviendrait à
un ou plusieurs citoyens, ceux-ci n’auraient pas le droit d’en établir
un autre, et devraient rester sans culte ! Cette liberté non plus ne
me parait pas très-grande.
Enfin , même ces cultes alors existants comment sont-ils tolérés ?
— Conformément aux lois. — Mais quelles lois? — Si ce sont les
anciens Edits, comme le feraient croire les Lettres patentes du 17
février 1848, lesquelles ont soin de d ire: que rien n’est innové pour
tout ce qui tient à l'exercice du Culte , force sera bien d’avouer que
ta différence entre notre position ancienne et notre position actuelle
n’est pas si énorme. Si ce sont d’autres lois encore à faire, il serait
bon qu’on y songeât afin que nous sussions un peu à quoi nous en
tenir à ce sujet.
Le Journaliste. — Donc, si je vous comprends bien , mon -cher
Paul . ce que vous reprochez au Statuto , c’est de n’avoir pas mis
(iV I cI est un des (.ODsiderants dont s'appuie l’édit d’ Ëmancipation.
14
— 150 —
notre religion sur le même pied, vis-à-vis de l’É tat, que la religion
catholique romaine , c’est-à-dire, de ne lui avoir pas à elle aussi
accordé un salaire et des privilèges?
Paul. Point du tout; vous comprendriez mal ma pensée en l’in
terprétant ainsi. Si l’État veut adopter une religion, la salarier
et traiter avec elle, qu’il le fasse : c’est à côté des frais qu’il
s’impose, une grande source d’ennuis et^de pesantes entraves qu’il
se crée. Quant à notre religion à nous Vaudois, non seulement
je ne demande pas que l’État la fasse sienne dans le sens que
vous avez indiqué, mais je voudrais que, si jamais pareille chose
nous était offerte , nous fissions ce (juc j’ai vu dernièrement dans
votre journal, qu’ont fait, en pareille circonstance, les églises évan
géliques de la Hongrie, que nous refusassions. Là où c’est 1’ État
qui paye, il est tout naturel que ce soit l’Etat aussi qui com
mande : c’est la condition qu’ il mettra toujours. Or pour moi ,
je n’admets pas que ce pût jamais être pour le plus grand bien
de notre Église évangélique, qu’elle abandonnerait sa propre di
rection pour la remettre aux mains d’un gouvernement catholique
romain. Cette indépendance est ce qui a fait notre liberté dans
les temps de la plus grande oppression, et je ne voudrais pas
que nous nous fissions esclaves sous le prétexte que nous sommes
devenus plus libres. Tout simplement ce que je demanderais à
l’État c’est ceci : que trouvant chez les citoyens soumis à son ad
ministration, ce que, pour sa propre sûreté, il a le droit -d’exi
ger d’eux : moralité et obéissance aux lois, il ne s’informât pas
d’autre chose, et laissât chacun d’eux pratiquer en toute liberté
la religion qui lui aura paru la meilleure. Ce que je^ lui deman
derais, c’est que, puisque le salut est un bien que l’État ne peut
donner , et un bien cependant si précieux qu’il n’en est pas un
autre qui le vaille, l’État laissât chacun libre de le chercher là
où il lui semble de pouvoir plus sûrement le trouver. Ce que je
demanderais , en un mot c’est que , au lieu de tant de restri
ctions et ■de réticences, notre Constitution adoptât franchement le
grand principe proclamé par les Constitutions vraiment libérales
de la France , de la Belgique et de la Prusse : que les cultes
sont entièrement libres, et que chaque citoyen a la faculté d’adop
ter et de pratiquer celui que sa conscience lui aura dit être le
meilleur.
Le Journaliste. — Ces idées que je suis tout heureux de vous
entendre énoncer, mon cher Paul, sont entièrement les miennes,
et quoiqu’à l’heure qu’il est de telles idées n’aieut encore dans
notre Piémont que bien peu de partisans, et qu’au sein même de
notre Église vous couriez le risque de vous attirer le reproche
de plus d’une personne en les professant, j ’espère qu’elles se ré
pandront et gagneront du terrain , à mesure que les convictions
deviendront plus vraies et plus profondes. C’est l’absence de con
victions propres et individuelles, mon cher ami, qui a été, de
tout temps , la cause principale de l’intolérance religieuse. Nop
seulement celui qui n’a pas de telles Convictions n’éprouve pas le
15
— lal
—
besoin tie les nianifesler, mais il trouve étrange celui que ce besoin
l>ossède : la liberté que celui-ci réclame parait au premier une
chose insignifiante ; et si l’exercice de cette liberté peut devenir
la cause de quelque trouble ; si surtout elle est un obstacle à
quelque rêve caressé d’ unilé, on ne tardera pas à le lui imputer
à crime. Voilà, mon cher am i, ce qui nous explique que la plus
naturelle et la plus sainte de toutes les libertés, celle qui devrait
toujours être proclamée la première , la liberté de servir Dieu
selon sa conscience, ne vienne jamais que tout-à-fait en dernière
ligne.
Quant à ce (¡ui nous concerne nous en particulier, si impar
fait que soit 1e Statuto sur le point en question, il n’est cepen
dant pas dans la faculté des Chambres de le modifier. Ce sera
là l’œuvre de l’Assemblée constituante quand elle aura été convoquée.
Mais ce que les Chambres ; ourraient toujours faire, ce qu’elles
feraient si elles y étaient sollicitées , c’est de formuler ces lois
conformément aux quelles les cultes autres que le culte catholique
romain sont tolérés. Que la Table , qu’une telle affaire concerne ,
tout particulièrement y mette la main. Qu’elle dresse une pétition
dans ce sens, que celte pétition transmise aux Consistoires et cou
verte de leurs signatures soit envoyée à la Chambre , et il ne
peut se faire que celle-ci ne la prenne en sérieuse considération et ne
demande aussitôt au Ministère un projet de loi sur cette matière.
Le moment actuel est des plus propices pour une telle démarche ;
dans quelque temps peut-être serait-ce trop tard!
W O V r K M / Æ jJE S K M H j r t î M E U S E S
F lorence. — Nous signalions naguère comme un fait nouveau et in
téressant, la polémique religieuse entreprise entre un laïque de Florence,
Mr Monta/.io, et l’arctievéque de cette même ville. Malheureusement ce
fait a été de courte durée; Monseigneur, à ce qu'il parait, a trouvé ce
terrain assez incommode et n’a pas tardé de revenir à la voie ancienne,
et conjointement avec trois de ses collègues, au nom, à ce qu'ils disaient, de
tout le clergé do la Toscane, de demander aux Chambres qu’elles lissent cesser
par la force des lois la publication d'écrits enseignant des doctrines oppo
sées à la religion catholique. Heureusement les Chambres se sont trouvées
plus libérales que les pétitionnaires, et ont passé à l’ordre du jo u r. En disant
• heureusement » nous n’enlendons nullement prendre le parti des doctrines
professées par Mr Montazio, lesquelles à nos yeux, au moins autant qu’à ceux
de ses adversaires, sont erronées et anti-évangéliques; mais nous voudrions que
f on comprit upefois que les erreurs religieuses, non plus que les autres, ne sont
pas redressées par le simple fait qu’on empêche celui qui les professe de parler;
et que des hommes qui se disent miaistres de Jésus-Christ,se proposassent un
autre but que celui de dominer paisiblement sur les héritages du Seigneur.
Home — Nés lecteurs verront aux nouvelles politiques la décision prise par
l'assemblée consliluantc romaine au sujet du Pape, qu'elle a déclaré déchu de
fait aussi bien que de droit, du pouvoir temporel. Quelles seront les'conséqiicni'cs religieuses d’ un tel fait, à supposer qu’il dure, cl que celui qui s’a p
16
~ 1S2 —
pelle le Vicaire de Jésus-Christ et le successeur de S. Pierre n'ait pas recours
aux bayonnettes étrangères pour se remettre en possession de sa couronne?
La peur qui se manifeste de toutes parts dans les rangs des fervents catholiques
et particulièrement du Clergé; la ténacité que met le Pontife lui-ménie à ne
pas se départir d'une autorité, source pour loi de beaucoup de tracasseries,
montrent assez- que ces conséquences sont redoutées et qu’elles peuvent être
des plus fâcheuses pour la cause qu’ils défendent. Il y a deux ans, de telles
craintes n'agitaient pas les esprits; en Itatie tout le monde était catholique et
catholique très-docile: c’est qu’il n’aurait pas été prudent, qu’il aurait
même été dangereux pour celui qui l’eût voulu, de se montrer autrement. Aujonrd’hui qu’un peu de liberté a lui, les cœurs se manifestent, et si l’opposition
à l’Eglise de Romen'estpas plus forte, qu'elle en rende grâces à deux faits tous
les deux assez tristes 1“ à l’absence générale en Italie de ces convictions
puissantes qui rendent possible une opposition sérieuse ; 2" aux ménage
ments qu’imposent encore à beaucoup d’esprits la réalisation de leurs vues
politiques. — Voilà ce que l’on gagne, dès ici bas, à la compression de la pensée
religieuse! mais c’est au jour que toutes choses seront jugées non plus sur l’ap
parence, mais selon la réalité que le gain paraîtra surtout petit.
NOWJVtSEiM^JES JPOIéM VIQW JES
ITALIE.
Rome — L’Assemblée constituante des Etats-Romains s’est ouverte le 3 fé
vrier avec une grande pompe et au milieu des acclamations de tout un peuple
en fête. La séance du 8 se prolongea jusqu’à 2 heures après minuit, et à 10
heures du matin le décret suivant était proclamé et affîché dans toutes les rues
de Rome :
Assemblée ConsTiTUAisTe
BOMAINE
Décret fondamental.
Abt. I. La Papauté est déchue de fait et de droit du gouvernement temporel
de l’Etat Romain.
Art . II. Le Pontife romain aura toutes les garanties nécessaires pour son
indépendance dans l’exercice de son pouvoir spirituel.
Art . III. La forme du gouvernement de l’Etat romain sera la démocratie
pure, et prendra le glorieux nom de République romaine.
Art . IV. La république romaine aura avec le reste de l’Italie les relations
qu’exige une nationalité commune.
Rome le 9 février 1849.
le President: O. Galletti.
1 ERRATUM
Au N"' 8, page ia5, ligne 58, au lieu de Clément V III lisez Innocent E lit.
..
• i hiiJ
U'i U
______________________
■ ,f|A •, it'
: l 'j b *. .
I»
Le Gérant:
JEAN KBVEL.
:tr.
Pigiierol i84g, iujp. de Paul Ghighetti.