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iTeuUle iïUnaucUe
SPÉCIALEPPIT CONSACRÉE AUX INTÉRÊTS DE LA FAMILLE TAUDOISB
<■ llh dion qii’ es la u d e s . .. i>
« Ils disent qu’ il est Vaudois ,<
Nobla leyczoïi.
Somaire: Histoire vaudoise: le 17 février. — Morale: Comment
remédier à notre manque de courage moral? — Nouvelles reli*
gietises. — Nouvelles politiques. — Avis.
m S T O l B E V A V D O IS E
Le
il
février.
Barbe (ï) Daniel: Oui, un an s’est bientôt écoulé, depuis
l’apparition de cet édit (2) qui demeurera comme un des
(1) Pour ceux de nos lecteurs qui l’ ignoreraient, nous rappellerons que ce mot
Barbe qui désignait anciennement les pasteurs vaudois se donne encore de nos
jours aux personnes âgées et auxquelles on veut témoigner son respect.
(a) Voici la traduction de cet édit trop important, pour que nous ne le repro
duisions ici ;
CH ARLES ALBERT
PAR LS G a a c B DF D ie u , R o i d e S a r d s ig h e , d e C h y p r e , e t c . D oc d e S a v o ie , e t c .
Prenant en considération la âdélité et Ies Bons sentiments des populations
vaudoises. Nos Royaux Prédécesseurs ont graduellement et par des mesures
successives abrogé en partie ou adouci les Lois qai anciennement restreignaient
leurs capacités civiles. E t Mous-méme en suivant leurs traces avons concédé
à nos dits sujets des facilités toujours plus amplié, en accordant de fréquentes
et larges dispenses de l ’ observation de ces mêmes ^ i s . E t aujourd’ hui, vu que,
les motifs qui avaient provoqué ces restrictions' ^ a n t cessé , on peut com
pléter le système déjà suivi progressivement en leur faveur. Nous avons de
notre bon gré résolu de les rendre participants de tous les avantages conci
liables avec les maximes générales de Notre légidation.
A cet effet par les présentes de Notre science aertaine, et autorité royale ,
sur l ’avis de Notre Conseil, avons ordonné et Ordonnons ce qui suit:
2
— iââ —
iiioaurneius les plus glorieux du règne de notre roi. Quel jour
que celui où il fut p u b lié !.... vous en souvenez-vous,
nies amis?. . . La bonne nouvelle, partie de la capitale, avait
circulé, comme un éclair, jusque dans nos plus hautes vallées ,
et le soir, des centaines de feux allumés sur nos montagnes,
portaient au loin l’annonce d’un événement qui n’avait pas
son pareil dans notre histoire. Quelle émotion, quels, trans
ports se lisaient sur tous les visages! Les plus tardifs à croire
se laissaient à la fm entraîner comme les autres ! ... c’était
une ivresse telle qu’on n’en avait jamais vu parmi nous, et
telle que sans eu avoir été témoin, il serait impossible de se
la représenter!.. .
Jean Pierre: Oh! c’est bien vrai, qu’une joie comme
celle-là, je ne l’avais pas encore éprouvée, et que, dussé-je
vivre mille ans, je ne l’oublierai jamais. J'étais devenu ce
jour là plus enfant que nos enfants : je chantais, je pleurais,
je les embrassais, je ne savais où tenir ; et__ je crois bien
que, par moments, ma chère femme n’était pas toul-à-fait sans
inquiétude que la tète ne m’eut tourné........... Pas vrai ,
Marie, que tu en avais un peu peur?
J/arfe; Oui, un peu, s’il faut le dire; car jamais je n’avais
encore vu mon mari dans un semblable état. — Les enfants
eux-mêmes, en étaient tout étonnés : Maman ! me criait notre
petite Marie, en tirant d’une main mon tablier pendant que
de l’autre elle me montrait son père, « qu’a-t-il donc, mon
papa, qu’il est si gai? » — « Et ne vois-tu pas, petite
nigaude, répondait notre aîné, que c’est pareeque le roi nous
a émancipés? — Émancipés] s’écriait, à son tour, notre
Les Vaudais sont admis à jouir de tous lea droits civils et politiques
de Nos sujets, à fréquenter les écoles tant au dedans qu’au dehors de l’Uni
versité , et à obtenir les grades académiques. —
Rien n’est cependant innové quant à l’exercice de leur culte, et aux écoles
dirigées par eux.
Nous dérogeons à toute loi contraire aux présentes, que nous enjoignons
à Nos Sénats, à la Chambre des Comptes, au Contrôle Général d’enrégistrer,
et à quiconque il appartient de les observer, et faire observer, voulant qu’elles
soient insérées dans le Recueil des Actes du Gouvernement, et que aux copies
imprimées dans la Typographie Royale an ajoute foi comme à l’original: Car
telle est Notre volonté.
Donné à Turin le dix-septième du mois de février l’an du Seigneur
mil-buit-cent quarante-huit et de Notre Règne le dix-huitième.
CHARLES ALBERT.
V. Aval
V. Dr R .
V. Dr CoLLEGiso.
evec
B o REIiU.
3
— 145 —
second, üavid, q u ’est-ce que cela veut dire? Maman, expliquenous ce que signifie ce que dit Jean Pierre, que le roi nous a
émancipés!— Je le leur expliquai en gros comme je le com
prenais ; car vous savez, Barbe Daniel, nous autres femmes
nous sommes si ignorantes de tout ce qui regarde notre histoire,
que je ne pus leur dire que bien peu de chose. El j)ourtant,
ces pauvres enfants , à chaque trait que je leur citais de la
bonté du roi pour nous, s’écriaient les trois ensemble: Oh!
qu’il est bon le roi de nous avoir émancipés! combien nous
voulons l’aimer un si bon roi! n’est-ce pas maman; le soir,
quand tu nous feras dire notre prière avant de nous coucher,
nous ne manquerons jamais de demander à Dieu qu’il le
bénisse lui et toute sa famille........ P uis, D avid, qui est le
plus éveillé donnant l’exemple, tous les trois se mirent à
courir d’un bout à l’autre de la galerie, en agitant leurs
mouchoirs et répétant de toutes leurs forces ce cri que dans
ce jour , ils avaient entendu proférer des milliers de fois :
vive le roi! vive l’émancipation!
Barbe Daniel : Chers enfants ! il est vrai que la vie s’an
nonce pour eux sous de bien autres auspices que celles sous
lesquelles nous l’avons nous-mêmes entrevue ; puissent les
événements réaliser de tout point nos espérances ! — Vous
venez de parler, Marie , de l’ignorance dans laquelle sont
toutes les femmes parmi nous, de notre histoire. Mais ne
croyez pas que cette ignorance n ’atteigne que les femmes ;
malheureusement, elle est le défaut du peuple tout-entier,
des hommes aussi bien que des femmes, cp qui n ’est pas
seulement pour nous une honte, mais une véritable calamité.
En effet de quels admirables exemples de piété , de renon
cement , d’héroïsme chrétien, d’attachement inviolable à la
Foi (exemples que plus que jamais il nous serait si nécessaire
d'avoir constamment sous les yeux), cette ignorance ne nous
prive-t-elle pas? — Et celte fête du 17 février qui s’ap
proche , avec quels transports bien autrement grands de joie
et de reconnaissance ne serait-elle pas célébrée par notre
peuple, s i, mieux instruit de son passé, il était par là même
mieux en état d’apprécier toutes les grâces qu’un tel jour
rappelle, toute l’étendue des délivrances qui s’y rattachent?
Jean Pierre: Ah! oui, vous me faites ressouvenir. Barbe
D aniel, que l’Ancien m’avait parlé dans le temps de cette
décision du dernier synode, de fêter par un culte public, ce
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— i'2h —
jour anniversaire de notre émancipation; et je sais que cela
m’avait beaucoup plu. Car de chanter, de crier et de nous
réjouir comme nous l’avons fait, cela pouvait bien aller pour
un moment; mais après ça__ c’est à Celui qui est là haut
(ju’il faut regarder! c’est de Lui que nous vient ce bienfait,
cl à Lui que nous devons en rendre grâce, si nous voulons
n ôtre pas semblables à nos animaux qui reçoivent sans re
mercier , et si nous voulons de plus qu’un tel bienfait nous
profite. Oui, je suis toul-à-fait, moi, pour cette fête, et je
dis que c’est une excellente chose, qu’on l’ait établie. Ne le
trouves-tu pas aussi Marie!
Marie: Oh! excellente, assurément; et je me promets bien,
si le bon Dieu me laisse la santé, d’arranger mes affaires de
manière à pouvoir, ce jour là , fermer la maison à clef et
me rendre à l’Eglise avec tous nos enfants. Mais que Barbe
Daniel ferait une bonne action, si, pendant ces quelques
instants que nous avons le bonheur de le posséder, il vou
lait , lui qui connait si bien tout ce qui a rapport à notre
histoire, nous en dire quelque chose! moi d’abord je n’aurais
pas de plus grand plaisir que de l’entendre, et Jean Pierre
je m’assure........
Jean Pierre: Tout autant, tout autant, cela va sans dire!
car voyez-vous, Barbe Daniel, il faut que je confesse ma
honte, mon ignorance dans ces choses là, n’est pas de beau
coup inférieure à celle de ma femme; ainsi, pour peu que
notre demande ne soit pas trop indiscrète.........
Barbe Daniel: Nullement, mes chers amis; seulement le
temps qui me reste à vous donner étant très-court, vous
voudrez bien vous contenter pour cette fois . d’un aperçu
tout-à-fait rapide, réservant les détails pour une autre veillée
que je me promets bien de passer encore avec vous, avant
la fin de l’hiver:
Souffrances de toute espèce endurées pour le nom de
Christ, voilà, nos chers amis, en deux mots le résumé de
notre histoire durant des siècles: « s’il se trame quelqu’un,
dit la Nobla L eycson écrite il y a plus de sept cents ans,
« qui veuille aimer Dieu et craindre Jésus-Christ ; qui ne
« veuille ni médire, ni jurer, ni mentir, ni commettre
« adultère, ni tuer , ni dérober, ni se'venger de ses ennemis,
« ils disent: c’èst un vaudois, il est digne qu’on le fasse
« mourir ! » Pareeque nos pères, lesquels avaient conservé
5
— 125 —
au iDÌlieu d’eux la pure doctrine évangélique , telle que les
Apôtres l’avaient préchée, sc refusaient à admettre les in
novations qui, dans la suite des siècles, avaient altéré cette
doctrine; parcequ’ils ne voulurent jamais reconnaître d’autre
chef de l ’Eglise que Jésus-Christ, ni d’autre règle de foi que
la Parole de Dieu , on les appelait hérétiques, et il n’y avait
pas de traitements si affreux qu’à l’ombre de ce nom , on
ne SC crut en droit de leur infliger. C’est un récit fait pour
déchirer le cœ ur, que celui des tourments auxquels depuis
l ’an 1 2 0 0 , ils furent en proie, dans le midi de la France,
mélés à d’autres Chrétiens que l’on persécutait sous le nom
à'Æbigeois. — Mêmes scènes afl'reuses en l’an 1380 dans
les vallées des Hautes-Alpes qui nous avoisinent. — En làOO
eeux du val Pragela, ayant été attaqués à l’improvistc , à
l’époque de Noël, ceux qui ne furent pas massacrés, s’en
fuirent sur les montagnes , « les mères, dit un historien,
« portant leurs berceaux, et traînant par la main les petits
« qui ne pouvaient marcher ». Le lendemain, 80 de ces
petites créatures furent trouvées mortes de froid dans leurs
couchettes à côté de leurs mères également expirées ou
rendant l’âm e!...
Marie : Oh ! mon Dieu ! et c’était des hommes qui sc
laissaient aller à de pareilles atrocités!
Barbe Daniel: O u i, et ce qui est bien plus triste , c’est
qu’un grand nombre de ceux qui les commettaient, croyaient
faire par là quelque chose d'agréable à Dieu !
Jean Pierre: Mais comment pouvaient-ils avoir cette idée,
à moins de ne pas comprendre un mot à l’Évangile?
Barbe Daniel : L’Évangile, mon cher Jean Pierre, ils ne
le connaissaient pas , il leur était défendu de le lire ; et à
mon tour je vous dirai: comment leur eût-il été possible d’avoir
une autre id é e , quand nous voyons un pape , il s’appelait
Clément V III, publier 80 ans plus tard une bulle , par la
quelle il sommait .au nom de Jésus-CShrist, les ro is, princes,
duos, comtes, seigneurs et tous les ifidèles de prendre les
armes, afin d’écraser sans ressource ; cette peste, ce serpent
venimeux (c’est ainsi qu’il appelait les vaudois),. accordant
indulgence ^plénière à tous ceux qui prendraient part à ce
massacre, outre la faculté de s’emparer légitimement de tous
les biens des hérétiques et de les posséder ? — Et que vous
dirai-je, en en laissant de côté beaueoup d’autres i des
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— 126 —
affreuses scènes de Mérindol et de Cabrières en 1530; des
vallées proprement dites en 1560, en 1655, en 1664 et
enfin en 1686, époques dont le seul souvenir fait courir
dans les membres un frisson d’horreur ? Avec cette dernière
année, l ’Église vaudoise semblait pour jamais anéantie. Onzemille
de scs membres avaient péri dans les prisons dans l ’espace de
quelques mois ; les autres dispersés au loin devaient mourir
sans plus revoir leurs montagnes. Dieu cependant ne permit
pas qu’il en fut ainsi : trois ans à peine écoulés, nos pères,
sous la conduite du pieux et intrépide A rnaud, avaient re
paru dans leurs vallées où ils réussirent à s’établir. Dès-lors
eurent un terme les persécutions à main armée; mais ce
que continua d’être notre existence pendant près de deux
siècles; ce qu’elle était encore au commencement de l ’année
dernière, vous le savez mes chers amis : Notre demeure sur
le sol que nous habitons n’était que tolérée, et dépendait
uniquement du bon plaisir du prince ; nous étions du pays;
mais nous n’étions pas citoyens. En vain la population
allait-elle chaque année en augmentant, les limites du sol
destiné à la contenir restaient invariablement les mêmes: un
Vaudois, par cela seul qu’il était Vaudois, ne pouvait acquérir
aucune espèce de biens-fonds hors des 'Vallées. Ce n’était
non plus qu’abusivement qu’il pouvait exercer hors de cette
enceinte son commerce ou son industrie. Quant aux charges
publiques, dépassant celle de syndic, elles nous étaient for
mellement interdites : personne parmi nous ne pouvait devenir
avocat; trois ou quatre individus seulement sur une popula
tion de plus de 20,000 âmes, parvenaient à occuper des places
de notaire ; et si un Vaudois réussissait à obtenir un diplôme
de médecin , c’était à la condition de ne pratiquer que sur
ceux de son culte! — Même infériorité humiliante sous tous
les autres rapports; un Vaudois pouvait bien être sollicité par
toutes sortes de moyens à changer de religion, il n’avait pas
même le droit de parler de sa foi à un catholique ; les temples
consacrés à ce dernier culte pouvaient se multiplier à
l ’infini, sans que cela nous autorisât en aucune façon à
augmenter le nombre des nôtres; le plus mauvais pamphlé
taire , s’il trouvait plaisir ou profit à imprimer sur nos croyances
et sur nos personnes, les calomnies les plus odieuses et les
plus absurdes, n ’avait qu’à faire ; les Vaudois étaient dans
l’impossibilité de lui répondre! Toujours et partout la majorité
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—
127
—
était assurée aux Catholiciues dans les Conseils, bien que
la presque totalité de la propriété fût aux V'audois , et que
l’impôt foncier fût pour ceux-ci d’un tiers plus élevé que
pour les autres. — Mais de toutes les vexations auxquelles
nous étions en b u tte, la plus insupportable et la plus im
morale par ses effets, était celte disposition des édits qui
autorisait un enfant mâle de l’ago de 12 ans, et une fille de
l’âge de 10, à se soustraire à l autorité palcinelle , sous le
simple prétexte qu’ils voulaient se faire catholiques, et celle
autre qui mettait la malheureuse fille que de coupables re
lations avaient rendue mère , dans la cruelle alternative, ou
de se séparer de son enfant, ou de s’engager par serment
à l’élever dans une croyance qu elle détestait! — Aussi que
de pères , q u i, sentant le besoin d’une eorreclion un peu
sévère pour tel de leurs enfants, n’osaient la leur inlliger,
de peur de les voir , à l’ombre d'une loi si monstrueuse,
quitter la maison paternelle pour s’ en aller là où vous
savez , d’où ce n’était pas chose facile que de les retirer !
J ’en sais moi de très-respectables à qui celte inquiétude ne
laissait de repos ni jour ni nuit! Et n’avons-nous pas vu
plus d’une de ces malheureuses dont je vous parlais il y a
un m om ent, sentant qu elles allaient mettre au monde un
enfant, s’enfuir en cachette et s’expatrier pour toujours, plu
tôt que de consentir à être à son égard, ce que la loi lu
forçait à être, ou dénaturée ou parjure !
Jean Pierre : Ah ! c’est vrai qu’on ne conçoit pas comment
de semblables abominations ont pu se perpétuer jusqu'à nos
jo u rs !... Et maintenant toutes ces choses sont-elles donc
abolies par l’édit du 17 février ?
Barbe Daniel : Toutes, je ne dirai pas : il reste encore
sous le rapport religieux un certain nombre de restrictions
nous concernant, lesquelles, il faut l’espérer , ne tarderont
pas à disparaître, Mais, à cela près, le Vaudois est devenu
maintenant un citoyen égal devant la loi à tous les autres,
ayant les mêmes charges, les mêmes devoirs, et jouissant en
retour des mêmes droits. Plus de place désormais pour le
régime exceptionnel des Édits et des Lettres-patentes; plus de
limite imposée par la loi à notre activité et à notre industrie:
non seulement le Vaudois peut acquérir partout et partout
habiter ; mais rien ne l’empêche avec des talents et de la
probité de parcourir’honorablement toutes les carrières et de
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— 128 —
parvenir à toute espèee de charges. Désormais on ne s’informera
plus s’il se trouve dans les Conseils tant de Vaudois et tant de Ca
tholiques; l’administration des Communes sera entre les mains
de ceux que le vœu de la population aura désignés comme
les plus capables. Désormais, il sera permis à une mère,
même à celle qui le serait devenue par suite d’un crime,
d’être m ère, et de réparer ainsi jusqu’à un certain point la
faute qu’elle a commise; un père aussi , sera véritablement
père , et ne rencontrera plus dans l’accomplissement de ses
devoirs comme t e l , l’obstacle monstrueux d’une loi faite
pour fomenter la rébellion au sein des familles! Voilà, mes
chers amis, tout ce qui se rattache pour nous à ce jour du 17
février! Voilà la portée de l’événement qu’il nous rappelle! Jugez,
vous-mêmes, si c’est un grand événement, et si elle est immense
la dette de reconnaissance que, par ce bienfait ajouté à tant d’au
tres, nous avons contractée envers notre m onarque, mais plus
encore qu’envers lui , envers Celui q u i, par la puissance
qu’il a d’incliner les cœurs des ro is , l’a amené à se faire le
glorieux instrument d’une si merveilleuse délivrance!
Marie: Oh! immense, immense, assurément! et qui est
celui qui pourrait ne pas le sentir ! Pour m o i, je suis as
surée, Barbe Daniel, que si nos pasteurs ont soin de faire
ce jour là dans leurs sermons seulement ce que vous venez
de faire avec nous , il n’y aura pas dans tous nos temples
un seul cœur qui ne se sente pénétré de la plus vive recon
naissance pour le souverain Dispensateur de toutes ces grâces.
Barbe Daniel: Amen! ma chère Marie. Et puisse cette
reconnaissance n ’être pas de ce jour seulem ent, mais de
tous les jo u rs, et s’exprimer chez tous par une vie qui soit
celle que Dieu demande de nous. Notre fête ne sera vérita
blement une belle fête, une bonne fête ; que si elle a pour
résultat de nous rendre meilleurs chrétiens et meilleurs citoyens.
Qu’un vif amour pour le Seigneur, pour tous nos frères à quelque
dénomination qu’ils appartiennent, pour le roi, pour la patrie,
pour cette patrie qui souffre et qui à tout prix veut être affranchie,
soient les sentiments dont elle nous laisse plus pénétrés que
jamais!
. ( I l
.
■
9
—
129
—
91 O R A l i E
COMMEÎNT REMÉDIER A NOTRE MANQUE DE COURAGE MORAL ?
Secoade lettre au Rédacteur de l'Echo des Vallées.
Monsieur le Rédacteur!
Par une noie mise au bas de ma précédente lettre, vous
avez eu la bonté de défendre ma pensée contre les fausses
interprétations que quelques personnes n ’auraient peut-être
pas manqué d’en donner : je vous remercie pour ce bon
oftice, et profilant de la permission que vous m’avez accor
dée de vous adresser encore ces quelques lignes, j ’aborde ,
sans autre préambule, la question que je m’étais posée: com
ment redonner à notre population ce courage moral que nous
avons reconnu lui manquer Y
Comment? — Je ne le saurais trop, en vérité, si ce n ’était
qu’aux adultes et aux vieillards que nous eussions à faire.
Les adultes et les vieillards cliangent si difficilement leurs
habitudes, surtout morales, que c’est plutôt, comme le disait
une personne de ma connaissance , par leur mort que par
leur vie (j’admets toutes les exceptions que la susceptibilité
de vos lecteurs peut réclamer) qu’ils préparent la voie aux ré
formes, Les enfants, les jeunes gens, voilà, à mon avis, la
matière ouvrable que l’on peut avec quelqu’espérance de succès
entreprendre de façonner ; c’est pourquoi, si vous le voulez
bien, Mr le Rédacteur, à ma première question nous substi
tuerons cette seconde : Comment réussir à inspirer à la gé
nération qui s’élève, ce courage moral que n’a pas celle qui
l’a précédée?
Si vous , Mr le Rédacteur , ou bien m o i, ou quelqu’un
d’autre, nous n’avions qu’à vouloir pour faire des chrétiens,
le comment serait tout trouvé, et de plus, fort simple: Ren
dons, vous dirais-je, notre jeunesse de plus en plus chrétienne,
et par là même nous développerons de plus en plus en elle
ce courage moral qu’il serait si beau de lui voir revêtir. En
effet, le Christianisme ayant pour premier effet, lorsqu’il est
10
— 130 —
vivant dans un cœur, de soustraire ce cœur à lui-méme pour
le soumettre entièrement à une volonté supérieure , laquelle
ne peut être que bonne et parfaite ; à quel meilleur moyen
pourrions-nous recourir, pour rendre un homme entièrement
indépetidaiït des au tres, que de placer cet homme dans un
état de dépendance absolue à l’égard de Dieu?
Mais faire des chrétiens, donner la foi, vous le savez mieux
que moi , Mr le Rédacteur , ce n’est pas là quelque chose
qui soit dans les facultés de l’homme: Dieu seul a ce pou
voir. Ce que l’homme peut faire , la tâche qui lui est im
posée , c’est de seconder par l’éducation cette œuvre de la
grâce divine. C’est pourquoi, au conseil général de ne rien
négliger, de ce qui peut contribuer au développement de la
vie religieuse chez les enfants , j ’ajouterai , comme tendant
plus immédiatement au but que je me propose, les directions
suivantes :
1“ Instruire toujours d avantage. L’instruction , je le sais
de reste, n ’est pas tout: elle est dans un sens assez peu de
chose ; et quand, au lieu de marcher de front avec un bon
développement moral et religieux, le développement intellectuel
est abandonné à lui-même, je n ’hésite pas à reconnaître qu’il
est susceptible de produire plus de mal que de bien.
Mais , cela reconnu , il n’en reste pas moins vrai que le
défaut d'instruction e s t, au sein d’un peuple, la source de
beaucoup de misères; que le cœur se ressent des ténèbres de
l ’esprit; et qu’une des choses qui empêche le plus les hommes
de suivre dans leur conduite une marche ferme et décidée ,
et les livre le plus facilement en proie à toutes sortes d’in
fluences, c’est l’impossibilité où ils sont, faute de lumières
suffisantes, de bien discerner par eux-mêmes la nature et
l ’importance des questions dans lesquelles ils sont appelés à
se prononcer. Est-il quelqu’un qui n’ait éprouvé pour son
propre compte que l’obscurité d’un sentier ôte à celui qui y
chemine toute l'assurance et tout le courage q u ’il se senti
rait, s’il y voyait clair ? Donc si nous voulons que nos en
fants, une fois qu’ils seront devenus hommes, apportent au
maniement des affaires de la vie cette indépendance de ca
ractère, ce courage de leur opinion, première vertu d’un être
créé raisonnable, appliquons-nous avec plus de soin que nous
ne l ’avons peut-être fait jusqu’ic i, au développement de leur
intelligence et de leur jugement.
11
— 131 —
2° Toutefois, ne nous bornons pas à si peu : une cliose
que plus encore que l ’intelligenee, il importe de développer
de bonne heure ehcz nos enfants, c ’ est le sentiment
m oral, et par-dessus tout cette grande idée de devoir q u i,
je le crains fort , leur est rarement présentée dans toute sa
sublimité et dans toute son étendue. L'étendue q'ie pour l ’or
dinaire on assigne dans notre éducation , à l’idée de devoir
est si restreinte, qu’elle n’embrasse que la plus petite partie des
actions d’un homme, abandonnant tout ce qui n’est pas com
pris dans cette sphère, au gré de ses passions, de ses intéc
rets ou de ses caprices. Mais ce qui, aussi bien que l ’étendude l ’idée de devoir est malheureusement laissé dans l ’ombre,
c ’est la grandeur, la sublimité de cette même idée. On prêche aux
enfants le devoir. Mais envers qui ? — Dans les cours de re
ligion on dit : envers Dieu ; mais n’est-il pas vrai que dans
les enseignements journaliers et surtout pratiques de la vie ,
c ’est bien plutôt l ’hom m euniquem cntqu’onleur indiquc?Au lieu
qu ’il faudrait graver profondément dans le cœur des enfants celte
idée si juste, si sainte et si féconde en grands résultats, que tout
devoir si petit, si inaperçu soit-il, pourvu qu’il soit devoir,
est un devoir envers Dieu ; envers Dieu qui voit tout , qui
juge de tout, et pour qui un simple acte de soumission à sa
volonté , est cent fois plus précieux que tous les sacrifices
que nous pourrions de nous-mêmes nous imposer. Voulonsnous donc que le devoir soit écoulé de nos enfants , pour
toutes choses et à toute circonstance, commençons par le leur
montrer. Que de bonne heure ils apprennent de notre bouche
qu’il existe , outre l’obligation de ne pas tuer , de ne pas
voler, de ne pas mentir, de ne rien faire qui soit répréhen
sible par la justice humaine ou par l’opinion publique, d’au
tres devoirs, en grand nombre , et qui tous demandent im
périeusement à être accomplis. P u is , dans chacun de ces
devoirs, apprenons-leur à discerner un devoir envers Dieu ,
afin que tous leur soient également vénérables, également
sacrés, et qu’ils mettent le même zèle et la même conscience
à s’en acquitter.
3® Mais si nous désirons que nos enseignements sur ce sujet
soient nettement et clairement com pris, si en présentant le
devoir, nous voulons du même coup lui attirer les cœurs et
le faire aim er, faisons en sorte que nos instructions sur ce
sujet se présentent le plus souvent sous la forme d’exemples.
12
—
m
—
Ua trait d’histoire où se fasse admirer un noble courage moral,
fera plus d ’impression sur l’esprit et sur le cœur d’un enfant,
et le sollicitera plus fortement à marcher dans cette même
voie que les exhortations les plus répétées et les plus pres
santes. — La Bible qui prêche la vérité plus par les faits
que par les sentences , nous offrira sous ce rapport spécial
une abondante et riche moisson : ne la négligeons pas. Aux
exemples que nous puiserons à cette source divine, ajoutons
en beaucoup d’autres que nous n’aurons pas de peine à trou
ver dans les événements de chaque jour, dans l’histoire des
peuples , dans celle de l’Église et de notre Église en parti
culier. Choisissons même de préférence , autant qu’il est en
n o u s, ceux de ces exemples qui nous montrent ce courage
moral s’exerçant en secret, dans le silence, et pour des af
faires qui aux yeux des hommes sont plutôt envisagées comme
de peu d’importance.
il" Et pour que les résultats de cet enseignement soient
tels que nous les désirons, appliquons-nous (c’est le dernier
moyen que j ’indiquerai, cette lettre étant déjà beaucoup trop
longue), appliquons-nous dans la direction des enfants, à savoir
bien discerner les occasions où, dans leur conduite, ils font
preuve de ce courage moral , que nous nous proposons de
produire en eux ; et au lieu de le refouler imprudemment,
aidons-lui à se développer toujours davantage. Il peut arriver
que les manifestations en soient à certains égards répréhen
sibles ; réprimons, dans ce cas, le mal, mais n’étouffons pas
du même coup le bien qui s’y trouve m êlé, adoucissons le
châtiment en raison du principe qui aura fait commettre la
faute , en raison aussi de la franchise et du courage avec
lesquels elle aura été confessée ; et dans les cas où il y a
lieu à un témoignage de satisfaction, donnons-le d’autant plus
complet que dans l’action que nous voulons ainsi récompen
ser, le courage moral y brillera davantage.
De toutes manières, montrons à nos enfan*s, à nos dome
stiques , à tous nos subordonnés quelsqu’ils soient, le prix
que nous attachons à ce courage, à cette franchise. Faisons
q u ’ils y trouvent leur propre intérêt, et amenons-les insen
siblement à faire, s'il est possible, de cette vertu, leur habi
tude et un des besoins les plus profonds de leur cœur.
V oilà, Mr le Rédaeleur, mon remède au mal que nous
déplorons. 11 y aurait, je l’admets sans peine, plus et mieux
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— 153 - r
à (lire sur ce sujet (iiic je n ’ai su le faire. iNéannioins j ’ai
l assurance que s i , tout imparfaits qu’ils sont, nies eonscils
étaient mis eu pratique, nous ne tarderions pas à en ressen
tir tes bienfaisants et salutaires effets.
Agréez, Mr le Ilédactcur, mes salutations cmjiressées , et
croyez-moi votre tout dévoué * * *.
A ................ le U janvier 18tt9.
X O W E Ï Ï jMj E S M t E E M G I E t J S E S
V a u -êes V aldoises . N ous annoncions dans noire dernier .^umcro, coninie
très-prochaine l’annexion de la congrégation évangélique de Turin à
l’Kglise vaudoise. l’eut-élrc même, disions-nous, avant que celte feuille
ait paru, cette annexion sera-l-eUe un fait accompli. Aujourd'hui, nous
avons la douleur d’annoncer qu’ un si heureux événement est renvoyé et
peut-être ii*)ur longtemps. La cause de ce renvoi la voici : Tout naturel
lement , des qu’il s’agissait de fusion, la congrégation de T u rin , en
devenant paroisse vaudoise , devait se soumettre aux mêmes conditions
et aux mêmes règlements que toutes les autres paroisses ; la Tahie ne
pouvait traiter sur un autre terrain. Or, les membres Suisses de TEglise
ayant déclaré de la manière la plus formelle qu’ils lyaccepleraient pas
ces conditions, les négociations entreprises ont dû être interrompues.
— Nous respectons sincèrement la manière de voir et les scrupules de
nos frères de la Suisse sur ce sujet , et nous regrettons de tout notre
coeur qu’une si belle occasion ait été ôtée à l’Église vaudoise de leur
rendre en secours et en soins spirituels, ces secours de toute espèce,
qu'aux temps de leurs grandes épreuves, nos pères ont toujours trouves
au sein des Églises de la Su isse.... Mais nous croyons que si nos frères
ont leurs devoirs, nous avons aussi les nôtres. Le devoir de l’Église
vaudoise est de garantir à ses ressortissants de plus en plus nombreux
que le commerce ou d’autres occupations attirent à la capitale, un culte
et en général un enseignement religieux de tout point conforme aux
doctrines par lesquelles elle existe. Jusqu'à maintenant, à cause des circon
stances politiques, ce devoir n’a pu être accompli. Aujourd’hui il peut
l’être, qu’il le soit! Que la V . T ab le, après en avoir conféré avec nos
frères Vaudois établis à T urin, avise aux moyens de faire face aux
dépenses ordinaires et extrao^dinaires exigées pour rétablissement d’un
pareil culte. Cela fa it, qu’elle déclare par un acte solennel qu’une seizième
paroisse de l’Église vaudoise vient d’être créée dans la capitale, et qu’elle
invite les membres de cette paroisse à se constituer à teneur de nos
règlements. C’est là une œuvre qui lui est impérieusement demandée
par les circonstances, une œuvre digne de son zèle, et dans laquelle,
nous en avons l’intime assurance, elle sera puissamment soutenue par
le concours et les prières de tout bon vaudois, et des fidèles de
l’Etranger.
G enève . Il est intéressant pour nos lecteurs et pour nos églises de
connaître la grâce qui vient d’èlre accordée anx chrétiens évangéliques
de Genève. On sait que depuis trente ans environ ils étaient divisés et
distingués en quatre catégories qui ne différaient entr’elles qne sur des
questions secondaires, relatives aux formes de leur culte et au gouver
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—
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neraenl de leure é(ilises.... Dieu cependant leur a fait sentir à tous
celle année, et plus forlenicnl que jam ais, le devoir de se rapprocher
pour honorer en un même corps le nom de Jésus-Christ, et c’est après
un travail de 10 mois, que la presqu’universalité d’entr’eux s’est accordée
pour constituer, sous diverses formes de c u lte , une seule et même
Eglise évangélique.
Suit, dans les/ifrefteves (iii Christianisme auxquelles nous empruntons ce qui
précède, la profession de foi de celle Eglise, profession si simple et si biblique
<|ue nous regrettons vivement de ne pouvoir, faute de place, la com
muniquer en entier à nos lecteurs. Voici comment elle se termine:
« Nous déclarons que, tout en voulant devant Dieu maintenir parmi nous
« la saine prédication de toutes ces vérités, nous reconnaissons pour
« frères tous ceux q u i, en quelque lieu que ce soit, invoquent Jésus« Christ comme leur unique Sauveur et comme leur Dieu; nous voulons
« les aimer , et nous désirons apprendre du Seigneur à leur donner en
« toute occasion des témoignages du lien qui nous unit tous en Lui
« pour l’éternité.
Nous accompagnons de nos voeux les plus sincères et de nos prières
les plus ferventes cette œuvre de conciliation et de charité dans la
vérité. Puisse l’exemple donné par nos frères de Genève trouver de
nombreux imitateurs! et puissent les Chrétiens sentir à la fin la folie
qu’il y a, quand on est uni dans les vérités essentielles, à se tenir éloignés
les uns des autres pour des questions de secondaire et souvent de nulle
importance !
F rance. Nous avons dit, dans le temps, la courageuse opposition faite
par .\Ir le Comte Agénor de Gasparin etillr le pasteur Frédéric Monod, à la dé
cision du synode des Eglises Réformées de France d’ajourner à d’autres temps
la question de doctrine. Ces deux messieurs ne .se sont pas bornés à protester
en Synode: une adresse aux membres des Églises Réformées de France,
publiée par eux peu de jours ap rès, en faisant connaître les motifs
de leur conduite, invitait les fidèles qui avaient à cœur le triomphe
des grandes doctrines de la Réformation à se joindre à eux pour les
proclamer. A cet acte Mr Monod vient d’en ajouter un autre: sa démis
sion comme pasteur de l'Église Réformée de Paris. Voici comment il
justifie cette démarche, dans sa lettre adressée à cette occasion au con
sistoire: « Le motif de ma démission est exclusivement la persuasion où
“ je suis que l'Église de Jésus-Christ doit être fondée sur la vérité ré“ vélée de D ie u , sur une foi commune, reconnue, personnellement con« fessée par ses membres. Un étal de choses où la vérité de Dieu et
" les erreurs humaines reçoivent le même accueil; où la chaire de Jésus« Christ est ouverte au même litre à des prédications entièrement contra« dictoires........; où, au milieu de ce désordre , il n’existe aucune confession
« de foi applicable et reconnue, aucune règle à laquelle il puisse en
« être appelé contre la prédication et l’enseignement d’hérésies qui ren« versent le fondement même de l’Evangile et compromettent le salut des
« âmes — un tel état de choses est contraire à la parole de Dieu et, par
• conséquent à la volonté de Dieu ». Plus loin, Mr Monod ajoute : « Vous
« m’en croirez sans p ein e, Messieurs, il faut une forte et profonde con0 viclion de devoir, il faut un ordre impérieux de la conscience pour
« prendre le parti, auquel je me suis déterminé; pour qu’à l’âge de 8S
a a n s p è r e de huit enfants, ayant encore cinq fils à élever, et sans
a aucune fortune personnelle, je renonce volontairement à une des positions les
a plus b elles, les plus sûres et les plus enviées de toutes nos églises, et que
a je me jette dans les éventualités et dans les souffrances de toute espèce
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«
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(|iii m'allenilcnt, je le sais. Mais le Dieu il’Abraliam « le même hier,
aujourd'hui, élernelleiiient » m'appelle; j’obéis à sa voix et je m’attends
à lui, sans savoir où je vais. Plusieurs accuseront ma conduite de folie;
mais j’ai appris à l’école de l'Evangile que la croix de J-C. a totijours
été « une folie et un scandale, » et je sais aussi que « la folie de Dieu
est plus sage que la sagesse des hommes ».
— Tous peuvent ne pas juger de la même manière la démarche à la(|uelle Mr Monod s’est trouvé poussé par sa conscience; mais il n’est
personne, ce nous semble, (jui puisse se défendre de sympathiser avec un
si noble langage. Les fortes convictions ne peuvent demeurer stériles ; et
si la Parole du Maître est vraie , comme nous n’en doutons pas: qu’avec
de la foi gros comme un grain de semence de moutarde on peut trans
porter les montagnes ; quels beaux fruits ne devons-nous pas attendre de
celles dont Mr Monod et son honorable collègue vièliocnt de nous donner
une preuve si touchante !
.Allemagne. Au commencement de septembre dernier, un appel signé
par 41 frères bien connus en Allemagne par leurs lumières et leur piété,
provoquait dans ia ville de W’ittemberg, une conférence fraternelle dans le
but de s’y occuper de la condition présente et des perspectives futures de
l'Eglise évangélique. Là, au milieu des tombeaux des Réformateurs; dans
cette même Eglise du Château , à la porte de laquelle, en lbl7 Lctheu
avait affiché ses thèses , une réunion d’environ cinq cents frères a eu lieu
les jours 21 , 22 et 23 7bre. L’esprit qui animait l’assemblée était un
esprit de modération et de charité fraternelle, s’exprimant dans un désir
sincère de ¡'union, mais d’une union véritable et positive. La première
résolution prise à ¡'unanimité fut que les Eglises évangéliques allemandes,
tout en conservant leur existence individuelle, formeraient entr’elles une
alliance ou fédération ecclésiastique , sur le terrain des grandes doctrines
remises en lumière par la Réformalion. La seconde résolution fut celle-ci:
chaque membre de la future assemblée sera requis de faire une déclara
tion que sa foi est d’accord avec la confession de son Eglise particulière,
et ses actes dans ras'emblée seront conformes à celte confession. La troi
sième proposition présentée, laquelle assignait pour but spécial à celle
alliance évangélique, l’œuvre des missions intérieures, non seulement fut
accueillie, mais quand il fallut voter, l’assemblée entière se leva en éten
dant les mains vers le Ciel en signe d’engagement. Avant de se séparer,
la Conférence sous l’impression des agitations dont l’Allemagne, comme le
reste de l’Europe est maintenant le théâtre, fixa le 3 9bre, comme jour
de jeûne solennel auquel seraient invitées toutes les congrégations évangé
liques de cette contrée. — Puissions-nous avoir beaucoup de faits pareils â
celui-ci à enregistrer!
Hongrie. Sur une popolatiou de dix â onze millions d’habitants, ce
royaume compte à peu près trois millions de protestants dont deux millions
appartenant à l'Eglise Réformée et un million à l’Eglise Luthérienne.
Victimes pendant des siècles du bigotisme et de la tyrannie du gouverne
ment autrichien, ces Eglises comme les nôtres ont retiré de cette oppres
sion même l’inappréciable bienfait d’une entière indépendance spirituelle.
A la suite des événements de l’année dernière, l’Etat voulant leur témoi
gner sa bienveillance, leur fit offrir un salaire pour leurs pasteurs. Les
deux synodes étaient invités à examiner cette proposition et à faire savoir
au gouvernement à quelle condition ils accepteraient le secours qui leur
était offert. La tentation était grande, le clergé de ces églis.es était
en général fort pauvre ; cependant ie secours fut refusé. La pensée que
le salaire offert par de gouvernement entraînerait tôt ou tard , comme
conséquence, l’ingérence de ce dernier dans les affaires de l’Eglise;
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d36 —
îa pensée du dommage que la vérité ne manquerait pas d’éprouver de
cette ingérence d’un gouvernonienl calliolique dans les affaires d’une
Eglise évangélique ; toutes ces considérations réunies frappèrent tellement
les deux synodes, que l’un et l’autre, sans se consulter et à Vunanimité adoptèrent la résolution que nous avons rapportée, « Christ, di0 rent-ils, nous a fait trouver ce qui nous était temporellement néces« saire durant de longs siècles de persécutions, il ne nous abandonnera
” pas aujourd’hui. Tôt ou tard, comme prix de la faveur qu’il nous offre.
Il le pouvoir s’ingérerait certainement dans le gouvernement intérieur de
Il notre Eglise. Nous ne pouvons vendre comme Esaü notre droit d’aîII nesse pour un potage ». — Nous ignorons si le jour arrivera jamais
où l’Eglise vaudoise sera mise en demeure de se prononcer sur une pro
position semblable; mais ce que nous désirons de tout notre cœur, c’est
que le cas échéant, notre conduite soit alors de tout point semblable à
celle de nos frères de Hongrie. Il est des causes auxquelles les faveurs
des gouvernements font plus de mal que les persécutions: celle que nous
soutenons en est une, puissions-nous ne l’oublier jamais.
IVOUVEliIiES P O E I T I Q E E S
INTERIEUR
PiÉMOxT. Le ministère Ginberti ne trôuvant pas dans le Parlement tout
l’appui necessaire à sa politique , a jugé convenable de le dissoudre,
et de faire nouvellement appel à l’opinion du pays. Cet appel a eu lieu
et l’opinion s’est prononcée pour le ministère. Nous nous en félicitons
quant à nous, non que nous soyons de ceux qui croyent à la trahison
du ministère Pinelli, et qui regardent comme mauvais tout ce que ce
ministère a fait; mais parce que la politique plus décidée du Cabinet
qui a pris sa place, nous parait convenir mieux aux circonstances et aux
besoins actuels de l’ilalie. Ce que nous souhaitons du reste sincèrement,
c’est que le pays en votant pour le ministère Gioberti, se soit bien
rendu compte de ce qu’ il faisait; qu’il ait bien pesé tous les sacrifices
inséparables de la politique inaugurée par ce ministère, afin que quand
le moment sera venu de les consommer , il le fasse hardiment, coura
geusement et sans murmurer. S’il agissait autrement, le pays au lieu
de profiter au ministère par son v o te, lui aurait tendu un piège et se
serait précipité lui-même au devant de ta plus terrible et la plus dé
plorable des anarchies.
Les deux Collèges électoraux dont les Vaudois font partie, s’étant
prononcés d’entrée pour la politique Gioberti, rajjcLen député du Col
lège de Bricherasio, Mr le professeur Buniva, connu par son attache
ment à la politique du précédent Cabinet, n’a pu ’ ètre-r^lu. Cette c ir
constance ne nous empêchera pas , nous qui ne sommes les affiliés
d’aucun parti, mais qui nous réjouissons du bien quels que soient les
les hommes qui l’opèrent, de remercier publiquement Mr Buniva du
zèle avec lequel les intérêts particuliers des Vaudois ont toujours été
soutenus par lui durant tout le cours de sa carrière parlementaire.
Le Gérant: JEAN REVBl.
^ERRATUM) Numéro
‘
page
120
, ligne 3o, au lieu de un
autre
lisez
en outre.
A V IS
Nous rappelonsànos abonnés que TEelio ne reçoitque les lettres affranchies.
fl.
Pigiierol tS49, imp. de Paul Ghighetti.