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SPÉCIAieHENT COmCREE ADX INTÉRÊTS DE LA FAMILLE TACDOISB
Ilh dion gu’ es Faudes. . . »
» Ils disent qu’il est Vaudois •
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NOBLA lEYCZON
: Histoire Faudoise ; Barthélemi Coupin. — Questions locales:
Du peu d'intérêt des troupeaux à intervenir à la visite pastorale. —
Nécrologie : D*** G*** — Nouvelles réligieuses. — Nouvelles politiques.
— Anecdotes et pensées.
S om m aire
Des circonstances, indépendantes de notre volonté,
ont retardé la publication de ce numéro.
H IS T O IR E V A E D O IS E .
Barthélemi Coupin.
Ce ■vieillard vénérable, une de nos plus suaves ligures de
martyr, était originaire de La Tour, où il exerçait, au sein
de l’Eglise,les fonctions d’Ancien. Marchand drapier de son élal,
il s’était rendu, selon sa coutume, à la foire d’A sti, laquelle
avait lieu, chaque année, le huitième jour du mois d’avril,
La veille de ce jour, au soir, étant à table à l’iiôtellerle avec
plusieurs autres marchands, comme le souper tirait à sa fin,
un des asssistants lui dit: « J ’ai été de vos côtés, chez
un qui a pris femme à Moncalier ». — « C’est Mr Bastie, fit
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— 158 ~
un autre, il est de la religion». — «E t moi aussi, répartit
Coupin , à votre service ». — Alors, « je ne sais si c’est
» celui-là ou un autre , qui dit : vous ne croyez pas que
» Christ vienne en l’hoslie? Et je dis: non. Un autre en
» colère dit : quelle fausse religion est la votre ! Et je ré» pondis: il est aussi vrai que notre religion est vraie, comme
» il est vrai que' Dieu est Dieu , et que je suis assuré de
» devoir m ourir, et ne dis autre chose (1) ».
Il n’était pas nécessaire, en l’an 1601 où cet entretien
avait lieu , d’en dire davantage. Ce propos ayant été
rapporté à l’Evêque, celui-ci fit venir Coupin et le somma
de se rétracter, s’il ne voulait être sévèrement châtié. —
« Pour chose au monde , répondit le vieillard , je ne me
rétracterai point, et suis prêt à soutenir ce que j ’ai d it,
même au péril de ma vie ». — Il ajouta que s'il plaisait à
sa Seigneurie de s’enquérir , quant à ses mœurs, des mar
chands d’Asli qui tous 1e connaissaient, elle pourrait s’assu
rer q u e , pendant tout le temps qu’il avait conversé parmi
eux, il n’avait fait aucun tort à personne; que s’il était permis
à un Juif, voire même à un Turc de fréquenter les foires et
de négocier par le Piémont, cela devait le lui être d’autant
plus à lui qui était chrétien; que de plus, dans ce qu’il
avait d it, ce n’était pas lui qui eût attaqué personne, qu’on
l’avait attaqué, et qu’il n’avait fait que rendre raison de sa
foi, ainsi que le demande la sainte Ecriture, et comme il
avait la faculté de le faire d’après les propres édits de S. A.,
concernant ses coréligionnaires (2 ).
Mais au lieu de se rendre à ces représentations l’Evêque
le fit emprisonner, et les interrogatoires pour hérésie commen
cèrent dès le lendemain.
Laissons parler ici Coupin lui-même: aucun autre langage
n ’aurait le charme des simples et na’ives confidences du pieux
martyr, écrivant à sa famille:
« J’ai désiré il y a longtemps de vous faire entendre de mes
bonnes nouvelles ; et quoique peut-être quelques uns se mocqueront d’un tel langage, d’autant qu’il y en a qui n’cstiraent au
cunes nouvelles être bonnes , si non celles que la chair convoite
et que le monde désire , néanmoins je suis assuré que plusieurs
réputeront ce que je dirai pour bonne nouvelle.
Voici donc que le lendemain de mon emprisonnement, qui fut
'
*
(l) Lettre de Coupin, dans Gilles p. 334.
(2) Perrin, p. 178.
3
—
159
—
le 8 d’avril 1601 , je fus interrogé, et s'y trouvèrent les sieurs
Vicaire, le Fiscal et le secrétaire Annibal. Cet examen dura peu,
et deux autres. Les autres sont treize et en tout seize , lesquels
commençaient à 17 heures jusqu’à 22, toujours interrogé, et
plusieurs fois une main de papier n’y pouvant pas sufflre. Ce serait
mon désir de vous savoir représenter le tout de ce que j ’ai ré
pondu ; mais vous pouvez considérer si je m’en pourrais souvenir,
ayant rempli d’écriture douze mains de papier, ou environ : car
ils m’ont interrogé, outre la sainte Ecriture, des choses du ciel,
delà terre, de l’enfer, et des choses desquelles je n’avais jamais
ouï parler. Je dis bien ceci , et m’émerveille de la grâce que
Dieu m’a faite d’avoir répondu , ce me semble , sept fois plus
que je ne savais. O Dieu immortel ! ta parole est bien vraie
qui as promis et averti tes enfants qu’ils ne fussent point en
peine de ce qu’ils auraient à répondre lorsqu’ils seraient exami
nés pour telle cause, d’autant qu’il leur serait donné de quoi
répondre.......... Le 16 d’avril, étant fort indisposé , je descendis
étant demandé et conduit de la prison dans un grand salon
puis dans une salle et de là en une autre où je vis quatre sei
gneurs de marque, vieux , avec les sieurs fiscal et secrétaire
tous six assis sur des chaires pontificalement ; ce qu’ayant vu
je dis : voilà la mort. Alors l’Evéque me salua et dit : Barthélem i, voici le sieur Vicaire , je suis l’Evêque , là est Mr l’In
quisiteur, là le sieur Paul Laro , le sieur Fiscal et le Secrétaire
Nous tous ensemble avons prié Dieu pour vous, afin qu’ji vous
fasse connaître votre hérésie , que lui demandiez pardon et vous
convertissiez à Ste-mère Eglise , laquelle attend toujours ses enfaus à repentance. Que dites-vous?— Je dis que, par la grâce
de Dieu , je suis de la vraie Eglise , et en icelle j’espère vivre
et m ourir.— Sur c e , étant fort affligé, l’Inquisiteur, après quelque,
examen, dit : qu’on le remène en prison. Le lendemain, après
l’examen, l’Evêque me d it: si vous quittiez cette votre hérésie,
votre Vallée ferait fête et réjouissance de vous. — Je lui répondis :
Je désire plutôt qu’on y porte nouvelle de ma m ort, que d’avoir
quitté ma religion ; et si je faisais telle chose , je m’estimerais
abandonné de Dieu ; et encore que j’aie femme et enfants et quel
ques biens, Dieu m’a ôté tout cela du cœur, à cause de cette
sainte religion en laquelle j’espère de finir mes jours, par la sainte
volonté de Dieu. Us avaient sur la table deux Bibles et un gros
cahier où ils avaient recueilli ce sur quoi ils devaient m’examiner, avec
tant de passages et d’inventions, que je crois que le plus savant
homme du monde y eût eu assez à faire; et moi, pauvre ver
misseau , je répondais autant qu’il plaisait à Dieu me donner à
répondre.
Après je fus examiné le 27 , puis le 28 et le 29 avril. Je
répondais selon que Dieu m’en faisait la grâce, et si en quelque
chose je ne pouvais tant facilement, je leur disais : Je crois ce
qu’enseigne la sainte Ecriture , laquelle contient des preuves suf
fisantes de la vérité de notre religion; . j . par quoi vous perdez
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—
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—
votre temps à tâcher de me vaincre , . . et vous prie de me lais
ser en paix. — O quelle paix ! quoi ! dit l’Inquisiteur, maudit
hérétique ! luthérien ! tu iras à la maison de tous les diables
en enfer, et alors tu te souviendras encore des saintes admonitions
qui l ’ont été faites pour te conduire à salut, mais tu veux plutôt
aller à l’enfer, que de te réconcilier avec la sainte mère Eglise. —
Je répondis : il y a longtemps que je suis réconcilié avec la sainte
Eglise, et en icelle veux vivre et mourir.
Le mardi, 1." m ai, je fus examiné des œuvres; le vendredi
après de la justification ; le lundi , de rechef, des œuvres ; le
m a rJ i, des images ; le 14 de l’ honneur dû aux saints ; plus
encore le lendemain 15 , où je leur dis : Seigneurs, si un homme
désarmé était assailli par quatre ou cinq hommes, bien armés ,
comment se pourrait-il défendre ? Vous êtes ici contre moi tant de
Seigneurs doctes , avec livres et écritures apprêtées, comment moi ,
pauvre ignorant et sans livres , me pourrais-je défendre ? — Ils me
dirent : Tu n’en sais que trop : il vaudrait mieux pour toi que tu
en susses moins. O r, quant aux causes de mon emprisonuement,
il n’en faut pas disputer avec Dieu, au quel on ne saurait répon
dre à un article, de mille , comme dit Job ( l ). Je sais que ses
jugements sont profonds, ses miséricordes infinies, et qu’il nous
faut mettre la main devant la bouche et louer ses saints faits » (2).
Cependant une grande consolation fut départie au prison
nier, au milieu de ses épreuves, par la visite que sa femme et
son fils aîné eurent la permission de lui faire. Ses ennemis
avaient beaucoup compté sur celle visite pour l ’amener à une
rétractation; « m a is, dit notre vieil historien, Gilles, ils n’y
gagnèrent rien : sa religieuse femme n’avait garde de l ’exhor
ter à telle faute pour l’amour du monde ».
Les deux époux et le jeune homme soupèrent ensemble ,
et jamais repas n’avait été plus triste et plus doux à la fois.
Le vieillard, pressentant bien que cette entrevue avec les siens
serait la dernière, donnait à chacune de ses paroles le ca
ractère d’une suprême exhortation : « Dieu vous sera plus
que m ari, disait-il à sa compagne qui étouffait ses larmes ».
— « Et t o i , disait-il à son fils, liens pour certain qu’il ne
cessera pas de t’être bon père ». — « Quant à m o i , ajou
tait-il , mon devoir est de n’aimer ni femme ni enfants plus
que Christ ; aussi ai-je bonne espérance que Dieu me fera la
grâce de supporter toutes sortes de tourments pour sa gloire ».
11 recommanda à sa femme d’élever leurs enfants dans la
crainte du Seigneur ; à son ûls d’être soumis en toutes choses
(O Job. IX, V. 3.
(9) Gilles, p. 335 et suiv.
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—
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—
à sa mère ; à l ’un et à l ’autre de prier Dieu qu’il lui plût
de le fortifier contre toute espèce de tentation ; puis ayant re
commandé tous les siens à la grâce divine, ils se dirent adieu,
au milieu de beaucoup de larmes.
Le lendemain de cette cruelle séparation , Coupin adressait
à son épouse la lettre qu’on va lire :
A ma bien aimée compagne Susanne Coupin
à La T out de Luserne.
« Ma très-chère compagne ! J’ai reçu beaucoup de consolation
de votre venue en ce lieu , et d’autant plus que moins je l’attendais.
J’estime que vous aurez aussi été consolée d’avoir encore eu le
moyen de souper avec m oi, comme il est advenu hier, quinzième
de septembre de l’année mil-six-cent-un, jour de samedi. Je ne
sais pourquoi cela nous a été permis ; mais toutes choses sont en
la main de Dieu ; et quoiqu’il en soit, je ne pense point que
jamais nous mangions ensemble ; et pourtant priez Dieu qu’il vous
console et fiez-vous tous en Dieu, lequel a promis de n’abandon
ner jamais ceux qui espèrent en lui. Vous avez assez de prudence,
et pourtant conduisez notre maison en sorte que vous vous fassiez
obéir à nos enfants Samuel et Marthe (1), auxquels je commande,
en l’autorité de Dieu, qu’ils vous soient fidèles et obéissants, car
ainsi Dieu les bénira. — Au reste, ne soyez pas en peine de moi,
car si Dieu a ordonné que je sois arrivé à la fin de mes jours,
et qu’il plaise au Tout-puissant que je lui rende l’àme qu’il m’a
longtemps prêtée, j’espère en lui qu’il la recueillera au ciel par
sa sainte et divine miséricorde, pour l’amour de son saint Fils
Jésus-Christ, par lequel je crois que nos péchés sont effacés, à
cause de sa sainte mort et passion. Ainsi le prie-je qu’il m’accom
pagne jusqu’à la fin de la vertu de son saint Esprit. Soyez af
fectionnés à prier Dieu et à le servir, car par ce moyen vous
serez bienheureux. — Vous ne vous devez mettre en peine de m’en
voyer aucune chose de trois semaines , au bout desquelles vous
m’envoyerez de l’argent, s’il vous p laît, pour bailler ( donner )
ay géolier, et de surplus quelque chose pour me secourir, si tant
est que je sois encore en vie. — Item souvenez-vous de ce que je
vous ai souvent dit : c’est que Dieu avait prolongé de IS ans la
vie au roi Ezéchias, mais qu’il me l’avait prolongée de davantage ;
car il y a longtemps que vous m’avez vu comme m ort, et né
anmoins , je suis encore en v ie , et espère et tiens pour certain
qu’il me conservera autant que le tout sera pour son saint nom
et pour ma félicité , par la grâce qu’il me fera ».
De la prison d’Asti, 16 septembre 1601 (2).
(1) Coupin avait eu ces deux enfants d'un premier mariage.
(2) Perrin page 181.
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Cependant l’Evcque d’Asli n’était pas sons quelque embarras
au sujet de son prisonnier. Le relâcher, il ne pouvait s’y
résoudre, craignant la hardiesse que plusieurs en prendraient
de parler hautement contre la religion romaine ; le condam
ner, les raisons pour le faire manquaient entièrement, l ’ar
ticle V des Lettres-patentes de l ’an 1561 portant expressé
ment, que « en cas qu’ils fussent interrogés de leur fo i, les
Faudois auraient la faculté de répondre , sans encourir peine
aucune réelle, ni personnelle ». Dans cette incertitude il se
décida à envoyer le procès à Rome. Après s’être fait attendre
pendant bien des m o is, la décision de la cour papale arriva
enfin. Dans quel sens était-elle conçue? on l’ignore. Ce qui est po
sitif , c’est que , peu de jours après , Coupin fut trouvé mort
dans sa prison. Les langueurs d’une captivité qui touchait à sa
seconde année avaient-elles mis fin à cette existence caduque et
déjà minée par l’âge et les maladies ; ou bien cette mort étaitelle l ’œuvre d’un familier de l'inquisition? l’histoire ne dit
non plus rien de positif à ce sujet. Ce qu’elle dit, et ce qui fait
sourire de pitié, c ’est que, pendant que l’âme du pieux martyr
prenait place au banquet des élus , dans les demeures éter
nelles , son cadavre , tiré de prison, était condamné, par
sentence lue sur la place publique, à être b rû lé , ce qui
fut exécuté sur le champ. « Voilà , dit P errin , qui publiait
» son histoire en 1619,1e dernier des Vaudois venu à notre con» naissance, qui ait été persécuté jusques à la mort pour sa
» croyance » . Les tueries de 1655 et de 1686 étaient en
core à venir.
N E C R O liO G lE
J lu R é d a cte u r de VÉelto d C c VaitéeaMonsieur le Rédacteur.
« Le juste m eurt, a dit un prophète, et personne n’y prend
garde » Esaie 3 7 , 1. Afin que ce reproche ne nous soit point
applicable, permettez-moi de diriger , pour quelques instants, l’at
tention de vos lecteurs sur un de ces « justes » selon l’Ecriture
que Dieu a repris à lui il y a déjà quelques mois , mais dont le
souvenir ne s’effacera pas de sitôt, chez ceux qui ont eu le bonheur
de le connaitre et de l’approcher.
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—
163
—
D** G**, au quel cette courte notice est consacrée , était une
de ces vraies natures d’anciens Vaudois, comme on aimerait à
en rencontrer encore beaucoup; aux mœurs austères et simples,
à la conscience droite, à la piété sans apparat, mais réelle,
agissante et aimable. 11 avait par son activité et son travail acquis
une honnête aisance ; essentiellement intègre, Dieu avait évi
demment béni son industrie dont on retrouve des traces dans
tout ce qui lui a appartenu.
Bien que parvenu à un âge avancé, il n’avait pas cessé de jouir
d'une santé excellente, excepté les dernières années de sa vie
qu’il fut affligé de surdité. Irréprochable dans ses mœurs , on ne l’en
tendait cependant jamais dire du bien de lui-même ; ses entretiens
favoris étaient ceux qui avaient pour objet les saintes Ecritures;
et il était remarquable de voir , de quelles réflexions mûries par
r expérience , et de quelles applications parfaitement adaptées aux
circonstances , il savait toujours les assaisonner. Quoi qu’il soutint
avec chaleur ses opinions basées sur la Bible , personne, même
d’entre les plus incrédules, n’osait le taxer de fanatisme , tant
était bien établie la réputation de bon sens dont il jouissait auprès
de tous. L’injustice sous quelle forme que ce fût l’affligeait pro
fondément , et c’était avec bonheur et de tout son pouvoir qu’il
travaillait à favoriser les progrès du relèvement moral de ses
compatriotes, ainsi qu’à augmenter leur bien-être temporel. Lors
qu’il voyait qu’il pourrait résulter de la mise à exécution de tel projet,
quelqu’avantage pour les particuliers de la commune , il s’y
employait avec la persévérance et l'activité dont il était doué :
c'est ainsi qu’il les engagea à faire agrandir le temple de la Paroisse,
afin qu’ils n’eussent plus le prétexte de dire que s’ils n’y allaient
pas, c’était faute de place.— Nommé ensuite Diacre , il s’acquitta
pendant de longues années de cette charge avec une scrupuleuse
exactitude et une grande bienveillance pour les pauvres auxquels
il. savait dispenser à la fois secours, consolations et bons conseils.
Il travaillait aussi de toutes scs forces , comme collaborateur du
Pasteur , à maintenir la paix et l’union dans les familles. Membre
de la commission des Hôpitaux vaudois , il s’y fit remarquer ,
non par des connaissances transcendantes (c’était un simple cam
pagnard) , mais par sa fermeté et son bon sens. Il visita dans la
compagnie du pasteur de sa paroisse les Vallées de Queyras et
de Fressinières pour connaître nos coréligionnaires qui les habitent,
et leur apporter quelques paroles d’exhortation propres à les
affermir , vu qu’ils étaient en ce temps là dépourvus de pasteur.
Ce fut encore lui qui fit plusieurs voyages à Turin pour obtenir
la permission de bâtir une cure , demande q u i, après bien des
difficultés , fut enfin accordée.
Cet homme respectable ne négligeait aucune occasion de s’édifier :
il fréquentait très-assidument les saintes assemblées , ainsi que
toutes les réunions religieuses particulières, et dans les écoles
do quartiers, il remplissait souvent lui-même les fonctions de régent.
Tel qu’il se montrait au dehors , tel ou le retrouvait dans sa
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—
tous. Sa manière de reprendre et d’exhorter les enEanls était
parfaitement bienveillante et toujours à leur portée. Doué d’une
tendresse peu commune pour tous ses proches , il voulut encore
faire un repas en famille chez une de ses sœurs, un mois environ
avant sa mort , et dans son expansion fraternelle , il disait qu’il
se sentait mille fois heureux de pouvoir se trouver avec elle et
quelques autres parents ; car , ajoutait-il, en pleurant, c’est peutêtre la dernière fois que nous nous rencontrerons sur cette terre.
Après le d în er, et selon sa coutume, il prit la Parole, qui était
en tout temps sa joie et sa consolation, et en fit la lecture, les
yeux remplis de larmes de reconnaissance. Il pensait souvent à la
mort et en parlait sans effroi : elle n’était point pour lui le roi des
épouvanteinents , mais la messagère de bonnes nouvelles. Un trait
qu’il ne faut pas oublier, c’est la connaissance profonde qu’il pos
sédait de notre histoire, dont il pouvait citer avec exactitude les
plus minimes circonstances. La lecture était sa plus douce récréation
à ses travaux agricoles ; et, assis sur un fauteuil qu’il avait luimême sculpté d’un seul bloc de bois , il prenait après le repas
un de ses livres favoris, et faisait une lecture a sa famille. Assailli
violemment par la maladie qui termina sa carrière, il trouvait son
plus grand soulagement à se rappeler les promesses de miséricorde de
son Dieu, et ce fut, pour ainsi dire, en les répétant qu’il expira
le 8 7.bre 1849 à l’âge de 73 ans.
Quelle force n’acquerrait pas notre Eglise , et que de bien se
ferait, qui ne se fait pas, s’il se trouvait, dans chacune de nos
paroisses , bon nombre de ces âmes , comme celle dont je viens de
vous entretenir , franchement et simplement chrétiennes, et dont
toute la vie fût un éclatant témoignage rendu à l’excellence de la
foi qu’elles professent!
Agréez , M.r le Rédacteur , etc.
Un de vos abonnés.
« V S S T IO N S liO C A liE S
Du peu d’empreesement des troupeaux à Intervenir
aux visites pastorales»
Si nos lecteurs ont présents à l ’esprit les fragments que
nous avons rapportés dans notre dernier num ero, de la
circulaire de la V. Table sur sa visite pastorale , ils se
rappelleront que des plaintes assez énergiques y étaient for
mulées contre le peu d’empressement des tropeaux à inter
venir à cette visite.
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165
—
Em pêché, faute de place, de nous occuper, en même
temps que du reste , de cette partie de la circulaire , nous
promimes d’y revenir , ce que nous faisons aujourd’hui ;
moins cependant en vue de nous appesantir sur ce fait qui,
une fois constaté, n’a pas besoin de commentaire, que
pour appeler encore une fois l ’attention des vrais amis de
l ’Eglise , sur un m al, dont le fait en question n’est qu’un
symptôme, et contre lequel il importe de réagir de tout son
pouvoir, si l ’on ne veut en être entièrement dominé, avant
q u ’il soit longtemps.
Ce mal , petit aux yeux de certaines gens , mais qu’à
notre point de vue nous regardons comme fort grave, c ’est
l ’indifférence malheureusement trop générale de nos troupeaux
pour leurs affaires ecclésiastiques ; indifférence q u i, enlevant à
notre organisation son point d’appui, en même temps que sa
force motrice , en paralyse les effets, et réduit, si non à
néant , du moins à bien peu de chose , les excellents ré
sultats qu’on pouvait légitimement en espérer.
Assurément, s’il y a , dans le système ecclésiastique qui
nous régit, une disposition fondamentale, une disposition qui
le rende , à nos yeux du moins , infiniment recommandable,
plus recommandable qu’aucun autre système ecclésiastique que
ce soit, c’est la part extrêmement large qui y est faite aux
troupeaux dans le gouvernement de l ’Eglise. En effet, qu’y
a-t-il — dans un système qui n’est pas le congrégationalisme,
c ’est-à-dire , en même temps que l ’indépendance absolue, le
fractionnement à l’infini ; dans un système qui pose comme
principe l ’union des Eglises, c’est-à-dire , la cession par chaeune
d’elles d’une portion de sa liberté au profit de l’ensemble — qu’on
eût pu abandonner au troupeau, à l ’Eglise particulière , et
q u ’on ne lui ait pas abandonné? Nomination des pasteurs,
nomination des anciens, nomination des députés au Synode,
et, par le Synode, nomination de la Table chargée de l ’éxécution de ses décrets, tout ne part-il pas de la paroisse, et
se faiuil chose de quelqu’importance où son intervention ne
soit pas en principe absolument exigée?
Mais l ’excellence d’un tel système repose sur une condition
qu’ il importe fort de ne pas perdre de vue , c’est que les
troupeaux, conscients de leurs droits le soient pareillement
de leurs devoirs ; q u e , jaloux de leurs prérogatives, ils ne
négligent aucune occasion de s’en servir pour le plus grand
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—
166
—
bien de la société à laquelle ils appartiennent. — Que si
cette condition essentielle vient à manquer ; que si tes pré
rogatives, ou ne se sont pas exercées , ou ne le sont que
lâchement, ou le sont mal ; que si le droit, de la part du
grand nombre, demeure stérile , alors, arrive ce que nous
disions il y a un moment : le fondement manquant, tout le
système qui reposait sur ce fondement croule, ou s’il ne
croule pas absolument. les résultats n’en sont plus que
l ’ombre de ce qu’ils auraient du être.
Les plaintes contenues dans la circulaire de la V . Table ;
celles que nous formulions nous-mêmes, dans ce Journal, il n’y
a pas long temps , en parlant du synode ; ce qui a été re
levé tant de fois et à si juste titre, du nombre relativement
petit d’électeurs qui prennent part à la nomination des pa
steurs et des anciens ; tout cela, et bien d’autres misères qui
nous caractérisent, ne trouve-t-il pas son explication dans
ce que nous venons de dire ?
C ’ est donc contre ce m a l, nous le répétons, qu’il importe
de réagir, non pas faiblement , nonchalemment, mais de
toutes ses forces, et en s’appliquant surtout à la destruction des
causes qui ont concouru à le produire.
Une de ces causes, la principale, c’est sans doute l ’indif
férence pour les grandes et saintes vérités au nom des quelles
l’Eglise existe, ét qu’elle a pour mission de propager et de
réaliser sur la terre. Combattons vaillamment, résolument
cette indifférence ; travaillons à redonner vie et efficace à
ces vérités ; et le mal que nous déplorons ne tardera pas
à disparaître ; et quand il y aura parmi nous beaucoup d’âmes
qui auront compris pour elles-mêmes le grand bienfait de
r E van gile, elles comprendront aussi le bienfait d’ une
institution destinée à le répandre , et elles s’y intéresseront.
Une seconde cause, qui a du contribuer pour beaucoup aussi
à la production du mal que nous signalons, c ’e s t, croyons
nous , la manière plus ou moins mystérieuse et l ’absence à
peu près complète de publicité, avec laquelle, Jusqu’à ecs
derniers temps, par suite sur tout de la Jalouse susceptibilité d'un
gouvernement ombrageux et tyrannique, nos affaires ecclé
siastiques ont du être conduites. Le mystère qui fait la force
et la vie des sociétés organisées sur ce principe, est ce qui
tue les sociétés reposant sur une tout autre base. C ’est en
grande partie, nous en sommes fermement convaincu, faute
11
167 —
d’clre bien cl clairement renseignées sur des intérêts q u ’clleS
savaient cependant leur appartenir , que nos populations en
sont venues, peu à peu, à ne plus donner qu’une médiocre
attention à ces intérêts , alors même que leur coopération
leur était formellement demandée. La plus grande publicité
possible donnée à nos affaires ecclésiastiques, voilà donc le
second moyen à employer pour ramener les choses à leur
état normal.
Mais l’indifférence religieuse et le manque de publicité
n ’expliquent pas tout; l’ignorance est certainement pour sa
bone part dans le fait qui nous occupe. C’est faute de bien com
prendre la nature et l’étendue de leurs devoirs, comme membres
de l’Eglise, que beaucoup de personnes, bien disposées d’ailleurs,
montrent si peu d’empressement à s’en acquitter. Q u’on les
éclaire sur ces devoirs ; que la veille d’une élection , d’une
visite pastorale, ou de telle autre opération im portante, les
pasteurs du haut de la chaire, les anciens dans leur quartier
respectif, s'appliquent à faire sentir aux ûdèles toute la portée
de l’acte qui va s’accomplir , et l'obligation ou est chacun
d’eux d’y prendre une part active et consciencieuse ; et
nous sommes fermement persuadés que la moitié au moins, si
non les trois quarts de ceux qui se seraient dispensés, seront
présents. Ce qui s’est passé pour nos élections politiques, si
fréquentes depuis deux a n s , prouve surabondamment la
vérité d’une pareille assertion. En effet, croira-t-on , même
en faisant à la nouveauté la part qui lui revient en toute
chose, que si nos gens avaient été laissés entièrement à
eux-mêmes, le seul intérêt pour des institutions dont ils ne
comprenaient que très-imparfaitement la portée, les eût amenés,
à reitérées fois et en phalanges si serrées, autour de l’urne
électorale ? — Point du tout. — Il serait arrivé pour les
élections politiques ce dont nous nous plaignons pour les
élections et autres opérations ecclésiastiques, quelques uns
seraient allés, le plus grand nombre serait resté chez soi.
Mais comment a-t-on réussi à prévenir ce mal ? D’abord on
a eu des réunions préparatoires, ce qui a contribué puissam
ment à porter la lumière dans les esprits ; puis dans chaque
localité quatre ou cinq personnes , se partageant les électeurs,
sont allées de l’un à l’a u tre , expliquant individuellement à
chacun la nature du concours qui lui était demandé et son
devoir de ne pas le refuser. Voilà comment on a réussi à
—
12
—
168
—
faire que toujours.le moment de rélcclion venu, presque tous les
électeurs fussent à leur p oste, malgré le mauvais temps, la
distance et les dépenses que cela leur occasionne. Or pourquoi,
des moyens analogues étant employés quand il s’agit d’une
votation concernant l’Eglise , les mêmes résultats ne seraientils pas obtenus ?
Enfin , quand aux visites pastorales en particulier , nous
pensons que le secret du peu d’intérêt qu’elles excitent doit
être , jusqu’à un certain poin t, cherché dans la manière dont
elles sont faites. On aura beau dire , mais une prédication,
tout à fait générale, sans rien de spécial aux circonstances de
la paroisse à laquelle elle est adressée; après cette prédica
tion , une maigre invitation aux chefs de famille de s’arrêter,
pour répondre, en présence du pasteur et des anciens,
s’il n’ ont rien à reprendre à leur administration; tout
cela suivi d’un examen des comptes , chose excellente sans
doute , mais de sa nature, à la portée seulement d’un petit
nombre de personnes, ce n’est pas là une véritable visite
pastorale : le mot dit beaucoup plus ; et jusqu’à ce que
l ’on en soit venu à faire ce que le mot signifie, ni ces
visites n’inspireront un vrai in térêt, ni elles ne répondront
par conséquent au but qui les a fait instituer.
l¥O trrjEM ,E,JES nÆÆ,ÆCÆÆ!ïï7SJES
PiÉnonT — Projet de loi Siccardi : ce projet dont nos lecteurs connais
sent les principales dispositions , et qui n’avait subi entre les mains de
la commission chargée de son examen que quelques modifications de
forme , consenties par le Ministère, a été adoptée par la Chambre à une
très-forte majorité. Malgré l’ enthousiasme presqu’unanime avec lequel la
présentation en avait été accueillie par les députés, et qui assurait son
triomphe dans cette cham bre, la discussion a été longue, approfondie et
par dessus tout fort modérée. Jamais en core, depuis qu’elle ex iste,
cette assemblée n’avait fait preuve de tant de connaissances, de tant de
bon sens, unis à une si remarquable éloquence. La gravité du sujet en
donnait évidemment une très-grande à la discussion; et si la minorité ,
très-faible d’ailleurs de toute manière , n’a pas cru devoir se rendre aux
raisons de la majorité , la faute n’en sera du moins pas. à celle-ci qui
n’a pas laissé debout un seul de ses arguments.
Comme cela est n atu rel, le vote de la Chambre a produit une grande
sensation hors de celte enceinte ; les partisans de la mesure , et ce sont
de beaucoup les plus nombreux, ont battu des mains ; les autres, le baut
clergé surtout, ont poussé le cri d’allarme , déclarant la religion catho
lique en danger. L’épiscopat tout entier, celui de Savoie d’abord, puis
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169
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celui de Piémont à protesté; le Pape à pareillement protesté par la voie de son
Nonce; et le Sénat est dès à présent inondé de pétitions en sens contraire.
Quel sera le sort de la loi dans celte dernière enceinte? Trioraphera-t-elle ?
Succombera-t-elle? Voilà la question que dans les deux camps on s’adresse
avec une sorte d’angoisse. 11 parait toutefois que les chances de succès sont
les plus fortes ; mais il en serait autrement qu’un immense pas en avant
n’en aurait pas moins été fait. « C’est quelque chose d’extraordinaire, nous
disait un de nos amis , très au courant de ce qui se passe , que le
progrès qu’à fait faire aux idées reiigieuses cette dernière discussion ».
Ce progrès ne sera perdu en aucun cas. La loi Siccardi peut succom
ber dans le Sénat ; la nation l’a sanctionnée, et son triomphe définitif
n’est plus qu’une question de temps. Un jour viendra pour le Piémont
aussi, où le grand principe des sociétés modernes ; plus de bayonnettes
au service de la religion , aura le dessus ; la loi Siccardi, et l ’accueil
qu’elle a reçu , nous en sont le garant le plus assuré.
A ngleterre — Ce qui se fait en Angleterre pour la propagation de
l'Evangile : Nous extrayons de rapports récemment publiés le tableau
suivant des dépenses faites, par quelques unes seulement des sociétés
missionnaires de l’Angleterre, depuis leur origine, jusqu’à l’année 1849:
Société des Missions de Londres, fondée en 18ü0: Quarante huit
millions , trois-cenl-huit mille , cinq-cent , cinquante fr .
Société Wesleyenne des Missions : fondée en 1803 : Cinquante six
millions , sepl-cent-quarante- six mille , trois-cent-septante-cing fr .
Société des Missions Anglicanes ; fondée en 1808 : Cinquante trois
m illions , huit-cent-quarante-trois mille , sept-cent-cinquante fr .
Société Baptiste des Missions : fondée en 1800 : Quinze m illio n s,
cinq-cent-dis mille , sept-cent-septante-cinq fr .
D'après ces rapports, le total des dépenses des diverses sociétés
missionnaires de l’Angleterre, depuis leur origine jusqu’à cette même
année 1849 , se monterait à la somme énorme de deux-cent-septantecinq m illions de fr. ! Est-ce peut-être là ce que certains journaux se
tuent d’appeler: l’agonie du protestantisme ï
Société Biblique Britannique et Étrangère : Celte vaste et puissante
association , anathématisée par Grégoire XVI et à deux reprises déjà
par Pie I X , sans qu’elle paraisse s’en ressentir le moins du monde, a,
dans les quarante-cinq années de son existence , mis en circulation
trente-six millions d’exemplaires des livres saints , en 140 langues dif
férentes. Pendant la seule année 1849, la circulation a été de 1,107,818
exemplaires. Les recettes de la société dans le cours de cette même
année ont été de deux millions , trois-cent-quatre-vingt-dix-huit m ille,
trois-cent-vingt-cinq fr. Total de ses débours depuis sa fondation en
1804 jusqu’à l’année dernière: cent-trente-sept m illions, cinq-cent mille
fr .! Seconde preuve tout aussi concluante que la première que le pro
testantisme se meurt.'
E mpire d ’A utriche — Le protestantisme en Bohème : Sous ce titre, le
Bisorgimento journal ministériel de Turin publie ce qui suit : « Les
jo u ^ u x aiitrirhiens et ceux de l’Allemagne ont touts relevé les progrès
rapnes que le protestantisme a faits, cette année, parmi les Bohémiens,
sans pourtant qu’aucun d’eux ait tentér de donner l’explication de cc
phénomène _q u i, en face de l’indifférentisme religieux actuellement à
l’ordre du jou r, parait inexpliqnable. Le fait cependant ne peut être
révoqué en doute. Dans le courant de janvier dernier plus de 60
catholiques ont abandonné la religion de leur pères et sont passés au
protestantisme. Dans le mois de février les apostasies ont été beaucoup
plus nombreuses encore j puis qu'en un seul jour, à ce qu’on rapporte,
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44 personnês o n t, dans la calliédrale de Prague, pubiicjuemenl abjuré
le catholicisme •. Le Risorgimejito cherche à expliquer ce mouvement
par des considérations tirées essentiellement de l’histoire de la Bohême,
considérations qui peuvent avoir leur part de vérité , mais qui, nous
l ’espérons du moins, n’expliquent pas tout.
N O W J V E Ï Ï j I ,t l S
PO EéM TM Q VB S
INTÉRIEUR.
PiÉMoxT — La parfaite égalité civile et politique de tous les citoyens,
sans distinction de cu lte, a reçu une nouvelle et précieuse consécration,
par la nomination d’un Vaudois , M. Joseph Maian banquier et membre
de la Table vaudoise , comme député du collège de Bricberasio au
Parlement Piémontais. Honneur et reconnaissance aux électeurs catholiques
qui, rompant les premiers avec de misérables préjugés, ont offert volon
tairement leur concours au triomphe de ce grand et beau principe. La
conduite de M. Malan dans la Chambre, ne lardera pas nous en sommes sûr,
de montrer, même à ceux qui en douteraient encore, qu’on peut avoir
une autre religion que celle de la majorité , et cependant nourrir en
son coeur, pour le bien et la prospérité de la patrie, tout autant d’amour
que qui que ce soit.
— La Chambre des députés poursuit, avec une, louable énergie et
persévérance, la lâche qui lui est imposée , de mettre nos institutions
civiles et judiciaires en harmonie avec la Constitution. Après la loi sur
la réforme postale, est venue la loi sue les tribunaux ecclésiastiques et
les fêtes, et après celle-ci la loi sur les pensions militaires. La Chambre
s’occupe en ce moment d’un projet de loi sur tout un système de routes
à établir dans l’ile de Sardaigne. Celle mesure, dont l’adoption est
assurée, exercera la plus heureuse influence sur l’agriculture et la ci
vilisation de celte partie jusqu’à présent si arriérée des États Sardes.
— Le jour n’est pas éloigné où une route en fer unira Turin à
Pignerol, et fera de cette dernière ville un fauxbourg de la capitale.
L’exécution de celte entreprise a été concédée, par le gouvernement ,
à une société présidée par le marquis de Rora , et dont sont membres
plusieurs capitalistes nationaux, parmi lesquels l'honorable M. Joseph
Malan, député du collège de Bricherasio. Les frais évalués à 6 millions
de fr. seront couverts au chacun moyen d’actions de 500 fr. Trois millions
dit-on, sont déjà trouvés, tant ce placement parait offrir d’avantages aux
spéculateurs.
— Le Duc de Gènes, le second des fils de C harles Albert, doit se
marier prochainement avec une princesse allemande, la nièce du roi
de Saxe.
T oscane — La question de la réouverture des Chambres préoccupe
beaucoup les esprits dans celte partie de la péninsule. On y dit le
gouvernement disposé , bien que jusqu’ici aucune mesure officielle ne
garantisse cette bonne disposition.
( Etats-R ohains — Enfin il parait positif que Pie IX va reprendre le
chemin de sa capitale. Communication officielle de celle détermination
a été donnée aux ambassadeurs des différentes puissances près le saintSiège. C’est dans la première quinzaine d’avril que ce retour doit avoir
lieu. Encore un pas de fait vers le dénuouement de la grande crise po
litique et religieuse à laquelle le monde entier est maintenant en proie.
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—
EXTERIEUR
F ra :^ce — La votation par l’assemblée nationale de la loi sur l’instruction
publique a eu pour réponse, de la part de la population parisienne ,
la nomination de trois représentants socialistes (républicains extrêmes ). Le
gouvernement de son côté a aussitôt répliqué à celte menace par _ la
présentation de deux projets de loi qui seront probablement adoptés ;
l’un destiné à porter de grandes entraves à la liberté de la presse,
l’autre à rendre les clubs, ou réunions politiques, absolument impossibles.
La liberté religieuse qni n’avait jamais été plus largement proclamée
que par la constitution républicaine du 1848 , n’a jamais été plus
mal-menée que depuis cette époque. Le pouvoir, effrayé des progrès
du socialisme, se jette dans les bras des prêtres. Pauvre expédient qui
n’aura d’autre résultat que de le précipiter plus vile et plus sûrement
à sa ruine.
— Le Comité nommé par l’Assemblée nationale , pour l’examen des
différentes propositions faites au sein de cette assemblée, tendant à établir
un impôt sur les ch ien s, a vivement recommandé cette mesure. Le
comité pense que l’impôt aurait ce triple avantage : 1. d’augmenter le
revenu public ; 2 . dé protéger la population contre un danger consi
dérable ; 3. de diminuer une consommation inutile d’aliments. Le rapport
é tab lit, que dans le Grand-Duché de Bade , où l’impôt existe, le nombre
des chiens qui était de 26,000 en 1832 , lorsque la taxe était de 6
fr. par tète , monta en 1833, à tiii,000 , par suite de la réduction de
la taxe à 3 fr. ; pour redescendre au premier de ces chiffres en 1843,
quand l’impôt fut élevé de nouveau jusqu’à la somme de 8 fr. 30 c .
Ce rapport établit en outre que , le
montant des décès par
suite
de r a g e , fut en A ngleterre, de 24 en 1838; de 13 en 1859 ; de 12
en 1840 ; de 7 en 1841 , et de S en 1842. Le Comité ne sait pas
exactement quel a été , en France , le nombre des décès provenant de
celle cause , mais il l’estime considérable. Au point de vue de la di
minution des commestibles , le comité envisage l’adoption de cette me
sure , comme d’une très-haute importance. En effet il résulte de données
officielles, que le nombre de chiens existant en France en 1847 était
d’environ trois millions ( ce nombre a beaucoup augmenté depuis}, et
que leur nourriture ne coûtait guère moins de septante miltions de fr .
c ’est-à-dire ce qu’il faudrait pour nourrir de cinq à six-cent mille
personnes !
A ngleterre — Un différend surgi entre le gouvernement Britannique
et le gouvernement Grec , sous le prétexte apparent d’indemnités dues,
par ce dernier, à des ressortissants anglais, et qui n’avaient pas été
payées , mais en réalité pour de tout autres motife, a pu être regardé pour
un moment comme l’étincelle destinée à mettre le feu à tout ce qui
il y a d’élémens inflammable, entassés sur toute l’Europe. Ce différend
semble pourtant aujourd’hui à la veille de recevoir une solution pacifique.
A llemagne — L’ Autriche et la Prusse se disputent avec plus d’achar
nement que jamais la prépondérance morale sur ce pays. Celte dernière
vient de convoquer à Ërfurt un parlement destiné à mener à bonne
fin l’œuvre, inutilement tentée il y a deux ans , à Francfort, d’une
constitution une pour tous les États germaniques. Si elle réussit (dans
son projet , son influence est assurée; mais les difficultés tant intérieures
qu’extérieures qu’elle aura à surmonter pour cela, sont considérables.
En attendant on assure que la Russie, qui dans ceci est cœur et àmc
avec l’Autriche, concentre des grandes forces sur la frontière prussienne.
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ANECDOTES ET PENSEES
Ce qui fait la force des Constitutions
« Si je dirigeais le gouvernement des Etats-Unis, disait un pieux
Américain , le docteur Pomray , dans une assemblée générale de
la société Biblique , j ’aurais équipé le plus beau des vaisseaux
de notre marine , commandé par nos plus braves officiers, et
monté par sept hommes des plus illustres du pays , qui seraient
chargés d’apporter à la République Française une Bible , avec
les salutations des chrétiens des Etats-Unis d’Amérique , et de
déclarer solennellement que les nations ne vivent point par leurs
chartes ou leurs constitutions , mais par toute parole qui ment de
la bouche de Dieu. Ce message serait signé et présenté à l’As
semblée nationale de la part des Etats-Unis, comme le grand
enseignement que la France a besoin d’apprendre. Nos libertés
ne viennent pas de notre Constitution. Sans doute elle est sage
et belle , mais nous nous appuyons sur le livre de Dieu, et
c’est ce livre qui nous fait ce que nous sommes. Si ce livre
était placé dans toutes les cathédrales et les antiques églises de
l’Europe ; s’il y était lu partout en langue vulgaire, les nations
de l’ancien monde seraient régénérées et affranchies. Voilà une
vérité que la France ne connaît pas. Elle a le fourriérisme ( le
communisme ) et d'immenses panacées ( remède universel ) sociales,
mais elle ne connaît pas l’Evangile. C’est là ce qui me fait
trem bler pour elle ».
— « 11 n’y a rien sur la terre de plus doux que le cœur
d ’une femme où la piété habite » Luther.
— « Crois , croire c’est plus que demander ». Lavater.
— « Bonjour 1 c’est souvent la seule bonne parole qui sorte
de la bouche de tel ou tel homme dans toute une matinée ». M. Boos.
— « Aimer est la récompense d’aimer ; aimer est la consolation
d’aimer. Toujours souffrir , mais toujours aim e r, ce serait le
paradis , en comparaison de toujours prospérer , et haïr toujours ».
Finet.
— « Une fois sans joie est un autel sans parfum ». Idem.
Le Gérant: J. P. MEILLE.
Avis. Nous réitérons à ceux de nos abonnés voudois
qui n’ont pas encore acquitté leur abonnement, la
prière de vouloir le faire aux plus tôt.
Pignerol 1650, imprimerie de Joseph Chiantore.