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s* année
Août 1868.
iV.“ S.
L'ECHO DES VALLEES
(NOUVELLE SERIE)—
Que toutes les choses qui sont véritables....... eccupent
vos pensées — ( Philippiens.t IV. 8. )
SOMMAIRE: — La Bénédiction nuptiale. — Comment soutenir notre Evangélisation'? — Assemblée de la Société Evangélique de Genève. — Faits
divers. — Mélanges — Vallées Vaudoises.
^ BÉNÉDICTION NUPTIALE
*H- »’est' ”personne, parmi nous , qui n'ait salué l’irtstitution du mariage civil comme un grand progrès au double
point de vue de la liberté de conscience et du bon ordre
dans les familles ; il n’est personne non plus qui ne reconnaisse que les exigences et les prescriptions de la loi civile
sur le mariage ne contiennent rien dont la conscience d’un
chrétien puisse être blessée ; il n’est personne enfin qui ait
songé à demander ou à donner la bénédiction nuptiale avant
que le mariage civil ait été dûment célébré.
Mais, à partir de là, l’accord cesse d’exister. On se sépare
dès qu’il s’agit de fixer les rapports de l’acte civil et de
l’acte religieux, question délicate soumise par la Table au
dernier Synode et renvoyée, à cause de sa gravité même,
à une Commission de trois membres chargée de Texaiifner.
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— 116 —
Ce qui a nécessité le renvoi c’est tout d’abord l’imprévu
de la proposition elle-même à laquelle rien n’avait préparé
les esprits ; c’est ensuite, et surtout, l’ambiguité des
termes dont la proposition fait usage ; ambiguité assez manifeste pour avoir laissé croire à plus d’un que, dans l’intention des auteurs, la bénédiction nuptiale avait droit à être
considérée comme un sacrement à l’égal de la cérémonie
du baptême. Rien, nous le savons, n’est plus éloigné de
leur pensée ; mais il eût fallu ne pas donner prise à cette
fausse interprétation par l’emploi de termes»équivoques. Nous
ne pouvons admettre , quant à nous , qu’à côté du mariage
civil, ou au-dessus, il puisse y avoir ce que la Table appelle,
à plus d’une reprise, le mariage religieux: il ne p0ét*y avoir
deux mariages, ainsi qu’elle s’exprime au § 2* de sa proposition. On ne saurait éviter avec trop de soin ces façons de
parler ; car quoi qu’elles ne soient, en réalité , que l’exagération d’une pensée parfaitement saine et juste dans son
principe , elles auront l’inévitable effet de perpétuer , dans
les masses peu éclairées , les notions le plus contradictoires
sur la véritable portée de ce qu’il faut nommer simplement
la bénédiction nuptiale.
Alors que le mariage civil était encore une nouveauté, tel
pasteur croyait que c’en serait fait de l’élément chrétien
dans le mariage , si, du haut de la chaire, il ne prenait
sur lui de confirmer les bans déjà publiés. Aujourd’hui l’on
croit encore, à ce qu’il paraît, que l’acte religieux doit
corroborer, sans délai, l’acte civil ; c’est du moins ce que
nous lisons dans le texte d’une proposition ’ animée d’ailleurs d’un excellent esprit, et qui par un excès de modestie
de la^art de son auteur est demeurée ignorée de l’assemblée Synodale. Le projet de liturgie proposé à l’accepiâ-
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lion des Evangélistes (1), contient également la pensée inadmissible que les époux chrétiens viennent, devant Dieu et
devant l’Eglise , ratifier leur union (p. 69). Non, il ne s’agit
ni de ratifier, ni de corroborer, ni de confirmer, ni de mettre
en opposition deux mariages. Ce que l’on vient demander à
Dieu c’est qu’il daigne bénir un acte solennel, l’union, déjà
contractée, de deux êtres qui, il faut le croire, ont déjà pris auparavant conseil de Lui, et se sont inspirés des directions qu’il
leur a tracées dans sa parole ; ce que l’on vient demander à
l’Eglise , c’est le concours de ses prières et de ses sup|)lications , afin qu’il soit fait la grâce aux époux de vivre
saintement unis, dans les liens d’un amour et d’une fidélité
réciproques , comme il convient à des membres du corps
de Christ; ce qu’enfin l’on donne de son côté à l’Eglise ,
c’est un témoignage public , que des époux chrétiens doivent trouver tout naturel de rendre, dans lequel ils déclarent leur solidarité spirituelle avec leurs frères en la foi.
Nous disons par là même que ce témoignage est plus
qu’une formalité; il constitue un devoir. Nous touchons ici
par conséquent au côté pratique de la question, et nous affirmons , avec la Table et dans les termes môme dont elle
s’est servi, que se soustraire à ce devoir « équivaudrait à
une profession d’indifférence ou d’incrédulité manifeste » et
que les époux, membres de l’Eglise Vaudoisc, qui se trouveraient dans ce cas doivent être considérés, par cela même,
cooame ayant volontairement renoncé à leur qualité de membres de'l’Eglise, et conséquemment à tous les droits etpri-'
vilèges inhérents à cette qualité ».
(11 Guida par le pubbliche preghiere proposta dalla Commissione di Evangeìùmzione
della chiesa Valdese agli evangelisti da /eidiretti. Firenze, Tip. (llaudiana, 1868, 85 pp.
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— 118 —
Sans doute, si une pareille indifférence se manifeste çà et
là au sein de nos églises, on peut bien souvent la mettre
sur le compte de l’ignorance ; car ceux qui croient, et il
y en a plus d’un, que le sacrement du baptême est rendu
inutile par la loi civile depuis qu’il est exigé que l’on présente les enfants à la mairie, ceux-là, il ne faut pas s’en
étonner, s’imaginent bien plus facilement encore que la célébration de leur mariage devant le syndic renferme de soi
l’élément chrétien. Au pasteur, ancien officier de l’état civil,
la loi, dans leur naïve ignorance, a substitué partout le
Syndic et les assesseurs municipaux. Cette confusion , il importe avant tout que les pasteurs s’appliquent à la faire disparaître. Ils ne pourront, je le présume, se borner à insister sur le point particulier qui nous occupe; il y a bien
d’autres ignorances à combattre , bien d’autres préjugés à
extirper ; et comme toutes les erreurs se prêtent un secours
mutuel, il est impossible qu’en voulant en attaquer une sérieusement rébranlement ne se propage. Rien de mieux;
il suffit de commencer ou de continuer, suivant le cas, et
il importe peu que ce soit d’une manière ou de l’autre ;
les futures discussions sur la bénédiction nuptiale en seront
la preuve, l’essentiel est d’employer résolument un moyen
de mettre, tôt ou tard, un terme à l’alliance de l’église
avec l’indifférence et l’incrédulité. Ce sont des professions
incompatibles ; que ceux qui se ressemblent s’assemblent, et
nous serons bientôt délivrés de cette confusion de l'église avec
le monde, avec la masse, qui paralyse nos efforts vers le
bien.
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COliHEi^T SOlTEPilR NOTRE EVANGELISATION?
Nous ne saurions mieux répondre à cette question qu’en
passant à nos lecteurs la lettre suivante que leur adresse « un
enfant des Vallées» habitant à l’étranger, heureux si nous
avions plus souvent des communications de ce genre à leur
faire. — Elle est datée de
Lyon, juillet 1863.
Chers frères Vaudois habitant dans nos Vallées,
Je ne puis résister plus longtemps au désir qui me presse de jeter
avec vous fous un coup d’œil sur l’état actuel de notre chère Eglise,
et plus particulièrement sur l’œuvre si glorieuse que Dieu l’appelle
â faire dans notre belle patrie. — L’évangélisation de l’Italie par
notre Eglise doit avoir toutes nos sympathies et nous intéresser au
plus haut degré ; car elle est la preuve manifeste de la fidélité de
Dieu à notre égard , puisqu’il permet qu’aujourd’hui nous élevions
des temples et que nos missionnaires fassent librement entendre
l’Evangile de Christ, là où jadis nos pères , pour la même sainte
cause, n’ont trouvé que la persécution et la mort — Nous ne devons
pas nous borner à des vœux stériles en faveur de nos évangélistes
ni attendre, les bras croisés, qu’une bonne nouvelle nous arrive d’une
station quelconque. — Si nous tenons à la vie spirituelle de notre
église, il faut que chaque Vaudois apporte sa part de matériaux à
l’édifice commun. — Cette œuvre de l’Eglise nous pouvons , nous
Vaudois , la soutenir dp deux manières bien efficaces ; je veux dire
en lui fournissant l’appui matériel nécessaire , et plus encore en lui
donnant notre appui moral.
En contribuant selon nos moyens par des dons et des offrandes au
profit de l’évangélisation , nous atteindrions déjà un double résultat :
celui de porter la Parole de vie au grand nombre de nos frères qui
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en sont encore privés, et celui de donner une preuve certaine de la
vie de notre Eglise à ceux qui jugent de l’arbre à son fruit. — Mais
ce n’est pas pour vous entretenir de l’appui matériel à donner à
nos • évangélistes que je me suis permis de vous adresser ces quelques lignes ; je laisse ce soin à notre vénérable Commission qui s’en
acquitte avec tant d’intelligence; ce dont j’aimerais à vous parler,
c’est de l’appui moral que nous devons lui prêter.
Examinons donc ensemble l’état spirituel de notre église , et voyons
si elle est en état de soutenir solidement l’évangélisation italienne. —
Depuis quelque temps , chers frères, j’entends, soit de la bouche des
amis étrangers, soit de la bouche de nos conducteurs spirituels , de
bien graves reproches à notre adresse, reproches, il faut bien le dire,
qui ne sont pas tous sans fondement.
Le premier et le plus grand de tous , c’est que « nous ne sommes
plus enfants de nos pères». En effet nous qui portons le glorieux
nom de Vaudois , jetons un regard en arrière , et considérons ce
qui a fait la force et la grandeur de nos aïeux ; puis , l’histoire à la
main , essayons de comparer le caractère et les mœurs des anciens
habitants de nos Vallées, avec le caractère et les mœurs qu’on nous
sait aujourd’hui , — et nous serons bientôt convaincus de la différence. — « Les Vaudois, dit M'’ Descombaz dans son Histoire de VEglise
Chrétienne,\es Vaudois, vrais chrétiens primitifs,nepuisaientleurscroyances que dans l’Ecriture. Chaque jour ils nourrissaient leur cœur de la
parole de Dieu , priant ei psalmodiant à Dieu au milieu même de
leur travaux. — Les plus simples d’entre eux avaient une grande
connaissance du Livre de vie; plusieurs savaient par cœur des livres
entiers de la Bible. — Chaque chef de famille exerçait dans sa
maison comme un sacerdoce chrétien. — Le père élevait ses fils, et
la mère ses filles dans la discipline du Seigneur. — Presque tous les
Vaudois savaient lire et écrire , ce dont plusieurs prêtres romains
étaient incapables. Leur conduite était simple, leur vie sobre et sans
reproche; leurs conversations toujours assaisonnées de la parole de
Dieu. Ils vivaient du travail de leurs mains ; l’humilité , la pureté .
la charité formaient leurs plus beaux ornements. — Toujours ils s'appelaient du- doux nom de frère et de sœur. Fidèles et soumis aux
lois , ils s’attiraient tellement la confiance de leurs voisins que les^
nourrices et les domestiques vaudois étaient partout recherchés ».
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Quel beau témoignage rendu à la fidelité de nos pères ! et qu’il
fait bon pour nous de pouvoir reposer notre pensée sur des temps
aussi bénis ! — On comprend que l’évangélisation vaudoise fit alors
des progrès; avec une vie de cette pureté l’on n’a qu’à se montrer,
et les portes s’ouvrent d’elles-mêmes.
Mais si de ces beaux jours , suivant le cours du temps, nous arrivons Jusqu’à nous, quel vaudois ne sentira pas soc cœur se remplir
de tristesse en voyant la distance qui nous en sépare ! Ils seraient
bientôt comptés aujourd’hui ceux qui ont une grande connaissance
du Livre de vie , ou qui savent par cœur une portion de la Bible. —
Dans combien de maisons trouverons-nous le culte de famille régulièrement présidé par le chef de famille , ou les enfants élevés dans
la discipline du Seigneur ? — Au luxe qui cherche à pénétrer dans
toutes les classes de la population des Vallées on reconnaît aisément
que la simplicité n’est pas notre vertu dominante , et le tapage qui
se fait dans les cabarets de nos villages , les jours de fête principalement , dit assez ce qu’est devenue la sobriété de nos pères. — Nos
conversations, loin d’être assaisonnées de la parole de Dieu, se ne
ressentent que trop de notre légèreté habituelle , et l’orgueil est bien
plus commum que l’humilité. — La chasteté a reçu parmi nous de
rudes atteintes , et la charité telle que nous la décrit S‘ Paul n’est
guère pratiquée au sein de notre église..... Au lieu de se supporter
les uns les autres , n’en voit-on pas un grand nombre parmi nous
qui ne demandent qu’à traduire leurs frères devant les tribunaux ? —
Cette comparaison n’est certes pas de nature à nous réjouir, mais
elle est nécessaire pour nous humilier en nous montrant ce que nous
devions être et ce que nous sommes.
Après cela, il est juste de tenir compte aussi des exceptions Grâce
à Dieu, il existe encore dans nos vallées de véritables Vaudois qu’anime une piété sincère. Mais je veux dire seulement que ceux-là ne
forment qu’une trop faible minorité, tandis que la grande majorité se
fait plutôt remarquer par sa tiédeur et son indifférence , quand l’église aurait tant besoin de concours de tous ses membres. Je veux
dire encore que cette église , faute d’aliment et d’aciivité , finira par
dépérir à la longue , et que si Dieu n’a pitié d’elle , nous allons lui
préparer un tombeau tout aussi misérable que son berceau fut glorieux.
Frères Vaudois! je m’assure qu’ils sont nombreux ceux qiii gémissent d’un pareil état de choses. Unissons-nous donc et demandons à
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Dieu (le toutes les forces de noire âme de faire passer dans nos cœurs
et sur notre Eglise le souffle vivifiant de son esprit. Secouons cette
torpeur où nous sommes plongés et qui nous laisse sans énergie —
Que nos prières soient faites avec persévérance, avec foi, et certainement Dieu nous bénira, et cette église qui se traîne maintenant dans
la langueur , nous la verrons briller de nouveau au milieu des ténèbres de l’incrédulité , comme elle brilla jadis au milieu des ténèbres
de l’erreur et de l’ignorance. — C’est alors que l’évangélisation italienne se ressentira de notre appui I Unis dans l’amour de Christ et
animés de son Esprit, nous serons avec nos Evangélistes par le cœur
et la pensée. — Dans leurs luttes et leurs épreuves, nous les soutiendrons de toutes les forces que Dieu nous donnera. Ce petit arbre que
l’on nomme l’Eglise Vaudoise , et que le Seigneur a planté d’ancienneté dans nos vallées , nous le verrons croître, étendre ses branches
d’un bout à l’autre de l’Italie et porter d’autant plus de fruits que
les racines en seront plus soigneusement alimentées. Mais encore
une fois , n’oublions pas que si l’arbre n’est pas entretenu, cultivé â
sa racine , les rameaux dépériront infailliblement et sécheront aux
premières ardeurs du Soleil. — Puisse le Seigneur nous faire sentir
la responsabilité qui pèse sur chacun de nous , — sur les pasteurs
premièrement , puis aussi sur les troupeaux , — si par notre négligence nous laissons mourir ce bel arbre. — Puisse-t-il, ,par ce sentiment, nous amener humiliés au pied de sa Croix, et faire de nous
les vrais enfants de nos pères.
Votre frère en J. Christ , affectueusement dévoué.
Un Enfant des Vallées.
ASSEMBLÉE DE LA SOCIÉTÉ EV. DE GENÈVE
Le rapport de la Société Evangélique dé Genève nous donne en
résumé le discours prononcé dans l’Assemblée générale du 18 juin
par Mr le Modérateur Lantaret, que la Table avait délégué pour la
représenter aux réunions annuelles de cette ville. ,
Lantaret est heureux de se trouver pour la première fois , au
sein de cette Assemblée. — Il remercie la Société Evangélique ainsi
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que le Presbytère de l’église de s’être fait représenter au dernier
Synode vaudois par M' le pasteur Ruffet. — Ce sont les paroles si
cordiales qu’il a adressées à l’Eglise Vaudoise, les témoignages d’affection qu’il était chargé de lui apporter, qui ont décidé la Table à
envoyer à Genève un délégué , ce qui pour elle est toujours chose
extrêmement dilEcile. Peut-être faudrait-il dire , pour être tout à fait
exact , que les Vaudois persistent à ne savoir ni parler ni écrire , et
que très-occupés chez eux de leurs œuvres diverses , ils n’ont pas
assez senti le besoin d’entretenir des relations suivies avec les Eglises
sœurs. Il y a lieu d’espérer que pour autant qu’il dépendra d’eux ,
ils voudront à l’avenir ne plus mériter ce reproche.
Genève ne peut ni ne doit demeurer étrangère à l’œuvre qui s’accomplit en Italie par le moyen de l’Eglise vaudoise, et qu’à beaucoup
d’égards, elle peut même appeler la sienne Sans remonter aux temps
où les misérables restes de cette Eglise tombant de fatigue et de
faim aux portes de Genève, étaient accueillis à l’envi par les chrétiens
de cette ville, nourris et réchauffés sur leur sein fraternel, — n’est-ce
pas à l’Ecole de théologie de Genève qu’ont été préparés au delà du
tiers des ministres actuellement en exercice dans l’Eglise Vaudoise?
Une église morte n’évangélise pas , et c’est en reveillant par des
moyens divers la vie au sein de la nôtre que Dieu l’a rendue propre
à commencer l’œuvre qu’il avait préparée pour elle, e pour laquelle
Il l’avait miraculeusement gardée. Et quelle œuvre? l’évangélisation
de l’Italie qui a gémi pendant tant de siècles sous le double joug de
la papauté et du despotisme politique , et qui , à vues humaines .
devait être plus qu’aucune autre nation inaccessible à l’Evangile. —
L instrument n’etant en rien proportionné au travail à accomplir,
cesl au Seigneur (il faudrait être aveugle pour ne pas le reconnaître)
que revient toute la gloire du succès déjà obtenu. — La noblesse
voltairienne ou bigotte, la bourgeoisie incrédule et matérialiste , la
classe ouvrière détachée en général du papisme, mais ne-poursuivant
que les jouissances matérielles, l’agriculteur superstitieux et ignorant,
un clergé tout puissant à peu près partout, le sens moral presque
anéanti chez ces populations, si bien douées sous le rapport de l’intelligence, 25 millions d’habitants, dont plus de 18 millions absolument illettrés, — tel est le champ qui s’ouvrit devant l’Eglise Vaudoise
au lendemain de son émancipation. Le Seigneur lui dit : « va , avec
ce peu de force que j’ai mise en toi, ne crains point, crois seulement
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et tu verras la gloire de Dieu ». — On ne s’étonnera pas qu’elle ne
se soit mise â l’œuvre qu’en tremblant, et comme poussée du dehors
et d’en haut par une force irresistible.
En 1850 l’Eglise Vaudoise avait un seul soldat disponible pour cette
bonne guerre, et elle le plaçait à Turin même, centre alors plus que
jamais du mouvement liberal et intellectuel de la Péninsule ; car
cette ville renfermait une émigration considérable , en même temps
qu’elle était le siège du Parlement — La marche de l’œuvre a été
progressive , sans aucune interruption. A dix-sept ans de distance de
cet humble début. la mission italienne de l’Eglise Vaudoise compte
26 stations avec 19 ministres et 13 évangélistes laïques, plus 46 instituteurs ou institutrices. La fréquentation du culte est de 3000
auditeurs; le nombre des communiants est 1846; les écoles sont
fréquentées par 1458 enfants , dont 972 de parents évangéliques , et
les écoles du dimanche le sont par 814 enfants.
C’est la réponse que l’Eglise Vaudoise a donnée à tous ceux qui,
malveillants ou timides plus qu’elle-même, prétendaient qu’elle était
absolument impropre à cette œuvre . qu’elle devait jouir en paix de
la liberté acquise, et ne pas prendre en face de la religion de l’état
une altitude agressive , ou bien encore que les Italiens ne consentiraient jamais à être évangélisés par des hommes qu’il considéraient
un peu comme étrangers. — Rien n’est plus éloquent que le succès
quand il s’obtient á la face du soleil et par les moyens que la Parole
de Dieu approuve et aime. Au reste les chiffres indiqués ne représentent que bien imparfaitement les résultats obtenus , car c’est par
dixaines et peut-être par centaines de milliers qu’il faut compter les
personnes qui, en Italie , ont été, sinon placées sous l’influence de
l’Evangile, du moins en contact avec lui. Beaucoup d’antipathies et
de préjugés ont disparu , et désormais le grand obstacle à l’avarvcement
du règne de Dieu est, comme partout, l’incrédulité naturelle du cœur
humain, et le matérialisme qui domine spécialement chez les peuples
du midi. La liberté de conscience, de culte et môme de propagande
religieuse est acquise à l’Italie, et si des autorités subalternes y portent quelque fois atteinte, le gouvernement lui-même et ses représentants immédiats tiennent à honneur de la faire respecter.
L’Eglise vaudoise n’est pas seule à l’œuvre et ce n’est pas à ses
seuls efforts que sont dus de si réjouissants résultats. Les églises qui
s’appellent libres V èt dont les premières sont* sorties du sein même
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des congrégations assemblées par nos missionnaires, ont travaillé dès
l’année 1854, et se rencontrent à peu près partout à côté des stations
de l’église vaudoise , et ailleurs encore où elle n’a fondé aucune station. — Quelque -soit l’esprit dans lequel cette mission se poursuit,
pour autant que Jésus Christ vrai Dieu et vrai homme , et le salut
par lui seul sont prêchés , c’est ce dont les Vaudois se sont réjouis
et se réjouiront encore. — Ils ne sont pas jaloux des conquêtes que
l’évangile a faites ou peut faire par d’autres instruments. Il y a delà
place pour tout le monde dans ce vaste champ, et il est à désirer
que les bons soldats de Jésus Christ s’y multiplient et deviennent
bientôt une grande armée. Que les chrétiens évangéliques de tous
pays et de toutes donimalions se disent bien que c’est l’ennemi commun qui se combat en Italie.
Pourquoi chacune de ces dénouimations , pourquoi en particulier
l’Eglise évangélique de Genève ne serait-elle pas représentée dans ce
corps d’armée si faible encore et si peu nombreux , auquel une si
grande tâche est dévolue ? L’Italie a donné anciennement à Genève
le meilleur de son sang et l’élite de ses chrétiens ; le tour est venu
pour elle de payer cette dette sacrée. Nous demandons pour l’Italie .
non seulement les prières et le concours matériel de cette noble ville,
mais aussi son contingent de soldats pour renforcer la petite armée
vaudoise et combattre avec elle les batailles de l’Eternel.
M*" Rüsseew de Saint-Hilaire, Professeur d'histoire à l’Cniversité
de Paris , dans son discours à la môme assemblée, dit entre autres
paroles ; « Je remercie M' Lantaret pour ce qu’il nous a dit
sur l’Italie. Combien je suis, heureux devoir se lever sur ce pauvre
pays Iq, soleil de la régénération.... Dieu veuille bénir l’Italie et lui
donner un avenir politique heureux. Mais qu’elle se souvienne que
si la liberté qu’elle veut avoir n’est pas fondée sur le roc de l’Evangile, elle sera semblable à une maison bâtie sur le sable. Que Dieu
bénissejles efforts que font nos frères Vaudois , qu’ils en fassent de
plus vigoureuXr^v eucorp,, qu’il leur soit donné de vaincre les obstacles qu’ils rencontrent sur leur chemin
Il y a pgu de circonstances, disait quelques heures auparavant dans
son rapport lie ¡vénérable M' Merle d’Aubigné , ^ il y a peu de circonstances, qui ¡nqus réjouissent plus dans l’état de l'église actuelle
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que la vue de ces flambeaux qui s’allument successivement dans
tant de localités de la péninsule italienne , y dissipent les ténèbres
séculaires de la papauté , et y conduisent les âmes dans le chemin
de la paix. L’Eglise des Vallées vaudoises fait là une bonne œuvre.
faits O I a/ e h s
i-es prisonniers *1’ .%bysslnle. C’est le 27 août 1867 que le
gouvernement anglais annonçait pour Ja première fois au Parlement la
nécessité d’une expédition militaire en Abyssinie. Au nombre des soixante
Européens qui viennent de rentrer dans leurs foyers à la suite de l’armée
anglaise dont Dieu s est servi pour mettre un terme à leur longue et
douloureuse captivité, se trouvent, comme on sait, cinq ou six missionnaires évangéliques. Ce sont MM. Rrapf, Henry Stern, Steiger,
Tandis, Flad et Rosenthal , ces deux derniers avec leurs femmes et
leurs enfants Retenus dans les fers à cent quarante lieues du littoral
de la Mer-Rouge, dans cette forteresse de Magdala, que l’on disait
établie comme un nid d’aigle, à une altitude (3 mille mètres) qui dét
passe celle de notre Palavas on de notre Cournoou, ils avaient d’autant plus à craindre pour leur vie que le mercredi 8 avril, à rapproche des Anglais , le terrible Négus avait fait précipiter du haut
des rochers deux cents prisonniers indigènes. Mais le samedi 11 avril
après la sanglante affaire du vendredi saint, Théodore effrayé renvoya
tous les prisonniers. Ce fut donc pour eux un vrai jour de résurrection que le dimanche de Pâques 1868. Ils n’en croyaient pas leurs
yeux : « J’écris en liberté ! dit une lettre du D'' Blanc à sa femme, en
date de ce jour-là, j’ose à peine penser que c’est vrai... je ne sais si
je me tiens sur mes pieds, ou sur ma tête».
i.a Servie dont il s’est tant parlé depuis l’assassinat du prince
Michel (10 juin) compte un million d’habitants, avec un budget
annuel d’une dixaine de millions. La religion dominante est, dans ce
pays, la religion grecque dite orthodoxe, c’est-à-dire non ralliée à la
papauté. Elle est servie par un archevêque , trois évêques, sept cents
prêtres et par un nombre suffisant de moines. Deux milliers de catholiques romains n’y sont que tolér és, à Belgrade particulièrement.
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— 137
liondreH et Pnris. Sur une superficie de sept millions d’hectares^
Paris compte deux millions d’habitants et cinquante mille maisons.
— Sur une superficie de trente un millions d’hectares, Londres compte près de trois millions d’habitants et 360 mille maisons. — Ainsi
disent les derniers recensements.
Un nouveau Concile. Pour se consoler de ce que l’Autriche
se montre sitôt fatiguée de son joug, le pape, par sa bulle du 29
juin, vient d’annoncer au monde catholique l’ouverture d’un Concile
œcuménique et général dans la sainte cité de Rome» pour le 8 décembre 1869, « jour consacré à l’immaculée Conception de la Vierge
Marie, Mère de Dieu ».
En attendant les décisions du futur Concile , la bulle nous apprend une fois de plus que le Fils de Dieu a conféré son pouvoir
aux apôtres, par conséquent à Pierre et à Paul, par conséquent à
Pierre tout seul, « qu’il a constitué prince des apôtres , son vicaire
ici sur la terre, chef, fondement et centre de l’église »; — par conséquent enfin « aux pontifes romains, successeurs de Pierre, dont la
«suprême puissance» tombe ainsi tout naturellement aux mains de
Pie IX. — « Par conséquent, dit celui-ci, nous appuyant sur l’autorité de Dieu tout-puissant... et sur celle de ses heureux apôtres
Pierre et Paul, autorité avec laquelle nous aussi nous accomplissons
notre ministère... nous voulons et commandons ... nous commandons
et ordonnons etc. »
l-’éCRlIté en Turquie. Le 30 mai dernier , en recevant en audience Franco-Alfendi et Daout-Pacha , le Sultan Abdul-Azis, leur a
tenu ce langage : « Je veux que tous ceux à qui je délègue quelque
autorité , s’efforcent d’accélérer la marche du progrès dans mon empire. Je ne fais aucune distinction entre mes sujets chrétiens et mes
sujets musulmans , et ma volonté est qu’ils soient tous également
contents et heureux. Nous sommes un peuple de 40 millions et en
profitant de l’expérience des grands états, nous pouvons faire en dix
ans plus de chemin dans la voie de la civilisation , qu’ils n’en ont
fait eux dans un demi-siècle »■ — Puisse le vœu du Sultan se réaliser, et la liberté religieuse succéder bientôt â la simple égalité !
Condumuntlon de Terqae. Nous avons annoncé en avril l’arrestation à Malaga d’un jeune maître d’école, Julien Vargas, coupable
d’avoir lu un Nouveau Testament. — Les journaux nous apprennent
maintenant qu'il vient d’être condamné à dix-sept mois de prison. —
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Cinq cents jours à passer en un conctact journalier avec des 'meurtriers, des voleurs et des criminels de tous les degrés, dans un donjon
dont l’atmosphère morale et physique est celle de l’enfer.
L’homme, à qui cette peine est infligée, est petit de stature-, et
d’une apparence délicate. Ses traits sont ordinaires, mais son aimable
physionomie annonce un caractère sensible , en même temps qu’elle
exprime son humilité. — Cependant quand il s’agit de défendre sa
foi, Julien est intrépide. — Averti qu’il était menacé d’être mis en
prison il a refusé de fuir, de peur que sa fuite ne fût interprétée
comme un aveu de culpabilité. Des amis lui ont offert de l’argent
pour se faire ouvrir les portes de la prison. — «Jamais, dit-il, je
ne consentirai à me les faire ouvrir de cette manière. — Je suis lié
pour la vérité, et ce n’est pas par le mensonge et la corruption que
je voudrais acheter ma liberté. Ce serait contre ma conscience et
certainement contre la volonté du Seigneur. Celui qui m’a placé ici
saura trouver le moyen de me délivrer quand ce sera sa volonté.
Sa volonté est la mienne ». {Extrait du Christian Times).
IW Riiet- Puisque nous parlons de l’Espagne, disons encore qu’une
petite église espagnole se forme à Alger par le ministère de M“" Ruet,
celui-là même qui fut, dans le temps , amené à la vérité par le
moyen de notre évangéliste de Turin.
Moullnis d’Italie. Les soixante ou plutôt les soixante et seize
millions d’impôt sur la moûture , dont nous aurons bientôt à payer
notre part en notre qualité de mangeurs de pain , prêteront un intérêt d’actualité aux données suivantes.
Dans les 8562 communes du royaume d’Italie , habitées par une
population de 24,265,428 habitants , il existe 52568 moulins , ayant
78813 meules. ^ m.- <-(i,
La quantité de blé moulue annuellement est évaluée à 24,520.372
quintaux. Les autres denrées susceptibles d’être moulues représentent
toutes ensemble 15^792,801 quintaux.
15
— 129 —
Toutes les substances alimentaires moulues forment ainsi un total
annuel de 43,198,640 quintaux, c’tst â dire 178 kilogrammes pour
chaque habitant du royaume. — D’où il résulte qu’en Italie on moud
annuellement 101 kilogrammes de blé. Il kilogr de riz, et 65 kilogr.
d’autres denrées par tête , et que le froment ne nous fournit que
les quatre septièmes environ de la farine qu’il nous faut.
Production du blë en Itolle. Des vingt sept millions d’hectares
qui forment actuellement la superficie totale du royaume d’Italie , on
en compte onze millions en terres arables avec ou sans vignes. —
Le royaume produit chaque année en céréales ( froment , seigle .
maïs, riz, orge, avoine et autres petits grains) 69 millions d'hectolitres , dont la moitié en froment , ce qui donne pour chaque bouche
une quantité de hectolitres 2, 80 en céréales , et de hectol. 1, 40 en
blé. Il n’est donc pas étonnant que l’Italie soit obligée d’acheter chaque année de l’étranger plus de cinq millions d’hectolitres de blé
pour les ajouter à sa propre récolté. — Même avec ce supplément ,
qui porterait à 40 millions d’hectolitres sa consommation annuelle
de froment, le royaume d'Italie n’en peut donner que hectol. 1, 60
à chacun de ses habitants , — ce qui est peu de chose , comparé à
ce qui se voit ailleurs. — Nous aurons sans doute plus de pain à
manger lorsque la production du blé , au lieu d’être de dix hectolitres par hectare , comme elle est maintenant en Italie , s’élèvera , si
non jusqu’à trente hectolitres comme en Angleterre , ou à vingt ,
comme en Belgique et Hollande, du moins à quinze comme en France
et en Allemagne. — Seulement pour arriver là il faudra probablement
voir diminuer le nombre des fêtes, le nombre des fainéants, et celui
des ignorants ; car même en Italie • celui qui ne veut point travailler
ne doit point manger non plus ».
li® blé en France La France, avec les cent millionà d’hectolitres
de blé quelle produit annuellement à raison de quinze hectolitres par
hectare , se suffit d’ordinaire à elle-même , et peut , tout en mettant
de côté pour la semence le 8® pu le 6e de sa récolte , en donner
encore environ deux hectolitres et un tiers à chaque français.
i>* blé en Angleterre. L’Angleterre ¡qui a besoin de soixante
millions d’hectolitres de froment pour que chaque sujet du Royaume-
16
— 130 —
Uni en ait deux hectolitres en moyenne , ne récolte chez elle que la
moitié environ de ce qui lui est nécessaire , et doit se procurer le
n.ste moyennant force livres sterling ; — et cependant les Anglais
ont poussé l’intensité de la production du blé jusqu’à obtenir trente
deux hectolitres par hectare. — Que ne feraient-ils pas sur le sol et
avec le soleil d’Italie ?.
VA.XJI>OISES.
St Jean. — Les rapports annuels que les Commissions mixtes ,
chargées de la surveillance et de la direction des écoles élémentaires
ont présenté, le mois dernier, à la Municipalité de Jean-Pellice ,
nous montrent que pour la population de 1800 âmes dont cette commune se compose , on y entretient en dehors , bien entendu , des
écoles dites de quartiers, sept autres écoles élémentaires qui pendant
l’année 1867-68 furent ouvertes à 376 élèves appartenant au culte
protestant et à une cinquantaine d’élèves appartenant au culte catholique.
La somme annuelle que le Municipe alloue sur son budget à l’instruction publique élémentaire , s’élève à 2900 frcs. environ ; à quoi
il faut encore ajouter les 800 frcs. qu’à cet objet fournit aussi annuellement le Consistoire , plus l’usage gratuit des cinq locaux que
les administrations ecclésiastiques des deux cultes, lui ont, jusqu’ici,
accordé, ce qui, au total, équivaut à une dépense de 4500 et plus de
francs que commune et paroisses font chaque année de concert pour
le maintien et le développement de l’instruction primaire au milieu
de leurs administrés. ^
l>a fête du Ift aôut n’a pu avoir lieu cette année à cause du
mauvais temps.
Publication. — Il vient de paraître à Florence , à l’imprimerie
Claudienne , une explication de l’Epître de S* Jacques , portant pour
titre : L’Epistola di S. Jacobo, nuovamente tradolta sul testa e corredata di
copiosi raffronli con una esposizione stoneo-dommatica , per A Revbl. —
94 pp. in 8": Prix 1 fr. — On peut se procurer cet ouvrage dans
toutes les librairies évangéliques, et chez le gérant de l’Echo^
Pignerol, J. Csiastore Impr.
H. Jahier Gérant.