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année
Septembre 1866.
N.° ».
L'ECHO DES VALLEES
—(NOUVELLE SÉRIE)—
Que toutes les choses qui sont véritables.... occupent
vos pensées — ( Philippiens., IV. 8. )
SOMMAIRE — L'instruction primaire. — Un devoir négligé. — l’aneto: Le cÆble
transatlantique. — ¡Nécrologie. — Nouvelles locales. — Glanurcs. — Faits divers.
INSTRUCTION.
Etat de l’iiistruclion primaire aux Vallées.
Nous avons sous les yeux deux rapports que M' l’Inspeeteur des écoles primaires a eu l’obligeance de nous communiquer, et que nous complétons par des données officielles
qui n’ont pu y trouver place. Ces rapports embrassent deux
années, I86o et 1866, et traitent d’une manière intéressante
des principales questions que soulève parmi nous l’état de
l’instruction primaire.
La première et la plus importante, est celle de savoir dans
quelle proportion les vingt mille Vaudois de nos quinze égliscîs
profitent de l’instruction qui est départie dans nos 180 écoles.
A ce qu’il parait il n’existe nulle part une seule famille vaudoise qui néglige absolument d’envoyer ses enfants à l’école ;
bien au contraire, la moyenne de fréquentation tend chaque
année à se rapprocher davantage du chiffre total des élèves
inscrits. Or, cette moyenne quelle est-elle? En 1864, elle
s’élevait à 3793; en 1863, elle est descendue à 3664, dont
1943 garçons et 1821 filles, et en 1866, elle est remontée
à 3730, dont 2363 dans les écoles mixtes, dites de qiiar-
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lier, 1087 dans les écoles paroissiales et annuelles,*et 100
dans les écoles enfantines. Si nous nous en tenons à ce
dernier résultat, c’est à peu près le 1[5 de la population,
(19 OiO ) qui, toutes les années, reçoit dans nos diverses
écoles primaires le pain de l’instruction. Certes c’est là un
fait réjouissant à enregistrer. La ville de Turin ( voy. notre
1." N.°) qui est pourtant à la tète du mouvement intellectuel en Italie, n’envoie à ses écoles élémentaires que le
1[20 de sa population; et si nous tenons compte de ses
écoles secondaires et professionnelles, nous n’arrivons encore
qu’au 1i8 des habitants; tandis que chez nous, une population qui n’a pas l’avantage de l’agglomération et que souvent des hivers rigoureux, comme c’est le cas pour Tannée
1865, bloquent dans ses humbles hameaux, trouve le moyen
de se faire représenter aux écoles primaires par plus du 1^6
de son effectif. Toutefois, qu’on novis permette quelques rapprochements. 11 y a 17 ans, nos écoles primaires étaient
plus fréquentées qu’elles ne le sont aujourd’hui; elles ne
comptaient alors pas moins de 4500 élèves, c’est à dire plus
du 1|5 de la population. En 1857, les écoles ont été fréquentées plus ou moins longtemps par plus de 4900 élèves.
En 1862, ce chiffre descendait à 3900, pour remonter en
1864 à près de 4000.
A quoi attribuer ces différences? il pourrait bien se faire
qu’elles provinssent en grande partie de la manière très-irrégulière dont les registres sont tenus. En effet, nous lisons
dans un Rapport de la Table au Synode de 1864: « le nombre
» des élèves nous paraît être en diminution,.... pour autant
» qu’il nous est permis de rien déterminer d’après les rap» ports peu uniformes des pasteurs sur ce point». Inconvénient bien regrettable pour l’Eglise qui a intérêt à savoir
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clairement à quoi s’en tenir sur l’état de l’instruction élémentaire dans son sein et qui est moralement responsaide
devant le pays et auprès de nos bienfaiteurs de l’exactitude
des chiffres qu’elle leur transmet. Qu’on y mette donc un
peu plus de scrupule ! que chacun pour ce qui le l egarde
prenne note du mode de fréquentation ; (pie tous établissent
leur moyenne d’une manière uniforme ; et l’on ne verra plus
d’appréciations variables d’une paroisse à l’autre, ou même,
sans sortir d’une paroisse, d’une annè'c à l’autre.
Cela dit, quittons les chiffres et demandons-nous s’il y a
progrès dans notre instruction primaire. Il ne suffit pas, en
effet, que l’intérêt pour l’instruction soit généralement senti;
il faut pouvoir constater que cet intérêt est soutenu par la
coopération active des parents. 11 est malheureusement telle
paroisse où les parents laissent tout à faire aux maîtres,
comme si l’instruction et l’éducation de leurs enfants ne les
regardaient pas. De là peu de fruits et surtout pas do bons
fruits. Mais d’un autre C(Hé l’on constate avec plai.sir que,
grâce au zèle des administrations locales ou aux souscriptions volontaires des intéressés, un certain nombre d’écoles
de quartier de 3 ou 4 mois ont été converties en écoles
annuelles ou tout au moins de 8 mois. 11 y a plus; certaines
écoles ont été confiées à des maîtresses; heureuse modification et précieuse ressource pour bon nombre d’écoles dont
les enfants sont presque tous très-peu avancés en âge et par
là-même beaucoup plus susceptibles de profiter des soins
d’une institutrice que de ceux d’un régent. Les essais qui
ont été faits dernièrement en plus d’un endroit sont de nature
à lever tout doute à cet égard. — Le matériel des écoles tend
à s’améliorer aussi. Quatre écoles seulement, sur 180, et d’une
importance minime; n’ont pas de local exprès. Ajoutons que
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plusieurs administrations communales ont, à leur louange,
voté un fonds spécial destiné à cet objet et décidé que ce
fonds serait chaque année épuisé.
Quant au personnel enseignant, M'' l’Inspecteur estime que
chacun de nos 180 maîtres et maîtresses a donné en conscience tout ce qu’il était en position de donner et à peu près
comme l’Eglise a entendu qu’il donnât. Aussi les Consistoires
rendent-ils un bon témoignage à leurs régents. Il y a pourtant des exceptions parmi les régents de quartier et il faut
regretter avec la Table ( Rapport de 1866 ) qu’il y ait à cet
égard des exceptions. On ne saurait donc trop se préoccuper
de l’améliorai ion du personnel. Il est vrai qu’il y a des maîtres
parfaitement qualifiés, qui font preuve de dévouement et de
connaissances solides et dont l’enseignement est intelligent
et méthodique. Et cependant, l’impression qui s’est fait Jour
plus d’une fois an sein de nos Synodes, c’est qu’en général
l’instruction primaire est faible, soit dans les grandes écoles
soit dans les petites. Quelles sont les causes de cette faiblesse?
Nous nous permettrons d’en signaler quelques-unes. Une première cause, ce seraient les mesquines rivalités des Consistoires , des Conseils communaux et des Commissions d’études.
Le fait est patent, mais nous croyons que la question si débattue de la propriété des écoles est loin d’avoir dans la
pratique l’importance qu’elle a au point de vue du droit.
« En théorie, l’on est absolu et raide quelques fois jusqu’à
» l’absurde; mais, dans la pratique, c’est au plus actif qu’on
» laisse le soin de faire. Pasteurs et anciens ont les mains
ï> fibres ; il n’est pas d’école où ils ne puissent pénétrer, pas
» de régent qui ne se soit jusqu’ici montré déférent aux con» seils et aux directions qu’on lui donnait. On est beaucoup
» plutôt fondé à regretter que les Régents ne se sentent pas,
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» plus qu’ils no le sont, soutenus et encouragés et soient
» souvent réduits à ne voir le pasteur ou l’ancien dans leur
» école qu’une seule fois dans l’année ». — Une troisième
cause de faiblesse réside dans la défectuosité de la méthode.
N’est-il pas singulier qu’avec le luxe d’Ecoles de méthode
que nous nous sommes libéralement accordé, il faille déprécier la méthode en général? Rien de plus vrai cependani:
la méthode laisse beaucoup à désirer, nous en croyons M"
l’inspecteur qui, dit-il lui-mème, aurait asmrément désiré mieux.
lue quatrième cause de faiblesse n'side, selon nous, dans
le programme de l’enseignement. Nos écoles sont trop souvent de petites universités; et cependant, en dépit de leurs
ambitieux programmes, c’est à peine si les petits savants qui
en sortent savent lire d’une manière intelligente et écrire sous
dictée sans trop offenser l’orthographe. Soyons justes pourtant, et avouons que notre enseignement primaire .souffre de
sa position encore indécise et mal définie entre le français
d’une part et l’italien de l’autre comme instruments du développement intellectuel. L’enseignement des deux langues
est partout simultané, nous dit-on; c’est-à-dire, si nous ne
faisons erreur, (pie les deux langues marchent de pair en
attendant cjue l’une rejette l’autre à l’arrière-plan. Voilà une
cause de faiblesse réelle pour l’enseignement primaire. Qu’on
nous cite, de grâce, un .seul pays civilisé où l’on commette
la faute insigne d’enseigner à de tout jeunes élèves plus d’une
langue ! Ce ne sera pas une des moindres singularités do
notre position que de nous entendre discourir en français
de la prépondérance absolue qu'il convient d’assurer à la langue italienne dans notre enseignement primaire; n’importet
la contradiction n’est qu’apparente. Nous parlons à des per.sonnes plus habituées au français qu’à l’italien ; et nous leur
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parlons (ìe nos écoles primaires où les générations nouvelles
qui s’y succèdent ont tout intérêt et tout profit à bien apprendre la belle langue de la grande patrie. Incontestablement, la petite patrie n’y songe point assez, ni avec assez
de persévérance, bien que ce soit là le but qu’elle se propose depuis son émancipation. Nous ne voulons nullement
nier les progrès que, depuis 1848, ont fait nos écoles dans
la connaissance de l’idiome national. Nous n’en voudrions
d’auires preuves que le fait qui se reproduit annuellement aux
examens d’inti’oduction à nos écoles supérieures. Il est facultatif, on le sait, de faire cet examen d’entrée en français
on en italien; ce qu’on sait moins, c’est que le français est
à peu près délaissé par les élèves qui se présentent. Puisset-il l’être bientôt entièrement dans l’intérêt de l’instruction
primaire ; car il vaut cent fois mieux posséder une langue
que d’en estropier deux! Aux administrations locales d’insister, plus qu’elles n’ont coutume de le faire, sur la part
qui revient clans des écoles italiennes à l’enseignement de
l’idiome national.
UN DEVOIR NÉGLIGÉ.
Entre toutes les obligations que l’Evangile impose à ceux
qui se réclament de lui, il en est une qu’on est loin de
remplir d’une manière satisfaisante : — Nous voulons parler
du devoir pour toute église ou congrégation chrétienne de faire
ce qui est en son pouvoir pour se suffire à elle-même, en recourant avant tout, pour son entretien, à la libéralité des membres
qui la composent.
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Pour ne parler ici ni de l’église catholique grecque, ni de
l’église catholique romaine, nous n’avons besoin d’apprendre
à personne qu’en Europe la masse des églises protestantes,
qu elles soient luthériennes ou réformées, presbytériennes ou
épiscopales, trouvent tout naturel de recevoir de l'Etat l’argent qu’il leur faut tant pour leur culte que pour leurs écoles
et leurs œuvres de bienfaisance— En Fronce, en Suisse, en
Allemagne et même en Angleterre, on a des églises protestantes dites nationales, dont le culte est soutenu essentiellement par d’autres moyens que par les contributions actuelles et volontaires de leurs membres. — Les inconvénients
d’un tel régime se fait sentir de jour en jour plus vivement,
et l’un des moindres consiste dans la prétention de l’autorité civile de dire son mot partout où l’on accej)te ses faveurs.
Pour nos églises vaudoises le cas est un peu différent;
elles reçoivent bien du Gouvernement et des communes protestantes une dixaine de mille francs pour leurs pasteurs,
leur collège et leur administration ; — mais outre que plus
des six dixièmes de cette somme nous sont alloués à titre
d’indemnité ou de compensation pour d’anciennes propriétés
qui nous ont été retirées, il n’y a aucun doute qu’à la moindre atteinte portée de ce côté à notre indépendance, les
plus intéressés eux-mêmes seraient des premiers à secouer
la chaîne, si dorée qu’elle pût être.
Il y a moins de danger encore dans l’espèce de dépendance où nous nous trouvons vis-à-vis des églises protestantes
de l’étranger « qui nous font sentir les effets de leur bienfaisance chrétienne». One les secours que nous recevons,
nous soient accordés par des Comités ou par de simples particuliers, jamais nous n’avons à éprouver d’autre gêne un
peu sérieuse que celle que nous impose le juste respect
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que nous (levons à l’intention du donateur dans l’application
de ses libéralité's. —Là donc n’est pas non plus le danger.
Tout le mal pour nous consiste dans l’habitude que nous
avons prise de nous attendre « pour le soutien de la religion » — comme dit naïvement notre liturgie, — à d’autres
([u’à nous-mêmes; — cette habitude chez nous est devenue,
c’est le cas de le dire, une seconde nature, et nous ne serions ])as surpris qu’aux yeux de plusieurs elle ne fût déjà
une vertu. Qu’il s’agisse d’écoles, qu’il s’agisse de pauvres
et de malades, qu’il s’agisse du culte et de ses fonctionnaires,
le patient Yaudois se laisse faire, ne se sentant guère d’autre
obligation , (¡uant à lui, que celle d’être reconnaissant à qui
de droit; le synode même croit avoir beaucoup fait quand
il a invité ou seulement autorisé à s’entendre pour les voies
et moyens a^ec les bienfaiteurs de l’étranger.
C’est un grand privilège, sans contredit, pour nos églises
(jiie de pouvoir compter à ce point sur la charité de nos
frères de tout pays comme de toute dénomination ; et il faut
l’apprécier d’autant plus que nous serons dans le cas de nous
en prévaloir longtemps encore, vu notre réelle pauvreté. — Cela
n’empêche pas que cette habitude de recevoir toujours et
de porter nos regards sur nos amis avant de les arrêter sur
nous-mêmes, ne doive offrir à la longue le très grave inconvénient de nous dépouiller de plus en plus de ce sentiment
de responsabilité personnelle qui tient l’homme en éveil et
en double la vigueur.
Qu’une église soit, pour un temps et [en suite de circonstances malheureuses, réduite à mendier le pain de sa subsistance, cela n’est que trop possible et mérite plus la
commisération que le blâme ; mais l’exception ne doit point
devenir la règle, et la mendicité permanente ne sera jamais
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»lu’un désordre. — Le temps vient où le degré de santé d'une
église s’estimera d’après ce qu’elle est capable de faire pour
son pro[)re entretien j et qu’il n’y aura plus que les êtres inlirmes et maladifs qui soient admis à fonder leur existcncii
a\ant tout sur la charité de leurs semblables.
Encore s’il n’y avait de menacées que la force et la santé !
Le malheur est que d’une église qui tire d’elle-mémc sa subsistance et ses ressources à une église qui s’appuie trop d’aplomb
sur la générosité d’autrui, il y a souvent la distance de la
vie à la mort. Une flèche lancée par une corde vigoureuse
peut bien pour un moment fendre les airs à l’égal de la colombe; mais n’ayant qu’une vie d’emprunt et ne pouvant
voler de ses propres ailes, elle est condamnée à retomber
platement sur le sol. C’est que ,'pour faire mourir ses membres de cette langueur qu’on nomme ïindifjérence, une église,
si évangélique soit-elle dans ses doctrines, ne peut guère
trouver de plus sûr moyen que de leur fournir toutes choses
du dehors, sans rien exiger d’eux. Voyez plutôt ce qui se
passe parmi nous : combien sont-ils au sein de nos Vallées
ceux qui se donnent individuellement souci de ce qui se fait
ou ne se fait pas, dans l’église dont ils se disent les membres?
Von seulement on ne s’inquiète guère de savoir si le règne
de Dieu avance ou recule, si les âmes se sauvent ou si elles
restent ce qu’elles sont, mais on ne prend plus la peine de
porter un jugement quelconque sur quoi que ce soit, tant il
va sans dire que « ces choses » ne nous regardent plus.
Or c’est en grande partie au bon marché de notre religion
que nous sommes redevables de cette désaffection pour tout
ce qui concerne l’église et les grands intérêts qu’elle est appelée à défendre. Il est donc urgent que nos églises vaudoises se demandent si elles n’ont rien de plus à exiger do
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leurs membres qu’elles ne font maintenant, et notre dernier
Synode a sagement agi en nous rappelant une fois encore un
devoir que nous n’aurions jamais dû négliger.
VARIÉTÉS.
Le télégraphe traosallantlqae.
Tandis que l’attention universelle était invinciblement tournée vers
les champs de bataille de la Bohême et de la Vénétie, il s’accomplissait dans une autre partie du monde un fait considérable qui promet
d’influer sur l’avenir de la civilisation plus que la victoire de Sadova
elle-même. Après cinq essais recommencés chaque fois avec une persévérance tout anglaise, un ül télégraphique a été enfin jeté au travers de l’Océan , pour relier dès aujourd’hui la pointe la plus occidentale
de l’Irlande à l’extrémité orientale de Terre-Neuve, et mettre ainsi
Paris à moins de huit heures de NewYork, l’ancien monde à une
heure environ du nouveau. — La lutte a duré neuf ans, elle succès
n’a pas coûté moins de trente millions. Il vaut bien la peine de dire
quelques mots de cette gigantesque entreprise.
Le premier essai d’un télégraphe sous-marin à jeter entre l’Europe
et l’Amérique remonte au 31 juillet 1857; mais la câble ayant cassé
dès le 4 août à la distance d’une centaine de lieues de l’Irlande, l’opération dut être renvoyée.
En 1858 le câble partagé en deux portions égales fut mis à bord du
vaisseau Américain le Niagara et de la frégate Anglaise VAgamemnon.
Les deux moitiés du câble furent soudées bout à bout au milieu de
l’Océan, puis les navires s’éloignèrent en sens opposé, le dévidant et
le laissant lentement tomber au fond de la mer à mesure qu’ils avançaient. Mais à peine avaient-ils mis entr’eux l’intervalle de cent milles que le câble se rompit une seconde fois.
On se rappelle le triomphe éphémère de la troisième tentative, qui
eut lieu aussi en 1858. Pendant les quelques jours du mois d’août
que durèrent les communications sous-marines, des paroles d’espérance et d’amitié furent échangées entre la reine d’Angleterre et le
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président des Etats-Unis. « Gloire à Dieu au haut des deux: paix sur la
terre et bienveillance envers les hommes ! » Tel fut le premier message
ou, pour mieux dire, le premier hymne de louange et de paix que
l’électricité fut chargée de porter de l’un à l’autre bord de l’Atlantique.
Quelques centaines de dépêches ( on dit 633 portant près de 4,00û
mots ) suivirent celle-là; le 18 août et le 1' septembre des fêtes publiques furent célébrées à New-York avec un tel enthousiasme que la
population, tout entière à la joie, eut peine à s’apercevoir d’un incendie qui dévorait l’hotel de ville. On sait le désappointement qui
suivit: les réjouissances n’étaient pas encore finies que déjà le télégraphe transatlantique était devenu muet. Evidemment il s’était produit quelque part dans l’enveloppe une fissure par où s’échappait l’électricité; mais où la découvrir le long de ce câble de 800 lieues
déposé au fond d’un Océan dont le lit est aussi accidenté que la surface de la terre, et qui en certains endroits n’a pas moins de 4000
mètres de profondeur? Il fallut y renoncer. Un précieux résultat cependant était obtenu : c’était la possibilité bien établie de transmettre
la pensée d’Europe en Amérique par le fond de l’Océan. On ne l'oublia point.
Dès le 23 juillet de l’année dernière tout était prêt pour une quatrième tentative. C’est l’énorme navire q’on appelle le Gréai Eastern
qui fut chargé cette fois de recevoir l’immense câble sur son pont de
600 pieds. Rien n’avait été négligé pour assurer la réussite de l’entreprise, et tout présageait la plus heureuse issue lorsque, le 2 août à
midi, l’on eut la douleur de voir le câble se rompre encore, avant
même qu’on eût franchi les deux tiers des 600 lieues qui séparent
l’Irlande de Terre-Neuve. Ce fil qui avait coûté dix-sept millions et
demi gisait perdu au fond de la mer, le Great-Eastern, si nous nous
en souvenons bien, fut vendu pour le dixième environ de ce qu’il avait
coûté à construire, et la Compagnie dut se dissoudre. C’était à décourager les plus obstinés. Mais les Anglo-Saxons ...! vous les offenseriez, si seulement vous les croyiez capables de se rebuter pour si
peu « try try aguin » —essaie encore, essaie toujours! se disent-ils
à eux-mêmes aussitôt qu’ils voient leur entreprise échouer. — Des débris de l’ancienne Compagnie il s’en forma une nouvelle, les capitaux
affluèrent et l’on se remit à l’œuvre avec plus d’ardeur que jamais.
Le nouveau câble étant achevé, on l’enroula sur trois énormes bobines qui plongeaient elles-mêmes dans autant de compartiments rem-
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— HO —
plis d’eau et placés l’iiu à l’arrière, l’autre à l’avant, l’autre au milieu
du navire. Ainsi chargé d’un câble qui ne pesait pas moins de 20
mille tonnes, le Great Eastern (car c’était encore lui) se rendit d’abord
de la Tamise dans la baie de Valentia â l’extrémité occidentale de
l’Irlande, puis le vendredi M juillet 1866, ce Léviathan des mers se mit
majestueusement en route, escorté par trois autres bâtiments guide*
raient lui prêter aide et protection au besoin. La flotte pacifique s’avancait lentement à raison de cinq milles et demi à l’heure^ déposant
dans le même espace de temps six milles de câble au fond des eaux.
Le réservoir de l’arrière fut vidé le premier, puis celui de l’avant, et
enfin celui du centre qu’on avait laissé le dernier pour maintenir le
navire en équilibre. Des communications incessantes étaient, au
moyen du câble même, entretenues avec le télégraphe d’Irlande et
d’Angleterre , en sorte qu’on savait à Londres d’heure en heure, à quel
point se trouvait l’opération. On se représente l’inquiétude, l’anxiété
des personnes plus directement intéressées. Heureusement l’attente
cette fois ne fut point déçue, et grâce aux mille précautions qu’on
avait prises, grâce à la vigilance du Capitaine Anderson, au travail
assidu des 700 marins qui formaient l’équipage, les directeurs de
l’entreprise purent voir leur persévérance couronnée du succès le plus
glorieux et le plus mérité. Le 27 juillet 1866 à 8 heures et 43 minutes
du soir ( temps de Terre-Neuve ) le Great Eastern déposait le bout du
câble transatlantique sur la plage de Terre-Neuve, quatorze jours après
son départ de la Tamise. On comprend que le premier message confié de Trinity-bay au nouveau télégraphe commence par ces mots;
« Notre extrémité côtière vient d’être posée, et un câble parfait rélie,
avec la bénédiction de Dieu, l’Angleterre au continent Américain...»
Il y a plus; le dimanche 2 septembre, avant six heures du matin
les gardes qui depuis un an avaient charge d’observer j our et nuit avec
la plus grande attention l’extrémité du câble de 1865 s’aperçurent tout
à coup d’un tremblement inaccoutumé de l’aiguille, bientôt suivi d’un
langage mieux articulé. C’est qu’au milieu de l’Atlantique le Great-Eastern
aidé du Medway, du Terrible et de l’Albany donnait en cet instant
l’heureuse nouvelle qu’on venait de repêcher à la profondeur d’une
lieue le câble qui depuis une année gisait perdu au fond de l’Océan.
Commencées dès le 12 du mois d’août, les recherches n’avaient abouti
définitivement que le 26 au soir, et les travaux d’épissure n’avaient
pu s’achever que le malin du 2 septembre. Moins d’une semaine
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après, la petite Hotte déposait à Terre-Neuve l’autre extrémité, ce qui
permettait aux directeurs d’un si grand ouvrage de s’adresser pour la
seconde fois les plus justes félicitations. Le câble de 1865, dont la
perte avait été jugée irrévocable même par les plus entendus, était
donc complètement rétabli, et l’on était en possession de deux fils au
lieu d’un.
Que la Russie achève maintenant le télégraphe qui, par le détroit
de Behring et moyennant mi double câble de 7000 lieues, doit mettre
en communication l’Europe avec Nexv-Yorlt; qu’une autre compagnie
réussisse à jeter, comme on l’annonce, un nouveau câble à travers
l’Atlantique en passant par les Açores et les Bermudes, et nous aurons
sur trois lignes difi'érentes six fils télégraphiques pour entretenir conversation avec nos voisins des Etats-Unis. — Heureux ceux qui auront
des bonnes nouvelles à donner, des paroles de paix à publier 1
NECROLOGIE
Nous avons la douleur d’annoncer la mort du Pasteur-Evangéliste
iP Jules Jalla, perte bien sensible à sa famille , à ses amis et anciens
condisciples, à l’Eglise qui avait en lui un bon et fidèle ouvrier, un
zélé Ministre de l’Evangile.
D’une santé déjà fortement ébranlée par la fatigue , il a succombé
sous les coups du terrible fléau qui a désolé la ville de Gènes. Après
avoir , dans la soirée du samedi 15 septembre , fait 1e culte de famille
comme à l’ordinaire , il se coucha pour ne plus se relever. Vers 10 h.
il était atteint par la maladie ; à 5 1{2 h. du matin (dimanche 16),
il expirait dans sa 28® année , après cinq ans seulement de ministère,
exercé à Pignerol , à Turin , a Brescia , et en dernier lieu à Gênes;
Les soins les plus empressés lui ont ôté prodigués en vain ; Dieu a
trouvé bon de retirer à Lui son serviteur, en lui épargnant les souffrances cruelles que, d’ordinaire, produit le choléra.
Mais, hélas! à peine la tombe de notre ami se refermait-elle, que
la maladie faisait une autre victime. Madame J. Jalla avait été, après
la mort de son mari, transportée dans une maison amie , où elle put
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goûter quelque repos. Ce n’était pas pour longtemps. Lundi 1“, vers
1 1[2 h. du matin , la pauvre dame fut atteinte à son tour. L’on ne
put trouver de médecin , le docteur étant lui même malade. Il indiqua , il est vrai , toutes les précautions à prendre , tous les remèdes
à appliquer ; et pendant les premières heures l’on eut l’espoir de surmonter le mal. La malade s’encourageait elle-même en disant ; « Dieu
sait que je suis nécessaire à mes enfants; il me laissera pour eux».
Mais vers les 6 h. du matin son état empira ; elle comprit bientôt que
Dieu voulait aussi la rappeler à Lui, et vers 10 h. tout était fini. Madame Jalla a moins souffert encore que son mari. Tous deux étaient
si faibles qu’ils devaient être une proie bien facile pour cette terrible
maladie qui torture les forts.
Ils laissent orphelines deux petites filles , dont l’une n’avait pas 15
jours. La solitude règne au foyer de cette famille naissante. Mais Dieu
ne se fait point en vain appeler « notre Père ». Quant à nous, en présence des dispensations du Seigneur, apprenons adiré avec l’Apôtre:
« Christ est ma vie , et la mort m’est un gain ».
NOUVELLES LOCALES
Temple du Përier. — En date du 5 septembre la Table a lancé une
circulaire destinée à faire connaître aux Eglises Vaudoises les dépenses que nécessitent encore les bâtisses du Périer, à savoir le temple,
le presbytère et l’école. Malgré la contribution considérable de 5,000
francs fournie par la Vallée de S. Martin et les abondants secours venus du dehors , il manque une somme de 20,000 francs environ pour
solder les dépenses , c’est-à-dire pour achever le temple et pour réparer le presbytère et l’école. Pour combler ce déficit la Table se dispose à réclamer une fois encore les secours d’amis chrétiens dont nous
avons déjà expérimenté l’active et généreuse sympathie. « Mais, —
» ajoute-t-elle , nous sentons que nous n’avons le droit de le faire
» qu’après avoir demandé et obtenu le concours des membres de notre
» propre Eglise , intéressés plus que personne à l’achèvement d’une
» entreprise qui a rencontré tant d’oppositions et de difficultés. C’est
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0 dans ce sentiment que nous venons vous prier, MM. et très-liono» rés frères , d’ouvrir au sein de votre paroisse une souscrijUion , ou
» d’y faire par tel autre moyen , que vous jugerez pareillement efiicaee,
• une collecte en faveur de cette œuvre, et cela dans le plu.s bref
» délai qu’il vous sera possible. Nous n’ignorons pas les circonstances
B difliciles dans lesquelles on se trouve ; mais nous avons l’a.«surance
» qu’encouragés par vous, les membres de votre Eglise ne reculeront
» pas devant le .“acriflce qui leur est demandé. Recevez etc. ».
La Dédicace du Temple est fixée au 10 octobre et non pas au 8 comme
nous l’avons dit par erreur dans notre dernier numéro.
GLANÜRES.
t.» Croix. — Louis XII, l'un des meilleurs rois qu’ait eus la France,
fit au commencement de son règne (1498) une liste des grands dont
il avait eu à se plaindre avant de monter sur le trône. — De plus il
marqua d’une croix le nom de chacun d’eux. — k peine, les coupables
eurent-ils vent de la chose qu'ils cherchèrent à s’éloigner de la cour,
pour échapper au châtiment dont ils se croyaient menacés. — Mais
lui les rassura par ces paroles vraiment royales et chrétiennes: « Le
roi de France , dit-il, n’a point à s’occuper des injures dont peut avoir
à se plaindre le duc d’Orléans , et d’ailleurs la croix que j’ai jointe à
vos noms, bien loin d’annoncer la vengeance , doit être , ainsi que
celle de notre Sauveur, un signe de pardon ».
Une Uoyale Réponse. — C’est ce même Louis XII qui vers l’an
1506 et au moment où certains dignitaires de sa cour l’engageaient
de toutes leurs forces à repousser une députation des Vaudois de Mérindol , leur fit cette magnanime réponse : « Il ne s’agit, dites-vous,
que de quelques damnés hérétiques.... mais quand il s’agirait du diable ou du grand turc , encore faudrait-il , avant de les pendre, savoir
au moins ce qu’ils peuvent avancer pour leur justification ». Plus tard,
sur la relation que lui fit son propre confesseur, concernant la doctrine et la conduite de ses sujets les Vaudois de Provence ; » Ces gens
là , s’écria-t-il, sont donc plus chrétiens que moi-même et que tous
les fanatiques de mon royaume ? »
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FAITS DIVERS.
Instruction primaire en France. — En 1848 il y avait en
France 67,945 écoles primaires avec environ 3,772,000 écoliers ; —
en 1862, il y avait 76,303 écoles primaires avec 4,754,000 écoliers ,
chiffre rond , — en 1864, il restait en France 600 mille enfants qui
ne fréquentaient aucune école , et qui demeuraient privés de toute
instruction. — En 1848 l’on comptait en France plus de 106 mille
conscrits illettrés; en 1859 il n’en restait pas 27 mille.
MIasions. — Les Missions évangéliques au XIX® siècle , janvier
1866 , parlaient de « quatre mille missionnaires et de vingt mille prédicateurs indigènes occupés à répandre la parole de Dieu en tout pays
et en toute langue, tandisque cinquante sociétés de missions rivalisent pour entretenir et diriger l’activité missionnaire. — Quant au
nombre des païens convertis dans le monde entier , il s’élèverait actuellement à plus d’un million.
Ecole«) aux. Indes. — Malgré le soin que le Gouvernement Britannique met à ouvrir des écoles aux indes , il n'en compterait encore,
d’après la même feuille , que 404 , fréquentées par un peu plus de
25 mille élèves. — Plus heureuses ou plus zélées les Missions Evangéliques ont fondé dans le même pays 1668 écoles où sont accueillis
au delà de 97 mille élèves. — La Mission a donc fait quatre fois plus
que n’a fait le Gouvernement.
jramaVque. — Des 444 mille âmes , ou peu s’en faut, qui composent la population de cette île , on n’en compte au plus que 128
mille qui fréquentent un culte chrétien.
Maladies en AnBleterre. — Le rapport annuel du Contrôleur
général des décès en Angleterre vient de paraître , il y a quelques
mois. On y trouve que sur cent maladies il y en dix surtout qui sont
la cause de la moitié des décès ; et parmi ces dix les plus meurtrières
sont la phtisie , la bronchite , la pneumonie , les maladies du cœur,
le typhus et la fièvre scarlatine. — Elles enlèvent près de 300 mille
personnes par an dans la Grande Bretagne, soit environ le centième
de la population.
Pignerol, J. Chiantorb Impr.
H. Jahier Gérant.