1
année
Mars 1867.
N.‘> S.
L'ÉCHO DES VALLÉES
(NOUVELLE SÉRIE)—
Que toutes les choses qui sont véritables..... occupent
vos pensées — ( Philippiens., IV. 8. )
SOMMAIRE — Du culte public. — Education du ver-à-soie. —Missions.— Vallées
vaudoises.
DU CULTE PUBLIC
I.
La nécessité du culte public pour le développement de la
vie de l’Eglise , pour son existence même , est assez généralement reconnue. Les ennemis de l’Evangile eux-mêmes
l’ont proclamée à leur manière ; car dans toutes les persécutions qu’ils ont exercées contre les chrétiens, ils ont toujours
commencé par leur interdire le culte public ; et le papisme
n’a pu se substituer à l’Evangile que là où il a pu faire cesser
complètement le culte ; c’est ce que l’histoire de notre Eglise
nous atteste abondamment. On entend parfois, il est vrai,
des gens qui contestent non seulement la nécessité du culte
public mais même son utilité ; mais cette opposition dénote
tant d'ignorance et une telle absence de besoins religieux
que nous ne croyons pas devoir nous arrêter ici à convaincre
de tels opposants. L’histoire du christianisme et l’expérience
chrétienne nous démontrent suffisamment que le culte public
est aussi indispensable au maintien de l’Eglise que le culte
individuel et le culte de famille peuvent l’être pour le maintien
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— 3-i —
et la prospérité de la vie spirituelle dans les individus et dans
les familles.
Le culte public s’offre à nous sous quatre aspects différents.
Il est avant tout et essentiellement un saint commerce de
ràme avec Dieu, un service d’adoration ; il est, en second
lieu , un témoignage de leur foi et de leur obéissance rendu
par les croyants à l’Eglise et au monde ; il est, en troisième
lieu , un enseignement, une école où les ûmes sont instruites
et confirmées dans la voie du salut ; il est, enfin, un aliment
par lequel la vie divine est entretenue et développée dans
lame du régénéré. Les principaux besoins de l’âme chrétienne
sont, en effet, celui de l’adoration et de la communion avec
Dieu ; celui de rendre témoignage de sa foi ; celui d’avancer
en connaissance, et celui d’être exhorté, édifié et affermi
dans toute bonne résolution. La célébration du culte doit donc
être telle que la série des actes dont il se compose , concoure
de la manière la plus efficace à la satisfaction de ces différents besoins.
II.
Tenons d’abord compte d’un fait, c’est que les circonstances extérieures et purement matérielles, exercent une
influence, plus grande qu’on ne le pense généralement, sur
le caractère et l’efficacité du culte public. Il doit être spirituel, il est vrai ; c’est l’âme , c’est l’esprit qui dans le culte
doit agir librement. Mais l’esprit est servi par un organe
matériel qui exerce sur lui une étonnante et mystérieuse influence.
Nous ne voulons attribuer aucune valeur spéciale au lieu
de culte en lui-même. Nous savons que l’âme peut s'élever à
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— 35 —
Dieu aussi bien du fond d’une écurie que du plus bel édifice.
Cependant, considéré comme moyen , comme instrument, le
lieu de culte ne saurait être chose indifférente , ni quant à sa
situation , ni quant à sa disposition. Quelques observations à
ce sujet ne seront peut-être pas tout à fait déplacées.
Le lieu du culte doit être, autant que possible , éloigné du
bruit et du tapage , et l’intérieur doit en être convenablement
disposé. Tout y doit être en ordre ; la propreté y sera entretenue avec soin et la température maintenue à un degré
convenable , suivant les saisons. On n’y doit apercevoir aucun
objet de luxe propre à attirer le regard et à devenir un sujet
de distraction , et d’un autre côté, l’on doit y trouver tout le
confortable réel que chacun pourrait désirer pour sa propre
demeure. Il faut que l’on y soit commodément assis, et que
l’on puisse y entendre facilement celui qui parle. Le service
(j’entends par là non le culte , mais l’oiTice des diacres) y sera
fait avec exactitude et affection. Que toute personne en arrivant
soit sure de rencontrer la figure prévenante d’un diacre tout
prêt h lui procurer une place. L’assemblée par la situation
même de ses membres offrira l’aspect d’une grande famille,
et pour cela les membres de la même famille ne commenceront pas par devoir se séparer dès l’entrée pour se reléguer
à des places différentes, suivant le sexe auquel ils appartiennent. Celui qui préside n’ira pas non plus se percher à
quelques mètres de hauteur au dessus des autres, ce qui
lui donnerait l’air d’appartenir à une autre catégorie de créatures ; mais comme un bon père de famille s’abaisse au
niveau de ses petits enfants, de même il mettra la moindre
distance possible entre lui et les autres membres de l’Eglise.
Une simple estrade un peu plus élevée que le sol lui suffira ;
de cette manière non seulement il évitera l’air guindé que lui
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donnerait, malgré lui, la chaire élevée, mais il se fera entendre plus facilement et plus sûrement de tous ceux qui
l’écouteront.
Enfin que toute occasion de bruit et de distraction soit
écartée soigneusement du lieu de culte ; que la présence
d’aucun animal n’y soit tolérée. Qu’un terme suffisant soit
rigoureusement fixé pour la formation de l’assemblée, et
ce terme échu, que les portes soient closes pour ne plus
s’ouvrir à personne ; les inconvénients momentanés, qui
pourraient résulter d’une pareille mesure seront amplement
compensés par les bons résultats qui seront ensuite obtenus.
Les membres du troupeau se présenteront au culte convenablement vêtus chacun selon son état social ; et cela,
soit à cause du respect dû à la maison de prière qui est sanctifiée par la présence des fidèles et par la proclamation de
la Parole de Dieu , soit aussi pour ne pas devenir des objets
de distraction par la singularité de leur mise. Sauf des cas
d’urgente nécessité, personne ne sortira avant la fin du
service ; et, pendant sa durée , chacun s’abstiendra de toute
habitude capable d’incommoder ou de distraire les autres;
et, pour ne citer qu’un seul détail, il sera très à propos de
se dispenser de la courtoisie , habituelle au priseur , de faire
circuler, parmi ses voisins, sa tabatière.
III.
Telles sont les principales circonstances que nous appellerons extérieures. Passant maintenant au culte même , nous
rappellerons d’abord le précepte du Sauveur : « Dieu est esprit,
et il faut que ceux qui l’adorent, l’adorent en esprit et en
vérité, car aussi le Père demande de tels adorateurs ». Nous
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— 37 —
avons dit que l’adoration est l’essence du culte. L’adoration
spirituelle , la contemplation directe de Dieu, tel est le profond
besoin de l’càme rachetée. « J’ai soif de toi, ô Dieu ! j’ai soif
du Dieu fort et vivant ». — 0 Dieu de vérité , pour qui seul je
soupire, — Unis mon cœur à toi par de forts et doux nœuds.
— Je me lasse d’ouïr, je me lasse de lire , — mais non pas
de te dire : -- C’est toi seul que je veux. — Je ne veux plus
l’ombre qui passe , — l’image qui pâlit, — mais la substance
de ta grâce , — Toi même , ton Esprit ». — Tels sont les sentiments qui, comme un parfum de bonne odeur , s’élèvent du
sein d’une assemblée chrétienne.
Il faut donc que quiconque participe au culte soit né de
l’esprit. Les conducteurs les premiers doivent être spirituels
et les membres du troupeau le doivent être également. Il
est trop évident que celui qui n’est pas dans l’esprit ne saurait
célébrer le culte en esprit ; et nous en concluons qu’une assemblée multitudiniste n’est pas dans la condition indispensable pour célébrer le seul culte agréé de Dieu , savoir le
culte en esprit et en vérité.
Le culte public suppose une double communion ; communion
de chaque âme avec Dieu et de toutes les âmes entr’elles.
Pour cela il faut que tous les membres de l’Eglise y prennent
une part active. Cette part, nous ne pensons pas qu’elle puisse
consister seulement dans le chant et dans l’association mentale aux prières qui sont prononcées par le pasteur. Cette
part doit consister, selon nous, en ce que tout frère ait la
faculté de lire à l’assemblée une portion de l’Ecriture, d’adresser une parole d’exhortation , de prononcer une prière ,
de proposer un cantique.
La direction du culte a été, pour des raisons sans doute
plausibles, peut-être même pour des nécessités de circons-
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— 3S
lances, trop exclusivement monopolisée parle pasteur, et
cela au délriment de la vie de l’Eglise. En effet, non seulement
les dons restent enfouis, ce qui est un grand mal, mais
l’édification générale doit nécessairement en souffrir. Car
('nfin il n’est personne qui réunisse en lui seul la variété des
dons qui sont accordés aux différents membres de l’Eglise.
Il est bien des choses aussi qu’un simple membre du troupeau
peut dire avec efficacité, tandis que le pasteur ne les dit pas ,
ou s’il les dit, elles ne produisent pas le même effet et parfois
môme elles sont tournées comme une arme contre lui.
La réaction opérée par la Réformation contre le matérialisme du culte a dépassé le but en concentrant l’essentiel du
culte dans le sermon. L’origine du sermon est fort respectable ;
elle est due à un besoin urgent du temps, savoir la démolition
du vieil édifice et l’édification du nouveau. L’exposition de
la doctrine et la réfutation des erreurs ou la controverse
était en ces jours-là une œuvre indispensable comme elle
l’est encore aujourd’hui en présence de tout auditoire non
éclairé et non converti.
Mais que dans l’état normal de l’Eglise on fasse du sermon
l’essentiel du culte, c’est une grave erreur. Il n’en était pas
ainsi dans les églises apostoliques à en juger d’après les seuls
documents authentiques qui nous restent, savoir les écrits
des Apôtres.
Nous trouvons dans les Actes un certain nombre de discours ou fragments de discours ayant une analogie plus ou
moins éloignée avec les sermons d’aujourd’hui ; mais ils sont
tous, à l’exception d’un seul, adressés à des juifs ou à des
payens. Nous trouvons la mention d’un discours adressé à
des chrétiens dans le culte ; c’est celui que prononça,!’Apôtre
Paul à Troas, la veille de son départ et qu’il prolongea fort
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— 39 —
avant dans la nuit. Celui qu’il prononça à Milet en présence
des Anciens de l’Eglise d’Ephèse n’était pas un sermon faisant
partie du culte, mais simplement un discours d’adieu. En
somme ce que nous pouvons conclure c’est que dans les
églises apostoliques ce n’était pas le sermon qui dominait
dans le culte, et même on peut dire que le sermon comme
il est entendu aujourd’hui n’y était pas connu.
S’ensuit-il que nous voulions bannir le sermon proprement
dit ? Tant s’en faut. Nous voudrions seulement le remettre à
sa place , et cette place, nous ne pensons pas qu’elle soit dans
le culte , mais dans des assemblées spéciales où il est nécessaire d’instruire, d’établir la doctrine, de réfuter les oppositions et les erreurs, où il est nécessaire, en un mot, de
convaincre les auditeurs. Dans les assemblées de culte que
l’on se contente des exhortations, de la répréhension fraternelle , de l’édification. De cette manière on se rapprochera,
pensons-nous, du mode tenu par les Apôtres ; on se modèlera
sur leur propre exemple. Que le mode de célébration du culte,
tel qu’il nous a été transmis par la Réformation ( c’est le mode
usité dans notre Eglise, qui, pour diverses causes, a été
amenée à l’adopter, car nous avons tout lieu de croire
qu’avant cette époque le culte se célébrait chez nous d’une
manière plus simple et plus en rapport avec les données
scripturaires relatives au culte dans la primitive église ) que
ce mode , dis-je , laisse beaucoup à désirer et ait besoin d’être
profondément modifié, c’est ce que nous disent aussi toutes
les protestations qui se sont élevées au sein de l’Eglise, toutes
les dissidences qui ont surgi, qui ont eu leur raison d’être
et dont souvent le seul tort a été celui de toutes les réactions,
c’est-à-dire d’avoir dépassé le but et de s’être égarées en
allant trop loin.
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— 40 —
IV.
En résumé, voici l’idée que nous nous faisons d’une assemblée de culte : une réunion de croyants recherchant la
communion de Dieu, l’adorant en commun, le priant en
commun sous la direction d’un ancien , ministre de la Parole,
et procédant à cet acte saint par la prière, la lecture de la
Parole, le chant, l’exhortation et la participation à la cène
du Seigneur. Ces différents actes seront convenablement
entremêlés de moments de recueillement silencieux. Le culte
sera dirigé de telle sorte qu’il en résulte autant de variété
que possible , ce qui sera un moyen de soutenir mieux l’attention. L’esprit qui est l’agent essentiel dans le culte saura
sans doute lui donner la fórmela plus convenable. Cependant
le corps ne doit pas, ne peut pas être mis de côté ; il y a
aussi sa part, et, dans le culte, comme en toutes choses, il
doit être le serviteur fidèle et dévoué de l’âme. Dans tous les
actes du culte , l’attitude du corps doit donc être en harmonie
avec les sentiments et les mouvements de l’âme. Les changements d’attitude du corps outre qu’ils sont voulus par les
dispositions de l’âme , seront aussi un élément de variété qui
a son importance.
Il est raisonnable d’écouter en se tenant a.ssis ; les cantiques,
participant, à la fois, de l’exhortation et de la prière, il est
convenable de chanter en se tenant debout ; et la prière,
impliquant une profonde humiliation de l’âme devant Dieu,
l’attitude du corps qui seule puisse convenir à cet acte, c’est
d’être prosterné , c’est d’être à genoux.
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— 41 —
ÉDUCATION DES VERS-A-SOIE
M'" le Rédacteur de l’Echo des Vallées,
La Tour, mars 1867.
•Te m’empresse , comme vous le voyez , de répondre à l’invitation
que vous avez bien voulu me faire de vous transmettre quelques
observations relatives à l’éducation des vers-à-soie.
L’idée m’était d’abord venue de me limiter au côté purement
pratique, et en quelque sorte actuel, pour notre population agricole,
de cette importante question ; mais en y réfléchissant de plus près ,
il m’a paru qu’il ne serait pas moins intéressant pour la généralité
de vos lecteurs d’étendre un peu plus le champ de mon sujet, en
leur donnant également quelques aperçus sur Thistoire , la nature et
les mœurs du ver-à-soie lui même.
.le ne doute pas d’ailleurs que ce ne soit 1<1 un moyen plus sûr
encore de me bien faire comprendre en ce qui concerne directement
le résultat pratique, que je me propose essentiellement, en vous
envoyant cet article.
Le ver-à-soie a été cultivé , il paraît , pour la première fois , en
Chine. C’est là du moins que les traditions s’accordent à placer les
premiers essais d’éducation domestique de ce précieux insecte. Rien
cependant n’autorise à croire que cette culture ne se soit régulièrement
établie , et n’ait fleuri simultanément dans d’autres pays environnants,
et en particulier au Japon.
Ce qu’il y a de bien certain , dans tous les cas, c’est que le verà-soie peut prospérer , et prospère en effet, en Chine et au Japon ,
sans le moindre soin de l’homme, comme dans des pays dont il serait
originaire , et pas autrement que ne le font plusieurs espèces de
chenilles que nous voyons dans nos contrées vivre en plein air ,
brouter les feuilles de nos haies, et dont les œufs, déposés par elles,
traversent sans souffrir les froids de nos plus rigoureux hivers.
Il est, dit-on , des provinces en Chine où Ton se contente au retour
du printemps, d’attacher aux branches des mûriers , qui y croissent
d’ailleurs partout d’eux-mêmes, de petites boîtes, formées d’une cer-
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taine quantité de grains , et de laisser à l’instinct du ver, que la
chaleur du soleil fait éclore, tous les autres soins que son éducation
réclame, jusqu’au moment où le cocon se trouvera complètement
achevé.
Le seul inconvénient d’une pareille culture est la voracité des
oiseaux qu’il faut avoir soin constamment d’écarter, et qui, sans cette
précaution, auraient hientùl dévoré jusqu’au dernier citoyen de cette
intéressante république.
Dans une contrée aussi favorable aux vers-â-soie il est facile de
comprendre que l’on dut s’occuper de bonne heure de l’industrie de
la soie elle-même ; et l’on sait en effet que plus de 2000 ans avant
l’ère chrétienne les Chinois connaissaient déjà l’art de filer les cocons ,
et d’en lisser de riches étoffes.
Cependant ce ne fut qu’à une époque relativement assez récente ,
paraît-il, que la culture du mûrier et du ver qui s'en nourrit pénétra
en Europe. Pendant bien des siècles les Chinois se limitèrent à vendre
leur soie aux autres nations, sans jamais permettre, et cela sous les
peines les plus sévères, de sortir de leur pays ni la graine des vers,
ni même celle des mûriers.
Les tissus en soie étaient donc connus au loin , on les vendait
au poids de l’or, mais personne, hors du céleste Empire, ne savait
comment on robtenail, ou du moins n’avait les moyens d’en produire.
Ce ne fut que bien tard, vers le sixième siècle seulement, que cette
industrie après avoir franchi les frontières chinoises, pénétra en Europe.
Deux moines qui revenaient d’une mission en Asie, se hasardèrent à
renfermer dans les nœuds de leurs bâtons de roseaux quelques œufs
de vers-à-soie et des graines de mûriers blancs , parvinrent ainsi à
tromper la vigilance des gardes et arrivèrent à Constantinople où
l’Empereur qui régnait alors les accueillit avec joie , et se hâta de
doter son pays d’un trésor industriel aussi précieux.
Bientôt après, la culture du ver-a-soie se répandit en Grèce, et celle
du mûrier blanc y devint même tellement générale que le Péloponèse
changea peu à peu son nom en celui de Morée . ce qui signifie :
» pays des mûriers ».
Vers le huitième siècle le mûrier fut introduit en Espagne par les
Arabes , et quatre siècles plus tard nous le trouvons généralement
cultivé en Sicile et dans les Calabres.
Quand et comment les vers-â^soie furent-ils apportés dans le noi'd
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de ritalie? C’est-là une question qui demeure encore sans réponse
satisfaisante.
Néanmoins, lorsqu’on pense aux nombreux rapports que les Vallées
entretenaient avec les parties méridionales de notre péninsule, et que
l’on sait, à n’en pas douter, que avant même l’époque de la réformation , les Vaudois étaient parvenus à fonder dans les Calabres une
colonie assez grande pour compter plusieurs villages , on est fondé à
croire que non seulement la sériculture s’établit de bonne heure en
Lombardie , et dans le Piémont, mais que les Vaudois durent être
placés les premiers dans les conditions les plus favorables pour s'en
occuper.
Quoiqu’il en soit, il est hors de doute que depuis très-longtemps,
l’éducation des vers-à-soie figurait au nombre des ressources les plus
avantageuses et les plus sûres de nos cultivateurs. Et pendant que
tous les autres produits de la terre étaient destinés à demeurer dans
le pays, pour les besoins ordinaires de la vie, les cocons que l’on y
récoltait, et la soie qu’ils donnaient et que les diflicullés des routes
n’empéchaient cependant pas d’exporter à l'étranger, fournissaient à la
famille vaudoise à peu-près tout l’argent indispensable à l’acquisition
(les objets que le commerce et l’industrie étaient seuls à môme de
lui fournir.
Mais alors aussi la récolte était à peu près sûre au retour de
chaque année , quoique le prix de la soie pût varier souvent dans
des proportions assez considérables.
Toutes les maladies qui, de nos jours, ravagent depuis bien d’années
nos parties de vers-à-soie, et que nous avons successivement connues,
ici comme partout ailleurs, sous les noms de marin blanc, marin noir,
cryptogame, étaient à peu près inconnues dans nos campagnes , ou
n’apparaissaient que comme de simples accidents, et ne ressemblaient
en rien, quant à la proportion , au fléau qui nous désole aujourd’hui
et nous rend, pour la graine, tributaires de l’étranger.
Plusieurs sont en âge de se rappeler encore sans doute un temps,
— temps heureux, — où la récolte des cocons était considérée comme
tellement certaine que les trois quarts pour le moins des engagements
que l’on prenait pour le payement des dettes, renvoyaient le créancier
à l’époque des vers-à-soie ; et qu’il était rare que celui-ci ne pût pas
compter sur les résultats de la récolte avec la même assurance que
l’on compterait aujourd’hui sur la récolte du foin , ou du blé.
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Les temps , hélas , ont bien changé , on le voit, et nous ne comprenons que trop que sous les coups réitérés du fléau qui chaque
année vient ajouter aux précédents une déception nouvelle , le cultivateur sente son courage faiblir , et soit tenté de ne plus courir
d’autres chances.
Quant à nous, nous pensons qu’on aurait tort de se laisser abattre
ainsi ; la cryptogame n’a-t-elle pas anéanti presque partout la culture
de la pomme de terre ? la vigne n’est-elle pas toujours encore et
dans une proportion terrible , sous le coup du même fléau ? Cependant
nous avons pu voir la pomme de terre reprendre et tout nous porte
à présumer que la maladie de la vigne elle-même est à son déclin.
Espérons que de meilleurs temps viendront aussi pour nos vers-à-soie.
Acceptons avec résignation l’épreuve que Dieu nous envoie. Acceptons-la, mais en chrétiens et en hommes forts ; et sachons persévérer.
Nous ne devons pas d’ailleurs exagérer le mal ; — il s’en faut
bien que tous les essais aient été absolument malheureux ; et presque
toujours le prix élevé, auxquel les cocons se sont vendus a compensé
la médiocrité de la récolte. Il faut seulement que les leçons du malheur ne soient pas perdues pour nous, et que nous nous efforcions
de trouver dans des soins plus intelligents à employer dans l’éducation
de nos vers-à-soie, de nouvelles ressources qui puissent nous assurer
les résultats que la routine d’autrefois suffisait à nous donner.
Tel est essentiellement aussi le but pratique que nous voudrions
concourir à atteindre pour notre part en rédigeant ces observations
pour les soumettre à vos lecteurs.
MISSIONS
Nous extrayons d'une circulaire de la Table ( du 13 mars ) le
tableau suivant des collectes de nos églises en faveur de l’œuvre des
Missions , pour l’année 1866.
fr. c.
1. Angbogne — Collecte de la Paroisse . . . . 46 50 i
Ecole du dimanche de St Laurent 8 04 > 69 54
Société de filage................. 15 00 i
A rapporter 69 64
13
Rapport . Fr. 69 54
2. Boby............................................... 19 85
3. Flobence — La Congrégation................. 122 00 \
L’école du dimanche .... 12 20 | *
4. La Tour — La Paroisse...................... 100 00 j
Soc'^ de travail (par M"'®Chambeaud) 40 00 (
Société du soumissionnaire (par /
Mme Caroline Malan ) . . . . 50 00 \
Produit de la Vente faite en mars 1866 par
M"*® Louise Malan................(1) 220 00
5. Maneiule.................................................. 15 65
6. Massel................................................... 25 55
7. PlGNEROl.................................................. 26 00
8 POMARET..................................................... 45 00
9. Praly...................................................... 12 50
10. Pramol................................................... 25 00
11. Prarüstin (Collectes de 1865-66)......................... 50 00
12. Rodoret.................................................. 12 85
13. Rorà..................................................... 25 30
14. S’' Germain — Collecte.................... 34 87
Ecole des Chenevières .... 7 60
Ecole du dimanche............. 3 45 > 48 42
Ecole des filles.............. 1 50
Ecole des Gaudins..............1 00
15. S'f Jean — Collecte.......................37 10 (
Ecole du dimanche............. 26 59 1
Ouvrage de quelques jeunes filles de l’Orphelinat .........................(1) 20 00
16. Turin............................................... 155 00
17. ViLLAR — Collecte.............................. 22 04
Réunions mensuelles .... 22 35
Ecole du dimanche.................. 6 45 ) 104 00
Par quelques écoliers .... 10 00
Souscription......................43 16
18. Villeseche .... -............................., . 37 00
Total 1324 75
(1) Sommes envoyées à Paris dès le mois de mars 1866.
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— 4G
Ce tableau pourra suggérer à nos lecteurs plus d’une réflexion.
Nous nous bornerons, quant à nous, à faire observer la présence de
Florence et de Pignerol. Ces deux Congrégations évangéliques , quoiqu’elles ne comptent pas encore comme paroisses de l’Eglise vaudoise,
n’ont point voulu cependant que « la bonne œuvre » se fît sans leur
coopération. — Puissent-elles avoir bientôt des imitateurs dans les
autres stations d’Italie !
VALLÉES VAÜDOISES.
I.ecturea d» a«ir. — ,\vec le mois de février finissaient à La
Tour les lectures ou plutôt les entretiens du soir que depuis le commencement de l’année l^i'^ A. Bert donnait dans l’école paroissiale de
S*® Marguerite. Déjà l’année dernière MM Bert et Rollier avaient, une
fois la semaine et pendant deux ou trois mois, exposé devant un
nombreux auditoire composé d’hommes et de femmes toute une série
de sujets aussi instructifs que propres à captiver l’attention d’une
population comme la nôtre.
Cet hiver M‘‘ Bert seul a repris ces utiles entretiens, et il semble
avoir voulu se renfermer davantage dans le cercle plus étroit des
sujets qui touchent de près aux habitudes de la campagne. — Le
vêtement et la nourriture, l’air et la lumière, l’ordre et la propreté,
les chemins, l’habitation , la famille, tels sont, entr’autres , les
thèmes qui ont été plus particulièrement développés. — A S‘ Jean ,
où M’’ Henri Revel a donné aussi un petit nombre de séances , c’est
d’agriculture et d’engrais qu’il a surtout été question.
Tout cela est bien matériel, dira quelqu’un. — Eh bien ! pas toujours autant qu’on serait tenté de le croire. D’abord, et par cela même
qu’ils touchent tous par quelque bout à la vie de chaque jour , ces
sujets offrent le grand avantage d’exciter à la réflexion des intelligences que la monotonie de nos habitudes ne laisse que trop engourdies. — Bon gré, mal gré , les idées reviennent à l’esprit à mesure
que les objets se représentent aux sens, et l’entretien d’une soirée se
continue toute la semaine. — Ensuite , si sobre de morale qu’on se
propose d’être, quelque observation échappe toujours : témoin ce que
nous eûmes nous-même l’avantage d’entendre un soir que M’’ Bert
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parlait de la propreté. « Qui fist malpropre au dehors, nous disait-il,
ne saurait être bien propre au dedans ; et d’un autre côté l’on arrivera difflcilement à comprendre que ceux dont le cœur est net et la
conscience lavée dans le sang de Jésus-Christ, puissent jamais se
résigner à supporter la saleté sur leur personne ou dans leur habitation ». Des paroles comme celles-là ont plus qu’une valeur matérielle, et nous désirons vivement d’en entendre l’hiver prochain de toutes
semblables.
Ecoles d'adultes. — Le retour des longues journées nous amène
aussi pour la fin du mois de mars la clôture des deux écoles du soir
ouvertes cet hiver à La Tour , sous le patronage de la Municipalité
et sur l’initiative de M*" A. Bert pour les hommes , et de M'' le professeur Rollier pour les femmes. — Des 250 personnes environ qui
se sont fait inscrire , plus de la moitié ont suivi assez assidûment
les leçons qui leur ont été données soit en français, soit surtout en
italien, par une vingtaine de dames et de messieurs, que leur nombre seul nous empêche de nommer ici. La besogne , comme on voit,
n'était donc pas des plus minces. Heureusement qu’à l’e.xception d’une
ou deux personnes qui ne se sont pas crues libres de nous prêter
leur coopération, tous se sont employés avec bonheur soit à donner
l’enseignement, soit à fournir des élèves. — C’est ainsi, par exemple ,
que le directeur de la filature de Si Ciò a bien voulu céder, sans
diminution de paie, une heure par semaine à une centaine de ses
ouvriers, qui de leur côté ont en général répondu à ce bon procédé
par une parfaite application. — S’il nous est venu moins de monde
de telle autre manufacture , cela lient sans doute à des circonstances
indépendantes de la direction , qui elle aussi avait dès le commencement témoigné de sa bonne volonté.
Une autre année, s’il plait au Seigneur, nous ferons tous davantage
et peutrêtre un peu mieux. — L’ignorance à La Tour est plus profonde qu’on n’a l’air de le croire , et ce ne sera pas trop , pour la
combattre , des efforts réunis de tous les amis de l’instruction populaire.
Une agréable irialte. — Le 7 et le 8 du mois de mars nous
avons eu le très grand plaisir de voir au milieu de nous à La Tour
M*’ Holte Bracebridge. Malgré son âge et l’âpreté de la saison, notre
vénérable ami qui avait passé à Cannes une partie de l’hiver avec
madame son épouse , ne voulut pas quitter le continent sans avoir
fait une courte visite à la Maison des Orphelines.
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t « {V ^
I'
48 —
Ltjs premiers, avec et M"*® Gilly, qui aient donné un corps à la
généreuse idée du vénérable William Forster, en appelant à La Tour
cinq ou ¡six orphelines dès le commencement de 1854, M‘‘et M'"® Bracebridge furent ausi , l’on s’en souvient parfaitement, ceux qui en
1856, à leur retour de Crimée , vinrent poser la pierre fondamentale
de la maison où sont actuellement abritées plus de quarante jeunes
filles.
Venu cette fois encore pour voir cette famille , au soutien de laquelle il a si largement concouru, c’est d’elle que M' Bracebridge
s’est surtout occupé , à elle qu’il a voulu en particulier consacrer
toute une soirée. En homme pratique et positif, M"" Bracebridge a
voulu s’assurer par lui-même de la manière dont les aînées étaient
capables de lire et d’écrire. Qu’il ait été satisfait de ce qu’il a vu et
entei du, c’est ce qu’on peut bien conclure des paroles pleines d’émotion qu’il adressa dans le courant de la soirée aux personnes qui
eurent le privilège d’être là présentes. Puisse cette visite que Mr Bracebridge nous fait à quarante ans de celle que nos Vallées reçurent
de lui en 1827, être suivie de plusieurs autres encore, non seulement
de lui,, mais encore de Madame son épouse, ainsi que de tous ceux
qui portent intérêt à nos Orphelines.
Pignerol, J. Chiantorb Impr.
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annuel payable en souscrivant : Pour l'intérieur, rendu franc de port
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de 15 cent, la ligne.
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franco au Gérant.
ERRATA DU NÜM. DE FEVRIER,
Page 18 , ligne 26 — pour se composer
1 18 > 33 — justice vaudrait
>19 > 31 ^ les douleara du s.
>30 I 26 — aussi Narvaez
>31 > 36 — pour attendre
— Usez: pour se comporter
— justice vobdrait ‘ '
— a les.douceurs du sommeil
— > aussi absurde que celui de Narvaez.
» pour attendre la benne aubaine.