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Si. année
Juin 1868.
/V." S.
L’ÉCHO DES VALLEES
—(NOUVELLE SÉRIE)—
Que toutes les choses qui sont véritables........ occupent
vos pensées — ; Philippiens., IV. 8.)
SOMMAIRE: — Synode Vaudois de 1868.—.Notice bibliographique. —Nécrologie:
Mme Peyrot-Vinçon. — Glarmres.
<3^
'NNüDE VAEDOIS DE 1868
Nous avons, dans notre dernier numéro, donné comme un
sommaire des sujets traités dans le Synode du mois de mai ;
nous voudrions aujourd’hui marquer l’effet général qu’a produit sur nous cet humble congrès ecclésiastique, et en dire
notre sentiment quel qu’il soit, heureux si nous pouvions en
même temps exprimer celui d’uti grand nombre d’autres personnes qui y ont assisté comme nous.
Et d’abord si l’on nous demandait quelle a été la grande
question de notre dernier Synode , la question qui lui a imprimé son caractère et sa physionomie, force nous serait
d’avancer que nous n’avons su la distinguer. Du commencement à la fin tout a marché régulièrement et sans trop de
secousses ; irais tout aussi nous a semblé un peu sur le même
ton pour ne pas dire languissant. Les rapports se succédaient,
le président déclarait la discussion ouverte sur tel ou tel sujet,
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en suivant l’ordre convenu ; mais on voyait les paragraphes
défiler sans que rien fut mis en relief, et'si qaeiqu'un se
levait, il était visible qu’il prenait la parole pour ne point
laisser passer inaperçus des faits ou des questions de la plus
haute importance. Puis l’on retombait dans le silence ou tout
au moins, dans les observations de détail. En vain la Table et
les autres Commissions avaient-elles dans leurs rapports mis
en vue les points les plus essentiels de leur administration ,
en vain les contre-rapports essayèrent-ils de relever mainte
actualité d’un intérêt incontestable, sauf quelques exceptions, c’était autant que frapper amadou contre amadou : il
n’en résultait ni choc ni étincelles. — On nous dira qu’il n’y
avait point non plus cette année de ces questions bridantes
qui mettent tout en feu et que s’il y en avait, elles ont trèssagement été mises de côté. Nous le reconnaissons volontiers
et nous souhaiterions que cet exemple ne fût pas entièrement
perdu. Périsse à jamais l’esprit de ces débats d’odieuse mémoire , qui eût frappé notre église de stérilité, si IMeu n’avait
eu pitié de nous. Mais est-il donc entendu qu’il n’y aura dans
nos assemblées synodales quelque animation que lorsqu’il
s’agit d’intérêts plus ou moins particuliers ? Nul ne le pense ;
et nous ne serons pas les seuls à croire que les grandes questions de la vie de l’église, du progrès ou du déclin de la piété,
des meilleurs moyens à mettre en usage pour sauver les
âmes, ou même pour instruire l’enfance et la jeunesse, continuant d’être tout à fait dignes d’exciter notre ardeur et
même, au besoin, de nous passionner tant soit peu.
Nous n’oublions pas', en parlant ainsi, qu’une forte portion
du Synode, surtput la partie élective, n’arrivant â nos assemblées que d’une manière fort intermittente , plusieurs des
membres, qui auraient le plus à dire, gardent le ^lence, fawte
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d’ètre suffisamment habitués à parler en public. — Mais
combien n’y en a-t-il pas, même parmi ceux qui viennent
là toutes les années, qui ne donnent que très-rarement signe
de vie, ou qui ne font aux séances que des apparitions plus
ou moins prolongés ! OuoÎQu’il en soit des causes auxquelles
il faut attribuer l’espèce de langueur que nous avons cru
remarquer dans les discussions du dernier Synode , ce qui est
hors de doute, c’est que nul ne saurait s’en prendre au manque
de questions importantes et sérieuses. Grâce aux différents
rapports elles se présentaient presque d’elles-mêmes à l’examen de l’assemblée.
Ces Rapports que nous venons de mentionner, n’auraient-ils
pas à eux seuls suffi pour exciter le plus vif intérêt? et sans
parler ici des comptes-rendus des Commissions proprement
dites , notre église pouvait-elle rien imaginer de plus propre à
vivifier nos Synoder que cette revue de tout ce qui passe
d’essentiel dans trois ou quatre de ses paroisses ou stations?
— Si, longtemps on a pu se plaindre de l’espèce d’obscurité
dont aimaient à s’envelopper nos églises , si l’on attribuait à
à bon droit une partie de nos maux à la circonstance qu’on
n’avait jamais l’occasion de les envisager d’un peu près et en
face, on ne peut qu’attendre les meilleurs résultats du système
établi depuis deux ans dans le bot de voir ce que pensent
eux-mêmes de leurs congrégations les Consistoires et les
évangélistes. Ces jugements quelquefois intéressés pourront,
il est vrai, laisser beaucoup à désirer. On peut déjà prévoir
le cas où le portrait sera flatté et sans façon , tant est faible
la nature de l’homme... et de certains Consistoires. — Mais
ces sortes d’inconvénients ont cela de particulier qu’ils apportent leur remède avec eux. A l’oufe de ces rapports un
peu trop couleur de rose, les intéressés verront le Synode se
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réjouir avec tant de retenue que l’année suivante ils seront
enchantés de trouver eux-mêmes quelqu’ombre à mettre à
leur tableau. Quand on a l’honneur de s’adresser à une assemblée resoectable , on renonce difficilement au plaisir
d’être cru sur parole. S’il devait y en avoir d’incorrigibles,
nos craintes porteraient plutôt sur ces rapports secs et insignifiants, qui ne seront que trop possibles aussi. L’on ne peut
rendre la sève à un arbre desséché, et la mort sera toujours
maigre, il faut s’y résigner. — Mais cela même constitue un
sujet dont l’église , poqr peu qu’elle y tienne , pourra tirer les
meilleures leçons.
D’ailleurs , à côté de quelques rapports négligés ou équivoques , nous en aurons de fidèles, nous en aurons de positivement instructifs. Pour peu que le Synode témoigne d’accueil
à ces sortes d’études, tout en se montrant sévère envers
quiconque essaierait de lui jeter de la poudre aux yeux, il y a
grande apparence que nous aurons là toute une moisson de
renseignements, d’idées pratiques et fécondes qui ne s’obtiendraient guère autrement. On a beau nous répéter sur tous les
tons que la piété ne saurait se verbaliser, chacun sera toujours
en état de nous dire ce qu’il en a vu ou senti dans sa paroisse
ou sa station, et il n’aura aucune peine à saisir la différence
entre ceux qui servent Dieu et ceux qui servent autre chose.
— L’on aura plus encore : derrière le fait on voudra découvrir
la cause, après le mal le remède. C’est ainsi qu’un pasteur fut
amené à la découverte sans pareille dont il voulut bien nous
faire part l’année dernière, découverte capable de changer la
face de nos églises, si elle ne retombe pas dans l’oubli. —
S’étant aperçu que ses brebis ne savaient plus venir jusqu’à
lui, le prudent berger eut l’idée qu’il pourrait les retrouver
en allant lui-même les chercher.., où elles sont. Que le sort
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appelle ce pasteur à nous entretenir une autre fois de sa paroisse, et nous aurons sans doute des nouvelles réjouissantes
des bons effets de sa découverte. Sans attendre jusque là, que
de choses ne nous auraient pas dites, cette année même, les
quatre rapports qui nous ont été lus, si nous avions pu leur
accorder le temps et l’attention que dans un sens ou dans
un autre , ils eussent méritée ! — Mais il aurait fallu pour cela
descendre de bien des idées à bien des faits, du principe à
l’application, pour remonter ensuite de mainte réalité toute
pratique à quelque peu de théorie. Or l’une et l’autre chose
présente ses inconvénients, et voilà sans doute pourquoi
l’on ne s’y est que médiocrement appesanti.
11 n’en demeure pas moins vrai que ce sera toujours à
son grand profit et au profit de son église que le pasteur aura
consacré, nous ne dirons pas quelques heures, ce serait une
moquerie , mais quelques jours à se rendre raison de ce qui
s’est fait ou ne s’est pas fait durant une longue année, de ce
qui est et de ce qui devrait être. Après ce travail, non seulement il se sentira plus au clair qu’avant, mais à moins
d’une légèreté impossible, il aura été plus surpris pour son
propre compte qu’il ne surprendra les autres. — Et quand
avec lui son Consistoire tout entier, prenant part à cet examen
de conscience autrement que par la simple appositiou des
signatures voulues, aurait été amené à voir comme pour la
première fois la grandeur et la beauté de sa tâche... c’est
alors qu’on nous accorderait qu’il y a par là un puissant
moyen de rallumer ce feu qpie trop de cendre menace d’éteindre. On ne viendrait plus nous dire de tel consistoire :
« qu’il a pu se convaincre que dans toutes les maisons » il se
fait ceci ou cela, « mais que si on l’a trompé il ne sait qu’y
faire » ; le Synode n’entendrait plus des aveux tel que celui-ci :
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« le Consistoire ne saurait constater s’il y a progrès ou déclin
de la piété au sein de son église » ; avant d’informer le Synode
on songerait plus sérieusement à s’informer soi-même, et tout
le monde y gagnerait.
Une chose en attendant, nous paraît infiniment regrettable,
c’est que de tant de rapports envoyés soit à la Table , soit à
la Commission d’Evangélisation, il n’y en ait que trois ou quatre
qui soient connus ; les autres vont grossir ces liasses de
papiers où quelqu’un fouillera peut-être un jour, mais qui
pour le moment sont condamnés â rester enfouis sans que
personne puisse en profiter. — Ainsi le veut une population
qu’effraie la seule idée de lire ou de savoir quoique ce soit
de ses propres affaires.
Et voici une plaie de nos églises! c’est que la lecture y
est devenue presque chose inouïe. Des rapports qui ont été
lus en Synode, ainsi que de quelques autres renseignements
que nous avons pu nous procurer, il résulterait que nos quinze
bibliothèques paroissiales ne comptent pas cent abonnés dans
toutes nos Vallées, qu’elles n’en comptent peut-être pas
soixante parmi la population de la campagne. Nous ne demanderons pas si c’est là un mal ou un bien, ayant eu l’occasion de dire ici même, il n’y a pas longtemps, ce que nous
pensons et des commurtes et surtout des églises qui se regardent, sans inquiétude , envahir par la lèpre de l’ignorance.
Seulenient si nous avons trouve tort à ceux qui n’apiprennenl
pas à lire par le temps qu’il fait, nous estimons ' inexcnsablès
les Vaudois qui savent lire et qui ne lisent pas. Eh biên, nous
a-t-on dit, pourquoi donc 1a Table laisse-t-elle mourir ces
pauvres bibliothèques sans les alimenter, sans les renouveler ?
— Ceci nous rappelle fort cét honnête syndic de Sicile, qui
justement effrayé des ravages que faisait dans sa commune
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la maladie de la vigne , ne trouva rien de mieux que d’écrire
au Gouvernement de vouloir bien intervenir pour mettre,
sans plus tarder, un terme à l’horrible fléau. — Faudra-t-il
donc aussi que la Table fournisse aux paroisses jusqu’aux
almanachs des bons conseils? S’il est vrai, comme nous le
disait un des rapports dont lecture nous a été faite, s’il est
vrai que « le public avide de nouveauté » demande à cor et
à cri que les bibliothèques soient alimentées, que n’y pourvoit-il en s’aidant de son avidité môme? Mais quand on ajoute
que dans une paroisse le nombre des abonnés s’élève à six
et dans l’autre à quatre, on a peine à se figurer ce que peut
être cette soif de lecture ou de livres nouveaux, — et l’on
s’en va malgré tout, à la recherche de quelqu’autre explication d’une si grande lacune dans notre vie intellectuelle. —
Or cette explication nous craignons fort de la trouver en
grande partie dans le fait, pour nous presqu’indubitable,
qu’au sein de nos Vallées beaucoup de gens passent pour
savoir lire, qui en sont à peu près incapables. — Quand aurat-on la complaisance de nous donner là dessus un démenti
tout sec, preuves en main?— Après s’être longtemps, trop
longtemps à notre avis, reposés sur autrui du soin de l’instruction , nos consistoires vont de nouveau se trouver autant
qu’ils le voudront, face à face avec leurs écoles, en sorte
que rien ne les empêchera de faire de nos cinq mille enfants
une génération qui sache lire et écrire, une génération qui
lise effectivement et qui donne à nos bibliothèques religieuses
plus de quatre abonnés par paroisse.
Et maintenant, combien nous aimerions à nous arrêter un
instant encore sur ce qui concerne plus directement l'état
spirituel de nos différentes églises, ou plutôt de l’Eglise vaudoise en général ! — Malheureusement, tout ici a été traité,
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comme on dit, à bâton rompu. Recueillies, concentrées sur
un point donné , ces mille observations qui se font à mesure
que l’occasion les provoque, formeraient un foyer capable
de répandre quelque chaleur, ou tout au moins quelque lumière, tandis qu’éparpillées elles finissent d’ordinaire par se
perdre dans le vide. Mais c’est là un inconvénient auquel il
serait probablement difiicile de remédier, sans ouvrir la porte
à des inconvénients plus graves encore. — D’ailleurs, si le
décousu avec lequel on a touché aux divers éléments de la
vie spirituelle n’a produit sur les esprits ni toute la lumière,
ni toute la chaleur qu’on eût pu souhaiter, il est pourtant resté
cette double impression d’un côté, que l’ouvrage est commencé sur plus d’un point, et d’un autre côté que nous avons
de grands progrès à faire soit dans la manière d’apprécier l’état
actuel de la piété au sein de nos églises, soit dans le choix
des moyens les plus propres à la reveiller, soit dans un meilleur emploi de ceux qui déjà sont en usage. Or il n’est pas dit
qu’une impression doive infailliblement s’évanouir sans laisser
aucune trace. Peut-être nous faisons-no’us illusion : mais il
nous semble que plusieurs doivent avoir emporté du Synode
de 1868 quelque chose comme un so«aqui ne les quittera pas
de toute l’année, — et nous croyons qu’il y a lieu d’e.spérer de
là quelque bien. Non pas qu’il faille se flatter de voir sitôt
s’assombrir la séreine satisfaction qui s’épanouit au front de
certains bienheureux quand ils contemplent l’œuvre de leurs
mains ; leur aise est inaltérable, et ce n’est pas notre calme
Synode qui aura pu le troubler. « Il est, a dit quelqu’un (1) ,
il est des hommes qui, très-difficiles à d’autres endroits, se
laissent, en religion, contenter aisément. Quel que soit l’état
(1) François Roge( de Genève.
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— ai
de l’Eglise, leur tranquille optimisme ne les abandonne point.
Est-ce-un sentiment de foi qui les anime ? C’est une question
à laquelle je ne veux pas toucher. Mais il en est d’autres que
la vue de ce qui pourrait et devrait être, obsède sans relâche : ce dur contraste pèse sur leur âme et leur a de tout
temps arraché des plaintes et des gémissements ». — De ces
derniers nous aimons à croire que notre Synode en comptait
un bon nombre, et ils n’étaient point trop dilTiciles à discerner.
Qu’on ait touché au culte public ou au culte de famille, aux
communiants ou aux catéchumènes, à la prédication ou aux
effets qu’elle produit, à l’observation du dimanche ou aux
meilleurs moyens d’attirer à l’évangile ceux du dehors, à la
façon de recevoir, toujours il s’est trouvé quelqu’un pour dire
ce qui nous manque, ou pour placer le but plus haut et
plus loin.
Ce but gardons-nous de le perdre de vue, si nous ne voulons
pas disperser notre activité et nous fatiguer pour néant ; ce
but c’est la gloire du Seigneur par la vie de son Eglise ; et la
vie de l’Eglise c’est, pour ce qui nous concerne, nous ne
dirons pas l’organisation, mais la résurrection de chacun de
nos troupeaux par le salut des âmes, en commençant par la
nôtre. En convertissant lésâmes, nous aurons trouvé le vrai
secret de les rapprocher et de les grouper par un lien vivant
en églises véritables. Que les hommes de bonne volonté concentrent là tous leurs efforts aussi bien que leurs prières, et
à nos temps de lassitude succéderont, sans trop de retard,
des jours de vigueur, aux Synodes languissants, des Synodes
pleins de vie.
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NOTIGE BIBLIOGRAPHIQUE
Parmi les bons livres dont l’absence se fait encore regretter dans
nos écoles, on devait mentionner en particulier un choix de poésies
en langue italienne , conformes pour les idées à nos croyances religieuses en même temps qu’appropriées à l’âge et à la culture de
nos enfants.
On sait combien il importe d’enrichir de bonne heure la mémoire
des enfants d’idées saines , relevées par un langage harmonieux et
poétique C’est le moyen , non seulement de les familiariser avec ce
que la langue a de plus noble , mais encore de développer singulièrement en eux l’intelligence et surtout le sentiment, pourvu que ces
exercices de mémorisation soient dirigés d’une manière convenable.
Jusqu’ici il y a eu , â ce sujet , une véritable lacune , au moins
pour ce qui regarde la langue italienne. Les maîtres et les maîtresses
n'étaient pas toujours en demeure de se procurer les livres nécessaires
pour faire eux-mêmes un choix satisfaisant; et quand ils s’étaient
procuré, non sans peine, un certain nombre de morceaux, il
fallait les dicter aux élèves , en sorte que , malgré les soins apportés à la correction des cahiers , il restait le plus souvent dans les
copies beaucoup de fautes et de mots défigurés , ce qui n’était pas
un léger inconvénient. Quelquefois aussi ces poésies n’étaient pas â
la portée des enfants ou ne méritaient pas qu’on se donnât la peine
de les apprendre par cœur. Cette dernière observation nous a été
suggérée en particulier par quelques unes des fables de Clasio que
l’on fait apprendre dans les classes inférieures du collège et du pensionnat. Nous ne citerons, comme exemple , que celle intitulée II
corvo e il cacciaîore, dont la morale ambiguë ne mérite pas l’invention du petit drame qui lui sert d’enveloppe , et dont l’ensemble ne
vaut pas l’effort de mémoire nécessaire pour la retenir.
Non seulement il ne faudrait pas que les enfants dussent apprendre
par cœur une poésie qu’ils ne sont pas en état de comprendre, mais
encore ne devraient-ils apprendre que des morceaux qui soient des
modèles , tant pour les idées et les sentiments , que pour la forme
dont ils sont revêtus. À cet égard comme à bien d’autres , qu’on
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veuille bien nous permettre cette petite digression , nous avons eu
lieu d’admirer le tact pédagogique de la maîtresse de l’école de filles
de La Tour. Quand on a l’avantage de posséder une maîtresse qui
entend , comme elle , sa tâche d’éducatrice de celles qui , à leur
tour, seront par leur position les éducatrices de la société , on ne
saurait trop faire pour la conserver.
Nous avons le plaisir d'annoncer que Ib lacune dont nous avions
à souffrir , vient d’être comblée , pour les écoles élémentaires , par
un choix de poésies auquel M. le Pasteur de Turin a bien voulu
consacrer les rares loisirs que lui laissent ses occupations multipliées.
C’est un petit volume de quatre-vingt huit pages , d’un prix très modique , sorti dernièrement de l’imprimerie Claudienne avec ce litre :
BaccoUa di poesie ad uso delle scuole evangeliche d'Italia , Firenze 1868.
.âu mérite du choix même des poésies , auquel a présidé le tact
et le jugement que l’on connaît à son éditeur , se joint l’agrément
d’une impression nette . convenablement espacée et dans un caractère
comme on pouvait le desirer.
Le recueil est divisé en trois parties ou degrés dans lesquels on
s’est efforcé d’observer la gradation qui est une des lois fondamentales de l’enseignement. Il suit donc , pour autant que la chose est
faisable quand il s'agit de poésie , le développement progressif des
enfants pendant trois années consécutives , c’est-à-dire qu’il est adapté aux trois classes dans lesquelles se divise ordinairement l’école
primaire , et offre , de la sorte , un cours complet pour les exercices
de mémoire en ce genre pendant la durée de l’instruction élémentaire.
Nous nous abstenons de parler plus au long de ce recueil , persuadé que l’usage le fera mieux apprécier que tout ce que nous en
pourrions dire. Nous ne douions pas que les maîtres elles maîtresses
ne l’introduisent aussitôt dans leurs écoles. Du reste, la V. Table ,
pensons-nous , en imposera sûrement Tusage par le programme que
le Synode l’a chargée de préparer.
Nous voudrions pouvoir engager M. Meille à préparer un autre recueil, approprié à une culture plus avancée, pour nos établissements
d’instruction secondaire ; car là subsiste encore la lacune. En attendant , nous ne demanderions pas mieux que de voir ce petit volume
adopté aussi dans les classes inférieures du Collège, du Pensionnat',
de l’École normale , et de l’école du Pomaret.
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Le 11 mai dernier, à deux heures après midi, la cour et les abords
de la maison d’Hollande , à Jean-Pellice , étaient occupés par une
grande foule de personnes dont l’aspect grave disait assez quelle
circonstance les y amenait. C’était pour accompagner au champ du
repos la dépouille de la chère et maintenant bienheureuse Madame
Peyrol, née Vinçon. Retirée des tribulations de ce monde à l’âge de
trente huit ans, après une longue maladie pendant laquelle on peut
dire que sa patience ne s’est pas démentie un seul instant, elle
laisse dans le deuil et les larmes, outre un mari bien-aimé et sept
enfants dont les deux aînés , absents pour leur éducation , n’ont pas
eu la douceur de la revoir, un père, vénérable vieillard aux cheveux
blancs, et des frères et des sœurs qui la chérissaient d’une vive
affection.
Le concours extraordinaire d’environ onze cents personnes, présentes à sa sépulture , indique suffisamment combien était appréciée
celle dont le trépas provoquait un deuil si général. Ce n’est pas, en
effet , la sympatie seulement et l'intérêt qu’inspire le départ d’une
épouse jeune encore et ornée des dons les plus riches de la nature
et de l’éducation ; — d’une mère tendre et affectueuse qui semblait
si nécessaire à sa jeune et nombreuse famille ; ce n’est pas non plus
l’hommage rendu à l’une des principales familles du pays pour la
fortune et l’honorabilité qui peuvent expliquer un tel empressement
autour de la mortelle enveloppe que l’on allait confier à la terre.
Un sentiment supérieur à tout cela dominait dans cette multitude.
C'était un tribut de pieux souvenir et de regret payé à l’enfant respecteuse et dévouée dans la maison paternelle, pour ceux qui l’ont
connue à cet âge ; — à l’amie de pension, toujours aimable, et prévenante . toujours disposée à rendre service en payant de sa propre
personne , pour celles qui ont eu le privilège d’être ses compagnes ;
— à l’épouse et mère chrétienne dans le vrai sens de ce mot, pour
tous ceux qui ont eu l’avantage de la connaître ; — à la protectrice
du pauvre, à l’amie de l’affligé ; â celle qui, s’oubliant elle même ,
était toujours prête à s’employer pour le bien d'autrui ; qui , même
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pendant sa longue maladie d’environ deux ans. — maladie de nature
à reporter constamment les pensées du malade sur lui même et à
le rendre égoïste à cause des soins minutieux qu’elle exige — s’est
toujours montrée d’une abnégation admirable , toujours préoccupée
des autres , ne proférant jamais une plainte , mais au contraire se
montrant, jusqu’à son dernier moment , gaie avec ses alentours et
reconnaissante pour le moindre service.
Madame Peyrot n’a pas accepté avec résignation seulement la pénible dispensation à laquelle il a plu à Dieu de la soumettre et dans
laquelle elle discernait la main d’un Père miséricordieux et bon ;
mais elle a été rendue capable par la grâce de Dieu , d’accomplir
volontairement le sacrifice qui lui était demandé de toutes les affections terrestres.
Eût-il été en son pouvoir de le faire , elle n’ aurait pas voulu
changer un iota , ce sont ses propres expressions , à la situation qui
lui était faite par sa longue et douloureuse épreuve , si grande
était sa persuasion que telle était à son égard la bonne volonté de
Celui qui fait concourir toutes choses au bien de ceux qui l’aiment.
Nous aurions beaucoup à dire si nous voulions enrégistrer les
faits connus qui manifestaient en elle le pouvoir de la grâce sanctifiante et de la foi agissante par la charité dont elle était animée.
Ce serait une satisfaction pour nous de le faire , et le lecteur , sans
doute , nous en saurait gré. Mais nous sommes convaincu qu’en cela
nous agirions contrairement à sa propre volonté et que , l’eût-elle
prévu , elle s’y serait formellement opposée. Le dirons-nous? c’est ce
motif surtout, quoi qu’il y en ait d’autres ancore , qui nous a empêché d’être pleinement satisfait du discours éloquent prononcé sur
sa tombe. Déjà nous étions prêt à en faire la critique ; mais mieux
vaut renvoyer nos observations à une occasion plus propice et revenir
à la personne à la mémoire de qui nous désirons consacrer exclusivement ces lignes.
Elle est, en effet, une de ces douces figures auxquelles la pensée
aime à revenir souvent, et dont l’image demeure ineffaçable dans le
souvenir. Sa courte existence terrestre a été bien remplie ; elle a travaillé et ne s’est point lassée jusqu’à ce que le Seigneur lui eût dit:
c’est assez. Le précieux parfum de la bonne odeur de Christ, qu’elle
a su répandre autour d’elle pendant sa vie,^subsiste après son départ
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de ce monde; quoique morte , elle parle encore et parlera longtemps
pour sa famille et pour tous ceux qui l’ont connue de près. La mémoire du juste est en bénédiction , et bien heureux sont, dès maintenant, ceux qui meurent au Seigneur...... car ils se reposent de leurs
travaux et leurs œuvres les suivent !
O L vV IV TJ FtE S
Dans sa récente visite à nos écoles du dimanche, M' Jaulmes nous
a raconté entr’autres anecdotes les deux ou trois suivantes, que nous
reproduisons ici pour l’utilité commune à la condition que nos amis
à leur tour nous fassent part de ce qu’ils auront sans doute entendu
de la même bouche.
'l'u es cet l%oinme-là. Le grand Réformateur de l’Allemagne a
eu cela de particulier qu’il commença toujours par s’appliquer â luimême la vérité qu’il annonçait aux autres. Voici, par exemple, de
quelle manière il aimait à lire pour son usage personnel ce verset
qu’il appelait son petit évangile ( .lean III, 16): «Dieu a tant aimé
Martin Luther , qu’il a donné son Fils unique , afin que si Martin
Luther veut croire en Lui, Martin Luther ne périsse point, mais qu’il
ait la vie éternelle ». On devine la leçon que tirait de là M' Jaulmes
pour les enfants.
SI tu peux croire (Marc. IX). Un missionnaire de la Chine n’avait
pour toute école du dimanche que deux jeunes garçons. Un jour, au
moment où il entrait pour la leçon, il trouva ses deux élèves qui se
disputaient et se battaient. — Allons donc, dit le pasteur au plus
âgé , comment peux-tu frapper ainsi ton petit frère? — Eh bien , fit
le coupable un peu confus , pourquoi ne veut-il pas croire ce que
dit le livre? Et il montrait le Nouveau Testament qu’il tenait à la
main. Est-il vrai, mon ami, que tu ne veux pas croire ce que dit le
livre de Dieu ? — Je ne puis pas croire, répondit tristement le petit
garçon, il n’est pas possible que Dieu ait donné pour moi son propre
Fils. — C’est pourtant vrai , lui dit le missionnaire, et il le montra
par quelque passage de la Bible. — Mais l’enfant après avoir écouté
avec attention, dematfda’s’il n’y avait ' pas d’autrés moyens de s’en
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assurer. — Et bien ! oui , dit le pasteur , l'Esprit de Dieu fait connaître à noire esprit que sa Parole est la vérité , et par lui nous
pouvons croire ; il faut le lui demander — Si je le lui demande ,
m’écoutera-t-Il ? Le pasteur hésita un instant, puis il dit: je n’en
doute pas, mon ami. Et tous trois se mirent à genoux, l’aîné ayant
voulu s’unir à eux Dans sa prière l’enfant répéta plus d’une fois
cette confession; Seigneur! je ne i_ûs pas croire , je ne puis pas
croire ». — Le jeune Chinois a grandi depuis, et non seulement Dieu
lui a fait la grâce de pouvoir croire, mais encore II lui a donné la
force d’amener à la foi bon nombre de ses concitoyens. — Que de
gens gagneraient à une foi moins facile!
Fidèle en peu de eliose. « Faire quelque chose pour le Seigneur,
faire quelque chose pour le Seigneur », se disait à lui-méme un
jeune garçon au sortir de l’école du dimanche ; vraiment ce serait
bien juste; mais que pourrais-je faire, moi ? et cette pensée lui
revint souvent pendant la semaine. — Charles, lui dit un soir son
jeune frère en lui montrant son pied, tiens, détache-moi la courroie
de mon soulier, qui s’est nouée. — Ha! va te promener , lui dit
l’autre qui était tout juste préoccupé de sa pensée favorite. — Mais
ensuite, voyant le pauvre enfant qui suait autour de son soulier, il
eut presque regret de l’avoir ainsi rebuté ; il lui vint alors une idée:
« et si je rendais à mon frère ce petit service pour l’amour de Dieu? d
Si tôt fait que dit. Charles posa un genou en terre, et se mit, avec
beaucoup de patience , en devoir de délier la méchante courroie. La
besogne achevée , il se releva tout content d’avoir trouvé aussi près
de lui quelque chose à faire pour le Seigneur.
La première vietolre. — Maman ! dit un jour un tout jeune
enfant d’un air trê.s-sérieux. maman, je crois que je suis converti. —
— Ah ! vraiment, dit la mère, je m’en réjouis ; mais comment sais-tu
cela, mon ami? — J’ai mangé ma soupe , répondit le bonhomme
d’un ton satisfait. On peut bien en rire ; mais qui sait l’effort que
cette première victoire aura coûté à l’enfant, ed de combien d’autres
victoires elle aura été le germe ?
Pals mes acneaux. Dn berger avait le plus beau troupeau qu’on
pût voir. Qu’il fût â la plaine ou à la montagne , ses brebis multipliaient à vue d’œil. C’était à faire envie. Pour expliquer cette prospérité , les pâtres de Palpe avaient fait mille suppositions. Vous
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avez donc un secret, lui dit enfin l’un d’entre eux. — Peut-être bien,
répondit Nicolas ; je prends soin dé mes agneaux.
Nous avons dans nos quinze paroisses des Vallées tout près de
cinq mille enfants dont 4400 dans les écoles. De ce nombre il y en
a moins de IbOO dans les écoles du dimanche. Doit-on s’étonner de
le maigreur de nos troupeaux ? Cependant cela même est un bon
commencement, et c’est le cas, nous disait Jaulmes , de ne pas
oublier le petit garêon qui avait débuté par manger sa soupe.
Pensées. L’ancien Testament est le bouton de fleur dont le Nouveau nous offre l’épanouissement [Bertholelj.
— On dit qu’il y a dans les saintes Ecritures des choses difiiciles
à entendre : sans doute , et surtout pour les ignorants et les mal
assurés qui les tordent (II Pierre ni). Mais il en est dupaindel'âme
comme de celui qui nourrit le corps, il faut le manger à la sueur
de son front. — Ce qui ne coûte rien ne vaut rien (td.)
— Voyez les insectes : plus ils volent haut, moins ils ont à craindre
les filets et les toiles d’arâignée.
— Quelqu’un ayant demandé â un chrétien de Lyon où il demeurait : — Lâ haut, dit celui-ci, au troisième. Puis comme l’autre levait
les yeux dans la rue pour voir le troisième étage , — plus haut, dit
le bourgeois des cieux, au troisième ciel (id.).
— Pour l’enfant de Dieu , mille choses sur la terre lui réflètent
le ciel ; aux yeux du mondain , le ciel même n’est encore qu’un
reflet de la terre.
Pignerol, J. Ghiantorb Impr.
H. Jahier Gérant.
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