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Mars 1868.
iV." 3
L’ÉCHO DES VALLÉES
—(NOUVELLE SERIE)—
Que toutes les choses qui sont vérita>>l»»«______
vos pensées — < PhiHppiens., IV. S. )
lit
SOMM.MUE — Nouvelles Eglises Vandoises. Les centimes additionnels et le
culte vaudois. — l,a liberté, un moyen. — M'crologii’: .1. P. l’oyran,
(lasetti, Mneî P Epine. — Porsiu: Le Psaume de la \ie. — Vtilhrs
(otírfoí'ící.-Circulaire de la Commission des hôpitaux. A isite pastorale.
NOUVELLES EGLISES VAUDOISES
Qu’on se souviennt' ou non de ce que nous disions un
jour (1) de l’avantage (ju’il y aurait pour tout le monde ;i
voir, au moment convenable, nos slalions passer de l’état
plus ou moins passif de formation à celui d’une coopération
plus directement active et militante , on voudra bien nous
accorder que dans le cas où l une de nos congrégations
évangéliques demanderait à s’ajouter comme nouveau membn'
aux seize églises vaudoises que nous avons déjà, les deux
parties auraient le plus grand intérêt à ne rien faire qu’à des
conditions nettement déterminées. Or ce sont précisément ces
conditions que la Commission nommée par le dernier Synode
est appelée à étudier, en attendant qu’un vote définitif vienne
les établir pour nous tracer la ligne de conduite que nous
aurons à suivre. — Quelles seront-elles? — C’est ce qu’il
est permis à chacun de se demander dès à présent.
(1) Voir ÏEcho du mois d'avril 1867.
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('»^ans vouloir tout'passer en revue’, ni «ntrer dans plus de
détails qu’il ne faut, il nous semble (J'i® conditions
d'adMsSion’ pourront être de trois sortes^“ des conditions de
foi, des conditions de gouvernement ou de discipline ecclésiastique, des conditions d’un caractère en apparence plus
matériel.
Des conditions de foi disons-nous en premier lieu. Nous ne
voulons point parler ici de ce degré de vitalité qu’on doit
supposer à une congrégation qui vise à s’émanciper; car il
est évident qu’il ne saurait être question d’abandonner à
leur sort des stations trop jeunes encore ou trop faibles pour
se soutenir d’elles-mêmes. Il est bien vrai que' lorsqu’on se
met en route sous le regard du Seigneur et qu’on inarche par
la foi, n’eût-on comme Agar «qu’un peu de pain et une bouteille d’eau sur son épaule, —le Voyant qui nous voit » peut
nous' faire trouver en plein désert de quoi renouveler amplement la provision. Jlais cette foi c’est précisément ce qu’il
faut avoir, si l’on veut s’y appuyer. Sans elle tout obstacle
est'tin'Scandale, tout scandale marque une chute. Livrez à
elle-même une congrégation qui manquerait de cette ressource capitale : une bouffée de vanité peut vous en faire
ètt*'quatre jours la proie de l’esprit sectaire ; un simple dépit,
la i’èplonger dans lâ commode servitude de l’Eglise romaine.
— fl va donc sans dire, si nous tenons à nous fortifier, qu’avant
de ñbuá allier à unë église, nous aurons à nous assurer qu’elle
ësi assc¿ forté ellè-même et ' ‘ "
'' Màîs' Cë 'que nous“devons exigër comme 'non mom^'indîs^'eiibab’l’é, c’est de là']part de l’église qui'vièni’à'noôs qu’ëilè
salprésente avec Mné Confession écnfe- de"sa foi'.' Si ’la'' fbi'ëst
la base ;’lës Cëhfés'sions sont' ie'lién de tôtftë ‘àlliân'ci^'évnn^èlique, et sans ce lien aucune confédération d’églises ne saurait
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être de longue durée. Cela, sans doute , ne fera aucune dillîculté entre nous, les congrégations qui voudront s’agréger
aux Eglises vaudoises, les connaissant assez pour savoir qu’il
ne peut avoir d’union avec elles que sur le terrain d’un atfachement commun aux grandes vérités de l’Evangile. — Désireux de nous enrichir plutôt que de nous appauvrir, nous
demanderons à nos soeurs cadettes de nous garantir des
croyances au moins aussi clairement déterminées que celles
que nous avons le bonheur de pouvoir leur offrir dans la vieille
Confession qui nous sert d’étendard à nous mêmes. — Des
couleurs trop pâles, des lignes indécises ne sauraient satisfaire les églises vaudoises, qui heureusement ne sont pas
encore de celles qu’effraie une pure et franche orthodoxie.
Est-ce à dire que la confession de foi qui servira de signe
de ralliement doive nécessairement être la nôtre ? Du côté
des églises vaudoises il ne saurait guère y avoir de doute,
puisque c’est à cette bannière qu’on les reconnaît depuis si
longtempsi — Du côté des églises qui viendront à nous, l’essentiel sera, nous osons le croire , qu elles nous montrent un
symbole explicite et scripturaire. Demander une plus grande
uniformité serait s’exposera n’obtenir qu’une moindre unité,
l’homme étant ainsi fait que chacun tient naturellement beaucoup moins à l’œuvre d’autrui qu’à la sienne propre. — Or
aux uns comme aux autres il nous importe infiniment de
n’avoir que des alliés résolus à faire honneur au drapeau qu’ils
auront une fois déployé. Que chaque nouvelle église vienne
donc à nous avec une confession de sa foi, qu’elle vienne
avec des ¡principes strictement évangéliques, qu’elle exige
tout autant de-notre part , ¡et nous aurons posé pour base'de
notre alliance un première pierre bien solide. '
.I" '<i - .¡.p.r • ; nu • . ■ .11»; I - .1 , • | •
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11 faudra cependant s’entendre encore sur certaines questions d’une nature plus purement ecclésiastique. Le gouvernement et l’organisation d’une église sont loin certainement
d’avoir la même importance que la foi qui en fait la vie ; ce
ne sont néanmoins pas des choses indifférentes, tant s’en faut.
Quand on a de l’eau pour force motrice, il n’est point superflu
d’avoir en même temps un canal et des rouages. La Commission du Synode aura donc à s’occuper aussi des conditions de gouvernement. — Des églises composées de membres
ayant une foi commune et des obligations communes ; des
églises où l’on puisse entrer et demeurer non point en vertu
de la simple naissance ou des sacrements, mais par la libre
et joyeuse profession d’une foi que la conduite honore ;
des églises avec un culte public au jour du Seigneur ; des
églises avec des anciens et un ministère régulièrement établis ;
des églises qui croyent la vi'rité qu’elles prêchent, et qui aient
à cœur de proclamer la vérité qu’elles croient ; des églises
enfin, où l’enfant de Dieu se sente chez soi, et l’enfant du
monde tout au moins étranger; tels sont quelques uns,des
principes que nous aimerions à voir garantis.
Si nous ne nommons pas les Synodes, c’est tout simplement
par la raison que partant d’une confédération d’églises et
d’églises autonomes comme le doivent être les nôtres, nous
ne saurions vraiment les concevoir autrement qu’avec leurs
assemblées synodales. Si les membres du corps ont quelque
vérité à proclamer ou quelque œuvre à faire en commun, il
faut bien qu’ils se concertent, et pour se concerter qu’ils se
rencontrent. Or nous voilà d’un bond aux représentants des
églises, aux assemblées délibérantes, aux statuts et régler
ments, c’est-à-dire aux Synodes, avec tput ce qui les suit pour
en faire exécuter les décisions. Toutes choses fort simples pour
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nous , mais qui pour d’autres pourraient l’ôtre beaucoup
moins. Il ne sera donc point superflu de prévenir les églises
qui voudront se joindre à nous, quelles seront soumises au
Synode, aussi longtemps qu’elles s’y feront représenter.
Viennent maintenant des conditions d’un ordre plus matériel encore, nous voulons dire les ressources des églises nouvelles. On ne manquera pas de s’étonner si nous demandons
que ces églises aient de quoi se suffire à elles mêmes. —
Comment en effet l’église vaudoise viendrait-elle exiger des
jeunes congrégations ce qui lui manque à elle ? Nous répondons
que c’est précisément parceque nos églises ne sont pas sous
ce rapport, dans une condition normale, qu’elles redoutent
de se voir imitées. L’église vaudoise donnera-t-elle à ses sœurs
ce qu’elle n’a point? ou ira-t-elle mendier pour ses nouveaux
membres comme elle mendie déjà pour son propre compte ?
Assurément non. — C’est donc aux intéressés à voir d’avance
comment ils seront en mesure de pourvoir à leur propre
entretien. Pour se donner il faut s’appartenir ; or cette église
ne s’appartient pas encore qui n’est point en état de faire
face par elle-même aux dépenses qu’exige son culte avec
tout ce qui s’y rattache. Nous omettons à dessein l’entretien
des pauvres et celui des écoles , persuadés que toute église
qui pourvoit convenablement au service de Dieu, ne tardera
pas à pourvoir également à tout le reste, y compris l’œuvre
des missions et de l’évangélisation. Seulement il ne faut point
oublier non plus que l’église qui s’attend à autrui pour l’essentiel , ne s’inquiétera guère de remplir ses obligations à
d’autres égards. Ce serait donc à notre grand regret que nous
verrions soit la Commission, soit le prochain Synode se montrer
coulants sur une question de cette importance.
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Heiireuseiuent les congrégations semblent avoir compris
déjà ce devoir et elles entendent bien ne se présenter à nous
qu’assurées de leur pain quotidien. — Autant il est vrai,
disait, il y a un an, par l’organe de son Consistoire l’Eglise de
Florence, que l’homme ne vit pas de pain seulement, mais
de toute parole qui sort de la bouche de Dieu, et que le
trésor de l’Eglise est cette Parole même , autant il est incontestable aussi que l’Eglise ici-bas ne saurait subsister sans
argent. - - Si donc , ajoute le Rapport que nous citons ^ nous
voulons avoir un ministère qui nous appartienne en propre i
il est urgent que nous pourvoyons aux intérêts matériels de
notre église , en donnant à nos contributions une assiette régulière ». — Que l’on rapproche cette déclaration de tel acte
du Synode de 1866, et l’on verra qu’en principe l’accord ne
pourrait être plus satisfaisant. La pratique toutefois ne laissera
d’offrir, comme toujours, ses écueils et partant de faire naître
plus d’une divergence. C’est ainsi que pour réaliser sa théorie,
l’église de Florence a recours à un expédient qui en est,,à
notre avis, la négation. Ce que nous n’avons pas, semble dire
son Consistoire, ce que nous ne pouvons fournir de notre
propre fonds, nous tâcherons de trouver des amis qui nous
les foufnissent. — A ce trait je reconnais mon sang, pourra
dire l’Eglise vaudoise. Vivre du bien que d’infatigablesiamis
nous font passer d’année en année avec une admirable régt^
larité, n’est-ce pas depuis deux siècles entièrement notée
fait? — Hélas oui et nous ne le savons que trop. ¡Mais c’eétà
nous de changer, et c’est aux qeunes églises de nous dolniier
un meilleur exemple; Quand à l’idée du Consistoire de Florent^
de compter, pour réntbetien^dëd’égMse-psur le HvènupumÆwfi
capital à fonder, nOus ne la partageons pas plus ijue celle de
recourir aux amis. Ce minimum de revenu auquel nos frères
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s’attendent, ne fera, si jamais ils arrivent à l’avoir, que les
décharger du souci qui doit peser sur eux journellement.
Ainsi assurés contre leur propre infidélité, à moins qu’on ne
préfère le mot de S' Paul (IICor. ix G), ils s’habitueront comme
nous à cette façon de marcher, et comme nous ils seront
bientôt devenus incapables de soutenir même leur culte. Bref!
dans la nécessité de « cotte puissante coopération » du dehors
dont on nous parle, nous croyons voir d’ici déjà un puissant
élément de faiblesse, et nous aimons à nous persuader qu’après
réflexion l’église de Florence voudra ouvrir l’ère nouvelle en
comptant un peu plus sur la libéralité do ses membres et
beaucoup moins sur celle des autres.
Faudra-t-il donc aller à toute rigueur et repousser chaque
église qui n’aurait pas du premier coup d’essai réussi à couvrir
toutes ses dépenses? Ce n’est point notre pensée; nous avons
déjà fait des concessions importantes et nous sommes tout
prêts à convenir qu’on en peut faire encore. Nous admettons
volontiers qu’une église naissante, avec le désir le plus sincère
d’arriver à se soutenir par les seules contributions de ses
membres, ne le puisse faire toutefois que graduellement et
dans une certaine proportion. Dans quelques années elle fera
le tout ; aujourd’hui, elle ne serait en état de s’engager que
pour une partie. Loin d’affaiblir le sentiment de la responsabilité , ce système le fortifierait. Que l’on commence donc',’ si
l’on veut, par se contenter d’une fraction, qui aille croissant
d’année en année, pourvu que le jour luise une fois auquel
le but soit pleinement atteint. L’aide que l’Eglise Vaudoiseine
pourra pas accorder en attendant, l’Evangélisation, sans doute,
serait heureuse de le donner encore à une Congrégation du(elle
aurait vue naître et grandir par ses soins et sous la bénédiçtion
du Seigneur. — De cette façon toute impossibilité dispa^-aîtrait
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el le Synode vaudois serait d’autant plus en devoir de ne point
céder à la tentation d’agrandir notre Eglise d’une nouvelle
paroisse qui refuserait de satisfaire même à ces conditions. —
Tel est du moins notre sentiment.
Les centiioes addilioffuels et le culte Vaudois.
Il s’est produit dans la séance du Parlement du 4 février un incident que certaines feuilles papistes n’ont pas manqué de relever
avec acrimonie.
Dans le cours de la discussion du budget des cultes l’on était arrivé
au chapitre 21 intitulé : Spese sul fondo spogli e sedi vacanti in Sicilia,
lire 272.010, 54, lorsque l’honorable député M'^ Bertea demanda la
parole :
«.Iene m’oppose pas , dil-il, à ce que l’on approuve immédiatement
t e chapitre 21, mais je désirerais qu’il fût suivi d’un chapitre 21 bis
portant pour titre : Assegno ai Valdesi delle province del Piemonte per
l'esercizio del loro culto. Et pour justifier ma proposition, je dirai que
))armi les douloureuses vicissitudes auxquelles ont été svijets les
Vaudois des anciennes provinces, — et ici je me plais â témoigner ,
à leur honneur, que nulle fraction du peuple italien ne les surpasse
en charité évangélique, ni en activité intelligente, ni en patriotisme,—
doit se compter l’enlèvement, à l’époque de la Restauration (1815),
des biens que le gouvernement français (Napoléon I) leur avait
destinés pour le libre exercice de leur culte. En guise de compensation le gouvernement royal s’était engagé à leur allouer la somme
de 6462 fr. 30®, qui n'a point cessé, depuis lors, de figurer au
budget des dépenses du Ministère de grâce et justice.
• .i vrai dire, je n’ai pas de ces faits une connaissance historique;
mais ils m’ont été communiqués par un des pasteurs vaudois les
plus éclairés , M' Lantaret, en même temps qu’il me priait de solliciter du Ministère l'envoi des mandats du dernier sémestre de 1867.
. . - J
— Vous savez sans doute, m’écrit-il , que le Gouvernement trouve
inscrit au budget uu subside pour les' pasteurs vaudois, en qualité
'de compensation de biens nationaux accordés par le gouvernement
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français et enlevés â l’époque de la Restauration, à savoir une
somme annuelle de fr. 6462.
« Ces déclarations se trouvent confirmées à la lettre par les explications qui accompagnent le budget des dépenses pour 18G6. En
faisant l’analyse du chapitre 22, Assegni a culli von cattolici, le Ministre,
tout en proposant l’abolition complète des subsides, aux cinq universités isiaélites de la Toscane, ajoutait en elfet : — Si de pareils subsides provenaient d’engagements positifs â la suite de cession à
l’Etal de certains droits et certaines créances (comme c’est le cas
pour le subside aux Vaudois du Piémont) le .Ministère n’aurait pas
proposé de les éliminer. — C’était par là même reconnaître que les
Vaudois des anciennes provinces possédaient un droit légitime.
(c Au budget de l’année courante , la Commission ( du budget ) n’a
pas défalqué cette dépense, mais elle l’a incorporée dans le chapitre
22 : Spese diverse ed imprevedute.
«Je ne puis douter que, même en ce cas, le Ministère de grâce
et justice ne se fasse un devoir de donner satisfaction à un droit
légitime. Toutefois, comme le titre de Spese diverse ed imprevedute est
sujet indéfiniment à bien des oscillations , j'oscrnis prier la Commission (et j’espère avoir eu cela l’assentiment de l'honorable Ministre
de grâce et justice ) de vouloir inscrire sous le n® 21 bis. et sous la
dénomination déjà adoptée , l’Asse^no ai Valdesi dette provincie del Piemonte per l’esercizio del loro culto ; il est bien entendu qu’on distrait
la somme correspondante du chapitre des Spese diverse ed imprevedute •.
M” le Ministre de grâce et justice (De Filippo ) se déclare en parfait
accord avec l’honorable député ; la Commission , par l’organe de son
rapporteur, M'' Minghetti, accepte la division du chapitre, la Chambre
approuve et voilà comment il se fait qu’au budget de 1868 se trouve
allouée au culte vaudois la somme habituelle de francs 6462.
11 est probable que la question de droit ayant été réservée par la
Commission , la Chambre soit appelée à y revenir plus tard Pour le
moment, et grâce â l’opportnne intervention de M'' le député Bertea,
la faible somme allouée par l’Etat à notre Eglise a échappé au péril
d’èlre classée parmi les dépenses imprévues. Mais ce qui nous touche
plus particulièrement c’est que l’honorable député se soit plu à
rendre aux Vaudois un témoignage que nous tenons â honneur de
recueillir dans lés colonnes de notre journal.
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- i9
La lil>ex*té, un moyen.
A la veille de quitter la prefecture de Milan, M>- le Marquis de
Villamarina a prononcé un discours dont nous reproduisons le passage qui va suivre :
* En vain le Gouvernement voudrait reveiller l’initiative individuelle,
provinciale et communale ; en vain tenterait-il d’écarter tous les
obstacles, d’accorder toutes les facilitations, et de supprimer tous les
abus, si l’individu ne sait trouver en lui-même, dans sa propre énergie
les moyens de s’élancer sur la voie que lui a ouverte la création
de l’Italie nouvelle. — Il faut se persuader que chacun a le devoir
d’aider le Gouvernement , car ce sont les forces de l’individu qui
constituent le nerf de la Nation et de l'Etat.
La valeur d'un état est en raison directe de la valeur des individus qui
le composent, et tout individu ne vaut que ce qu’il est capable de produire;
or pour produire ce n’est point assez que d’éclairer son esprit et
son intelligence, il faut nécessairement retremper son caractère, c’està-dire tout ce que l’homme possède en lui de plus énergique et de
pins vigoureux ; c’est là l’élément qui nous fortifie le plus dans le
frottement des affaires et qui forme le premier capital et le plus
précieux apanage d’une nation.
» La liberté a le mérite particulier : de se prêter au développement
spontané des forces de l’individu. Le côté avantageux de la liberté
c’est précisément la possibilité de cette vigoureuse initiative qui tend
à transformer les habitants d’un pays en autant de citoyens actifs,
travailleurs et productifs ; de sorte que je n’hésite nullement à déclarer qu’une ingérence gouvernementale trop directe et trop étendue
peut devenir fréquemment pernicieuse. L’expérience nous enseigne
que l’energie s’affaiblit en raison directe des secours qu’on lui prête ;
au contraire l’appui que l’individu retire de sa propre energie et de
sa propre activité , retrempe le caractère et rend l’homme capable
d’entreprendre de grandes choses et surmonter de grands obstacles.
/Tiré de la Gazzetta Piemontese du 25 février J
J. Daniel Peyran. — Le départ i de Ji Daniel Peyran nous
a douloureusement surpris. De tous nos étudiants en théologie,
c’était bien celui dont la santé semblait donner le moins à craindre-
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— 43 —
Il avait, à la vérité, fait une assez longue maladie l’été dernier à Maneille chez ses parents, et de relour á Florence, il avait eu à souffrir
passablement d’une tumeur au pied , même au point d’ètre obligé à
garder le lit pendant tout le mois de janvier ; mais ni de près ni
de loin l’on ne songeait à aucun mauvais résultat, lorsque le mercredi
29 janvier il fut assailli d’une fièvre nerveuse des plus violentes qui
le conduisit à la mort. Durant sa malailie de dix jours et les trop
courts intervalles que lui laissa le délire, Dieu permit que le jeune
Peyran donnât les indices les plus consolants des sentiments qui
l’animèrent jusqu’à sa dernière heure. ^ Ses études , ses sermons ,
ses condisciples et ses professeurs , la maison paternelle , une touchante reconnaissance pour ceux qui l’entouraient, un besoin continuel de recevoir quelque témoignage d'qfléction , telles étaient ses
préoccupations principales. - Pauvre Italie! dit-il même une fois, vous
allez voir... Mais il ne faut pas trop nous tourmenter, le Seigneur ne
nous a jamais abandonnés. », Un évangéliste, ajoutait-il moitié en
français moitié en italien , un évangéliste ne doit pas s’écouter pour
le moindre petit mal, il faut qu’il marche quand même. — J’aime
les jeunes gens chrétiens qui veulent à toute f irce sauver quelqu’un
et sans rechercher la louange. — Paul! sois toujours fidèle, dit-il
une fois à l’un de ses condisciples qui l’entourait de ses soins; puis
comme s’il se fiit parlé à lui même: oh c’est une chose terrible que
d’aller au devaut de la mort I disait-il ; mais pas de murmure , pas
de trouble; soumettons-nous à la volonté de Dieu. Il ne nous laissera point. — Un moment vous êtes tout pour le Seigneur. — Un
quart d'heure après il ne vous va plus , et il suffit de quelques paroles douces pour vous séduire et vous détourner de Lui. — Peyran!
lui dit une fois l’un de ses condiciples: Sens-tu 1e Seigneur Jésus
auprès de toi ? Oh oui! répondit-il aussitôt , à la ¡grande joie de
chaotwi. 1
' C'est dans ces dispositions et entouré de ses condisciples et de ses
professeurs que notre ami á peine âgé de 22 ans, croyons-nous, rendit
.«on esprit au Seigneur le vendredi 7 février un peu après 3 heures
du matin. — 'A l’ensevelissement, qui se fit dans- l’après midi du dimanche, assistaient, > outre les professeurs* et les étudiants bon nombre
de membres do la. congrégationlet d’amis protestants. Là, dit une lettre
écrite de Florence, M*j Revel prenant la parole nous mit en garde
contre -la tentation si naturelle que nouslavous de demander compte
12
à Dieu de ses voies. Pourquoi dans si peu de temps nous ôter six
ou sept ouvriers dont nous avions si grand besoin pour sou œuvre
même ? —■ Pourquoi nous enlever les jeunes et les forts pour nous
laisser les vieillards et les faibles ? — Pourquoi ? Dieu le sait : pour
nous , nous n’avons qu’à nous humilier sous sa puissante main , et
accepter avec soumission des châtiments infligés par amour. — • Cette
tombe ouverte nous dit deux choses, reprit ensuite M'^ Geymonat : à
terre le front , au ciel notre cœur. — Notre ami nous avait prêché
une première fois à la Faculté, et il nous invitait affectueusement à
nous convertir; il nous prêche une seconde fois la même chose en
cet instant par son silence • — « Cette fosse, ajoutait M' Desanctis,
met vivement devant nos yeux le péché et la grâce, le premier Adam
et le second, le salaire du péché, mais le don de Dieu.
Un étudiant lut ensuite une portion des Ecritures , et un autre
termina la fonction par la prière, après quoi chacun se retira profondément impressionné. — Dieu veuille , dirons-nous maintenant avec
celui auquel nous devons ces détails , que ces émotions aient pour
résultat de nous détacher du monde en nous unissant plus étroitement
que jamais à notre Sauveur J. Christ. Nous le demandons pour nous
tous , nous le demandons très-spécialement pour la famille du défunt,
afin qu’elle se trouve bientôt avoir gagné en célestes consolations
autant et plus qu’elle ne vient de perdre par la mort d’un enfant
qui faisait sa joie sur la terre.
Antonio Cosettl. Le 19 février a eu lieu à Ctriè (Piémont) l’ensevelissement du jeune Antonio Casetti. Encore un cher élève de notre Collège !
Comme il n’y a dans cette ville que cinq ou six chrétiens évangéliques,
on aurait pu s’attendre, ainsi qu’il est si souvent arrivé en pareille
circonstance, à quelque manifestation hostile de la part de la population. Il n’en fut rien. — Malgré la grande multitude de personnes
(on en comptait plus d’un millier) qui se joignirent au convoi, ni
la famille du défunt, ni les deux évangélistes vaudois venus de Turin
pour la sépulture , n’auraient pu se voir mieux respectés par leurs
propres coréligionnaires. — Pendant le trajet de la maison du défunt
au cimetière. pendant tout le temps que dura la cérémonie funèbre,
pas l’ombre d’une insulte, pas un mot qui pût déranger ou faire de
la peine, en sorte que ce fut au milieu du plus grand recueillement
que les ministres de l’Evangile purent faire entendre sur le champ
du repos les paroles dé salut et de consolation que réclamait la cir-
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— 10 —
constance. — Quand MM. W. et G. se rendirent ensuite auprès des
autorités locales pour les remercier de la protection qu’ils en avaient
reçue; —«nous n’avuns fait que notre devoir», leur fut-il répondu.
Honneur, dirons-nous avec nos Evangélistes , aux fonctionnaires qui
savent comprendre et remplir ainsi leurs obligations ! honneur à la
population de Ciriè pour l’attitude à 1a fols sympathique et respectueuse
q’elli' a gardée en présence du deuil et de la douleur 1 (V. Gasz. del
Popolo 25 février. )
Jtindaine Ueepine. Madame Despine, directrice de l’Asile des
jeunes filles pauvres aux Co|)[di rs (la Tour), a été subitement enlevée
à 1’ affection de ses nombreux amis et de sa famille adoptive , dans
la matinée du 13 mars , à l’àge de cinquante-deux ans.
Ses restes ont été déposés auprès de ceux de son mari , amené
avec elle à la connaissance de Christ par le ministère de M"'® M. M.
et de M'' G. A., et qui Tavait précédée au champ du repos depuis
plus de dix années. Nous espérons qu’une plume plus autorisée que
la nôtre voudra bien entretenir nos lecteurs de cette existence vouée
au soulagement de l’enfance pauvre au sein de notre Eglise; la beauté
morale d’un esprit doux et incorruptible , et celle non moins pure
d’un • vrai cœur de femme • pour nous servir des termes mêmes
que le bienheureux général Beckvvilh s’est plu à employer en parlant de M™® Despine, voilà ce que nous pourrons raconter bientôt à
notre commune édification.
LE PSAUME DE LA VIE.
{Imité de Longfellow)
Oh! ne me dites plus que la vie est un rêve,
Une ombre qui s’enfuit et flotte sous nos pas ;
C’est le temps de la lutte , et si rien ne s’achève ,
L’éternel avenir a son germe ici-bas.
La vie est un combat, la vie est une arène ,
Où. le devoir grandit du triomphe obtenu ;
C’est le sentier qui monte et pas â pas nous mène
Au sommet dont la vue embrasse l’inconnu.
14
— 46 —
Ame, souffle divine captive frémissanté'.
Toi dont l’aile meurtrie usera sa prison ,
Celui qui t’a créée immortelle :et vivante
Te fit libre et t’ouvrit un immense horizon.
i
Pour l’homme, né de Dieu, rayon de sa pensée.
Le repos c'est l'oubli , le sommeil c’est la mort ;
Souviens-toi , fils du ciel , qu’immobile et glacée ,
La tombe est un passage , elle n’est pas un port.
Marche ! et que chaque jour te trouve , à son aurore
Plus près du but sacré , un flambeau à la main.
Agis ! le temps est court, il se hâte et dévore
Ce qui n’est pas réel , immortel et divin.
Que ton pied sur le sol laisse une noble empreinte ,
Et peut’ être , suivant tes sentiers après toi,
Quelque esprit agité par le doute et la crainte ,
Retrouvera l’espoir , le courage et la foi.
J
Que jamais le regret, la crainte ou l’espérance
La joie ou la douleur ne retardent tes pas !
N’entends-tu pas ton cœur qui bat dans le silence ?
Marche ! il n’est rien pour lui d’assez grand ici-bas.
Laisse au VAgue avenir ses lointaines promesses ,
Au stérile passé son sourire d’adieu ;
Bannis les rêves d’or et les molles tristesses;
Le présent est â toi, mais le reste est â Dieu.
rrrr :li . .' m ■■ i i > i ,
A Dieu ce passé' mort qu’il répare et pardonne ;
A Dieu cet avenir que'Lui seul a scruté!
A nous l’heure qui fuit aussitôt qu’elle sonne , '
Mais qui contient l’éternité.
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47 —
VALLEES AATJ I> 01 SL S
CIRCULAIRE DE LA COMMISSION DES HOPITAUX
aux Y. Consistoires de l'Eglise Vaudoise.
La Tour, le 7 février 1868.
Messieurs et honorés Frères,
Le Synode de 1863 a autorisé la Commission di s Hôpitaux à faire
appel en leur faveur aux paroisses de notre Eglise . et un Synode
postérieur invite la Table à veiller à ce que cette collecte se fasse
régulièrement dans toutes les paroisses Un petit nombre seulement
ont répondu à cet appel ; la plupart semblent avoir pensé que l’invifetion n’était pas serieuse , et qu’il n’y avait aucune nécessité pressante de s'y conformer. En effet les malades pauvres ont continué á
recevoir des soiris et à consommer des aliments au.ssi bien que des
médicaments, à peu près comme par le passé Seulement ce que la
Commission de rilôpital prévoyait depuis longtemps s’est vérifié : les
dépenses ordinaires ayant dépassé les entrées ordinaires et même les
extraordinaires, il a fallu attaquer le fond de caisse, qu’une bonne
administration garde soigneusement comme une reserve pour les cas
imprévus. — Nous venons de constater que pendant l’exercice 1867,
il a fallu puiser au delà de mille francs á ce fonds de reserve; et
comme il est á peu près sûr que le double de cette somme sera
requis en 1868 pour faire face aux dépenses ordinaires et à quelques
réparations urgentes au bâtiment de La Tour, le fonds de caisse se
trouvera en deux ans réduit environ de moitié. — Une pareille perspective nous inspirant une sérieuse inquiétude pour l’avenir, nous a
imposé une mesure à laquelle nous n’avons recours qu’avec une
extrême répugnance et que nous devons porter sans retard à la connaissance des paroisses de notre Eglise. — Le nombre des lits a été
réduit à douze pour l’hôpital de La Tour , et à dix pour celui du
Pomaret. — C’est vous dire , Messieurs et chers frères , que si ces
dernières années le nombre des malades reçus a été de 230 à 248,
il ne sera guère que de 200 pour la courante année.
Mais notre but en vous adressant ces lignes n’est pas uniquement
de vous faire cette pénible communication : nous voulons aussi saisir
cette occasion pour vous rappeler deux dispositions du Règlement ou
des Actes synodaux que dans quelques localités on paraît avoir
oubliées. — Les pasteurs ou anciens qui font les demandes d’admission doivent avoir soin d’indiquer dans le billet toutes les circonstances indispensables pour la déclaration â l’officier d’état civil èn
cas de décès. —Les incurables ne peuvent pas être reçus à l’hôpital;
et quand ils y sont déjà, ils doivent être renvoyés.
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Nous prions donc instamment MM. les Pasteurs de ne faire de
demandes qu’en faveur des malades pour lesquels il y a quelque
espoir de guérison , afin d'épargner à l’établissement des dépenses
inutiles aux incurables . et qui devraient se faire au profit des malades que l’on peut guérir.
Enfin nous voulons surtout vous dire. Messieurs et chers frères ,
qu’il est grand temps que l’Eglise Vaudoise se réveille de son apathie
à l’égard de ces précieux établissements dont la charité chrétienne
l’a enrichie et qu’elle compromet par sa coupable indifférence. — Si
chaque paroisse, en proportion de sa population et de ses ressources,
avait compris et pratiqué le devoir de concourir á l’entretien de nos
hôpitaux , nous ne serions pas réduits â la douloureuse nécessité de
diminuer d’un sixième le nombre des lits, dans un temps où il faudrait pouvoir le doubler.
Veuillez, Messieurs et honorés frères, prendre en très-sérieuse con,sidération la communication que nous avons été appelés à vous faire,
et nous croire
Toi dévoués serviteurs et frères
Les Membres oe la Commission des Hôpitaux.
Visite Pastornle« Le 8 mars a eu lieu une visite pastorale au
sein de la paroisse de La Tour. A l'issue du service divin, présidé
par M'' le Modérateur, il s’est formé une assemblée relativement
nombreuse , à laquelle la Table a posé successivement les questions
usitées en pai'eillts circonstances. — A l’égard de la vie religieuse il
est répondu qu’elle se manifeste par des réunions de quartiers ,
tenues principalement le dimanche , sous la présidence du pasteur ,
d’anciens , de professeurs et d’élèves du Collège , et d’instituteurs. Il
en est pareillement sur semaine , soit dans l’école du quartier de
La Tour , soit dans des maisons particulières , qui produisent une
réelle édification. Le développement et la prospérité des écoles
du dimanche témoignent également de la satisfaction des besoins religieux. L’intérêt pour l’avancement du règne de Dieu se traduit surtout par différentes petites associations en vue de l’œuvre des missions : l’œuvre d’évangélisation de notre Eglise ne vient qu’en seconde
ligne ; les collectes pour œuvres de bienfaisance et pour objets intérieurs sont assez souvent en retard. On reproche au Consistoire , tout
respectable qu’il est dans son ensemble et dans chacpn des ses membres , de n’avoir pas un goût très-vif pour la publicité , et de ne pas
exercer son activité d’une manière collective. L’on rend aux instituteurs
et institutrices, un très-bon témoignage; les 500 enfants qui fréqueptent nos diverses écoles sont une preuve qu'on n’exagère pas en
parlant de la sorte, Enfin l’assemblée est saisie d’une question spéciale relative à l’emploi de,l’immeuble des Goppiers , propriété delà
paroisse ; nous y reviendrons , s’il y a lieu, à propos du rapport
annuel que va présenter le Consistoire. ___________________________ -i.n
Pignerol, J. Chiantorb Impr.
H. Jarier Gérant