1
Huitième anuèe.
IV. 3.
24 Janvier 18'73.
L’ECHO DES VALLEES
^ FEUILLE HEBIIOMADAIRE
Spéciülenxint consacrée aux iutéréls matériels et spirituels
de la Famille Yaudoise.
Que toutes les choses qui sont véritebles,,
vos pensées — ( Philippiens., IV. 8.)
, occupent
PRIX d’abonmeheht : i boréaux d’abonnement
1 ialie, a domicile (w'u (ini Fr, 3 ^ ToRRK-PEr.r.iCF : Via Maestra,
Suisse.................» 5 i . Ÿi, (Agenzia bibliografica)
France.................»6 < Pignjîrol ; J. Cfiiantore Iinpr.
Allemagne. 6 5 Tüuin reo«, via Lagrange
Angleterre, Pays-Bas . » 8 s près le N. 22.
Z-n numéro séparé: 10 cent. 5 Florence : Libreria EvangeZ7n numéro arriéré : lOoetït. Ì lira, via de'Panzaiii.
ANNONCES : 5 cent, la ligne
ou portion de ligne.
liOltres et envois franto. S'a*
dresser pour l'administration
an Btireau a Torre- Prllirr.
via Maestra N. -12 —pour la
rédaction.’ à Mr. E. Malan
Prof, ti Torre-Pellice.
Sommaire.
Des visites pastorales. — ,,Correspondance (iMM. Garnier et Ribet). — Chronique Vaudoise. — Chronique locale. — id.
Politique.
DES VISITES FASTORALES
Nous avons dit, dans un premier
article, pour cjuelles raisons les
visites pastorales ne répondaient
pas toujours au but pour lequel
elles ont été établies par le Synode;
c’est surtout parceqii’on ne parvient que rarement à engager les
membres de l’Assemblée à exprimer leurs opinions, à faire entendre leurs griefs et à soumettre à
, la Table leurs besoins. Pourquoi
en est-il ainsi, nous demanderat-on ? Nous faisons la part de la
difficulté de s’exprimer en français ou en italien, de la répugnance à parler patois, de la timidité , du manque de courage ,
de la défiance, conséquence de
l’oppression et du régime séculaire du silence imposé à notré>
peuple. Cependant ces raisons
I
n’explii)lient pas tout; bien plutôt,
elles n’expliquent rien. Car, si nous
étions bâillonnés hors do l’Eglise,
nous avons toujours joui, dans l’E-.
glise, d’un certain degré de liberté
et de vie parlementaire, soit par
nos synodes, soit par nos assemblées de paroisses; et depuis (]ue
nos synodes sont annuels et que
la Constitution a réglé et multiplié les assemblées d’Eglises, la
lacune dont nous nous plaignons
aurait dfl être comblée en très
grande partie ; mais, dans bien des
paroisses, cela n’a pas eu lieu pareeque l’on n’a pas fait usage des
moyens que l’on avait à sa disposition. Autrefois, il y avait encore
les examens de riuartier qui répondaient à leur nom et dans lesquels les fidèles étaient appelés à
prendre la parole; maintenant ces
examens de qnai'tier sont des réunions de culte ordinaires le plus
souvent ; bien des Consistoires
ont négligé de convoquer les assemblées annuelles de paroisses
pour leur faire leur rapport et pour
le discuter; et là où ces assem-
2
-(18)
blées ont été convoquées, bien peu
de personnes y ont pris part, de
sorte que l’intérêt pour les questions religieuses et ecclésiastiques
a diminué au lieu d’augmenter. Il
n’est pas étonnant que, dans un
tel état de choses, les visites pastorales soient si peu intéressantes
et bien souvent stériles et sans
résultat. On est tellement ignorant
des questionsqui sontposéesqu’on
n’obtient point de réponses ou des
réponses contradictoires et absurdes. — Nous pensons, pour qu’il
en fût autrement, qu’il vaudrait
la peine que les pasteurs eussent
des réunions spéciales pour faire
connaître la marche de notre Eglise , sa constitution , ses réglements , les décisions synodales ,
l’importance des œuvres qui sont
poursuivies , celle des Missions ,
de l’Evangélisation, de l’Eglise à
l’intérieur. Nous sommes persuadés que le temps qui serait ainsi
employé ne serait pas perdu pour
l’œuvre essentielle, celle de l’édification et de la vie de l’Eglise.
®orrc0pottbancc
Rome, le 14 janvier 1873.
Monsieur le Directeur,
Je vous serais reconnaissant si
vous vouliez bien insérer dans un
prochain numéro de ÏEcho les
quelques lignes qui suivent:
J’ai vu avec surprise, dans le 1'
numéro de cette année, qu’on est
assuré aux Vallées que j’abandonne Rome pour entrer au service
d’un comité qui ne se rattache pas
à moire Eglise. Je tiens à démentir
formellement ce fait ; je le dois à
mon Eglise comme à moi-rnème.
J’ai sous les yeux l’appel unanime
et fraternel que l'Eglise de Santa
Elisabetta à Florence a bien voulu
m’adresser; j’ai voulu le relire
pour m’assurer s’il y était question de comité ; il n’en est pas
fait mention. J’ai accepté l’appel
de cette église avec joie parceque
je me sens attiré vers elle, parceque je l’aime l’ayant vue naître
et parceque j’ai reçu d’elle beaucoup de bénédictions ; mais en
l’acceptant je ne quitte pas plus
l’Eglise Vaudoise que M. Forneron
qui laisse Venise pour La Tour,
que M. Sejli qui quitte Vérone
pour ce même pays, ou que M'T.
Malan qui abandonne Riesi pour
Bobi. Est-ce que l’Eglise de Santa
Elisabetta n’a pas toujours déclaré qu’elle voulait vivre en communion avec l’Eglise mèreîN’envoie-t-elle pas, chaque année, son
rapport soit à la Vén. Table, soit
à la Commission ? A-t-on jamais
pensé à dire que M. Geymonat a
cessé de faire partie de l’Eglise
Vaudoise parce qu’il dessert.une
église indépendante? Non, jamais !
Et si chaque professeur du collège
parvenait à fonder une réunion
prospère, comme l’Eglise de Santa
Elisabetta à Florence , dans tous
les quartiers de La Tour ou ailleurs , est-ce qu’on aurait raison
de dire pour cela que ce sont des
dissidents et qu’ils tournent le dos
à l’Eglise à laquelle ils appartiennent? — Non sûrement, il me
semble au contraire qu’ils la serifVirajent plus que jamais. On voit
donc qu’en acceptant rinyitatidn
3
-(10)
de l’Eglise de Santa Elisabetta, reconnue par le Synode, et dont le
pasteur est non seulement vaudois
de naissance mais de cœur, dont
les principaux membres du consistoire sont vaudois, dont les
fidèles sont en parfaite union avec
notre Eglise, je ne suis pas entré
au service d'un comité qui ne se
rattache pas à notre Eglise. L’église de Santa Elisabetta est plus
vaudoise qu’on ne croit. Le Comité qui dirigera mon œuvre sera
le consistoire d'un côté, et de l’autre un désir ardent de faire du
bien, une consécration entière et
dévouée au progrès spirituel de
l’Eglise, principalement de la jeunesse , et nous nous entendrons
parceque nous nous aimons. J’espère avoir réussi à persuader les
personnes mal renseignées qu’en
abandonnant Rome je ne cesse pas
de travailler avec le même esprit
et dans le même but que l’Eglise
Vaudoise.
Recevez, Monsieur le Directeur,
avec mes remerciements anticipés,
les salutations respectueuses de
Voire dévoué
J. Garnier.
M. le professeur Geymonat nous écrit,
de son côté, quelques lignes aussi sur ce
même sujet, et pour nous demander la
même rectification. Eh bien ! après avoir
lu et reproduit le contenu des lettres de
MM. Geymonat et Garnier nous disons ;
Nous regrettons que M. Garnier à qui tout
le monde à Rome, et M. Ribet en particulier , rend un excellent témoignage,
abandonne une œuvre prospère de notre
Egli.se pour suivre l’appel du Consistoire
de l’Egli.se de Sainte Elisabeth, parceque
en acceptant cette vocation, M. Garnier
quitte le service de notre Eglise vaudoise.
MH. Geymonat et Garnier se font, selon
ooa&v complètAmoat iUoaioa sur la post'
lion réelle de l’Eglise de Sainte Elisabeth
à l’égard de l’Eglise vaudoise. Vaudois do
naissance et de cœur, l’un et l’autre, comme aussi la plupart des membres du Consistoire si ce n’est tous, ils veulent être!
vaudois et ils le sont individuolleinent,
mais il n’en est pas moins vrai que l’Eglise de Sainte Elisabeth est tout-à-l'ait indépendante de la Table, do la Commission
d’Evangélisation, et par conséquent du
Synode de l’Eglise Vaudoise. — M. le
professeur Geymonat conserve un lien
officiel avec l’Eglise Vaudoise comme professeur de théologie; mais ni la Table,
ni la Commission d'Evangélisalion n’ont
rien a lui dire comme pasteur, ni n’exercent sur iui aucun contrôle; il ne le voudrait pas. .\l. (iarnier, comme instituteur
au sein de celte Eglise indépendante, sera
complètement indépeudaul. Ces exemples
de MM. Selli, Tbeupb. Malan ei Eonieron
qui ont quitté l’Evangélisation pour venir
aux Vallées sont mal choisis, car ces
Messieurs échappent au contrôle de la
Commission d’Evangélisalion pour passer
sous celui do la Table, et ils ne cessent
pas d’etre sous celui du Syndic. Mais, nous
dit-on , le Synode a reconnu l’Eglise de
Sainte Elisabeth ; reconnu en (juello r|ualité? comme paroisse ou comme station ?
Ni l’un ni l’autre. Voici ce ipie le Synode
de 1869, art. 18, a fait: Il reconnaU aux
frères qui forment une ¿(/ILso à Florence
sous la conduite pastorale deM. Geymonat,
le droit de se conduire et de s'administrer
comme bon leur semble, et de déterminer
tout ce qui les concerne au mieux de leurs
intérêts. Cela signifie que le Synode reconnaît à ces frères qui formaient la station vaudoise d’Evangélisalion à Florence
et qui ne veulent plus se soumettre à la
Commission d’Evangélisalion, le droit de
se constituer en Eglise indépendante, sans
lien officiel avec l’Eglise Vauiloise. fies ce
moment, l’Eglise formée par les frères de
Florence, quoique sous la conduite pastorale de M. le professeur Geymonat, a
cessé d’être vaudoise et elle ne l’est de
fait pas plus que l’Eglise Suisse de la même ville ou l’Eglise libre d’Ecosse de Livourne. C’est une église amie, qui a toutes
nos sympathies, toute notre affection, mais
00 n’osl pos une station yaudoiso, ni uuq
4
.(20).
paroissB vaudoiso. Cela dit, et aPm qu’on
ne pense pas que nous en voulons aux
églises indépendantes, — nous avons à
peine besoin de rappeler que nous faisons
de cœur adhésion au principe d’après lequel l’Rglise vaudoise a déclaré ne pas
se proposer dans 'son œuvre d’évangélisation. de faire des vaudois, mais des disciples de Jésus-Christ; nous voudrions qu’il
y eût à Florence, non une, mais dix églises
Sainte Elisabeth, nous voudrions qu’il
y en eût dans toutes les villes d’Italie et
eu grand nombre. La question est tout
autre. Nous pensons qu’il faut laisser à
chacun des sympathies et son indépendance, mais laissez nous aussi exprimer
un regret qui honore celui qui en est
l’objet, c’est que lorsque notre Eglise est
si peu riche en bons instituteurs, ceux que
nous avons quittent son service pour passera celui d’une autre Eglise, d’une Eglise
indépendante, queb]ue chère qu’elle nous
soit. Nous n’exprimons pas ici une opinion individuelle car nous savons que
nos regrets sont partagés. Nous avons
même entendu exprimer, et à plus d’une
personne, la pensée qu’il est peu délicat
de la part d’une Eglise-fille, ou sœur
cadette, appelez-la comme vous voudrez,
d’enlever à une Eglise amie un ouvrier
précieux. Mais nous avons hâte de dire
(|ue cette opinion , que nous étions fort
près de partager, sera essentiellement
modifiée maintenant que l’on saura, aux
Vallées aussi, que M. Garnier appartient
à l’Eglise indépendante de Sainte Elisabeth, et que, tout en dirigeant bien son
école à Rome, son cœur et ses sympathies étaient à Florence.
Un vœu, eu finissant, c’est que cette
Eglise qui se croit vaudoise et qui veut
l’étre, le redevienne réellement à tous
égards, non par les sentiments seulement,
mais par le fait. Il y a déjà tant de divisions et de schismes dans l’Italie évangélique que l’on ne saurait trop oublier ce
qui sépare pour ne penser qu’à ce qui
unit.
Nous extrayons d’une lettre particulière
de M. Ribet ce qui suit:
Rome, le' 14 janvier 1873.
Monsieur le Rédacteur,
Je puis, grâces à Dieu, vous donner de
bonnes nouvelles de notre église de Rome.
Le dimanche après Noël, 80 communiants
ont pris la S‘“ Cène dans notre Chapelle.
La fêle de l’arbre de Noël, que nous
fîmes coïncider avec la distribution des
prix aux enfants de nos trois écoles, qui
s’étaient distingués dans les derniers examens, réussit à merveille. Outre les cent
et quelques enfants qui fréquentept nos
écoles, il y avait dans notre église une
foule compacte d’amis italiens et étrangers,
qui paraissaient presque aussi joyeux que
les écoliers eux-mêmes.
Je viens de lire avec^quelque étonnement
dans VEcho des Vallées du 10courant, que
M. Garnier, auquel je suis heureux de
rendre le meilleur témoignage, soit comme
maître de l’école élémentaire , soit comme
directeur de notre école du dimanche qui
est maintenant fréquentée par 50 enfants,
s’est décidé à abandonner l’école vaudoise
de Rome, pour entrer à Florence au service d’un comité qui ne se rattache pas
à notre église. M. Garnier ne m’a rien dit
de semblable jusqu’ici quoique je sois, plus
que tout autre, intéressé dans cette affaire.
J’ai donc lieu ite croire qu’il n’abandonnera
pas une œuvre à laquelle j’en suis sûr,
il travaille con amore.
.M. le pasteur Théophile Roller prêche
dans notre Eglise, chaque dimanche, à
1 heure de l’après midi, pour les protestants de langue française; il continuera
probablement, comme l’année dernière,
jusqu’à Pâques.
Les évangéliques de Rome ont tenu ,
comme rannée^passée, des réunions de
prières, chaque soir, pendant la première
semaine de janvier. Nos frères écossais
nous ont offert, comme pour les réunions
du commencement de mai dernier, leur
église et, quoiqu’elle soit hors de Portu
del Popolo, nos assemblées y furent bien
bien fréquentées.
Hier et aujourd’hui eurent lieu deux
meetings sous la présidence de l’amiral
Fishbourne, dans lesquels les évangélistes
qui travaillent à Rome, furent successivemeut invités à prendre la parole; l’au-
5
-(21)
ditoire était presque exclusivement composé d’anglais et d’américains. J’ai été
frappé de la quantité de menus détails ,
donnés sur leurs œuvres respectives par
les Baptistes, MM. Van Meier, Wall et
Cioia. Chacun d’eux a parlé non une fois,
et pendant dix minutes, comme leurs collègues , selon la règle élablie dès le commencement par le Président, mais plusieurs
fois et d’une manière, fort ditluse. Peutclre aurions-nous dit êire moins timides
et en faire autant. Les deux meetings y
auraient gagué, non à cause de nos pauvres discours, mais surtout parcequ’ ils
auraient eu un aspect moins baplisie et
plus catholique. ■
Les baptistes ont eu beaucoup de déboires ici, mais ils les supportent héroïquement. On peut dire ((u’ils ont bientét
parcouru toute la ville, [lassaut d’nu local
à l’autre, tantôt volontairement, tantôt
chassés par les propriétaires. Ils ont occupé de cette, manière plus ou moins longtemps, onze ou douze locaux.
Dans l’intérêt de l’œuvre évangélique à
Rome; il vaudrait mieux éviter, autant
que possible, ces migralions continuelles
qui nuisent à la consolidation de nos jeunes congrégations, et jusqu’à un certain
point, discréditent uos églises, en face
du public, qui ne connaissant pas toujours la cause véritable de la clôture des locaux, se prend à mépriser les protestants,
et à faire, chorus avec les prêtres i)ui,
lorsque cela arrive, s’écrient avec une
joie fanatique ; « Nous l’avons bien dit
qu’ils ne réussiraient pas. Les voilà qui
font banqueroute »
Nos frères baptistes sont pleins d’ardeur,
mais leur zèle ne porte malheureusement
pas toujours les fruits dont il serait digne.
M. Wall nous parlait ce matin de 200 personnes inscrites dans ses catalogues, qu’il
n’a pas revues depuis longtemps. Il y a
plus. Le bon M. Wall et un de ses agents
qui parcourent, avec une petite carriole ,
les environs de Rome, pour distribuer dos
bibjes et des traités, furent un jour arrêtés, eux et leur équipage, et emprisonnés parcequ’ils n’avaient ni certificat,
ni passeport au moyen desquels l’autorité
pût constater leur identité.
Outre nos frères baptistes, nous eûmes
le plaisir d’entendre, dans les deux réunions d’hier et d’aujourd’hui, MM. Ravi
et Gavazzi qui parlaient eu anglais. M.
Sciarelh fit lire en anglais, par MM. Wall
et Fishbourne un manuscrit et quelques
pages du rapport publié sur son travail
par le comité méthodiste de Londres. —
Mon collègue, M. Henri Moille, parla en
anglais , et votre correspondant fut invité
par le président à so servir de la langue
française.
Ks[)èrons que ces deux séances seront
utiles à l’évangélisalion do Rome, en excitant les chrétiens étrangers qui eurent la
bonté <le venir nous entendre , à sympathiser toujours [dus, et à venir à notre
secours , soit par leurs [irières , soit par
leurs contributions pécuniaires.
J. Ribft
(Slxroniquc ©auboiec
Nous extrayons les passages qui suivent
d’une réponse de M. Pilatte au journal
libéral VAcenir, (jui avait ap(daudi à quelques mots d'une lettre de M. Ribet sur
Rome et spécialement sur les Chietse librre
d’Italie; pour ceux de nos lecteurs (jni
ne lisent pas VEglisc libre, à laquelle nous
vomirions que tous nos pasteurs au moins
fussent abonnés, comme au plus inslructif, au plus varié, au plus abondant,
au meilleur pour la forme et (lour le fond
de tous uos journaux religieux évangéliques :
«Comme on ignore assez généralement
l’histoire ecclésiastique protestante contemporaine d’Italie, il faut expliijuer cela.
L'Avenir, et d’autres que lui, faute de
savoir les choses, se laissent prendre aux
noms. Ainsi , apprenant qu’il existe eu
Italie des communautés qui s’intitulent
Chiese libéré, églises libres, ils s’imaginent que ces églises libres correspondent
seules à ce qu’on appelle de ce nom en
France. Grande erreur, comme on va le
voir.
Il faut d’abord se rappeler que toutes
les églises protestantes italiennes sont,
de fait et de droit, des églises libres. L’Eglise Vaudoise , au corps pastoral de laquelle le directeur de ce journal et son
correspondant romain ont l’honneur d’appartenir, est une Eglise libre, la plus
ancienne, la plus glorieuse, la plus nombreuse de toutes. Eglise opprimée et martyre, elle fut longtemps seule eu Italie^
6
(22)
D’opprimée qu’elle était par l'Etat, ayaut
conquis sa liberté daos l’Etat, elle a commencé l’œuvre de l'évangélisation dès
1847.
Outre qu’elle était libre, c’est-à-dire
sans lien avec l’Etal, et ne subissant ui
sa loi ni son salaire, l’Eglise Vaudoise
avait sa confession de foi, sa discipline,
son Synode législatif, et sa Table, ou pouvoir exécutif.
Ici, nous prions l’Avenir de redoubler
d’attention.
Au sein des communautés nouvelles
fondées à Turin, Alexandrie etc., par l’Evangélisation Vaudoise , .s’éleva, sous l’influence de certains étrangers, un parti
ennemi de la loi et de l’ordre.
Quoi? un Synode l di.sait ce parti de
nouveaux convertis, mais c’est un Concile!
une Table? mais c’est un collège de cardinaux! un modérateur! (président de
l’exécutif) mais c’est un pape!
Et ces réchappes du catholicisme , affranchis hier de sou joug, épris d’anarchie ecclésiastique , trouvèrent bon de
s’appeler Cliieee libéré, églises libres, —
c’est-à-dire libres du Synode, libres de la
confession de foi, libres de la discipline,
exactement comme veulent être libres, en
France, les libéraux de l'Acenir.
Tl nous semble voir ces derniers sourire
de satisfaction intime en lisant ceci. Quelle
révélation! vont-ils dire, le journal de
l'orlhodoxie annonçant au monde qu’il
existe eu Italie une église fondée sur les
principes ecclésiastiques des libéraux français !
Modérez vos transports, candides libéraux et attendez la fin.
Au bout de quelque temps, ces fameuses Eglises libres et libérales s’aperçurent
que l’anarchie de leur choix les menaçait
de mort. Pour échapper, elles convoquèrent des Synodes , se donnèrent une confession de toi, instituèrent une discipline
et un pouvoir éxécutif; bref, copièrent
tant bien que mal l'Eglise libre vaudoise
dont elles s’étaient séparées, renonçant
ainsi, défait, à la fameuse liberté qu’elles croyaient avoir conquise. Comme nous,
prétendus libéraux français, leurs premiers
adeptes parlaient fort durement du cléricalisme des pasteurs vaudois. Aujourd’hui
les principaux -d’entre eux s’appellent solenaelleonent pasteurs et ministres. A les
voir Ti^tus de noir et cravaiés de blanc
ou les dirait des présidents de Consistuire,
Encore un peu, et comme celui qui s’était égaré un moment avec eux, le docteur Desanctis, ils reviendront au bercail
de l’Eglise libre vaudoise.
Conclusions;
1" Toutes les églises protestantes d’Italie,
vaudoise, méthodiste, baptiste, épiscopale,
etc. etc., sont des Eglises libres;
2“ Celle qui s’est indûment approprié ce
nom n’était, à ses débuts, qu’une église
libérale dans ses principes ecclésiastiques,
c’est-à-dire revoltée contre le Synode italien , comme VAvenir contre le Synode
français;
3* Il est utile , même à des journaux libéraux , de connaître les choses dont on
parle.
M. B. Gardiol, évangéliste à Guastalla ,
qui avait d’abord refusé l’appel de Rodoret
non pas net, comme on l’a dit sans le
savoir, mais conditionnellement, et en
laissant une porte ouverte pour ¡’acceptation, est l’évangéliste que la Commission
d’Evangélisation met à la disposition de
la Table pour pourvoir à l’exercice du
S' Ministère de celte paroisse, en conformité de l’art. 19 des Actes du Synode de
1871. — Voici comment M. Gardiol s’exprime à la fin de .sa lettre de refus.- «Et
si, ce queje n’espère pas, j’apprenais que
la paroisse de Rodoret est en souffrance
pour n’avoir pas trouvé un pasteur convenable, alors, croyez que je m’empresserai d’aller la desservir selon les forces
et les talents que Dieu rn’à donnés etc.».
Nous pensons que cette déclaration donne
à M. Gardiol, à la Commission d’Evangélisation et à la Table une entière liberté
de donner suite à un appel unanime et
fait un devoir à Rodoret d’accepter avec
joie et avec bienveillance le ministère de
M. Gardiol. — Nous tenons à déclarer que
la Table s’est tenue exactement dans les
limites de l’art, synodal susmentionné ,
qu’elle n’a rien fait pour forcer M. Gardiol
à mettre de côté ses scrupules, si tant
est qu’il y ait eu des .scrupules proprement
dits ; nous pensons que la Commis.sion
d’Evangélisation a fait pour le mieux, et
qu'elle n’a pas cru pouvoir mieux faire
que de désigner pour Rodoret l'évangéliste élu par cette paroisse, après, sans
doute, s’en être entendue avec lui. Nous
respectons la liberté de tout le monde et
môme celle d’un évangéliste ; mais, dans
ce monde, aucun de nous ne peut prétendre à jouir d’une liberté absolue; notre
liberté est limitée par des lois et par des
réglements ; ce n’est pas nous faire violence que de nous y soumettre les uns et
les autres. M. Gardiol savait parfaitement
quand il est devenu Ministre etquand il est
uQtré daos i’Ëvno^éU&stioQ ^ GoastaJl««
7
-(23).
qn’il pouvait être transféré ailleurs par la
Commission, selon les besoins de l’œuvre
et il a accepté celle condition. Avec la
liberté absolue de’la part des Evangélistes,
la Commission d’Evangélisation ne pourrait pas faire son œuvre, l’art. 19 en
question serait un leurre et les paroisses
de la montagne ne devraient plus compter
sur un ministère. — Dans le cas actuel,
il est heureux que M. Gardiol ait lui-mème
laissé la porte ouverte pour entrer à Köderet. Puisque nous sommes sur ce sujet
nous exprimons le regret qne le Synode
de 1871, par l’art. 19, ait aboli le paragraphe 16 du Réglement de la p,aroisse conçu
en ces termes; «Si un tel ministre ne se
trouvait point, et que la paroisse de seconde classe ou de la montagne dilt, pour
cette raison, se trouver sans pasteur, la
Table pourra d’oflice prendre à l’Evangélisation le dernier des inscrits sur la lisie
pastorale, travaillant à cette œuvre, et
l'atfccterau service de cette paroisse pour
aussi longtemps(|u’il ne pourra être pourvu
aulrement à celle vacance, sous peine,
s’il refuse , d’être rayé du rôle des ministres de l’Eglise vaudoi.se. Cet article ne
consacre pas plus (|ue l’autre la liberlé
complète des jeunes évangélistes, mais il
a, selon nous, des avantages sur-celui
de 1871, parcequ’il établit que l’Evangélisle qui doit aller dans la paroisse de
montagne est le plus jeune, parcequ'il
limite le temps de son service et parcequ’il a une sanction ; et du reste les étudiants et les candidats en théologie le
connaissant, savent ce qui les attend,
surtout les plus jeunes. Nous sommes
(lersiiadés que ce service dans la paroisse
de montagne, cette restriction de la liberté
des jeunes miiiislres. pour un temps et
à l’avanlage des parois.ses les plus ditticiles,
ne retiemlra personne d’embrasser la carrière du S‘ Ministère.
(iTlironiquc locale.
La Tour*. Un'fait, heureusement
très rare parmi nous, a rempli d’horreur
les habitants de la Tour. L’expercepteur
de ce mandement a mis fin à ses jours
par un suicide. Les causes principales de
cet attentat sont, sans nul doute, les souffrances physiques et morales aux(|uelles
cet homme était eii proie depuis assez
longtemps; atteint d’une maladie dont
les médecins ne lui donnaient aucun espoir de guérison, u’élant pas soutenu par
une foi vivante, source de courage , de
patience et de ré.signation chrétienne, se
voyant dans l’impossibililé de remellre à
l’agent du Gouvernement et aux autres
personnes intéressées, sa caisse sans dé
ficit, courant le danger, à cause de cela,
de perdre la pension à laquelle ses années de service lui douiiaient le droit;
les souffrances, la honte, la ruine le poussèreut au desespoir; et le malheureux
déchargea contre lui son fusil dont la
charge alla se loger dans le cerveau et
causa la mort iustantauée. — Le clergé
catholique, ayant refu.sé aux restes du pauvre suicidé les honneurs de la sépulture
ecclésiastique, ils furent portés au champ
du repos par l’ordre et sous la direction
des autorités locales et M. le pasteur émérite Bert, (pii se trouva présent, prononça
s’nr la tombe un discours. — M. Berl a
lui-même rendu compte de cette mort et
de ces funérailles dans le journal du district ; mais nous ne sommes pas d’accord
avec lui, si nous l’avons bien compris, sur
ce qu’il dit dans le troisième alinéa ; nous
craignons du moins, qu’il ue s’exprime
d’une manière à laisser croire que le suicide est toujours une folie, et par cousé(jiient n’est p.as un délit, n’est pas un péché, ni une faute. Qu’il y ait (les cas ou
le suicide est causé par la folie, nous
l’admettons; mais nous pensons (|u’il ne
faut pas trop généraliser. Sans nous prononcer sur le cas actuel, sans nous permettre de juger jamais, puisque le jugement appartient an Seigneur, nous ne
pouvons, dans la généralité des cas, ne
pas admettre que celui (pii s’ôte la vie
commet un acte de lâcheté, un meurtre
sur Ini-mênie et par conséquent so rend
coupable d’imo grande faule envers la
société et surtout envers Dieu. — (hi fihilosophe de l’anliipiité, Aristote, ;fant-il
qu’un philosoplie païen vienne nous faire
la leçon ? 1, nous enseigne que l’homme
est le fruit de ses œuvres, (|ue c’est lui
(jui crée son caractère , qui est l’aulenr
(le ses hahilndes bonnes et mauvaises, même de ses passions, et que par conséiinent
il en est responsable. — Un homme ivre
commet-il nue mauvaise action dans sou
ivresse? il est coupable de cette mauvaise
action, parcequ'il est coupable de son
ivresse, comme de tonU’s ses passions et
de ses mauvaises hahilndes dont il est
esclave, parcequ’il aurait pu y résister an
commencement, quand il avait la force
de le faire, ('.elle même responsabilité nous
devons l’admellre dans le suicide, et par
conséquent la cul(>abililé. Nous sommes
persuadés que M. Bert ne pense pas autrement (|ue nous à cet égard. Mais les
paroles suivantes dn 3' alinéa de sa lettre à la GazzeUa di Pinerolo : Infalti egli,
il suicida, cpdena ad un accesso di f'ollia,
quando toglievasi la rita, e la umana barbarie impulamgli a delilto un alto di cui
non aveva coscienzn, e di cui non aoera
cnlpa, ont besoin, selon nous, d’une explication ; mieux encore, pour ôter tout
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-m)
danger et toute équivoque, il faudrait les
ell'acer, d’autaut plus qu’elles disent le
pontraire de ce' que l’auteur avait bien
exprimé dans l’alinéa précédant.
En présence d’un fait semblable on sent
le besoin de demander à Dieu la grâce
de vivre de la vie du juste, afin de mourir de la mort du juste, et de lui crier du
fond du cœur: ne nous induis pas en
tentation, mais délivre nous du malin!
Cltrontque politique.
Italie. — La Chambre a continué
l’examen des budgets de première prévision et se prépare à discuter des lois importantes. L’hon. Scialoja , ministre de
i’iiislrnction publi(|ue, élabore un projet de
loi sur l’instruclion primaire obligatoire;
d’après ce projet les honoraires des insii
tuteurs seraient augmentés, une taxe sco
laire si'rait introduite dans les communes
et les familles pauvres et peu aisées en
seraient exemptes.
Tur-lu. — Turin n’a rien à envier à
Londres, cette année, pour les brouillards;
les jours derniers, ils étaient si épais que
peu se souviennent d’un tel phénomène.
L’ Unilà Callolica, rapportant la mort de
Napoléon III, termine sou article par l’observation suivante, sotte et injurieuse à
la foi : « Oh ! puisse la mort de Nappléon
111 apprendre à qui en a le plus besoin ,
comment finisseut tous ceux , qui en veulent au l’ape ». Napoléon est mort à 65
ans , entouré de sa famille, sans de fortes
douleurs et avec le plein usage de ses
facultés mentales. Humainement parlant
et sans parler de ses dispositions religieuses , dont il ne nous est rien dit, on peut
désirer une mort semblable.
Home. — Un nouveau discours du
Pape. Il s’adresse cette fois aux curés de
Home et leur explique, à sa manière, la
tentation do notre Seigneur. Un passage
mérite d’ê.tre cité : « Cette tentation est
celle de ceux (jui offrent de l’argent et disent : jette ío¿ en bas, c’est la tentation de
ceux qui disent : je ta donnerai toutes ces
choses , si le prosternant, lu m'adores. De
toutes les tentations la pire est celle de
ceux qui disent; Saint-I’ère, faites donc
comme nous le voulons, mettons nous d’ac
cord ; nous vous donnerons la paix , la
tranquillité, trois millions, six millions.
Je vous donnerai toutes ces choses.... Soyons
fort; Dieu nous donnera la puis.sance, le
courage de repousser celte tentation». —
Est-ce cjue les six millions au lieu de trois
ne seraient pas une suggestion à l’adresse
des fauteurs de la réconciliation?
France. M. de Corcelles a été enfin
nommé ambassadeur de la République
auprès du S‘ Siège. — M. de Belcastel a
fait, au nom des cléricaux de la Chambre,
son interpellation au sujet de la démission
de M. de Bourgoing; M. Dufaure a répondu.
Mais cela n’a eu lieu que pour la forme.
La vraie interpellation avait déjà été faite
directement à M. Thiers par une commission réactionnaire. «Comme vous, a répété M. Thiers, le président de la République conservatrice, je suis partisan du
pouvoir temporel; comme vous, je déteste
le royaume du fait accompli. Mais pour
modifier cet état de choses, il faut faire
la guerre ; pouvons-nous la faire ? —
Non , Messieurs !... Le royaume d’Italie
existe ; nous ne pouvons pas le détruire,
dans ce moment du moins ! Du reste l’Italie respecte la liberté du pontife ; son
gouvernement est sage et prudent. Elle
a tant de raisons de nous en vouloir qu’il
ne faut combler la mesure. L’Allemagne,
comme l’Italie, fait la guerre aux jésuites,
au parti clérical. Si nous poussons l’Italie
a bout elle se jette lians les bras de
l’Allemagne. Il nous faut donc de la prudence. Il nous convient d’attendre. — Ce
discours qui n’est pas textuel donnâ à
penser aux députés de la droite qui sortirent de la préfecture de Versailles, sans
en demander davantage.
Les colonnes des journaux anglais sont
remplis de descriptions des funérailles de
Napoléon ; ceux de Rome parlent de la
messe qui a été chantée par les soins de
la famille des Bonaparte en l’honneur
de l’ex-empercur. Orgueil et superstition!
— Plusieurs journaux de Milan et de quelques autres villes de Lombardie rivalisent
de zèle à collecter des sommes dans le but
d’élever au vainqueur des Autrichiens un
monument colossal sur la place du Duomo.
Les contributions signées s’éle-yent à environ 100.000 francs. Et cependant, d’après
une lettre de G. Seigneur, publiée par \'Unità Callolica, le plus grand regret de
Napoléon dans son exil, sa plus amère
douleur a été de ne pouvoir plus renouveler la croisade de 1849 et de libérer
do l’oppression le Chef de l’Eglise, le parrain de son fils le prince imporial.
E. Malan Directeur-Gérant.
Pignerol, Impr. Chiantore.