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Se année
Mai 1867.
N.o 5.
L’ËCHO DES VALLEES
—(NOUVELLE SÉRIE
Que toutes les choses qui sont véritables.... occupent
vos pensées — ( Philippiens., 1\'. 8. )
SOMMAIRE — Du culte public dans l Eglise Vaudoise. — Education du ver-à-soie.
— Correspondance. — Vallées vaudoises.
DU CULTE PUBLIC
dans l’Eglise Vaudoise.
I.
Il serait intéressant de savoir quel était précisément le mode de
culte pratii]ué dans l’Eglise Vaudoise avant qu’elle eût subi l’influence de la Réformalion â cet égard. Malheureusement les historiens
n’en disent pas grand’chose. Les catalogues des manuscrits vaudois
mentionnent, parmi les documents de leur littérature religieuse , un
bon nombre de sermons des anciens Barbes; ce qui nous montre que la
prédication était un de leurs principau.'c offices. Mais leur prédication
était-elle ce qu’elle est généralement aujourd’hui ? Il est permis de
le contester. Si nous en jugeons parles données répandues par-ci parlà dans l'histoire des anciens Vaudois, elle devait avoir un caractère
éminemment catéchétique ; et rien ne fait présumer que l’essentiel
du culte consistât pour eux dans le sermon. La prédication était surtout un moyen de prosélytisme et de conversion. Elle n’était pas, du
reste , limitée aux seuls pasteurs ; mais c’était le devoir de tous les
fidèles. La généralité des membres de l’Eglise était en état d’enseigner et d’exhorter. Un historien, qui n’était pas ami des Vaudois,
dit hyperboliquement que celui d’entr’eux qui avait été pendant sept
jours disciple devenait à son tour docteur. Les femmes mômes étaient
en état de catéchiser.
Tout cela dénote une église dont les membres avaient acquis une
facilité de s’exprimer en public sur des sujets religieux que fort peu
de personnes possèdent .«ans un long exercice.
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Nous savons d’ailleurs, par le témoignage des historiens, que l’assemblée entière prenait au culte une part plus active qu’elle ne le fait
aujourd’hui
il semble donc qu’en modifiant quelque chose à notre manière de
célébrer le culte nous n’introduirions pas uniquement des nouveautés , mais, qu’à bien des égards , nous retournerions à ce qui avait
lien une fois
Cepenilant qu’on n’aille pas conclure de ces observations que nous
en voulions à tout ce qui existe , ou que nous ayons même la pensée
(le vouloir porter du trouble dans l’Eglise par des modifications trop
brusques ou trop radicales sur des choses que nous savons bien n’être
que d’une importance secondaire.
Les réformes dans l’Eglise ne se font pas par de soudaines révolutions , mais par degrés, à mesure que le besoin s’en fait sentir. Même
dans les églises apostoliques d’origine juive la transition entre les formes
(lu culte juif et celles du culte spirituel et chrétien ne s’est opérée
que peu à peu.
Cela dit, nous pensons qu’il y a quelque chose et même beaucoup
à faire pour que le culte (lans notre Eglise devienne plus spirituel,
moins formaliste, et réponde mieux aux besoins des âmes pieuses,
tout en demeurant un enseignement, un appel aux inconvertis, une
évangélisation.
On dira que le culte étant l'expression des besoins des âmes,
sont ces besoins qui le doivent modifier ; qu’il n’y a pas lieu par
conséquent de tant insister sur ce sujet, il n’y a qu’à attendre, —
Toujours faudrait-il que ces besoins eussent l’occasion de se manifester et rencontrassent dans les directeurs de l’Eglise la bonne volonté d’y satisfaire ; c’est pour cela que nous croyons nécessaire d’en
parler. Supposons même que ces besoins n’existent pas ; s’ensuivra-t-il
qu’il n’y ait rien à faire? Non sûrement. Nous savons bien qu’en beaucoup de cas il y a action et réaction de la cause sur l’effet et de l’effet sur la cause. C’est évidemment ce qui a lieu pour le culte; c’est
la vie qui le crée , mais, â son tour , il exerce sur elle la plus grande
influence ; les formes du culte peuvent protéger la vie et en faciliter
le développement; elles peuvent aussi lui nuire et en devenir l’éteignoir.
Mais n’y aurait-il vraiment dans les membres fidèles de notre Eglise
aucun besoin réclamant certaines modifications dans le culte? — Au
contraire ces besoins existent, e.t nous sommes assurés d’être l’organe
de bon nombre de personnes en parlant comme nous le faisons.
II.
Présentons d’abord quelques observations sur ce que dans un précédent article nous avons appelé les circonstances extérieures.
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Puisque nous avons fait appel à nos vieux pères, nous devons remarquer que pendant long-temps ils n’avaient pas de temple pour
y célébrer leur culte. — Ils ne pouvaient donc avoir, nous dira-t-on,
tout ce. confortable que vous recommandez à ce sujet et ils s’en (lassaient fort bien. — D’accord ; ils n’avaient pas non plus les inconvénients de nos temples actuels , notamment une chaire élevée de quelques mètres au dessus de l’auditoire, et , dans quelques uns., une
voûte si ridiculement haute et une disposition si peu calculée pour
nos besoins , que c’est à peine si, même avec une bonne voix, l’on
réussit à s’y faire entendre.
Il y avait d’ailleurs pour nos vieux pères quel([ue chose qui leur
rendait très-apte tout lieu de culte ; ce quelque chose , que nous ne
saurions regretter , c’est la persécution. L’un des sages de la Grèce a
dit que la chose la plus puissante c’est la nécessité. Or la nécessité
était là , fort pressante , pour les anciens Vau lois. Ils se réunissaient
où ils le pouvaient , et la nécessité leur faisait surmonter toutes les
difficultés et tous les sujets de distraction. Mais le changement de condition amène un changement dans les dispositions. Qui peut douter ,
au reste , que , les circonstances le permettant, les anciens Vaudois
ne préférassent pemlant la saison rigoureuse se réunir pour le culte
dans une bonne écurie chaude ou dans une salle de la maison du
Barbe avec un brillant feu à la cheminée , (ilutùt que dans les bois,
dans les profonds ravins ou dans quelque sauvage caverne !
Quoiqu’il en soit, il est certain que , de notre temps , bien des
améliorations pourraient être apportées au lieu de culte , et qu’avec
une certaine dose de bon vouloir et de persévérance dans les Consistoires , les dilBcultés qui s’opposent à ces améliorations seraient bientôt surmontées.
aj Nous mettons en première ligne le chauffage du local pendant la saison froide.
Il est presqu’impossibln d’être attentif lorsqu’on souffre du froid,
surtout du froid aux pieds. Malgré la meilleure volonté , l’on se surprend alors à trouver trop long le service et on en désire la fin pour
échapper à l’espèce de tourment que l’on endure. Nous ne parlons
pas des personnes assez nombreuses qui , pendant l’hiver , s’abstiennent d’assister au culte de crainte d’y prendre un gros rhume ou pis
encore. Si nous nous rendions au temple pour acquérir un mérite par
nos souffrances, il faudrait, au lieu de le chaufler, le rendre plus
froid encore, car la grandeur du mérite devrait être sans doute en
raison de la grandeur de la souffrance; mais , grâce à Dieu , nous n’en
sommes pas logés là : et puisque nous n’y allons pas pour y souffrir
mais pour y être instruits .édifiés et fortifiés parle ministère de la Parole
de Dieu, par le chant de ses louanges et par la prière , il convient , il
faut que nous puissions nous trouver beacoup plus à notre aise dans
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le temple que dehors. L'Assemblée alors se formera rapidement. Les
pauvres en particulier, qui n’ont pas les moyens de s’envelopper d’un
bon manteau , au lieu d’attendre dehors en vaines conversations que
le sermon soit commencé , se réfugieront dans le temple dès que les
portes en seront ouvertes , et là, dans le recueillement, chacun prendra
peu à peu l’habitude de se préparer au culte par la prière silencieuse,
par la lecture de la Bible ou des cantiques. Ce sera un grand point
de gagné.
hj Quant à la propreté , sans entrer dans des détails, on ne
risque pas de frapper faux en disant qu’elle pourrait, dans quelques
temples au moins , être plus soigneusement entretenue.
cj Mais ce qui laisse plus à désirer c’ést l’ordre. Il doit être
plus scrupuleusement observé. C’est en ceci que doit consister l’office
principal des diacres. Ils ne sont pas nommés à cette charge pour
figurer assis aux places d’honneur. Ils sont les serviteurs de l’Eglise;
c’est leur titre et ce doit être leur privilège.
Qu’ils se trouvent donc répandus dans l’assemblée, partout où le
besoin le requiert, pour prévenir tout bruit, tout désordre , pour écarter tout sujet de distraction , pour indiquer une place à celui qui ne
sait la trouver et l’y conduire au besoin ; pour refermer une porte
laissée ouverte par un arrivant au détriment de la santé de ceux
qu’elle expose à un pernicieux courant d’air. Que par leurs avertissements l’un n’ait plus à soufi'rir du vrai scandale qui résulte trop souvent de l’introduction des chiens dans le lieu de prière. Lorsque des
personnes ne verront pas d’inconvénient à s’y faire accompagner par
un chien mignon portant grelots , comme cela s’est vu , qu’ils aient
le courage de leur dire qu’il vaudrait mieux que cet animal fût dix
fois mort ou qu’elles mêmes ne missent pas le pied dans le temple,
plutôt que de venir ainsi porter la distraction dans une assemblée
réunie pour s’occuper de ses intérêts éternels.
Si la partie de la tâche des diacres que nous venons de décrire est
humble , elle n’est pas la moins utile , la moins nécessaire , et en
l’accomplissant ils auront la consolante certitude de contribuer pour
une bonne part à l’édification de l’assemblée.
dj Avant d’entrer dans un autre ordre d’idées, nous voudrions
encore indiquer une précaution qui serait très-favorable au recueillement: ce serait de couvrir les trottoirs de nos temples de nattes en
paille , qui pourraient être confectionnées par nos gens de la campagne
pendant les longues soirées d’hiver et ne nécessiteraient pas de grands
frais. On obtiendrait par là un double but ; l’assemblée ne serait plus
à ce point distraite par le bruit des pas d’un arrivant attardé, et celui-ci, à son tour, n’aurait plus à subir la confusion de voir plus de
la moitié de l’assemblée braquer sur lui les yeux par un brusque
mouvement de volte-face qui n’a rien d’édifiant.
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111.
ej Passant <à l’ordre du culte lui-même , nous devons signaler
avant tout, comme une modification dont la convenance est généralement sentie , la suppression de la lecture de la Bible pendant la
formation de l’assemblée
Nous ne prétendons pas que cette lecture ne profite à personne ;
ce serait trop dire ; mais il est certain qu’elle profite très-peu ; et la
manière dont elle est accueillie par plusieurs présente toute l’apparence d’une profanation. La place même qu’occupe cette lecture lui
donne l’air d’un hors-d’œuvre , d’un en-attendant ; et c’est bien ainsi
qu’elle est considérée par nombre de personnes qui attendent régur
lièrement hors du temple jusqu’à ce qu’elle soit terminée. On connaît
la réponse faite si souvent à l’invitation d’entrer: on lit encore, diton ; ce qui signifie ; il y a encore du temps.
Au reste , soyons de bon compte , il est très-dilTicile pour ne pas
dire impossible de suivre entièrement cette lecturg faite au milieu de
la distraction générale , au 'milieu du bruit des portes et des pas des
arrivants. Evidemment ce n’est pas le moment propice pour lire la
Bible. Cette partie du culte est si importante qu’il convient absolument d’y assigner une place plus large et surtout meilleure.
Les Frères Moraves , qui ont plus d’un rapport avec les Vaudois ,
se contentent pour l’ordinaire de lire la Bible sans y ajoute«’ de réflexions ; quant à nous . nous y ajoutons le sermon. Mais que du moins
la Parole de Dieu ait dans le culte , par le fait même de la place
qu’elle y occupe , une importance beaucoup plus grande que celle de
l’homme , savoir le sermon. L’ordre actuel oÜ're tout au moins l’apparence du contraire.
Mais il importe que la Bible soit bien lue : le meilleur commentaire qu’on puisse en donner c’est une bonne lecture. Bien lire est
un art difficile et qui ne s’acquiert pas sans beaucoup d’exercice et
d’attention. Bien des personnes trouvent qu’il est facile de lire par la
raison quelles n’entendent pas grand’chose à la bonne lecture.
Or , disons-le franchement, la lecture de la Bible dans nos temples
n’est pas partout et toujours bien faite. Ceux qui sont chargés de la
faire n’y mettent pas tous (’) l’importance qu’elle mérite , et quelques
uns s’en déchargent trop facilement sur le premier venu.
L’espèce de sans-façoù avec lequel certains lecteurs se présentent
parfois pour remplir çét office, en tenant, par exemple, un paletot
négligemment jeté sûr les épaules , n’est pas édifiant non plus pour
(*) Nou.s souslignons à dé^ssein les mots , car il serait injuste de dire la chose d'une
manière générale ^ et nous devrions au moins faire des rtserves pour plusieurs
louables exceptions, j . , i .
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tout le monJo ; nous en connaissons qui en ont été choqués. On dira
que c’est se clioquer mal à propos. C’est possible; cependant il nous
parait que cette attitude pour lire la Bible n’est pas plus convenable
que ne le serait celle de prier en public en se tenant assis.
Le chant Je quelques versets d’un psaume ou d’un cantique remplacera très-avantageusement la lecture pendant que l’assemblée se
complète. La voix surmonte le bruit et l’activité propre de celui qui
chante contribue à fixer plus fortement son attention.
Quant à la lecture de la Bible elle pourrait être faite par le Pasteur et précéder immédiatement le sermon.
fj Dans le but d’abréger la durée du service , que l’on trouve
généralement trop long , comme aussi pour éviter ce qui peut conduire à un vain formalisme, on pourrait sans inconvénient supprimer,
dans les dimanches ordinaires, la lecture des commandements et du
symbole des Apôtres. Cette lecture, faite seulement à de certaines épo(lues d’une solennité particulière , produirait un effet plus réel sur
les auditeurs.
gj Pour les mêmes motifs, il serait à désirer que le baptême
des enfants n’eût plus lieu pendant la durée du service ordinaire ,
mais plutôt immédiatement après, en y invitant les membres de l’assemblée qui voudraient y assister. Cette cérémonie, accomplie d’une
manière plus simple, plus sans gêne et transformée en quelque sorte
en culte de famille où tous les parents de l’enfant l’entoureraient de
leur présence et do leurs prières, serait bien plus édifiante et répondrait à un besoin jusqu’ici non satisfait.
Le baptême, comme il est actuellement administré , impose à ceux
qui présentent l’enfant une raideur cérémonieuse qui les empêche
d’être attentifs à ce qu’ils font. Préoccupés de ceux qui les observent
et souvent les épient pourvoir s’ils connaissent bien la manœuvre tpardonnez , lecteur , l’emploi de ce mot qui n’exprime pas mal l’idée),
ils sont mal à leur aise et ne peuvent se recueillir comme ils le devraient.
Voilà , pour le dire en passant, la principale cause de la répugnance
que tant de parents éprouvent à présenter leurs enfants au baptême
dans le temple. Cette répugnance cesserait dès l’instant qu’ils ne seraient plus exposés à devenir une espèce de spectacle.
Pourquoi la mère n’aurait-elle pas aussi le privilège d’assister au
baptême de sou enfant? N’y a-t-elle pas autant de droit que le père ?
Qui plus qu’elle s’associerait de cœur aux prières faites en faveur de
son enfant ? Hébien ! elle y assisterait dans le cas de la modification
proposée ; tandis que l’empire de l’habitude le lui interdit dans le
mode ’actuellement en vigueur.
hj Nous osons porter plus loin encore nos désirs. Nous voudrions que la Sainte Cène, elle-même, fût célébrée, non plus comme
un appendice du culte principal, mais dans un culte à part où elle
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serait l’essentiel; où il n’y aurait pas de prédication, mais la simple
lecture de quelque portion de la Parole de Dieu, la prière , le chant
et où régnerait le plus entier recueillement.
Plus d’un motif nous engage à formuler ce vœu qui sera peut-être
mal accueilli maintenant , mais qui finira , nous en sommes convaincus , par être partagé par la majorité des vrais membres de l’Eglise.
Les services de communion sont beaucoup trop longs . eu égard au
degré d’attenl'on dont est capable la généralité des auditeurs dans notn;
pays. 11 en résulte qu’au moment où l’attention devait être le plus
concentrée, elle faiblit, se détend , ou cesse même tout-à-fait de fonctionner. C’est plus regrettable qu’on ne peut le dire.
La plupart de ceu.x qui ne communient pas n’assistent plus même
à cette partie de service ; plusieurs aussi sortent prendre l’air pour
rentrer ensuite ; il en résulte un va et vient , une confusion très-peu
favorable au recueillement si nécessaire pour se préparer â participer
au.x symboles de notre rédemption. .le ne parle pas du pasteur dont
la tête fatiguée se refuse à trouver les passages adaptés à la circonstance pendant la distribution des éléments de la Cène ; et cependant
il devrait aussi entrer en ligne de compte.
Enfin la communion est tout particulièrement le service auquel les
seuls croyants doivent participer. Or la mesure proposée aurait aussi
pour effet d’en dispenser les indifférents et il n’y aurait guères que ccu.x
pour lesquels la Sainte Cène est un besoin de leur foi qui y prendraient part.
Quant â la forme usitée dans notre Eglise pour la célébration de
la Sainte Cène, nous ne la croyons pas la meilleure. Sans vouloir insister là dessus plus qir’il ne convient, nous avouons que nous aimerions voir aboli le défilé deux à deux devant la table , ainsi que l’offrande devenue obligatoire par l’usage , de la pièce de monnaie, qui
résonne dans le plat. Le défilé est un obstacle au recueillement. Quant
à l’offrande, une collecte faite à la porte du temple , outre qu’elle ne
serait plus un sujet de distraction au milieu de l’acte le plus solennel
du culte , aurait un caractère plus libre , plus spontané ; et si l’on
devait y perdre quelque chose en numéraire , la pite donnée de bon
cœur vaudrait mieux que l’écu donné par contrainte ou par vaine ostentation (1).
IV.
Telles sont les modifications les plus graves que les besoins actuels
nous paraissent réclamer. Il nous resterait à parler de la prédication :
(l) Nous mentionnons avec plaisir que quelques paroisses sont sur le point d’adopter celte dernière mesure et que celle de la Tour a d»^jà donné le bon exemple.
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mais ce sujet est trop important et trop vaste pour être traité en
quelques lignes; il nous paraît mériter à lui seul un article et nous
le renvoyons à une autre fois , nous contentant, pour le moment,
d’appeler encore l’attention du lecteur sur quelques considérations qu’il
nous reste à lui présenter en terminant.
ij Nous voudrions qu’en général il y eût plus de liberté dans
le culte , et que les formes n’en fussent pas tellement stéréotypées
qu’on ne pût y changer un iota sans scandaliser quelqu’un et encourir
le reproche de novateur.
On trouve, parmi le peuple, des personnes qui s’attachent à la forme
d'une manière excessive et souvent très-ridicule. C’est ainsi que tel
individu, respectable du reste , ne met plus les pieds dans le temple
qu’il fréquentait habituellement, parceque le pasteur s’y transportant
d’assez loin et trouvant incommode de porter chaque dimanche sa
robe pour se la mettre sur la place même du temple, faute d’une
meilleure sacristie , jugea à propos de la laisser â la cure et de
prêcher sans robe. Mais une prédication sans la robe , aux yeux de
plusieurs, ce n’est pas un sermon , c’est une simple explication; et
ne pas leur faire le sermon c’est les mépriser ; de là la fatale résolution de ne plus assister au service. L'u autre, un bon vieillard, est
prêt à rejeter un sermon comme n’étant pas en règle parceque le
prédicateur, qui n’aime pas les répétitions des mêmes prières dans le
même service, n’a pas commencé par l'invocation ordinaire: Hotre
aide, etc., déjà prononcée par le lecteur ; c’est à faire sourire de pitié.
Et pourquoi e.xiste-l-il un pareil formalisme ? Parceque la stéréotypie
des formes a donné lieu de croire qu’elle sont l’essentiel et qu’on
ne saurait y toucher sans tout perdre. Quelle diiïîculté ne rencontret-on pas aujourd’hui même à faire adopter le nouveau recueil de
psaumes et cantiques approuvé par le Synode? A qui la faute ? Aux
pasteurs qui, en se soumettant servilement aux formes , les ont fait
cristalliser entre leurs mains.
Nous voudrions que l’on évitât tout ce qui tend à maintenir ce
fâcheux formalisme. Pour cela nous voudrions que le culte fût débarrassé de toute raideur d’apparat, que l'on mît de côté la routine,
qu’au lieu de s’en tenir toujours aux formules stéréotypées , il y eût
plus de spontanéité et que, suivant les besoins du moment, les choses
revêtissent une forme nouvelle.
Sans vouloir mettre de côté la liturgie , ce que nous désapprouverions hautement, nous voudrions que chaque pasteur en fît un usage
plus libre et s’en servît plutôt comme d’un guide que comme d’un
formulaire à répéter mot pour mot. L’attention en serait maintenue
plus réveillée et l’on pourrait bien mieux répondre aux besoins
actuels du troupeau.
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Nous n'ignorons pas les abus qui sont résultés dans certaines
églises ou congrégations, de la liberté pour tous de prendre la jiavole
dans les assemblées. Nous pensons qu’une liberté si absolue ne peut
être pratiquée avec fruit que dans une assemblée composée de vrais
croyants, et que, dans tout autre cas, elle serait plus nuisible qu’utile.
Nous ne pourrions par conséquent en conseiller l’usage dans notre
Eglise. Mais entre cette liberté illimitée de la parole et le manque de
toute liberté à cetégiird,la distance est grande, et il nous paraît que
ce serait ici le cas d’appliquer le vieil adage : in medio rectum- Une
voie intermédiaire pourrait être suivie avec succès. Nous ne pouvons
douter que dans chaque paroisse de notre église, il n’y ait quelques
personnes capables d’exhorter et d’édiiier une assemblée par quelques
paroles dites à propos, quand ce ne serait qu’une citation de l’Ecriture
ou d’un cantique.
fty II serait donc à propos , pensons-nous , que dans chaque
paroisse il y eût , outre le culte ordinaire dirigé uniquement par le
pasteur, une assemblée plus libre où il fût loisible à chaque membre
homme de prendre la parole soit pour l’édification commune, soit
pour s’instruire lui-même. De telles réunions présidées par le pasteur
ou par quelqu’un ayant sa pleine confiance, lequel jugerait des opinions émises et retirerait au besoin la parole à quiconque en abuserait. seraient une véritable école biblique en môme temps qu’elles
répondraient à un besoin senti de notre époque, et qu’elles prépareraient la voie à l’église de l’avenir qui sera plus libérale que nous
ne le pouvons être , pareeque ses membres seront aussi, il faut
l’espérer, plus éclairés et plus pieux que nous ne le sommes.
Ij Enfin pour augmenter la participation active de toute l’assemblée au culte, nous proposerions, en attendant de pouvoir faire
mieux, de chanter plus qu’on ne le fait. Outre le chant pendant la
formation de l’assemblée , nous voudrions au moins trois autres
chants pendant la durée du culte. Plusieurs raisons pourraient être
alléguées à l’appui de cette proposition, nous ne le faisons pas pour
ne pas allonger cet article déjà trop long.
Nous ferons seulement remarquer que ce serait , entr’autres , un
moyen de variété très-favorable au soutien de l’attention; et si, à ce
moyen là, on ajoutait encore celui que fournirait l’attitude différente
du corps, suivant les divers actes du culte , on ne peut douter que
l’eÊQcacité n’en fût augmentée; la distraction et l’apathie intellectuelle
seraient sinon vaincues, au moins réduites à de moindres proportions,
et le prédicateur aurait moins souvent la douleur de prêcher à un
auditoire à moitié endormi.
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ËDIICATIOK DES VERS-À-SOIE
f Troisième et dernière lettre)
La Tour, mai 1867.
■l’ai liàle d’arriver <à la dernière partie de mon sujet, et d’aborder
le côté essentiellement pratique de l’éducation des vers-à soie.
Dans ce qui me reste à dire. j’aui’ai surtout en vue ce qui est relatif à l’espèce verte du Japon, puisque l’expérience n’a que trop
prouvé que la graine de toute autre espèce ne peut donner que des
produits très-inférieurs pour la qualité des cocons , ou que des vers
dont on ne peut rien espérer.
Le premier soin du cultivateur doit naturellement porter sur le
choix de la graine. La graine originaire du Japon nous vient toute
sur des cartons ; mais il faut bien se garder de croire que toute la
graine qu’on vend sur des cartons soit réellement du Japon. Personne
n’ignore comment, ces dernières années, des spéculateurs de mauvaise
foi achetaient des cartons des années précédentes , les couvraient de
graine fabriquée dans le pays, et les vendaient ensuite fort cher sous
le nom de carions originaires. Chacun sait quelles en furent les conséquences... On n’a acquis qu’une preuve de plus d’un fait qu’on
connaissait déjà d’ailleurs, c’est que la graine dite de reproduction,
quelle qu’elle puisse être, n’ofîre que très-peu de chances de réussite,
et qu’il ne faut absolument plus y avoir recours , du moins en vue
d’une spéculation.
D’un autre côté il est quelquefois assez difficile de ne pas se méprendre sur l’authenticité de la graine , et le moyen le plus sûr dans
ce cas, est de ne s’adresser, pour avoir de la semence de bon aloi,
qu’à des personnes d’une honnêteté bien constatée , incapables de vous
tromper sciemment , mais pourtant pas assez débonnaires pour se
laisser elles-mêmes facilement duper.
Supposant donc de la graine de bonne qualité et d’origine authentique, le moment le plus favorable pour la faire éclore, ne peut être
fixé d’avance, avec précision. Il dépendra évidemment des conditions
particulières où se trouveront les campagnes. Nous devons néanmoins
faire observer que comme les vers du Japon avancent sensiblement
plus que les autres , et requièrent aussi plus de chaleur , il sera
toujours préférable de ne pas se presser, et de se régler de manière
que la dernière mue corresponde à l’époque où la feuille aura pris
son complet développement.
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Quelques auteurs recommanilcnl de tremper les cartons quelques
jours d’avance dans un bain d’eau légèrement tiédie , contenant le
10 pour 100 en poids, de sel; et de les y laisser pendant une demiheure, en ayant soin de les faire sécher ensuite à l’air et à l’ombre.
Nous ne croyons pas cette précaution indispensable , mais nous la
croyons bonne , en tant que l’eau salée dissout un peu la gomme
qui enveloppe naturellement la graine, et qu’elle facilite ainsi la
sortie du ver hors de son enveloppe, pendant le travail de l’éclosion.
Il est dans tous les cas beaucoup plus important de ne pas e.vposcr
trop subitement la graine à une température élevée. Le premier jour
15o ou 16» R. suffisent ; mais il faut veiller à ce que, autant que possible, cette température no baisse jamais sensiblement ni jour ni nuit.
Une chambre convenablement chauffée au moyen d’un poêle sur
le(]uel on maintiendrait constamment de l’eau, et munie d’un thermomètre, est tout ce qui suffit pour l'éclosion des vers. Chaque jour
on a soin d’augmenter la température d’un degré , jusqu’à ‘¿l'\ mais
pas au delà.
En général la chaleur de l’écurie ne peut être que nuisible à la
santé des vers, surtout quand on y laisse les cartons exposés tout le
temps de l'incubation, c’est-à-dire jusqu’au moment de l’éclosion. Et à
celte occasion je ferai une observation que je crois de la plus haute
importance , et que je voudrais pouvoir souligner dans la mémoire
de chaque éducateur , comme je la souligne sur celte feuille ; c'est
que les trois quarts du temps , quand les éducations , provenant d'ailleurs
de bonne graine, ne réussissent pas, les vers avaient déjà contracté le germe
de la maladie , dont ils meurent quelquefois sur les balais même , dans la
première période de leur existence, entre le moment de leur éclosion et
celui de leur première mue , et cela uniquement pour avoir manqué des
soins que requérait alors leur grande faiblesse. 11 en est d’eux sous ce
rapport comme de ces enfants qui, après avoir été négligés au
berceau, pourront bien vivre encore pendant quelques années , mais
seront toujours plus ou moins maladifs , deviendront rachitiques ,
scrofuleux ou poitrinaires et finiront par mourir misérablement avant
d’avoir traversé l’adolescence.
Au bout de sept ou huit jours d’incubation commence ordinairement
Véclosion.
Sur les cartons du Japon cette période se prolonge quelquefois
jusqu’au delà d’une semaine ; et c’est là un grand inconvénient ,
puisque une pareille irrégularité dans la naissance des vers entraînera
nécessairement aussi une inégalité plus ou moins sensible pendant
tout le temps de l’éducation.
Quand la graine est à bon marché , on pourrait conseiller de ne
prendre que les vers des trois ou quatre premiers jours , et de négliger
les autres; mais par le temps qui court, je ne le sens que trop , un
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pareil conseil serait hors de saison. Et si, pour l’éclosion des vers que
nous avons nous-mêmes donnés en parties , cette année, à plusieurs
particuliers de La Tour et de S Jean , nous avons pu faire disparaître
l’inconvéuient qui a été signalé plus haut, noua le devons à la nature
même de la spéculation, qui nous a permis d’opérer sur une grande
échelle et de donner les vers tout éclos et levés le même jour indistinctement et à la fois sur plus de deux cents cartons.
Chacun sait comment on s’y prend pour lever les vers éclos. Ce ne
sera jamais trop que de recommander le plus grand soin dans la
manière d’enlever les petits rameaux de feuilles auxquels viennent
s’attacher les vers , si on ne veut pas s’exposer sinon à les écraser ,
du moins à les blesser et à les gâter , en les transportant sur les
paniers.
Si , comme la chose est presqu’inévitable dans les conditions ordinaires , l’éclosion se prolonge pendant plusieurs jours , il est indispensable d’égaliser la partie dès le début, en nourrissant les derniers
éclos un peu plus que les premiers ; mais il ne faut pas oublier
qu’il en est des vers comme des enfants, et que, autant que possible, il
faut éviter de les priver, ne füt-ce que pour quelques heures , de la
nourriture qu’ils réclament. « Les vers faiblement nourris dans leur jeunesse
demeureront faibles tout le reste de leur vie,« et l’observation a prouvé de
plus que presque jamais l’on n’a des vers pourris quand ils ont pu manger à leur appétit jusques à la troisième levée.
Voici maintenant quelques règles générales dont je recommande
l’exacte observation dans le reste de l’éducation , et que le manque
d’espace et de temps m’oblige à donner en aussi peu de mots que
possible :
l.° Eclaircir assez les vers pour que jamais ils ne soient forcés de
se toucher ;
2.0 Donner aux vers de la feuille finement et toujours fraîchement
hachée ; au moins jusqu’à la troisième mue;
3.0 Nourrir les vers souvent, mais peu â la fois : de manière que
dès qu’un repas est mangé un autre leur soit fourni , les nourrir bien
également , vingt-quatre fois par jour ( à chaque heure du jour et de
la nuit) avant la première mue ; dix-huit fois , de la première à la
seconde ; douze fois de la seconde à la troisième ; huit fois de la
troisième à la quatrième ;
4.0 Diminuer insensiblement la température à mesure que l’éducation avance ; et comme l’indique le tableau suivant :
1. ^''® phase (jusqu’à la première mue) 20® R.
2. “‘^®phase (.jusqu’à la seconde mue) 19° R.
3. "'® phase (jusqu’à la troisième mue) 18° R.
4. “° phase (jusqu’à la quatrième mue) 17° R.
5. *"® phase {jusqu’à la montée des vers ) IG" R-
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5. “ Ne pas faire jeûner pins de douze heures les vers à leur réveil,
surtout si l’éducation est égale ;
6. “ Avoir un tliermomètre dans la chambre , et le consulter souvent;
avec 40 cent, on ¡leut s’en procurer un;
On remarquera que dans les moments de touffe le thermomètre
esi généralement beaucoup plus bas qu’on ne le croirait. C’est l’etfet
de l’humidité excessive de l’air, qui ne circule pas et qui nuit A l’éducation comme elle accable l’homme lui-même. Dans ce cas, ouvrir
largement les fenêtres, donner de l’air et faire une bonne flambée ;
ne jamais brûler de parfums, comme on le fait communément ;
7. “ Eviter des courants d’air trop forts et trop directs sur les vers ;
mais ne jamais fermer les ouvertures de telle sorte que l’air cesse ,
ne fût-ce qu’un quart d’heure , de circuler abondamment et partout dans
la chambre ;
8° Déliter aussi souvent que possible ; veiller constamment à la jiropreto , tant dans la chambre qu’aux environs ; ce qui est susceptible
de fermenter doit être surtout éloigné avec le plus grand soin ;
9.® Avant de transporter les vers-à-soie dans la chambre qu’on leur
destine , arroser d’eau fraîche, au moyen d’un balai, les murs et les
planchers , fermer bien les fenêtres , brûler au milieu de la pièce un
demi-kilogramme de soufre de manière à ce que la fumée puisse
pénétrer partout ;
10“ Se procurer un myriagramme de chaux vive, l’éteindre, la
délayer en deux fois dans deux brindes d’eau ; laisser reposer le liquide, et se servir de l’eau claire qui recouvre le dépôt de chaux après
quelques heures de repos , pour en arrqser, deux fois par jour au
moins, le sol de la chambre.
Plâcer çà et là dans les coins, des jattes remplies de la même eau,
et quand la provision manque , en ajouter de la nouvelle ; et remuer
encore comme la première fois, le dépôt de chaux.
La chaux ne coûte au plus que 50“ le myriagramme , et si les
éducateurs connaissaient mieux l’efficacité de l’eau de chaux, ils y
auraient encore recours même quand au lieu de coûter 50“ seulement, elle coûterait 50 f. ;
11“ Une particularité des vers-à- soie du Japon, c’est de se décider
à monter subitement et de prendre , en quelque sorte , au dépourvu
ceux qui les soignent. Il faudra donc se tenir sur ses gardes ; avoir
ses balais tout prêts au troisième jour après la dernière mue , et se
hâter de les placer fenramtr) au premier indice;
12“ Les vers qui ne se sont pas décidés à monter vingt-quatre heures
après que le gros de l'éducation a pris le bois , ne le feront que
difficilement plus tard, et préféreront faire leurs cocons dans la litière
même sur laquelle ils se trouvent, si on les y laisse plus longtemps.
Et chacun sait que ces cocons, quoique durs, sont colorés ou tachés
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de jaune, et que les iileurs n’en veulentà aucun prix, et non sans raison,
puisqu’on ne peut absolument pas parvenir à les filer. Le moyen le plus
sür, dès lors, de parer à cet inconvénient est de se hâter de cueillir
les casettes, vingt-quatre ou trente heures après que la montée s’est
décidée, de faire un grand hôpital et de former encore et successivement plusieurs autres hôpitaux de vingt-quatre heures en vingtquatre heures , en les déversant les uns dans les autres , jusqu’à ce
que tous les vers soient montés.
Agréez , M*"..
lIlPPOLYTE RoLLIEH.
CORRESPONDANCE
Bien cher ami et frère/
J’ai tout autre que le temps d’écrire dre articles , surtout ces joursci , et cependant je ne voudrais pas que , par ma faute aussi , vous
fussiez obligé de vous écrier avec quelque amertume que tout journalisme au milieu de nous (j’entends le journalisme sérieux, impartial,
se proposant d’exercer une salutaire influence sur l’opinion publique )
est absolument impossible , grâces à la funeste et vraiment incroyable
apathie avec laquelle tout ce qui se publie est accueilli, sans que
jamais la moindre voix se fasse entendre, soit pour approuver, soit
pour combattre.
Avec une telle manière d’agir , en effet, comment aboutirait-on jamais à une discussion ? Et sans discussion à quoi bon le journalisme ? Dire ce que tout le morde pense , et ce sur quoi tout le monde
est d’accord ne sert pas à grand’chose , je m’imagine. Mais dire le
contraire de ce que l’on pense et croit généralement autour de vous,
et le dire sans soulever aucune espèce d’opposition , sans que personne daigne seulement relever par quelques mots ce qu'à un point
de vue opposé votre opinion a d’erroné et de funeste , cela sert-il davantage? Pour que le journalisme puisse accomplir sa mission bienfaisante , ne faut-il pas qu’il soit comme un champ-clos , où des hommes d’avis différents , mais tous également désireux du bien public,
se mesurent et se combattent ? C’est ainsi que nous procédons dans
nos Synodes annuels; or pourquoi ne procéderions-nous pas de la
même manière dans celte espèce de Synode permanent ( et qui poulie dire en passant serait la meilleure préparation à nos autres Synodes ) que, grâces à la presse, il nous serait loisible de tenir du 1er
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»
janvier au 31 décembre? — II est vrai (car il faut être juste envers
tout le monde | que pendant presque toute la première année rte son
existence l'Echo des Vallées, par le caractère même des sujets dans lesquels il semblait vouloir se renfermer n’aurait donné (¡ue très ilillicilemeul prise à une discussion de cette nature Mais depuis un certain nombre de mois les choses ont bien changé. Notre petit montagnard a acquis des forces et avec des forces de l'aplomb, du courage
et une humeur passablement belliqueuse. Pas un numéro depuis quelque temps qui ne soulève au moins une ou deux questions très-actuelles , très importantes , et dont la solution proposée ne soit de
nature à provoquer l’adhésion ou la lutte.
Or, ces marques d’adhésion, qui les a vues? Et ces articles destinés
à réfuter ce que l’on croit mauvais ou irréalisable, (jui les a lus ? En
cela évidemment nous, le public sur lequel votre journal, mon cher
Rédacteur , est destiné à influer , nous avons tort et grand tort : et
c’est pour que ce tort ne pèse pas plus longtemps sur ma conscience
que je me suis décidé à vous adresser, sans plus de retard, ces quel(]ues lignes , à propos rie deux articles publiés dans les deux derniers
numéros de votre journal, l’un sur le Culte public, l’autre sur le
Collège, deux questions trop importantes, me semble-t-il, pour qu’il
nous soit permis de ne leur donner d’autre solution que celle du
silence. — Ml Ees articles sur le Culte public continuant à paraître ,
l’auteur de ces lignes renvoie à plus tard les observations qu’il aurait
l’intention de proposer à ce sujet, (la fin au prochain numéro(
VALLÉES VAÜDOISES.
Alor-t d© tVIadam© Emilie Mu.stoii.
Mon cher ami,
P... le 6 mai 18G7.
J’ai assisté hier 1'' mai, à Pramol, à une cérémonie douloureuse et
consolante à la fois. Le Pastéur de cette paroisse était sous le coup
d’une bien rude affliction : la mort lui avait enlevé deux jours auparavant son excellente compagne. A l'heure fixée pour l’ensevelissement,
la population accourait en grand nombre et les chemins étaient
remplis de groupes , surtout de femmes , qui arrivaient recueillies et
silencieuses. Je demandai à une personne assise à côté de moi, sur
un mur , et ayant l’air bien émue , si elle avait connu la défunte :
elle me répondit sans hésiter: «Oh beaucoup, et quoiqu’elle n’ait
presque pas cessé d’ètfe malade ici et qu’elle se plaignît doucement de
ne pouvoir transporter ses Pramolins un peu plus bas, chacun lui était
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• •
— 80 —
attaché, soit parcequ’elle descendait par sa mère d’un ancien pasteur
de Pramol, soit parcequ’elle était la simplicité et la bonté même.
Tendre épouse, mère active et sage, sœur dévouée, elle était en outre
la digne femme du pasteur , sachant trouver le"temps de faire de
bonnes lectures et de penser aux enfants pauvres, ou négligés, qu’elle
instruisait et amenait à l’école du dimanche. Bonne comme elle était,
non seulement on ne se fâchait pas d’étre repris par elle , mais on
suivait joyeusement ses conseils Ce n’est pas seulement à sa famille
à la pleurer, mais à nous tous que sa mort prive de la lumière de
ses bonnes œuvres ». Je fus heureux, quoique non surpris, de m’entendre parler de la sorte, car ce que je connaissais,.en particulier de
M™® Muston, de sa piété aussi sincère qu’éclairée, qui a brillé encore
d’un si vif éclat sur son lit de souffrance, me convainquait . pour ce
qui me concerne , que sa mort était pour la terre une perte aussi
réelle qu’elle a été pour elle-même , ainsi que je le trouve écrit sur
sa pierre tumulaire , un gain précieux et assuré.
'Willar-l’ellice. — Un nombreux auditoire se pressait, le 12 courant,
dans le temple du Villar, pour assister à l’installation du pasteur, M"'
Matthieu Gay. M"“ le pasteur émérite J. P. Bonjour le présenta oiEciellement au troupeau , après une brève allocution ; et le nouvel élu,
montant en chaire , prit pour texte de son discours la salutation de
St Paul aux Romains : • que la grâce et la paix vous soient données,
de la part de Dieu notre Père et du Seigneur J. G. ». — Que d’excellentes pensées ont été semées libéralement par le modeste et sympathique orateur ! — Dans son exorde , tout de circonstance , il débuta
par donner essor à deux sentiments de nature bien diverse ; un
sentiment de joie, d’abord, de se retrouver, après 13 ans d’absence,
au sein d’une paroisse aimée qui venait de lui donner une marque
éclatante d’affection et de confiance; un sentiment de crainte, à l’idée
de succéder à un pasteur zélé, dévoué, actif, qui avait su créer et
satisfaire des besoins religieux profonds , et que les dons de la grâce
avaient orné à un si haut degré. — Serrant ensuite de près le texte
choisi, il en exprima le suc goutte à goutte, montrant en premier
lieu l’excellence de la paix que souhaite l’Apôtre, et s’étendant en
second lieu sur la grâce dont cette paix découle, grâce libre, grâce
venant d’en-haut et non point, comme disent les hommes, montant
de la terre, grâce enfin dont le pasteur est le héraut , et non pas le
dispensateur. — Expliquée de la sorte, la salutation de l’apôtre n’est
plus , pour l’esprit, une simple formule ; et G. a montré en particulier de combien elle dépassait le souhait des Romains : Santé, —
et même le souhait des Grecs : Joie. Et en effet, qu’est-ce que la santé
du corps sans la joie, c’est-â-dire sans la santé de l’esprit, et qu’estce que la joie sans la paix de l’âme qui se fonde sur la grâce de Dieu ?
Pignerol, J. Chuntore Impr.
H. Jahier Gérant.