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1“ année
Mai 1866.
N.« 5.
L’ECHO DES VALLÉES
—(NOUVELLE SÉRIE)—
Que toutes les choses qui sont véritables. occupent
vos pensées — ( Philippiens., IV. 8. )
SÜMM.\1RE — Du Synode tenu à La Tour.— Biographie. Lincoln. —Noitrellcs
diverses. Ecole de Théologie de Florence ; Consécration de deux Candidats au
Saint Ministère. — .Avis aux .Abon?iés.
DU SYNODE
TENU LA-TOUR ( COPPIERS ) LES JOURS 15, 16, 17 ET 18 MAI 1866
S’il fallait ici reproduire même en résumé tout ce qui s’est dit dans
le dernier Synode, ce n’est pas dans trois ou quatre pages que nous
pourrions le faire. Pour une vingtaine d’heures que l’on ait eues pour
la discussion et les délibérations proprement dites , quelle masse d’affaires à examiner , de questions à traiter ! — C’est en premier lieu
toute la gestion de la Table à passer en revue , c’est l’Evangélisation,
c’est l’Hôpital ; ce sont en suite des rapports et des travaux divers à
écouter et à discuter ; les réglements organiques , le projet de conciliation entre le principe de la libre nomination des pasteurs et celui
d’une compensation à donner aux paroisses les moins favorisées ; les
écoles primaires ; c’est enfin l’examen d’un bon nombre de propositions
faites par les membres du Synode. — On voit que si le temps a été
court la matière n’a pas manqué. — Obligés de nous restreindi’e , nous
ne ferons qu’indiquer en courant les divers points qui ont plus particulièrement attiré l’attention de l’Assemblée.
Le premier jour fut presqu’entièrement absorbé par le service divin
et les préliminaires d’usage. Prenant pour texte les paroles mêmes que
les Vaudois ont de temps immémorial choisies pour leur devise « La
lumière luit dans les ténèbres », M.' Ribet nous a dit aussi couramment en italien qu’on eût pu le faire en français , quelles sont les
grandes vérités que l’Italie entend de la bouche de nos Evangélistes.
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— Plus tard, le Bureau étant constitué, le Président du Synode (M.r
Pilatte ) ouvrit la discussion sur la Gestion de la Table. Le tableau que
le Rapport imprimé de la Table e le Contre-Rapport de'la Commission
d’examen s’accordent à tracer de l’état religieux des paroisses n’est certes
pas flatteur , et il fut tout d’abord jugé aussi exagéré par les uns qu’il
fut trouvé fidèle et humiliant par nombre d’autres. — « Ces couleurs
sont trop chargées , disait celui-ci, les choses ne vont pas plus mal
qu’autrefois ; notre tort est tout au plus d’être devenus indifférents
à ce que fait le Synode ou l’administration , et cette indifférence n’est
que trop justifiée par nos innovations , par la multitude des réglements
qui émanent des Synodes , par l’ignorance où sont laissées les paroisses sur tout ce qui se fait plus ou moins en leur nom. — Ce système
de dénigrement qui est à la mode depuis quelques années , disait une
autre voix . est aussi décourageant qu’il est injuste. — Il y a de bonnes choses dans nos paroisses , il y a du travail , et nous avons plus
sujet de bénir Dieu que de nous plaindre. Que s’il fallait faire le procès
à quelqu’un pour le mal qui n’existe que trop encore , ce serait à
l’Administration qui aurait dû agir plus directement sur le réveil et
le développement de la vie ».
Ce que divers membres de l’Assemblée , ce que la Table en particulier, eurent à répondre à ces critiques n’est que trop aisé à deviner
pour quiconque est un peu au courant de ce qui se fait ou ne se fait
pas au milieu de nous. — « Le mal n’est que trop réel et considérable , disait quelqu’un, et les paroisses que l’on tient pour les plus
vivantes n’offrent encore que bien peu de vie. — El comment trouverait-on de la vie, ajoutait un autre , là où il n’y a pas de naissances ? — Quant à la Table elle n’eut qu’à puiser à pleines mains dans
les faits pour soutenir ce qu’elle avance dans son Rapport, — et le
Synode, satisfait d’avoir vu les opinions les plus opposées se manifester
avec franchise , ne se prononça ni pour le blâme ni pour l’approbation.
Des autres parties de la gestion de la Table, il n’y eut guère que la
Colonie du Rosai’io , les collectes et l’instruction qui aient donné lieu
à des observations de quelque importance.
Cette pauvre Colonie du Rosario ( Montevideo ), qui ne compte pas
encore dix ans de vie, a déjà singulièrement donné raison à ces personnes timides qui n’ont jamais pu lui promettre de beaux jours. —
Sans pasteur , sans consistoire , sans école peut-être , nos pauvres gens
paraissent être dans la plus entière confusion , et l’on ne sait trop ce
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que la Table pourra faire pour eux à une telle distance. L'.Vssemblée
synodale a voulu toutefois les recommander encore à sa sollicitude ,
mue surtout, croyons nous , par une bonne lettre que la Table avait
reçue d’un comité particulier.
Des Collectes faites ou à faire dans les paroisses pour des objets divers , les unes ont donné des résultats satisfaisants, d’autres ont surpris par leur caractère partiel ou leur pauvreté. Du nombre des dernières on fut particulièrement surpris de trouver celle qui devait venir
en aide au fonds de retraite de nos Instituteurs.
Passant ensuite à l’Instruction , le Synode eut d se plaindre tout d’abord de l’extrême faiblesse des admissions au Collège. Le mal est d'une
douloureuse évidence , et les causes n’en sont pas difficiles à découvrir :
la dispersion , la faiblesse , et les habitudes fort peu intellectuelles de
notre population ; la tendance essentiellement réaliste et utilitaire de
l’époque , la longueur des études classiques , la hâte de jouir, et par
conséquent l’indifférence générale pour tout développement intellectuel et moral un peu relevé , c’est plus qu’il n’en faut pour éloigner
nos enfants du Collège.
L'Instruction primaire offre-t-elle du moins quelque chose de plus
encourageant ? — Oui si l’on s’en tient aux chiffres et aux programmes :
mais si l’on regarde aux résultats et à l’orthographe p. ex. ou même
à la lecture , la Commission d’examen vous dira : « Qu’il est hors de
doute que le niveau de l’instruction primaire a baissé ». — Ici encore
le mal est entrevu, e l’on peut espérer que nous n’en resterons pas à
ce bon commencement.
La place nous manque pour nous occuper des travaux de la Commission d'Evangélisation , à la quelle le Synode témoigna sa plus vive
reconnaissance pour tout ce qu’elle a fait dans l’intérêt du règne de Dieu
parmi nos concitoyens. — Et quant à l'Hôpital, tout en remerciant les
paroisses dePomaret, d’Angrogne , de Massel, et très particulièrement
celle de Turin , les seules qui , avec deux ou trois bienfaiteurs , se
soient souvenues de cet établissement dans leurs collectes annuelles ,
comme on le voit au Rapport de la Table , il n’a qu’à recommander
aux autres paroisses de ne plus l’oublier si complètement à l’avenir.
Après la discussion des trois Rapports de la Table, de la Commission d’Evangélisation et de la Commission des Hôpitaux, l’Assemblée
entendit avec intérêt le Rapport de M.*’ l’Inspecteur des Ecoles. Nous
avons touché déjà à cet important sujet de l’Instruction ; il fera bientôt
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l’objet d’une étude plus complète et plus approfondie. Nous ne mentionnons également que pour mémoire un Rapport oral de la Table
sur la Typographie Claudienne , et nous nous arrêterons un instant
au Rapport sur l’application du principe de la libre nomination des
pasteurs. Les lecteurs de YEcho savent déjà l’accueil qui a été fait au
sein des Paroisses au projet d’application ; quatorze sur seize l’ont rejeté ; mais il est juste d'ajouter que neuf au moins se sont prononcées
formellement contre la libre nomination et non pas contre le projet
seulement. Quant au mérite intrinsèque du projet lui-même, on n’a
pas été avare de critiques ; — l’on a accusé la Commission d’avoir
outrepassé son mandat et d’avoir mal posé la question ; mais le mandat
était passablement compliqué et nous ne savons trop si une autre Commission aurait pu s’en acquitter. — L’on a reproché à la Commission
d’avoir trop demandé ; mais , en conscience , pouvait-on demander
moins qu’un centime par semaine ? Le reproche nous a paru bien naif.
— Une troisième objection au projet , c’est qu’il manquait de sens
pratique ; l’on a répondu avec raison qu’il était tout aussi praticable
que le prélèvement du sou hebdomadaire , lequel a porté de si beaux
fruits partout où on l’a établi.
L’on aurait pu aisément prolonger la discussion , si, en présence du
vote négatif des Paroisses, l’on n’avait pas eu la conviction bien claire
que la question était vidée. Il fallait néanmoins arriver à un résultat,
sans lequel l’agitation produite dans les paroisses eût été complètement
stérile. — Aussi, laissant à l’avenir le soin de mûrir la question de la
liberté des Eglises, le Synode s’occupa-t-il d’en préparer la solution
en invitant chaque paroisse à s’occuper , sans retard , de la constitution
d’un fonds spécial , destiné à subvenir à ses propres besoins, administré par le Consistoire et alimenté soit par des collectes régulières,
soit par des souscriptions volontaires.
Le Synode a mis ensuite la main aux Réglements organiques. Dix
articles seulement du premier chapitre ( Réglement pour la Paraisse ) ont
pu être votés; mais si, selon le vœu du Synode, pasteurss et anciens
se pénètrent bien de leur esprit et de leur portée , l’Eglise a le droit
d’en attendre des fruits excellents , surtout en ce qui concerne le mode
d’admission des Catéchumènes , lequel a été jusqu’ici, et dans la généralité des cas , bien peu rationnel et peu évangélique.
La discussion des propositions diverses a occupé l’Assemblée Synodale pendant six heures.. C’est peu quand on songé qu’il en est sorti
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17 articles faisant autorité; mais tous , on le comprend , n’ont pas la
même importance , et plusieurs n’ont pas nécessité un examen approfondi. En fait de décisions marquantes , nous pouvons citer l’arrêté ,
déjà mentionné , par lequel chaque paroisse est invitée à constituer
un fonds destiné à ses besoins particuliers ; la nomination définitive
d’un Professeur d’exégèse à l’Ecole de théologie ( voyez Nouvelles ) ; la
résolution de faire lire au Synode les rapports d’au moins deux paroisses désignées , séance tenante , par le sort, et desquelles on examinera d’une manière spéciale l’état spirituel ; le vote 'qui reconnaît
à M.' Tourn ex-régent son droit à la pension de retraite. — Nous ne
pouvons rien dire des düférentes adresses que le Synode a votées, car
elles ne sont pas encore rédigées. La première est une lettre à nos
frères de Barletta ; le seconde une lettre à une Eglise Evangélique d’
Espagne qui lui a fait parvenir ses salutations; la troisième est une
réponse à la Congrégation Evangélique de Florence , qui a annoncé
qu’elle venait de s’organiser sur la base de notre constitution ; enfin
la quatrième , rédigée par la Table et transmise par elle à S. M. Victor
Emmanuel, devra exprimer à notre Auguste Souverain les vœux que
fait l’Eglise pour lui et pour la patrie au milieu des circonstances solennelles du moment.
Enfin le Synode a procédé à la nomination des Commissions diverses , et une fois de plus a témoigné son approbation pour la manière
dont elles se sont acquittées de leur mandat en les confirmant dans
leur totalité. En effet la Table a été réélue dans la totalité de ses
membres, la Commis.sion d’Evangélisation dans la totalité de ses membres moins un , et la Commission des Hôpitaux a été toute entière
confirmée.
11 nous resterait à parler de la réception des députations étrangères
(jeudi 17 mai, à 4 h. du soir); le manque d’espace nous le défend,
comme aussi le fait que les allocutions des députés et du Président
vont être prochainement publiées dans le Compte-Rendu du Synode, ce
qui nous permettra d’y revenir à notre aise. M.“' le pasteur Louis Bridel,
député de l’Eglise Libre, du Canton de Vaud , a le premier pris la parole; puis M.’’le pasteur Roger Hollard , député de l’Union des Eglises
Libres de France ; puis le rév.'* D."' R. W. Stewart, député de l’Eglise
Libre d’Ecosse ; puis M.' Jaulmes-Cook, délégué de la Société des Ecoles du Dimanche ; puis M.' Frédéric Hamilton , député de la Congrégation Evangélique de Florence. M.' le Président leur a répondu à cha-
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cun séparément; et bien que la réception ait eu lieu après le service
de Consécration, qui dura deux heures, l’attention n’a jamais fait défaut , et la séance destinée à cet objet spécial n’a point cessé d’ètre
une des mieux remplies et des plus intéressantes.
La session synodale a été close vendredi, 18 mai, à 6 h. du soir,
après une prière d’action de grâces prononcée par M.” le Président,
et le chant de la Doxologie ; « Gloire soit au Saint Esprit ».
BIOGRAPHIE
LINCOLN
(1)
Le quatorze avril nous rappelle un événement qui jeta la stupeur
et le deuil non seulement dans la nation qui fut surtout frappée par
ce coup fatal, mais encore dans le monde civilisé tout entier.
Tous les gens honnêtes, en quelque lieu que ce soit et à quelque
parti qu’ils appartinsent, ont jeté un cri d’indignation à l’ouïe de l’assassinat dont fut victime l’homme du devoir, l’homme enfla qui fut
dans les mains de Dieu l’instrument de la délivrance et du relèvement d’une race d’hommes.
Les journaux ont manifesté alors toute la part qui fut prise, en tout
lieu, au deuil d’.-Vhraham Lincoln.
A une année de distance de ce fatal événement, nous ne pouvons
nous empêcher de le rappeler à nos lecteurs et de leur présenter à ce
propos quelques traits de la vie de ce grand homme.
Tous connaissent plus ou moins dans Lincoln l’homme éminent, le
président, le libérateur des nègres esclaves; et cependant que de choses
d’un haut intérêt, peu connues ou déjà oubliées, il y‘avait à relever
dans la carrière publique de cet homme extraordinaire ! Mais ce n’est
pas du Président des Etats-Unis que nous désirons dire un mot à l’occasion de l’anniversaire de sa mort ; cela pourra se faire une autre
fois. Pour le moment nous ne voulons considérer dans Lincoln que
l’enfant de la campagne , le jeune paysan , le manouvrier travaillant
péniblement, luttant contre les difficultés les plus grandes et s’élevant
peu à peu , par sa seule énergie , jusqu’à la haute position qu’il occupait pour le bien de son pays et de l’humanité quand la main d’un
scélérat vint tronquer ses jours (Sj.
(1) Cet article devait être inséré dans le num- du mois d’avril, le manque d’espace nous le fît renvoyer à celui-ci.
(2) Les détails qni vont suivre sont tirés et souvent copiés d’un petit ouvrage
de Mr Bungener intitulé Lincolnsa vie, son oeuvre et sa mort. Lausanne 1865. II
se trouve en vente chez le gérant du journal.
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Lincoln , descendant d’un compagnon de Guillaume Penn , naquit
en 1809 , dans le Kentuky , où son grand père avait été se fixer avec
sa famille, en 1780 pour y être, hélas! bientôt massacré et scalpé par
des sauvages. Ses fils alors se dispersèrent, et le plus jeune , Thomas,
le père de notre héros , resta seul avec la mère. Simple journalier
allant travailler de ferme en ferme, il ne reçut aucune instruction.
11 savait lire cependant, mais il ne sut Jamais manier la plume que
pour faire tant bien que mal son propre nom. Nancy Hanks , qu’il
épousa en 1806 et qui , trois ans plus tard, donnait le jour à Abraham
Lincoln , n’en savait pas davantage. Il ne faudrait cependant pas se
représenter Thomas, dans sa pauvreté et son manque d instruction,
comme un homme grossier , esclave des préjugés ou abruti par la
misère ; il était intelligent, sérieux, religieux, indépendant de caractère,
digne descendant de ces premiers émigrants qui étaient allés chercher
au Nouveau Monde la liberté de servir Dieu selon leur conscience.
Quant à sa femme, elle avait du bon sens, de la pénétration, un
discernement sûr , mais surtout elle fut une mère chrétienne, puisant
en abondance pour elle et pour ses enfants dans le trésor de la sagesse et de la connaissance , je veux dire la Bible. Malheureusement
elle les quitta bientôt. Abraham n’avait que neuf tfns quand elle délogea. Mais il conserva toute sa vie le souvenir précieux de ses enseignements et de son exemple , et ce qu’il fut dans la suite de plus
qu’un homme ordinaire, c’est, après Dieu, à son excellente mère qu’il
le devait.
Sa confiance en Dieu, son besoin de l’invoquer eu tout temps , et de
lire journellement sa Parole, sa foi dans le triomphe de la vérité et de
la justice , son calme dans les angoisses, sa bienveillance envers tous,
amis ou ennemis , toutes les qualités qu’il déploya plus tard sur un
si vaste théâtre, il en avait vu le modèle dans la cabane de son père
en celle qu’il appelait du doux nom de mère et dont il ne prononça
jamais le nom qu’avec un sentiment de respectueuse affection.
A l’âge de sept ans , Abraham fréquentait une école en compagnie
de sa sœur. Mais son père , ennemi de l’esclavage , ne pouvait, à cause
de ses opinions , sympathiser avec ses voisins propriétaires d’esclaves ;
il se décida à émigrer dans l’Etat d’Indiana, pays alors presque sauvage , mais exempt du moins de la lèpre de la servitude. Cette résolution interrompit tout à fait pour Abraham ce premier commencement d’instruction.
Son père alla choisir un lot de terrain et revint prendre sa famille
qui, sur trois chevaux', se transporta dans la nouvelle patrie. On peut
se figurer ce que dut être ce voyage de plusieurs jours à travers un
pays sans routes , sans habitations , couvert d’arbres séculaires , peuplé
d’animaux dangereux et d’indiens presque plus dangereux encore. —
Arrivés sur le lieu, il fallut d’abord, pour s’y établir,, dépouiller de
ses arbres un espace de terrain afin d’y élever l’habitation. Le père
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prit une hache , en donna une à son fils , et aidés d’un ami , ils se
mirent à l’œuvre. Bientôt une maison s’élevait sur un carré de seize
pieds. Les parois en ôtaient faites de troncs d’arbres aussi rapprochés
que possible. Les interstices étaient remplis avec des branchages et
plâtrés de terre glaise. A l’intérieur une seule pièce à l’usage de la
famille, et au dessus, près des poutres du toit, un réduit où l’on
arrivait par une échelle. C’est là qu’après le rude labeur du jour
allait se reposer le futur habitant de la Maison Blanche.
A la mort de sa mère Abraham savait lire et il avait un ardent
désir de recevoir une instruction régulière. Mais le moyen de se la
procurer ?.... Il n’avait pas , comme la plupart des enfants de notre
pays, l'avantage de se trouver à quelques pas d’une école, où l’on ne
demande pas mieux que de les instruire , même en se donnant pour
cela beaucoup de peine. Il ne trouvait à lire chez son père qu’un ou
deux volumes outre la Bible , et il ne lui était pas facile d’en trouver
à emprunter. Combien ne se serait-il pas estimé heureux s’il avait pu
profiter d’une bonne bibliothèque , comme le pourraient tant de jeunes
gens qui en font si peu de cas.
Mais quand on désire ardemment une chose, on devient industrieux
pour se la procurer, et le jeune Lincoln , privé de tout autre moyen
d’instruction , fut assez heureux pour trouver à emprunter quelques
livres. — Son père ne lisait guère lui même et il entendait bien que
•Ibraham partageât tous ses rudes travaux. Cependant, voyant le goût,
prononcé de l’enfant pour la lecture , il lui permit de consacrer à
cette occupation quelques heures par jour.
Parmi les livres qu’il lut à cette époque, trois surtout doivent être
mentionnés comme ayant exercé une influence marquée sur son
développement intellectuel et religieux. Ce furent les Fables d’Esope
qui devinrent pour lui autant de sujets de réfloxion , et dont plus tard,
dans ses discours à la tribune, il savait tirer un parti admirable. Ce
fut en second lieu la vie de Washington par Weems. Il avait emprunté
ce livre dun voisin , M' Crawford, qui lui avait recommandé d’en avoir
grand soin. Mais voilà qu’une nuit, une forte pluie ayant percé le
toit; l’eau dégoutta précisément sur le précieux volume placé à côté
de son lit, et y fil un horrible et irréparable dommage Le jeune garçon
en fut terrifié. Que faire ?... le payer ? il n’avait pas l’argent et ne
voulait pas le demander à son père. Il prit le volume, courut chez
M'' Crawford et lui montrant le dégât qu’il avait subi, il lui offrit de
venir travailler chez lui jusqu’à ce que le livre fût payé. Il eût été
facile à M'^ Crawford de le tranquilliser en lui faisant cadeau du livre
et tout eût été fini par là ; mais quoi qu’il fût ému en voyant là peine
que cet accident avait occasionnée au jeune garçon, cependant, en
homme judicieux, il crut devoir accepter l’offre. Par là il fortifiait dans
l’enfant le sentiment de la responsabilité et de cette indépendance qui
ne veut devoir rien à personne et qui ne considère comme vraie acqui-
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sillon que le produit de son propre travail. Il lui donnait ainsi une
leçon précieuse , qui ne devait pas être perdue. Le jeune Abraham
travailla trois longues Journées pour payer son livre ; mais aussi combien ne lui fut-il pas précieux après cela, tout endommagé qu'il était,
et combien lui paraissait plus grand encore le héros dont il l’entretenait!
Il ne faudrait sûrement pas désirer que tous les enfants fussent
placés en face de difficultés pareilles à celles dont fut entourée l’enfance de Lincoln; bien peu auraient assez d’énergie pour les surmonter ; mais d’un autre côté , nous pensons que l’on rend le plus mauvais service aux enfants en leur aplanissant tous les obstacles, en
ôtant de leur route toute difficulté. Laissons-les aux prises avec les
obstacles ; ne leur aidons à les surmonter que quand ils ne peuvent
faire tout seuls et, autant que possible, qu’ils ne se doutent pas qu’on
est venu à leur secours. Un enfant abîme ses livres , détruit ses cahiers,
perd ses plumes et ses crayons, et vous, parents compatissants, vous
ne voulez pas lui faire de la peine, vous remplacez promptement le
tout et vous vous dites pour vous rassurer ; « il deviendra plus soigneux à mesure qu’il avancera en âge Mais en attendant, par votre
tendresse mal placée vous facilitez chez lui des habitudes funestes ;
vous faites naître dans son âme ou vous y fortifiez des principes qui
auront une influence pernicieuse sur toute sa vie.
Cela seul nous est cher qui nous a coûté cher. Pourquoi les enfants
n’acquerraient-ils pas ce dont ils ont besoin pour fréquenter l’école
par des moyens mis à leur portée, par un travail qu’ils feraient pendant les heures de récréation et qui leur serait rétribué non en raison de sa valeur , mais en raison de la peine qu’il leur aurait coûtée ?
Et surtout pourquoi ne devraient-ils pas remplacer eux-mêmes les objets perdus ou gâtés par leur négligence ? Il n’y aurait le plus souvent qu’à leur suggérer les moyens pour qu’aussitôt ils les missent
en pratique. Quelles leçons d’économie, d’ordre et de responsabilité
propre ne leur donnerait-on pas, leçons pratiques, partant plus efficaces que tous les préceptes!
Le troisième livre dont Lincoln retira un grand profit et qui contribua grandement à affermir en lui sa conflance en la Providence
de Dieu, et son courage dans la lutte, ce fut le Pèlerinage du Chrétien
de John Bunian. Cet ouvrage n’est pas du goût de tout le monde sans
doute ; mais qui pourrait dire tout le bien qu’il a fait ? Beaucoup de
chrétiens s’accordent à dire qu’après la Bible c’est le livre qui leur a
été le plus utile. Il est peu apprécié chez nous parcequ’il y est fort
peu connu. 11 est vrai que la traduction française que nous en avons
( j’ignore s’il y en a d’autres meilleures ) laisse bien à désirer ; mais
en revanche , la traduction italienne qu’en a donnée le docteur Bianciardi mérite d’être étudiée par tous nos jeunes gens.
Avons-nous besoin de faire observer que la lecture la plus assidue ,
la plus régulière, la lecture favorite de Lincoln c’était celle de la Bible î
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Ce livre si rempli de doux souvenirs , ce livre qu’il avait lu sur les
genoux de sa mère , et qui était pour lui l’héritage de ses pères , il
conserva l’habitude de le lire journellement jusqu’à sa mort. Un de
ses amis raconte qu’ayant été un matin de bonne heure pour lui
parler d’affaires lorsqu’il était président et que'f entendant parler à
haute voix dans sa chambre , il demanda s’il y avait déjà quelqu’un
auprès de lui ; « personne , lui fut-il répondu ; il lit sa Bible C'est
ce fait qui , en Europe, a paru si étrange à une foule de gens incapables de concevoir qu’au milieu de tant d’occupations et de préoccupations, Lincoln pût trouver chaque jour du temps pour lire la Bible.
Ah ! si la Bible était pour eux ce qu’elle fut pour Lincoln , ils comprendraient (jue cette heure là était la mieux employée , car c’était
l’heure où le grand’homme se retrempait dans la communion de Dieu,
et puisait dans cette communion la force pour soutenir le lourd fardeau qui pesait sur ses épaules.
Revenons à son enfance. A l’âge de treize ans il put retourner à
l’école. Jusques là il n’avait écrit qu’avec du charbon ou de la craie
sur les murs et les portes ; alors il apprit à faire usage de la plume.
Il aimait beaucoup l’arithmétique , mais il en sut bientôt autant que
le maître et il en fut de même de tout ce qui était enseigné dans cette
école. Oh ! si du moins elle avait été ce que sont aujourd’hui les
écoles primaires aux Etats-Unis, que de ressources il y aurait trouvées
dont il dut se passer! Du reste son père trouvait que pour sa profession il en savait assez ; il dut retourner aux rudes travaux du
bûcheron-agriculteur. Il n’avait pas fait en deux fois une année complète d’école; et pour lui ce fut tout; dorénavant il n’ira plus jamais
s’asseoir sur les bancs d’une école quelconque. Il deviendra avocat ,
mais pour le devenir , il ne fréquentera ni collège , ni gymnase , ni
académie, ni université ; il n’aura d’autre maître que lui-même, ses
études il les fera tout seul, sans autre secours que des livres , et
souvent des livres empruntés , car il n’aura pas toujours les moyens
de les acheter. Ses camarades d’école se souviennent fort bien de lui ;
ils indiquent comme trait distinctif de son caractère dans ce temps là
qu’il était un faiseur de paix. C’était pour lui un besoin de mettre la
paix entre les querellants. Il reçut souvent des coups en voulant
exercer le charitable office de pacificateur ; rarement il lui arriva d’en
donner et ce ne fut jamais que pour défendre le faible contre le fort.
De quatorze à vingt ans , Lincoln mena une vie de plus en plus
rude ; tour à tour bûcheron et laboureur , il développa considérablement ses forces physiques par ces exercices violents qui eussent
pu nuire à tout autre , mais que sa forte constitution lui permettait
de supporter. C’est sans doute alors que le maniement de la hache
et des instruments aratoires lui développèrent cette large main dont
on a tant parlé ; cette large main qui donnait une étreinte si cordiale
à tous ceux qui lui tendaient la leur.
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A vingt ans il entreprend une nouvelle carrière non moins rude ,
il se fait batelier, mais batelier pour des courses de mille à douze
cents lieues , par l’Ohio et le Mississipi jusqu’à la Nouvelle Orléans
La descente était comparativement facile , mais le retour ne pouvait s’effectuer qu’en surmontant les plus grandes difficultés. Il fallait vaincre
le courant pendant des centaines de lieues ; la barque était grossièrement faite , ayant plutôt la forme d’un radeau que d'un navire ,
point de voiles, pas d’autre moteur que les rames. Remonter à force
de rames, ah ! certes, il y avait de quoi développer les muscles-des
mains.! O Lincoln! avec quelle effusion j’eusse voulu baiser cette main
que le rude travail avait peut-être un peu trop développée, mais qui
par là avait acquis la fermeté indispensable pour tenir plus tard
d’une manière sûre le gouvernail d’une si grande embarcation!
Le voyage durait des mois , et dans une seule course l’on passait
par tous les degrés de température , depuis les glaces de l’hiver jusqu’aux chaleurs accablantes de l’été. Sur le bateau point d’abri , pas
d’autre lit que les planches et une mauvaise couverture. Ajoutez les
dangers de toutes espèces , danger de la fièvre au sud , des ouragans
au nord , des pirates partout.
Un jour , attaqués par des nègres , ils n’échappèrent qu’à grande
peine et ne durent leur salut et la conservation des marchandises
qu’au courage et à la persévérante énergie de Lincoln. Plus lard il se
vengera des nègres en leur donnant la liberté. — Lincoln n’avait aucune
part aux bénéfices sur la vente des marchandises et n’avait pour tout
salaire, dans une entreprise si périlleuse, que cinquante francs par mois.
Cependant ce long voyage eut pour lui deux importants résultats.
Homme de réflexion , ;tout servait à l’instruire. Il acquit quelques
connaissances en affaires, et, surtout, il eut occasion, en traversant
les Etats du Sud , d’observer la plaie de l’esclavage et de s’aff’ermir
toujours plus dans la conviction héréditaire que c’est une affreuse
abomination. A son retour, son père, plutôt ami du changement, se
décida pour une nouvelle émigration dans l’Illinois. En mars 1830 il
partit avec son üls, sa fille, sa femme (il s’était remarié), deux filles
de cette dernière , et leurs maris. Le voyage se fit en quinze jours
sur des chars à bœufs. Là, comme dans l’Indiana, on éleva une maison
qui donna un abri à toute la famille.
Cette année là l’hiver fut terrible ; on n’avait dans la maison d’autre
provision que du blé. Abraham , qui jusqu’alors n’avait guère eu le
temps de manier le fusil, ayant consacré tous ses loisirs à la lecture ,
fit de nécessité vertu et il fournit de gibier toute la famille. A la fin
de l’hiver il entreprit un nouveau voyage à la Nouvelle Orléans, plus
long encore que le précédent, car il se trouvait alors plus au nord.
A son retour son patron , qui l’avait reconnu capable de bien autre
chose que de manier la rame ou l’aviron, lui offrit la direction d’un
moulin et d’un petit commerce. Le voilà changeant encore de profes-
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sion et devenant meunier et petit commerçant à New-Salem dans rillinois. En peu de temps il possédait l’estime de tous les habitants du
lieu qui l’appelaient familièrement, par manière de sobriquet, d’un
nom fort honorable : c’était l'honnête Abraham , et par abréviation , l'honnête Abe. Plus tard des millions de bouches devaient le pronocer comme
l’éloge le plus glorieux qu’une nation puisse donner à son chef. L'honnête Abe était pour Lincoln ce qu’est pour notre Victor Emmanuel le
Re Galaniuomo.
La première année de son séjour dans la petite ville de New-Salem,
deux faits vinrent montrer â quel point il était en estime.
Les sauvages indiens menaçaient l’Illinois. Lincoln s’enrôle dans
une compagnie de volontaires pour marcher contre eux; cette compagnie le nomme son capitaine. On n’eut pas à se battre ; mais on
eut cependant l’occasion de reconnaître la valeur de ce capitaine improvisé. A peine de retour de cette expédition , on parlait déjà de
l’envoyer à la législature de l’Illinois. Hier batelier, aujourd’hui capitaine, demain homme d’État, — c’était marcher un peu vile. Il obtint
le vote de tous les habitants de la ville ; mais ceux de la campagne
ne le connaissant pas , donnèrent leurs voles à un autre en sorte
qu’il ne fut pas élu.
Il joignit alors à son commerce la profession de maître de poste ;
mais c’était là tout autant de professions qui ne devaient être que
temporaires ; il n’avait pas encore trouvé celle pour laquelle il était
fait. Il eut l’idée d’étudier le droit ; il emprunta quelques livres et
se mit à l’ouvrage; mais il fut bientôt arrêté dans sa carrière studieuse
par la nécessité de vivre. Un de ses amis, agent d’affaires , qui régissait différentes propriétés, le persuada d’embrasser cette profession
qui était plutôt lucrative. Quelques jours de pratique dans le bureau
de son ami lui suffirent, il se mit à exercer pour son compte. Les
clients ne lui manquèrent pas; et pour la première fois, il vit entrer
dans sa caisse des sommes un peu considérables. Mais il n’avait aucun
goût pour ce genre d’affaires ; et au bout d’un an il eut une occasion
très-favorable d’en sortir : il fut envoyé , cette fois , à la législature de
l’Illinois. 11 se rendit à Springfield chef-lieu de l’État, et là, jouissant
de plus de ressources, il se voua décidément â l’étude du droit. Deux
ans après, en 1837, il était reçu avocat et s’établissait définitivement
à Springfield. Il commença dès lors à se prononcer publiquement
contre l’esclavage ; ainsi en mars 1837 , dans une protestation contre
des mesures prises par la législature en faveur de l’esclavage , il exposait déjà à ce sujet les mêmes opinions qu’il professa toute sa vie.
Mais c’est comme avocat qu’il acquit en peu d’années une grande
célébrité II prêtait ses services aux plus pauvres comme aux plus
riches ; la seule condition qu’il éxigeàt absolument ( a-t-on besoin de
le dire ? ), c’est que la cause fût' juste; car pour être la lumière du
barreau, il ne cessait pas d’être l’honnête Abraham. Sa conscience ne
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lui aurait pas permis à lui de prendre le rôle que do nombreux avocats d’ailleurs distingués ne craignent pas de jouer en défendant une
mauvaise cause avec autant de chaleur et de conviction que si elle
était bonne. Consultez les procès qui se débattent devant nos Cours
d’assises, et voyez avec quelle habileté, avec quels efforts prodigieux
d’éloquence, d'illustres avocats ne craignent pas de surprendre les
jurés et les juges en soutenant la prétendue innocence de gens qu’ils
savent, souvent mieux que personne , être d’insignes criminels. Jamais
Lincoln n’aurait pu se plier à un tel rôle. 11 croyait lui que les criminel^ méritent d’être punis et doivent l’ètre ; et que les innocents
seuls doivent être absous et par conséquent défendus. Mais en défendant une cau.se juste, il fallait absolument que la justice triomphât.
Il plaidait avec aisance et naturel. Il avait dans sa mémoire une foule
d’anecdotes qui arrh’aient à point nommé pour illustrer un argument.
Ses comparaisons étaient heureuses, et, au besoin, l’apologue même
venait prendre une place convenable dans son discours. Les plus
petites choses prenaient de l’importance dans sa bouche pareequ’il
savait les rattacher toujours à de grands principes.
Il n’est pas d’avocat digne de ce nom qui ne soit heureux d’être
appelé à défendre l’innocence menacée. C’était aussi un vrai bonheur
pour Lincoln. Il semblait alors qu’il plaidât pour lui-même , tellement
il faisait sienne la cause de son client. Terminons en citant un fait
bien connu.
Un jeune homme nommé Armstrong était accusé d’avoir commis
un meurtre. Lincoln avait autrefois travaillé chez le père de ce jeune
homme ; il connaissait bien sa famille et avait la conviction morale
qu’il ^tait innocent. Il écrivit à la mère pour lui offrir gratuitement
ses services. Il étudia la cause et se persuada que l’inculpé était
victime d’un affreux complot. Cependant un témoin déclarait avoir vu
Armstrong plonger le poignard dans le cœur de l’assassiné ; il indiquait
le lieu, le jour et l’heure et disait n’avoir pu se tromper, vu que la
lune brillait en son plein. Lincoln lui fit répéter tout cela à l’audience,
puis, l’almanach à la main, il montra que ce jour là la lune s’était
levée au moins une heure plus tard que celle indiquée comme le
moment où s’accomplit le crime. Partant de ce point gagné il lui fut
facile de renverser tout le reste. Le jury à l’uuanimité reconnut et
proclama l’innocence du jeune homme.
Lincoln avait dit le matin à la mère qu’avant le coucher du soleil il
lui rendrait son fils; et comme, au moment de l’acquittement, la mère
et le fils s’élancaient vers lui pour lui témoigner leur reconnaissance,
se trouvant près d’une fenêtre, il montra à la mère le soleil s’inclinant
sur l’horizon, et d’une voix émue il lui dit : Il n’est pas encore couché et votre fils est libre.
Un tel homme méritait bien de devenir un jour Président des EtatsUnis.
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NOUVELLES DIVERSES.
Ecole Ue Théologie de Florence. — Depuis quelque temps on
sentait le besoin de porter au complet le nombre des Professeurs à
l’Ecole de Théologie de Florence. Sans doute qu’à force de travail et
aidés de M.'’ Desanctis , qui a bien voulu nous prêter ses services , les
deux professeurs déjà nommés, l’un pour la théologie historique,
l’autre pour la théologie systématique , auraient pu , à la rigueur ,
continuer à se partager les leçons d’exégèse et d’introduction ; mais
outre que telles n’étaient pas les dispositions du réglement . l’Evangélisation a occupé jusqu’ici, et doit occuper encore, une trop graiide
partie de leur temps et de leurs forces pour qu’ils puissent suffire à
tout. — Sur la proposition du Corps des Pasteurs le Synode vient de
nommer définitivement à la chaire d’exégèse M.'’ Georges Appia. —
L’activité bien connue de M.’’Appia , son talent, son expérience dans
l’œuvre d’évangélisation , et surtout sa pieté éprouvée , sont autant de
garanties que notre Ecole aura fait une bonne acquisition. — Puissent
le nouveau professeur et ses collègues nourrir abondamment leurs
élèves de la pure et vivante doctrine de l’Evangile , et avoir la joie
de donner au Seigneur des ouvriers bien préparés pour son service!
Consécration de deux Candidats au S. ministère. — C’est
encore dans sa réunion du 25 avril dernier que le Corps des pasteurs,
sous la présidence de la Table , a procédé à l’examen des candidats
au Saint Ministère, MM. Mardochée Devita de GiiToni (province de Sáleme), François Rostan de Praly, et Charles Malan de la Tour. —
Les diplômes ou certificats d’études , délivrés par le Conseil de l’Ecole
de théologie de Florence , ayant été trouvés authentiques et suffisants,
les candidats furent successivement appelés à manifester publiquement
leur convictions religieuses sur la personne de J. C., sur l’expiation, sur
la sanctification et sur la Sainte Cène. L’exposition fut nourrie , parfois
même elle fut chaleureuse ; et quand vint le tour de répondre aux
questions et aux objections , les candidats le firent encore à la satisfaction des examinateurs. — Huit jours après ( le 3 mai ) et sur des
textes donnés d’avance (Philip. Il 12, 13; Jean XV 5; Jean XIII 17) les
candidats durent prêcher devant une délégation du Corps des pasteurs ,
le sermon dit d'épreuve. L’assemblée, assez nombreuse pour un jour
ouvrable , écouta sans désemparer les trois prédications , et de son
côté la Commission des pasteurs fut ici encore unanime à reconnaître
l’épreuve suffisante , les observations ayant porté sur la forme et la
manière de traiter le sujet plutôt que sur la doctrine , qui fut trouvée saine et scripturaire.
La Consécration , publiée dans toutes les paroisses pendant deux
dimanches consécutifs , fut fixée au 17 mai, troisième jour du Synode.
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— C’était en quelque sorte l’Eglise Vaudoise tout entière cette fois qui
dans ses pasteurs et ses autres représentants allait consacrer ses propres
ministres. — A deux heures p. m. le temple des Coppiers était comble.
Après une courte et bonne prédication sur ces paroles de .lésus : —
« Je suis le chemin , la vérité et la vie; nul ne vient au Père que
par moi » ; —après avoir lu aux candidats la portion de la liturgie qui les
concerne , et leur avoir encore une fois rappelé leurs saintes obligations , le prédicateur ( Revel ) imposa successivement les mains à
l’un et à l’autre des récipiendaires — tous les pasteurs s’unissant de
leur place à Pacte du ministre ofliciant. — Le tout se termina par la
prière. — La prière en effet, l’action de grâce , l’adoration , c’est bien
la seule clôture digne d’un acte aussi sérieux que celui qui nous
occupe. — Tel était sans doute le sentiment de l’assemblée qui â certains moments semblait u’étre qu’un cœur et qu’une âme , tant elle
était émue et recueillie.
Nous ne voulons pourtant pas dire que l’usage de la langue italienne
ait contribué pour beaucoup à l’édification générale. — Certes on doit
se réjouir que pour la première fois Pidióme national ail d’un bout à
l’autre de l’examen remplacé le français ; jusqu’au sermon de consétion , tout s’est fait en langue italienne. —■ Mais ce qui ne pourra
manquer d’être agréable â la génération qui s’élève, est encore une
difficulté pour quantité de personnes.
Ce qui a vraiment donné à cette consécration un’intérôt particulier,
c’est la circonstance que des deux candidats, qu’on avait devant soi,
l’un venait de Praly et l’autre de Salerne , l’un des froides sommités
des Alpes Cottiennes , l’autre de l’extrémité méridionale de la péninsule ; l’un avait été élevé dans notre vieille Eglise Vaudoise , et l’autre
nous arrivait du couvent, où il avait passé seize années. — M.'' Antoine Mardochée Devita , en effet, né â Giffoni dans la province de
Salerne , entra jeune encore dans un couvent de Franciscains réformés , où il demeura huit ans sous le nom de Fra Bonaventura da
Giffoni, et 8 autres années sous celui de Padre Bonaventura, ayant
été ordonné prêtre par Pévèque Petagno. — Estimé de ses supérieurs
qui l’auraient volontiers gardé au couvent, malgré ses opinions libérales , et plus tard même avec sa Bible, il ne sait parler d’eux à son
tour que d’une manière favorable. — Seulement en 1860, ne sachant
comment servir autrement son pays, il accompagnaGaribaldi en qualité d’aumônier , et fut comme tel au siège de Capoue. — De retour
au couvent il se fit admettre au cercle démocratique de Salerne , et
c’est au sortir de là qu’un soir, en janvier 1862 , un colporteur lui
fit cadeau à l’hôtel d’un exemplaire de la Lucile d’A. Monod. —■ Un
mois plus tard et au cercle même il fit la connaissance de M."" Alb.“
qui à son tour ne tarda pas à le mettre en relation avec M.'' Roller
alors pasteur á Naples. Mieux instruit de la vérité évangélique M.>^ Devita crut devoir manifester à ses supérieurs sa résolution de quitter
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—sole couvent , ce qu’il put faire en effet, pour se rendre à l’Ecole de
théologie à Florence, où il arriva au commencement de 1863. C’est
de là qu’après trois années de sérieuses études il nous a été adressé
muni des meilleures recommandations. — M.'’ Devita ¡est retourné.à
Naples, et M.“' Rostan a repris le chemin de Guastalla. Deux postes
bien difficiles par les temps qui courent !
Si des trois candidats que nous avons nommés au commencement
il ne s’en est présenté que deux pour la consécration , c’est que M.' Ch.
M. , outre qu’il n’avait pas achevé sa 23.® année, qui est l’âge requis
par nos réglements , était alors gravement malade , et qu’il continue
de l’être. — Ceci nous rappelle un autre étudiant en théologie , M.r
Pierre B. , qui aurait été notre à.*"® candidat sans la pénible maladie
qui lui a fait abandonner les études , et qui le retient depuis plus
d’une année. — Bien plus ! la semaine même où il aurait été appelé
à rendre son sermon d’épreuve , avec ses compagnons d’études , ce
cher ami voyait ensevelir 'sa bonne mère d’abord, puis son père , à
quatre jours d’intervalle !
Enfin , qui ne sait le vide que vient de faire dans les rangs de nos
étudiants de théologie la mort toute récente de notre bien-aimé Loms
Meille ? — Ce jeune ami avait fait des études soignées à Lausanne ,
puis à Turin , lorsqu’à la grande satisfaction de ses parents , mais de
sa pleine et libre détermination , il résolut d’aller se joindre au petit
noyau de nos étudiants en théologie à Florence. — Plein de confiance
en son Sauveur, que déjà il avait appris à servir lans la mesure de
ses forces , d’une culture intellectuelle plutôt rare à son âge, aimé
de tous ceux qui le connaissaient pour ses qualités non moins aimables que solides , il faisait la joie de ses amis aussi bien que de .ses
parents. Déjà l’on aimait à se le représenter en pleine activité... quand
une douloureuse maladie le vint arrêter tout d’un coup dans sa course ,
et changer en deuil-nos espérances. — Après sept mois de souffrances
et de langueur il vient de nous être retiré à sa 20.® année pour entrer
d’une manière q)lus active que jamais au service de son Maître et Rédempteur. — On voit que l’épreuve n’a pas manqué à nos étudiants
de théologie. Mais mettons la main sur notre bouche, car c’est Dieu
qui a fait cela. Notre devoir à nous , notre privilège c’est de supplier
notre Père céleste de soutenir de sa présence les deux étudiants retenus
encore par la maladie, et d’essuyer de sa main les larmes du père , de la
mère et de toute la famille qu’il lui a plu de plonger dans le deuil.
Avis aux Abonnés. MM. les Abonnés qui n’ont pas encore versé leur
abonnement, sont instamment priés de le faire aux adresses indiquées dans
les Conditions de l’.lbonnement reportées dans nos quatre n.°® précédents.
• ERRATA (N.o d'avril).
À la page 58, ligne 1, au lieu de: nouvelles locales, lisez: nouvelles religieuses.
> > ligne 3, > /lambeau, • flamme.
Pignerol, J. Chiantore Impr.
H. Jahier Gérant.