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Septlènxe axinée.
IV. 3.
19 Jaovier ISTS.
L ECHO DES VALLEES
FEUILLE HEBDOMADAIRE
Spéciiilemenl consacrée aux inléréls matériels et spirituels
(le la Famille Yaudoise.
Que toutes les choses qui sont véritables.oocupen,
vos pensées — { Philippiens., . 8.)
PRIX d’abonnphdrt :
Italie, à domicile (i/n au) Fr. 3
Suisse..................» 5
France..................» 6
Allemaçrne..............* 0
Angleterre , Pays-Bas . » 8
l'n numéro séparé : 5 cent.
Vn nimèro arriéré : 10 cent.
BUREAUX U AB0NNEMENT
XoRRK-PEf.r.icK : Via Maestra,
N.42, {Agenzia hìitliografica)
PifiNERor. : J. Chlantore Impr.
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ou portion de ligne.
Lettres et envois franco. S'adresser pour l’administration
au Bureau à Torr.e-PelUce,
via Maestra N. 42 — pour la
rédaction : â Mr. E. Malan
Prof • h Torre-Pelice
Sommaire.
Une tentative communanie à Angrogne.
— Des œuvres pies. — Correspondance.
— Une église dans les Alpes. — Nomelles
religieuses. — Chronique vaudoise. — Chronique polüique. —Annonce.—Souscription Stewart.
UNE TENTATINE COMMUNARDE
à Angrogne
Un ancien adage dit que la fortune favorise l’audace, audaciam
fortuna juvat-, sentence dont l’histoire nous présente fréquemment
la réalisation dans les mouvements
révolutionnaires, dans les émeutes
populaires et dans mainte entreprise hasardeuse. Mais l'histoire
nous montre aussi que les succès
obtenus de la sorte ne sont durables que lorsqu’à l’audace se
réunissent la raison et le bon droit,
c’est-à-dire lorsque l’audace devient un imperturbable courage.
Car, lorsque tout le mérite consiste
dans l’audace, on peut bien obtenir
un succès momentané, mais la
réaction ne tarde pas à se montrer.
Les partisans contraires, un mo
ment terrifiés , reviennent peu à
peu de leur stupeur et la scène
change bientôt d’aspect.
Les agitateurs et perturbateurs
peuvent régner plus ou moins longtemps, suivant que les circonstances les favorisent et suivant la
force matérielle dont ils peuvent
disposer.
Voyez, par exemple, la petite république de Genève: il y a vingtcinq ans, une poignée d’audacieux
suffirent pour y renverser un gouvernement bien établi, mais qui
eut le tort de se laisser dominer
par la peur. Et cette poignée d’audacieux s’étant emparés du siège
du Gouvernement et de la force,
se rendirent sur la place et, au
nom du peuple, qu’ils prétendaient
représenter, élurent un nouveau
gouvernement qui eut l'habileté
de se maintenir pendant une longue
suite d’années.
Il faut dii’e qu’outre des circonstances très favorables, ils avaient
aussi pour eux quelque apparence
de raison. Cependant leur tour
d’être mis de côté arriva et le fameux James Fazy, le dictateur de
2
-(18)
la république, fut renversé de son
piédestal et plongé dans l’obscurité de l’oubli.
Voyez les communards de Paris:
Ce n’est pas l’audace qui leur a
manqué , et le succès l’a momentanément couronnée; maîtres de la
force, ils en ont usé et abusé. Leur
haine s’est spécialement tournée
contre la religion et ses représentants. Voyant enfin qu’ils ne pouvaient plus se maintenir, ils conçurent l’infernal projet d’ensevelir
tout Paris avec eux sous les décombres. « Après nous, le déluge ». On
sait en effet de quoi ils se montrèrent capables. Mais leur tour est
venu, et plusieurs hélas! n’ont payé
que trop cher leur audace, leur
entêtement et leur égarement.
Dirait-on que ce long préam-.
bule doive nous amener à Angrogne ? C’est le cas cependant. N’y
a-t-il pas eu là une microscopique
tentative analogue ?
Les éléments communards n’y
ont pas fait défaut; il y a eu de
l’audace à revendre; l’autorité du
premier magistrat de la Commune
y a été méconnue à tel point que
son action en a été paralysée. Le
mépris de l’ordre et de la justice
y a fait explosion. Un conseiller
communal sans aucun droit et sans
autre autorité que son audace,
s’empare de la clef du bâtiment de
l’école, propriété du Consistoire et
non du Conseil Communal, et il refuse de la restituer même au Syndic. Contrairement à toute honnêteté et à toute justice, la majorité
de ce Conseil, sans son président
et malgré lui, installe sou régent
dans le local d’autrui et en refuse
dorénavant l’entrée à ses légitimes
possesseurs..
La haine pour la religion se
montre en ce que la majorité du
Conseil délégué, qui assume audacieusement des allures dictatoriales , refuse, pour les réunions religieuses, même les jours de dimanche, l’usage des locaux appartenant
à l’Eglise et où ces réunions se
sont toujours tenues. Ils auraient
dû s’emparer encore du temple
même et y tenir leurs clubs; c’aurait été un trait de ressemblance
de plus avec les communards de
Paris. Ce n’est pas qu’ils n’en aient
eu la pensée et l’on assure que c’était bien la volonté de quelques
uns qui projetaient d’y aller introniser de force leur idôle un jour
de dimanche. Mais ou leur audace
leur a fait défaut, ou ils n’ont pas
su saisir le moment propice; les
plus habiles se montrent quelquefois stupides. Maintenant qu’ils
voient leur feu de paille près de
s’éteindre et l’appui leur manquer
sous les pieds; maintenant que les
amis de la justice et de la paix reprennent courage, ils voudraient
bien, à l’instar des communards de
Paris, en renonçant forcément à
leurs prétentions, laisser au moins
quelque grave complication qui jetât dans un terrible embarras l’administration de l’Eglise; s’ils pouvaient par exemple forcer de quelque manière le pasteur, qui a
souffert plus que tous dans cette
crise, à abandonner son poste.....
ce serait pour quelques uns une
douce satisfaction. Il y a sans doute
en ce moment plus d’une question,
plus d’un projet à l’étude.
Déjà l’on dit que des conseillers
se consultent auprès du chef d’une
secte religieuse qui se trouve dans
la Commune d’Angrogne, pour sa-
3
-{19)
voir quelle conduite ils doivent
tenir dans les conjonctures présentes à l’égard de l’église et de
son administration. Peut-être aviseront-ils aux moyens de l’introduire dans quelques uns des locaux
de l’église dont ils se sont emparés,
afin qu’il y implante ses réunions
et ses doctrines; meno male, si seulement ils s’engagent eux mêmes à
fréquenter ces réunions plus assidûment encore qu’ils ne fréquentent les cabarets.
Mais les éléments communards
ne se trouvent pas seulement à Angrogne; il y a dans un voisinage
peu éloigné un coryphée des principes communards, principes dont
il est tellement imprégné, qu’il les
exhale par tous les pores. Il est
vrai que son audace est de la plus
mauvaise espèce, car c’est celle du
traître ; il est vrai qu’il n’ose mettre au jour ses principes que sous
le voile de l’anonyme et que tout
en disant faire preuve de courage,
il donne la preuve trop patente de
sa lâcheté. Mais nous n’entrons pas
en discussion avec lui, ce serait
trop nous avilir que de le faire;
nous nous bornons à l’avertir que,
malgré les soins qu’il prend de se
cacher , il n’est que trop connu.
Le bonhomme n’a pas la vue assez
perçante et ne s’est pas douté que
le voile dont il se couvre est trop
trasparent et laisse apercevoir en
dessous le personnage. Le style
c’est l’homme; et qui connaît l’homme le reconnaît dans le miroir de
son style. Et puis il faut qu’il soit
même quelque peu oublieux pour
publier sous le voile de l’anonyme
les mêmes choses qu’il a dites dans
des conversations privées et dans
les mêmes termes qu’il les a dites.
Un seul mot du reste, qui sans
doute lui a échappé, le dévoile à ne
pas s’y méprendre. Ne donne-t-il pas
son adresse à la maison du travail?
Or ne sait-on pas qu’il professe
que le travail est son Dieu? « Toujours par quelqu’endroit fourbe se
laisse prendre ». X.
DES ŒUVRES PIES
Nous avons ou l'occasion, il y a quelques mois, (le parler de la relation que M.
l’avocat Tégas, Préfet de Brescia, avait faite
au Conseil provincial sur la marche de
l’administration de cette Province; nous revenons aujourd’hui sur quelques-unes
des questions qui ont été traitées par ce
magistrat distingué, d’après un opuscule
de 112 pages, intitulé Intéresse generale e
intéressa locale, dans lequel il a lui-même
dilucidé et développé quelques points importants de sa relation. Nous sommes si
heureux, au milieu de l’opposition générale, ou de l’indifférence universelle que
nous rencontrons autour de nous, dans
les sphères officielles du moins, de trou-.
ver chez un haut employé du gouvernement l’expression de nos idées, qu’on
nous comprendra si nous essayons d’en
reproduire quelques unes dans notre journal. — Quoique l’auteur parle de la province de Brescia et souvent même de cette
ville seulement, les questions locales deviennent facilement générales et nous y
trouvons des propositions et des considérations qui ne s’appliquent pas seulement
à cette province], mais à l’Italie entière,
nous [dirions même à toute l’humanité.
Notre intention n’est pas de suivre pas à
pas l’illustre auteur qui nous parle des
œuvres de bienfaisance, de la sûreté publique , de la presse, de l’instruction et de
l’éducation, de l’administration, de la décentralisation et de l’autonomie des provinces et des Communes et de beaucoup
d’autres sujets.
Nous nous proposons dans deux articles
de faire connaître les idées de l’auteur sur
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-(20)
les œuvres de bienfaisance et sur l’éducation.
Disons d’abord quelques mots des oeuvres de bienfaisance.
Les œuvres pies dans la seule Commune
de Drescia, ville de 40,000 âmes, ont un
palrimoine d’environ 15 millions et près
de 1 1[2 million de rentes, y compris fr.
30),000 qui sont à la charge de la province pour les enfanls-trouvés et les aliénés. La rente réelle est donc de 1.200.000
lianes; mais^ chose étrange! plus de la
moitié;, c’est-à-dire 618.000, est absorbée
par des intérêts passifs, par des impôts
et des frais d’administration. Nous avons
relevé ce fait pareeque nous sommes convaincu qu’il n’est pas isolé. Nous pensons
ne pas être très loin du vrai en disant
(|ue plus de la moitié des rentes des œuvres pies se perdent, chemin faisant, et
avant d’arriver à leur destination, le soulagement des pauvres ; cela a lieu sans
qu’il y ait malversation, mais eu suite d’un
mauvais système d’administration. L’auteur montre que l’on pourrait réduire plusieurs de ces administrations de même
espèce à une seule, avec l’avantage de ne
pas faire des duplicats, c’est-à-dire, de
donner, comme cela arrive souvent, de
la part de plusieurs administrations de
même espèce deux ou trois fois à la même
personne qui sait s’y prendre , de sorte
qu’il ne reste plus rien pour les autres.
Il montre qu'on pourrait faire beaucoup
plus de bien qu’on n’en fait avec moins
de ressources bien administrées et bien
distribuées.
L’auteur se déclare en principe contraire
aux distributions en argent, qui peuvent
être nuisibles à ceux qui les reçoivent, et
préfère les distributions en combustibles,
en habillements et en denrées ; « Nous
sommes, dit-il, très contraire aux aumônes
faites par une fausse ou aveugle compassion aux carrefours des chemins et sur
la porte des maisons, et nous approuvons
les anglais qui ne se laissent pas toucher
par les plaintes des mendiants. Nous préférons le secours apporté par une main
blanche dans la mansarde à la famille du
pauvre ouvrier. Mais, plus que toute autre,
nous aimons le secours qui s’appelle travail et qui relève et console.
»Nous avons le plus grand respect pour
la mémoire des fondateurs d’œuvres pies
et pour la volonté des testateurs; mais
nous croyons que rien ne s’oppose à la
transformation de certaines institutions,
pourvu que les rentes ne soient pas détournées du saint hut de la bienfaisance.
Toute administration d’œuvre pie, pour
arriver à ses fins, ne doit pas oublier
qu’elle est une espèce de société d’irrigation ; laquelle doit faire en sorte qu’il
ne se perde pas beaucoup d’eau en chemin , elle doit s’efforcer d’en porter avec
la moindre dépense le plus grand volume
pour féconder le terrain. Or, nous appelons dispersion et perte les dépenses improductrices , et celles d'administration
qu’occasionnent les terrains, les maisons,
les cens et les capitaux prêtés.
»Les œuvres de bienfaisance doivent avoir
pour résultat, si ce n’est de faire disparaître (ce serait une utopie), au moins de
diminuer le paupérisme, au lieu de l’augmenter, ce qui a lieu quand les ouvriers
s’habituent à compter plus sur elles que
sur le travail, l’épargne et la prévoyance.
» Enfin nous désirons, dit l’auteur, que
toutes les forces et les institutions sociales
concourent à conjurer les maux dont la
société est travaillée et menacée, sans
recourir aux remèdes héroïques, presque
toujours fatals et terribles, des révolutions ».
Amor ci raosse che ne fa parlare.
Corre0ponb*ince.
Nous publions volontiers la lettre suivante , sur le contenu de laquelle nous
attirons l’attention de nos lecteurs et de
ceux qui peuvent agir dans le sens que
propose son auteur.
Nice, le 8 janvier 1872.
Monsieur le Directeur,
Vous avez entretenu dernièrement vos
lecteurs de la question de l’émigration,
question des plus importantes en ce moment, puisqu’elle peut décider de l’avenir
d’un grand nombre de personnes qui se
préparent à quitter les vallées pour co-
5
-(21)
loniser en Amérique. Vos conclusions sont
contraires à l’émigration et vous engagez
avec beaucoup de raison nos émigrants
à attendre qu’une porte s’ouvrc pour eux
eu Italie.
N’ayant jamais habité les Vallées, j’ignore complètement si ces personnes
sont obligées de déserter leurs foyers,
poussées par le besoin. Quoi iiu’il en soit,
cette démarche me paraît des plus regrettables à tous les points de vue. Il est
d’abord pénible de voir tant de jeunes
gens, — l’avenir du pays, — quitter leur
patrie pour passer à l’étranger, en France,
eu Suisse et ailleurs , mais rarement en
Italie, s’y établir et oublier presijuc complètement leur pays natal. La légèreté des
iiaronts, (|ui croient faire ainsi une position à leurs enfants, et la manie des
jeunes gens qui ne rêvent que voyages,
ont pour conséquence l’appauvrissement
du pays, parce qu’on lui enlève ainsi
des bras pour les travau.x agricoles et les
intelligences les plus développées.
Or cette tendance à l’émigration ira
toujours en augmentant, si on ne s’attache à faire aimer l’agriculture aux enfants. Il faut s’attacher à développer leurs
connaissances dans ce sens et à leur faire
trouver dans le fruit de leurs travaux une
compensation à leurs peines, et c’est pour
cela que je voudrais vous apporter une
idée toute pratique, je crois, et qui mettrait un terme à l’émigration sous toutes
ses formes.
N’est-il pas pénible, tout spécialement
pour un italien du centre de la péninsule,
de voir que ceux-là mêmes dont les pères
ont versé leur sang pour la délivrance de
la patrie, qui ont tant souffert pour son
indépendance, soient forcés, aujourd’hui
qu’elle est libre et unie, de la désertera
tout jamais, et cela pour ne plus y trouver
leur subsistance. Et n’est-il pas plus pénible encore, de voir les fils de ceux qui,
chassés tant de fois par les persécutions,
y sont constamment revenus, en dépit
des souffrances endurées, aimant mieux
vivre dans leurs montagnes persécutés,
que libres à l’étranger, quitter leur pays
presque avec insouciance? Non! les Vaudois doivent avoir leur part dans la reconnaissance des italiens, et il no sera
pas dit qu’ils quitteront cette terre que
Virgile a appelée la mère des moissons,
comme si elle était devenue une terre
maudite. Il y a en Italie de la place pour
eux.
J’en viens à mon projet ;
Nos émigrants n’ont pas, sans doute,
le moyeu de faire de grandes dépenses,
mais ils ont celui de pourvoir à leur
premier établissement. Qu’ils se réunissent donc tous, émigrants ou non, qu’ils
rédigent immédiatement une adresse au
député de leur collège électoral et y apposent leurs signatures, pour qu’il demande au Gouvernement une large concession de terrains (comme le fait le
gouvernement français pour les colons do
l’Algérie), dans les provinces méridionales,
Romagnes, Calabres, etc., qu’au besoin
on s’adresse aux administrations départementales et communales de ces localités,
pour obtenir cette concession à la condition de s’engager à le défricher et à le
cultiver, et, s’il y a lieu, 5 payer ce terrain au bout d’un nombre d’années convenu. Cette dernière clause décidera, je
crois, du succès de mon projet, puisque
le Gouvernement ou la Commune entrent,
à défaut do payement, dans leur droit do
propriété et jouissent de toutes les améliorations apportées à la cultivation. C’est,
de plus, un moyen de stimuler le progrès
agricole de ces riches contrées.
Et quels avantages pour nos vaudois.
Ils seraient dans leur patrie, non loin de
leur pays natal, cultivant dos terrains
d’une fertilité proverbiale, sous un climat
des plus salubres, et dont la valeur augmentera tous les jours. Ici, pas d’indiens
à combattre; l’olivier, la vigne, le coton,
l’oranger, la betterave pour la fabrication
du sucre, tous les arbres fruitiers, les
céréales, les légumes de toutes sortes y
croissent à merveille, les forêts n’y manquent pas non plus ainsi que les prairies.
Ajouterai-je que la création de ports nouveauiT, augmentant le commerce d’exportation , leur fournira d’abondants débouchés.
A l’œuvre donc, et si l’on veut faire
quelques efforts sérieux, je suis convaincu
qu’on y parviendra. Et il ne sera plus
besoin alors de dépenser tant d’argent
6
-(22)
ponr des entreprises anssi incertaines
qu’elles sont lointaines, pour copier un
peu la triste vie de ces colons hollandais
devenus les Boërs de l’Afrique centrale.
Nous aurons de plus le bonheur de voir
se créer, comme jadis, au centre de l’Italie , des villages où l’influence de l’Evangile aura remplacé celle du catholicisme papal.
Mais, encore une fois, un petit effort,
si l’on veut y parvenir.
Agréez, Monsieur le Rédacteur etc.
Henri Vanndcci.
II!\Ë EGLISE DANS LES ALPES
par
M' Merle d’Aübigné
Permettez-moi de vous présenter un
modeste exemple de ce que l’existence du
christianisme opère parmi les humbles.
Je viens de passer quelque temps au
milieu des Alpes, dans une communauté
chrétienne, paisible, heureuse par la puissance de l’Evangile. Je ne la nommerai
pas. J’habitais un chalet solitaire, à un
quart d’heure environ du village , sur les
berges escarpées, et toutes couvertes de
verdure, d’une rivière qui, descendant
des glaciers, faisant des contours gracieux,
se heurte en bouillonnant contre les pierres et les rochers qu’elle rencontre çà et
là. On franchit un pont pittoresque, et l’on
parcourt des forêts de sapins, entrecoupées de sentiers délicieux, et de prairies
calmes et mystérieuses, qui rappellent
quelquefois les beaux souvenirs de l’antiquité.
D’autre part, c’est la démocratie la plus
vraie qui règne dans cette contrée; les
magistrats, les hommes notables font les
mêmes travaux que les plus pauvres de
leurs concitoyens. L’instruction n’est pas
moins remarquable que la simplicité des
mœurs. Outre l’école primaire, le village
possède un collège, fondé par des natifs
du pays, où cinq professeurs enseignent
les langues savantes et les autres disciplines nécessaires pour atteindre les facultés de droit, demédicine, de théologie.
De cette manière, plusieurs de ces humbles familles ont dans les diverses "villes
du canton et de l’étranger, des membres
qui sont avocats, médecins, pasteurs et
professeurs. '
Mais ces lieux sont surtout intéressants
sçus le rapport religieux, le christianisme
viyant y est partout répandu. Dans la vallée
principale et, les vallées voisines, sur les
montagnes, près de la rivière, s'abritent
des chalets où l’on rencontre avec joie
des familles vraiment chrétiennes. Genève
n’est pas étrangère à cette piété. 11 y a
40 ou 50 ans, que déjà les bonnes femmes et filles de ce village venaient dans
notre ville, surtout dans les mauvaises
années, vendre les bas de laine qu’elles
tricotent; c’est l’industrie du lieu; et quelquefois elles rapportaient chez elles la
connaissance du Sauveur. « Prends garde
dit-on à une jeune fille qui partait pour
notre ville ; ii y a là des gens terribles,
qui s’appellent mômiers; garde-toi de leur
parler!» Un dimanche, la jeune fille,
après avoir été au culte, ne savait que
faire le reste du jour. « Sais-tu, lui dit
une connaissance, il y a hors de la ville
une église où l’on chante si bieo. » La
jeune personne y alla, c’était au Pré-l’Evêque. Elle entendit le chant, la prédication évangélique, demanda à voir le redouté ministre, et reçut dans fson cœur
la semence du royaume de Dieu. 11 y a
longtemps qu’elle sert le Seigneur; elle
n’est plus jeune; on l’appelle la tante,
c’est la tante de tout le village. En vous
promenant sur la grande route ou dans
les sentiers des prairies, vous rencontrez
de bonnes figures , qui vous saluent d’un
sourire aimable comme celui d’un ancien
ami. L'Evangile de paix s’y sème dans la
paix.
Quant aux Eglises, la charité chrétienne
unit le pasteur libre et le pasteur national,
ainsi que les chrétiens des deux troupeaux.
Une fois par mois ils s’assemblent dans
l’un ou l’autre des lieux de culte, sachant
que c’est ime chose bonne que des frères
? entretiennent ensemble. Le service divin
se célèbre simplement, sans raideur, sans
rattachement outré à telle ou telle forme.
Quelques uns de nos Réformateurs, Jeau
de Laseo en particulier, sortant de l’Eglise
stéréotypée de Rome, craignaient de voir
celles qu’ils fondaient, tomber dans le
même excès, et n’admettre aucune liberté.
Peu après mon arrivée, le pasteur libre me
demanda de prendre le parole après le
sermon. Je parlai plusieurs fois. Alors
le ministre national me demanda de faire
de môme dans le temple. Je parlai donc
au temple comme à la chapelle , et les
membres de l’Eglise libre s’en réjouirent
beaucoup.
L’impression que l’on reçoit de ce village est un sentiment de paix et de bonheur. Il me semble que le salut des âmes
et l’édification y sont les objets que chérissent le plus les pasteurs et les fidèles.
Ce n’est pas de questions d’Eglise qu’on
s’y occupe surtout, mais de Christ et des
richesses spirituelles qui sont en lui. Les
ministres cherchent à adoucir les distinctions sur les points secondaires, pour
mettre les choses principales en relief. Le
7
-(23).
résultat en est une grande cordialité, une
grande unité; Vous êtes tous un en Jésus
Chrisl.
Ces simples et bonnes gens sont charitables pour leurs voisins, et donnent à
ceux qui sont loin. Le dernier rapport de
notre Société évnogéli(|ue contient presque
une page d’offrandes, reçues de ce village,
destinées à faire du bien aux soldats français , prisonniers en Allemagne. Je les en
ai remerciés. Et les missions ! Une bonne
vieille femme, habitant un petit chalet
avec deux chèvres blanches, vint un 1"
jour de l’an rhez le pasteur national :
« Voici, Monsieur , dit-elle , 200 francs
pour les missions; je donne ordinairement
moins, mais je pense que je vais bientôt
m’en aller, j’aime donner pendant que je
vis. » Au mois de février, elle revint apportant 100 francs; « C’est pour les missions, dit-elle encore; c’est mon jour de
naissance ! Je veux me souvenir des pauvres païens. » Une autre fois, une pauvre
femme présente au pasteur libre une bourse
ouverte remplie d'écus ; le pasteur croit
(|u’il doit prendre uu écu, et trouve que
c’est déjà beaucoup; mais la femme lui
dit: « Prenez tout». Ils ont un asile de
vieillards, ils visent à une infirmerie.
On est frappé du recueillement pendant
le culte, et du nombre d’hommes qui y
assistent et viennent à la Cène. Le genre
de service aide au recueillement et à l’étude de la Sainte-Ecriture. Le dimanche
matin, le pasteur annonce les versets qui
seront médités le soir et demande à la
congrégation de les étudier d’avance. La
Parole de Dieu a une grande place dans
cette église.
Quand ces simples chrétiens vont se voir,
ils lisent souvent ensemble cette bonne
Parole et invoouent le Seigneur. Ils aiment aussi les chants. Je les entendis une
fois, dans le silence de la nuit, faisant
monter, en plein air, vers le ciel, leurs
chants pieux. Le bruit seul de la rivière y
mêlait ses accents sauvages. 11 y avait là
de bien belles voix et surtout de bien bons
cœurs. Nous en étions émus.
Voilà un humble fruit de la foi chrétienne. On ne la remplace pas.
iiouDcUcs reltigteuseo
^ Nous lisons dans la Semaine religieuse,
sous le titre de Salutaire aterlissement
l’article qui suit; « ün abîme appelle un
autre abîme, disent nos Saintes Ecriture»,
et l’histoire de l’église est pleine de faits
qui démontrent la vérité de cette déclaration. Ce ne sont pas seulement nos premiers parents, que la promesse « vous
serez comme des dieux » a entraînés dans
la révolte; combien d’hommes en se mettant au dessus des révélations divines , en
repoussant ce qui était supérieur à leur
propre raison, sont tombes de doute en
doute, de négation en négation, jusque
dans l’incrédulité la plus complète. Cœst
ainsi que le père de la théologie moderne
en Hollande, est arrivé jusqu’à l’athéisme.
M. Busken-lluel était, il y a douze ou
treize ans, pasteur de l’église vvalloune
de Harlem, quand il fit paraître ses « lettres
sur la Bible ». Ce livre publié en 1859, ne
contenait rien de nouveau, mais il était
écrit avec talent et dans un style piquant.
L’autour y réunissait les doïites émis a
différentes époques au sujet des faits historiques de la Bible, et il présentait ces
doutes sous une forme populaire. Cependant il ne pouvait s’empêcher de dire;
* que je meure avec la Bible sous ma tête ».
En 1866 il va plus loin et dit; « la prière
n’est autre chose qu’un monologue qui
retentit dans le Tout inflexible ». Quelque
temps après il s’exprime de la manière
suivante; « la révélation n’est pas réelle;
ce n’est que notre imagination qui nous
conduit à croire en Dieu ». Enfin en avril
1868, il a publié un roman dont le cynisme
est tel qu il a été l’objet du dégoût et du
mépris de tous les partis.
Au moins, hâtons nous de le dire, M.
Buskeo-Huet n’en est pas arrivé là sans
avoir fait un retour sur lui-même et entendu la voix de la loyauté ; il a abandonné
le pastorat. Son exemple a été suivi par
M. Pierson, autre libre-penseur, puis par
une cinquantaine de pasteurs ou étudiants
en théologie qui ont fait de même et pour
le même motif, c’est-à-dire, pour obéir à
leur conscience. — (Tiré d’un ouvrage intitulé; la théologie moderne dans les PaysBas.
(Srhronti;|ue ®aubot6^
La Tcmr. Les réunions de prières
de la seconde semaine de Janvier ont été
suivies au Collège par un nombre assez
considérable de personnes. Nous espérons
qu’elles n’auront pas été sans fruit. Nous
savons qu’il y en a eu aussi dans d’autres
paroisses et dans d’autres localités.
VEco délia verità annonce que la Commission ¿’Evangélisation a convoqué , à
Florence, pour le 2 du mois d’avril prochain, tous les évangélistes accompagnés
d’un ou de plusieurs représentants de
chaque église. Ces représentants devront
être munis d’un mandat régulier rédigé
8
-(24)
par les assemblées de chaque congrégatioQ et dûment authentique. — Le programme de la conférence est déjà fixé.
Six évangélistes se sont chargés de présenter des relations sur différents sujets.
Le même journal ajoute : il est à peine
nécessaire de faire observer que cette assemblée ne sera pas délibérative, mais
une conférence dans le sens rigoureux du
mot. — Il n’y a rien qui ne soit parfaitement naturel et légitime dans ce projet.
Nous pensons qu’il répond à un besoin,
et qu’il est destiné à donner à notre œuvre d’évangélisation plus d’unité et plus
de cohésion. Mais nous ne nous faisons
pas illusion; ces conférences, si elles deviennent annuelles', seront tôt ou tard délibératives et formeront les vrais synodes
de l’Evangélisation. Nous ne voyons encore aucun mal à ce qu’il en soit ainsi.
Nos synodes généraux n’auront qu’à gagner à ne plus voir reparaître certaines
questions locales ou personnelles qui lui
prennent la meilleure partie de son temps.
Mais il faudra que les paroisses des Vallées imitent les stations de l’Evangélisation , et aient aussi leurs conférences ou
leurs synodes dans lesquels seront traitées
toutes les questions de détail.
Chronique f^oUtique.
Italie. — La Chambre a repris ses
travaux lundi dernier 15 courant. Les deux
Commissions chargées, l’une d’examiner
les projets financiers du ministre Sella ,
l’autre les projets militaires de Thon. Ricotti, semblent se ranger aux vues du
Gouvernement, excepté cependant, pour
ce qui concerne le système proposé de
nouvelles fortifications.
France. Les journaux français, italiens , allemands et anglais, ont rempli
pendant 15 jours leurs colonnes des noms
de Victor-Hugo et de Vautrain, candidats
d’un collège de Paris, comme si le sort
de la France, et même de l’Europe tout entière, dépendait de l’élection do l’un plutôt que de l’autre. Le moyen pour les
Français et surtout pour les Parisiens de
ne pas se croire de beaucoup le premier
peuple du monde i
La commission chargée d’examiner le
projet de loi du transfert du Gouvernement et de l’Assemblée nationale de Versailles à Paris, s’est prononcée à une très
forte majorité, contre ce projet. Le rapporteur, M. Brisson, engage ses collègues
à continuer à rester à Versailles, en dehors des émeutes, dans l’intérêt de la!
republique et du rétablissement dé l’ordre. ,{
L’Assemblée nationale serart-elle aussi
sage ? — M. de Pressensé a proposé d’amnistier tous les gardes nationaux compromis sous la Commune, qui ne sont pas
coupables des délits communs. Cette proposition est appuyée , à l’unanimité des
voix, par la Commission chargée de l’examiner.
Mgr. Dupanloup, le savant et fougueux
prélat, aux résolutions inattendues, aux
faciles rétractations, qui aime surtout à
faire parler de lui, a donné sa démission
de membre de l’Académie française, en
suite de la nomination de M. Littré, grammairien , lexicographe), mais surtout philosophe matérialiste. Pourquoi M. Dupanloup n’a-t-il pas eu les mêmes scrupules
à l’égard de M. de S" Beuve? Pourquoi
siége-t-il à l’Assemblée nationale, si nous
ne nous trompons, à côté des mêmes
apôtres de la matière?
Annonce aui émîgiants
Par décret royal du 17 décembre
dernier 1871, a été autorisée la
Société de colonisation de la Sardaigne. La capital social sera de
5 raillions, divisé en actions de
250 francs. La colonie qui sera
fondée, sera celle de la Vallée de
Coghinas.
iV^. B. Nous y encourageons nos
coréligionnaires, sous la réserve
de la salubrité, de la sûreté publique et du respect pour les convictions religieuses. — Qu’en pense la
Commission de l’émigration, nommée par le Synode?
SOÜSCRIPTION
POUR LES PORTRAITS DU DOCT. STEWART
Liste précédente Fr. 531 10
M' et M“'“ Meille » 10
M' et M'°' Gaydon » 20
M' J.,M. Turin-Boër
M' Félix Muston
M' le Chev' Barone
M'”' veuve Jean CafTarel
5
5
5
10
Total Fr. 586 10
E. Malan Directeur-Gérant.
Pignerol, Impr. Chian tore.