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a. année
Novembre 1867.
N.o It.
L'ÉCHO DES VALLÉES
-(NOUVELLE SÉRIE)—
Que toutes les choses qui sont véritables............ occupent
vos pensées — \ Pliiliitpiens., IV. 8. )
SOMMAIRE — Aux Vaiulois cUsscminrs: Le travail et le jeu. — Melanges: Ecoles
du dimanche. Un hommage à la Bible. Le clnltaigner des Vallées. Vallées Vaudoises. — Glanurcs : L'enfant qui honore son père. Une
réponse faite à propos.
AUX VAUDOIS DISSÉMINÉS
11.
Lo tr*a,va,il ot lo J ou.
« Si vous êtes infidèles dans les richesses injustes, qui vous
confiera les véritables?» ('Luc. XVI, v. 11 J.
Après le travail le repos ; après le repos le travail ; tel est
l’ordre voulu de Dieu ; le même commandement qui a établi
le sabbat, nous ordonne le travail des six jours. L’Evangile
n’a rien changé d’essentiel à cette disposition qui remonte à
l’origine de toutes choses : seulement tandis que la loi donnait
la dernière journée de la semaine au culte , et présentait le
repos comme une sorte de salaire accordé aux fatigues des
jours précédents, l’Evangile commence la semaine parle jour
du Seigneur. et semble nous dire : « réjouis-toi de ton salut
» ô enfant de Dieu; restaure et repose ton âme dans la foi à
» la glorieuse résurrection de ton Sauveur, et avec la force
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— 164 —
» que te donnera cette joie , va, et marche, et travaille pendant
» les six jours de ton pèlerinage, te ' souvenant que bientôt
» va commencer le jour qui n'aura plus de soir, l’éternité
» du repos». Jusque-là il faut travailler. Que le jour du repos
s’appelle sabbat ou dimanche, le résultat est identique : l’ordre
voulu de Dieu est établi ; l’homme travaille avec règle et se
repose de même.
Mais quand l’homme agit de la sorte, son activité est bénie ;
le repos du dimanche n’est pas la seule paie de ses fatigues;
son travail, béni de Dieu , est productif, l’enrichit et, à la
longue, l’enrichit.
La loi du travail antérieure à la chute, est la condition de
son existence terrestre ; même dans les jours de l’innocence,
l’homme fut placé par le Créateur dans le jardin du bonheur
pour le cultiver, y développer par l’étude, par l’activité et
l’industrie, ces forces que, depuis la chute, nous exploitons
encore à notre profit.
Le travail a continué à être indispensable à notre bonheur,
mais le péché y a ajouté un trait de sévérité qu’il n’avait pas.
Au lieu d’une activité royale et sans fatigue , dans la force,
la paix et le bonheur, l’homme affaibli par le péché et parle
germe de mort qu’il recèle désormais, se trouve, au sortir
d’Eden, en guerre avec un ennemi, en face d’une terre qui
porte sa malédiction du péché, avec cette loi modifiée : « tu
mangeras ton pain à la sueur de ton visage ». Néanmoins la
punition est tempérée et même précédée d’une promesse« tu
mangeras ton pain». Le travail est productif, l’ouvrier est
digne de son salaire et le pain qu’il mange après avoir travaillé, est bien légitimement son pain. Ainsi est »ée la propriété : le travail est récompensé par le salaire ; celui-ci suffit ,
s’il est juste et bien ménagé, aux besoins journaliers ; il va
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- 165 —
même un peu au delà ; car l’agriculteur peut labourer et ensemencer tout seul un champ qui lui rend plus qu’il ne consomme. Ce surplus, quelque minime qu’il soit, accumulé par
l’économie, augmenté par le bon ordre, est l’honneur et le
fondement de la richesse légitime.
En général, là où l’on travaille beaucoup et selon l’ordre
voulu de Dieu , la richesse afflue ; au contraire là où le travail
se relâche, la disette survient, inattendue comme un passant,
rapide et brutale comme un soldat (Prov. VI, 11).
Néanmoins bien d’autres circonstances contribuent à la
différence des positions. Deux travailleurs de force égale n’ont
pas nécessairement le même salaire, et les mêmes fatigues
ne produisent pas toujours des gains égaux. Au travail il faut
ajouter l’intelligence, le don de la combinaison, les protections
et ces circonstances variées et providentielles que le monde
appelle chances , bonheur', heureux sort, mais que l’Ecriture
sainte explique en disant : « c’est la bénédiction de l’Eternel
qui enrichit; c’est Lui qui enrichit et qui appauvrit (I Sam.
II, 7); — aussi l’honneur accordé au riche n’est-il pas uniquement l’effet de l’égoïsme : on suppose qu’à l’origine de
son bien-être se trouve un travail plus intense et plus béni,
ou une fidélité supérieure ; car les hommes de sens n’admettent pas un effet sans cause , ni un bonheur réel diï au pur
hasard. Ainsi la propriété est voulue de Dieu et n’est en définitive qu’un prêt dont II laisse à l’homme la disposition pour
faire son éducation et éprouver sa fidélité ( Luc, XVI. 12); rien
ne serait donc plus injuste que d’attendre le bien-être du
hasard , ou de l’infidélité , et de faire divorce entre le travail
et la richesse : or c’est cette injustice qui fait la base même
des jeux de hasard. — Etrange aberration de l’homme I Au
lieu de prendre son plaisir dans l’ordre, il trouve une secrète
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satisfaction à rompre la règle ; au lieu d’accepter rhumiliante,
mais utile loi sous laquelle Dieu l’a placé en disant : tu mangeras ton pain à la sueur de ton visage, lui aidant ainsi à
vaincre sa paresse et ses passions, et lui rappelant qu’il n’est
plus dans le paradis du bonheur et de l’innocence, l’homme
veut tout faire avec excès, avec passion, d’une façon arbitraire.
Au lieu d’attendre patiemment que Dieu l’enrichisse en bénissant son travail, il voudrait arriver d’un seul bond à l’opulence : « Mais celui qui se hâte de s’enrichir ne demeurera
point impuni (Prov. XXVIII, 20), et ceux qui veulent devenir
riches, tombent dans la tentation et dans le piège et en
plusieurs désirs insensés et pernicieux qui plongent les hommes
dans la perdition » (I Tim. VI, 9). — Peu importe que ce soit
un millionnaire qui joue à la bourse , un cocher de fiacre qui
ne regarde comme gain net que la part qu’il est parvenu à
extorquer à l’étranger par sa grossièreté, ou un paysan qui
pressure ses voisins par l’usure, ou un marchand qui veut
faire des profits iniques, —tous se privent du vrai bienfait
que Dieu a mis dans la relation juste du travail et du salaire en
disant ; tu mangeras ton pain à la sueur de ton visage ! Le
peuple , dans sa sagesse un peu terre-à-terre , dit avec raison
d’eux tous ; « ce qui vient par la flûte s’en va par le tambour ; »
tandis que le salaire, juste fruit du travail, a quelque chose de
stable et constitue un gain durable , le profit injuste qui n’est
pas dû au travail, cet excédant que tant de gens regardent
comme le meilleur assaisonnement de leur trafic, va alimenter
la source de l’injustice, d’où il est sorti, et s’en va avec tout
ce qui est injuste. Si donc le travail est la source légitime de
la propriété, celle qui vient du jeu est par elle-même illégitime,
et le jeu qui prétend enrichir sans travail est, à tous égards,
une iniquité.
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L’homme n’est pas seul dans ce monde ; il fait partie du
corps social; il est, ou est destiné à devenir chef de famille,
à léguer à ses descendants le fruit de son labeur ; et de même
qu’il est redevable à ses parents d’une bonne partie de ce qu’il
est et de ce qu’il possède, il doit à son tour songer d’avance
à ceux qui porteront son nom. Ainsi l’a voulu Dieu. Avant son
mariage, le jeune homme travaille à s’établir; les gains du fils
doivent pourvoir aux nécessités des parents âgés; l’aîné doit
aider à l’éducation des cadets ; et (piand vient le beau moment
où le jeune homme offre sa main et son cœur à une vierge pure,
lui disant ; « Veux-tu que nous fassions ensemble le voyage
de la vie vers la cité du Dieu vi\ant?» alors il faut ipi’il ait
su se procurer une position indépendante et que dès lors il
travaille à nourrir sa compagne et à élever ses enfants. Ainsi,
quoiqu’il soit maître de l’argent qu’il gagne, l’homme en doit
une partie à sa famille présente ou future et n’est pas libre
d’en disposer comme s’il était seul au monde. Lt fut-il même
sans aucun lien de famille, encore doit-il une partie de ses
gains à ses semblables ; car Dieu a fait le riche et le pauvre ,
afin qu’ils se rencontrent. La dîme des biens du Juif appartenait
à l’Eternel, et une seconde dîme au pauvre, à la veuve à l’orphelin. Quelle est donc, demandé-je maintenant, la partie de
ses biens qu’il a le droit d’exposer aux chances de la roulette
ou du trente et quarante ?
Et quand l’homme aurait payé dîme et double dîme ; quand
il aurait nourri sa mère âgée , élevé ses frères cadets, assuré
l’aisance à sa femme et à ses enfants, et contribué largement
aux frais du culte religieux, a-t-il l’usage absolu du surplus
qui lui reste ? — Nous répondons hardimemt : « non ! »
D’abord, tout ce qu’il possède est un prêt dont il rendra
compte à Dieu qui en est le propriétaire ; puis il est appelé à
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— 168 —
prévoir l’avenir. Le bœuf broute et, en broutant, met de côté
autant d’herbage qu’en peut contenir son vaste estomac qui
lui donnera de quoi ruminer pendant quelques heures ou
quelques jours, mais l’homme n’est pas une brute; il combine,
il prévoit, il réfléchit ; l’homme civilisé ne travaille pas uniquement comme le sauvage des îles, ou l’ancien lazzarone
des siècles passés, à assouvir sa faim et celle de ses petits.
Outre la loi du travail, il connaît celle de l’épargne. Par elle
il consomme moins qu’il ne gagne, par elle il peut mettre de
côté ce qu’il lui faudra pour l’heure de la souffrance, du chômage ou de la vieillesse ; par elle il se prépare l’indépendance
pour le temps de sa faiblesse, et se conserve la faculté de
secourir ceux que le malheur a mis dans la dure obligation
de demander ou tout au moins de recevoir l’aumône. Je le
demande encore une fois: où est la portion de ses biens que
l’homme a le droit d’exposer aux chances du jeu ?
Profanation du dimanche, travail sans règle, salaire sans
proportion équitable, oubli de Dieu qui nous a confié nos biens,
oubli de la famille, mépris de sa future compagne, cruauté
envers ses propres enfants, coupable imprévoyance, indifférence envers le pauvre , manque de dignité personnelle, —
voilà ce qui se trouve à l’origine, à la suite du jeu.
Ou’est-ce que le jeu en définitive? C’est une sorte de vol
convenu entre celui qui vole et celui qui est volé, comme
le duel est un meurtre convenu entre la victime et l’auteur
de l’homicide. Celui-ci n’est pas un meurtrier devant la loi,
et les tribunaux ne condamnent pas le joueur comme coupable
de larcin ; mais les uns et les autres commencent par ravir à
Dieu , le vrai propriétaire de nos biens et de nos vies, ce qui
lui appartient légitimement. Après avoir commencé par là,
ils continuent, sur cette base inique, à s’autoriser récipro-
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— 169 —
quement, les uns à disposer de la vie d’autrui comme le font
les assassins , les autres, à s’ôter leurs biens l’un à l’autre à
peu-près comme les voleurs. Demandez à quiconque voit le
jeu de près, il vous dira que c’est l’école du vol.
G. Appia.
Ecoles do DimaDche.
Un journal protestant de Paris, L’Espérance, nous fournit, dans son
N® du !'• septembre, au sujet des Ecoles du dimanche en divers pays,
quelques notes intéressantes que nous lui empruntons en les abrégeant.
En France, il n’y avait en 1815 qu’une seule école du dimanche,
celle de Bordeaux; mais en 1852, on en comptait déjà près de 200,
et le nombre s’en élève aujourd’hui à 777. On peut donc prévoir le
jour où les 1850 églises protestantes de ce pays auront pour le moins
chacune son école du dimanche. Pour le moment au lieu des
225000 enfants que les protestants de France , dont le nombre est
évalué à un million et demi, devraient fournir aux écoles du dimanche,
c’est à peine si elles en reçoivent 35000.
Au Canton de Vaud ( pop. 222 mille âmes ) , bien que les premiers
efforts pour établir les écoles du dimanche remontent à l’année 1835,
il n’y en avait pourtant encore qu’une quinzaine en 1852. Si le
nombre de ces écoles s’élève maintenant à 309 , et celui des enfants
à 13,000, avec 850 moniteurs , c’est au zèle d’une Société , fondée il
y a quinze ans, qu’on en est surtout redevable. Là aussi cependant,
il reste encore beaucoup à faire , puisqu’une centaine de localités
sont privées de ces bienfaisantes écoles et que plus de la moitié des
enfants du Canton s’en tiennent éloignés. Le Messager de l’Ecole du
Dimanche, publié par M’’ Jaulmes à Lausanne , se tire à seize mille
exemplaires, dont neuf mille sont distribués gratuitement (’).
(’) On ne nous dit rien des écoles du dimanche du reste de la Suisse : et cependant & Neuchâtel, l'école de M' Nagel compte à elle seule un millier d'enfants.
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— 170 —
En Hollande, la première école du dimanche fut fondée en 1837 ,
à Amsterdam, par le Df Cappadose, un Israélite converti à l’Evangile.
— Il y a maintenant dans ce pays dont la population n’atteint pas
3 millions d’âmes, 270 écoles avec 24 mille enfants sous la direction
de 730 moniteurs.
L’Allemagne avec ses vingt millions de protestants , n’aurait actuellement que soixante douze écoles de ce genre, recevant treize mille
enfants, non compris ceux qui fréquentent les deux cents écoles
fondées par les protestantes Baptistes et Wesleyens , et dont on ne
nous dit pas le nombre.
En Angleterre cette œuvre inaugurée dans la seconde moitié du
siècle dernier par l’imprimeur Robei't Baikes (V. le Messager du 31
mars 1867) fît des progrès si rapides, malgré l’opposition qu’elle
rencontra tout d’abord, qu’en 1813 l’on comptait déjà dans le
Royaume-Uni 5460 écoles du dimanche, suivies par 477000 enfants.
— En 18.51, c’étaient 23408 écoles que fréquentaient 2,407,400 élèves.;
et en 1867 on n’évalue pas à moins de trois millions le nombre des
enfants qui dans cet heureux pays vont chaque dimanche étudier
leur Bible dans ces écoles qui leur sont spécialement destinées. —
Ajoutons à ce nombre les milliers de moniteurs nécessaires, et nous
aurons de beaucoup dépassé le dixième de la population protestante
de la Grande Brétague.
Aux Etats-Unis d'Amérique 1’ école du dimanche occupe une plus
grande place encore , s’il est possible. Là ce ne sont pas seulement
les pasteurs et les jeunes gens qui dirigent ces écoles : mais les
premiers magistrats du pays , les hommes qui sont plongés toute la
.«emaine dans les soucis du commerce , les avocats , les médecins ,
regardent comme un devoir de consacrer une ou deux heures de
leur dimanche à instruire les enfants des vérités bibliques. — Aussi
n’y comple-t-on pas moins de 400 mille moniteurs ou monitrices
donnant leurs soins aux trois millions d’enfants qui viennent se ranger
chaque dimanche autour d'eux. . Voilà une grande armée pour un
peuple de trente millions d’âmes 1 — On sait d’ailleurs que la presse
des écoles du dimanche , outre quelques journaux dont les abonués
se comptent par centaines de milliers , met annuellement en circulation dans les seuls Etats-Unis , quelque chose comme dix millions
de volumes à l’usage des enfants et de la jeunesse.
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De l’ftalie il va bien sans dire que le journal de Paris n’en parle
pas. N’ayanl de protestant qu’un millième à peu-près de sa population,
c’est beaucoup si notre pays recueille dans ses écoles du dimanche
quelque deux milliers d’enfants, dont la moitié aux Vallées vaudoises.
Et pourtant, sans sortir de nos montagnes, il est tel mois de
l’année où nos écoles primaires se peuplent de 4000 élèves et au
delà. — C’est dire que voilà deux à trois mille enfants pour qui le
dimanche est un jour perdu ou peu s’en faut. N’est-ce pas un peu
plus qu’il n’en conviendrait ?
Et quant à l’ilalie papale ou voltairienne , c’est bien de la üihle
qu’elle pense à nourrir ses enfants et sa jeunesse ! — Le Pape sent
parfaitement qu’il n’a pas d’ennemi plus sérieux que ce livre, et l’ou sait
de quel œil il en voit la propagation. — R’un autre côté des hommes,
fort respectables d’ailleurs par leur patriotisme et leurs sentiments
libéraux, ne craignent pas, quand il s’agit de la Bible, de faire chorus
avec le pape , enseignant , sur ce point , ce qu’il enseigne , rejetant
ce qu’il rejette; et cela tout en donnant journellement pour modèle
à l’Italie l'Angleterre et l’Amérique, c’est-à-dire les pays de la Bible.
— O sagesse !
Un hommaife à la Bible.
Rhaeun sait comment, dans le premier chapitre de la Genèse ,
Moïse raconte la création de la lumière au premier jour, tandis qu’il
attend au quatrième jour de nous parler de l’apparition du soleil.
Cette circonstance n’a point échappé aux adversaires de la Bible, qui
s’en sont amusés fort agréablement. En voilà une bévue ! disaient-ils;
faire apparaître la lumière trois jours avant le soleil, parler de jour,
parler du soir et du malin, faire pousser à la terre son jet. de Vherbe,
des arbres, et toujours sans réfléchir que le soleil n’était point encore
allumé... faut-il être naïf! — Et là dessus laissez-les rire.
Avec un peu de réflexion cependant l’on aurait pu loger ailleurs
la bévue , et un petit enfant même n’aurait pas eu grand effort à
faire pour voir que la lumière de la chandelle ou de la pierre à feu
ne vient ni du soleil ni de !a lune. — Mais la passion !
De nos jours, il n’est plus nécessaire d’être fort instruit pour savoir
que le soleil est un immense noyau, 1300 mille fois plus grand et 35.5
mille fois plus pesant que notre terre , il est vrai , mais resté tota-
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lement obscur durant un temps dont Dieu seul connaît la durée , et
allumé seulement après «que la lumière eût jailli du sein des ténèbres».
Les savants donnent même aux trois jours qui ont précédé le
soleil sur la terre une si longue durée, que c’est dans cet intervalle
qu’ils placent la crûe de ces vastes forêts que l’on trouve aujourd’hui
à l’état de charbon dans les mines de houille de Belgique , d’Angleterre, des Etats-Unis. En examinant les arbres gigantesques dont
abondent ces mines, qui n’en sont que les débris, on a reconnu que
ces pins , ces palmiers , ces fougères immenses n’auraient jamais pu
croître sous la lumière de notre soleil actuel, pas même dans les
régions les plus chaudes du globe; combien moins en Angleterre, au
Canada, dans la Baie de Baffln et sous les glaces de l’île Melville,
l’un des pays les plus froids de la terre , où l’on trouve cependant
enseveli sous le sol ces arbres réduits en charbons et en pierre! On
conclut raisonnablement de tout cela qu’aux premiers jours du monde
la terre était éclairée et réchauffée par une autre lumière que celle
du soleil.
Or cette vérité que les enfants apprennent à la première page de
leur Bible, ces savants l’ont maintenant reconnue, et un de nos compatriotes vient de lui rendre hommage encore tout dernièrement.
Après avoir rendu compte d’un livre de M' Marco traitant de ces
matières, M’’ le Proù Baruffi de Turin ( Y. Gazz. fiem. 10 nov. 1867),
ajoute: « L’on comprend maintenant pourquoi l’apparition de la lu» mière devait précéder celle du soleil. Qui aurait seulement soupçonné,
» il y a quelques années , que la nouvelle théorie des sciences phy» siques serait précisément celle que nous trouvons indiquée déjà
» dans la première page de la Bible ! Ainsi donc la religion, la science
» et la poésie se donnent amicalement la main dans le plus sublime
* des poèmes, celui de la création».
L'on aime à entendre ce témoignage rendu à la Parole de Dieu ,
par un des hommes les plus instruits de notre patrie.
Ce n’est pas sans surprise qu’en ouvrant la Revue des deux Mondes
du 15 novembre nous y avons vu un article avec le titre de L’Israël
des Alpes ou les Vaudois du Piémont. Nous ne sommes plus depuis
longtemps habitués à paraître en si haut lieu , et en attendant que
ce beau travail soit complété par une seconde étude et que nous
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puissions y revenir, nous voulons, sans plus tarder, remercier sincèrement le chevalier Hudry-Ménos de Chambéry d’avoir ainsi
déjà pour la deuxième fois (*) attiré sur noire Eglise, et par là sur
plus d’une vérité évangélique, l’attention d’un public aussi nombreux
et aussi cultivé que celui de la Revue qui accueille ses écrits. —
Provisoirement nous bornerons à détacher de cette première étude
une page, non des plus importantes, mais bien des plus gracieuses,
qu'on peut intituler :
Le ChiUaigner des Vallées.
« Le massif de verdure qui accompagne le village et le temple est
formé par le châtaigner, l’arbre national des Vaudois. Le regard le
rencontre déployé sur toutes les collines . arrondissant son dôme et
découpant gracieusement les bords de l’horizon. 11 donne un fruit
délicieux, de l’espèce dite lombarda, renommé pour sa grosseur et son
goût sucré.... Souvent la population vaudoise n’eut pas d’autre nourriture aux époques de persécution. Elle emportait alors sur les
sommets sa provision de châtaignes séchées à la fumée, ou bien elle
venait à l’improviste les cueillir sous le feu de l’ennemi. Aussi cultive-t-elle avec une sorte d’amour filial cet arbre sauveur ; elle le
greffe , l’émonde , retranche les rejetons parasites et les écorces rugueuses qui en épuisent ou en compriment la sève et le fait se
développer en magnifiques panaches qui donnent à la zone inférieure
des 'Vallées l’aspect d’une immense forêt.
Chaque année le peuple s’assemble sous l’ombre protectrice d’un
châtaigner séculaire pour célébrer les anniversaires des combats
mémorables , des triomphes remportés sur les bandes catholiques ,
ou des édits de paix et de pardon accordés par les souverains de la
Maison de Savoie , et ces solennités religieuses et nationales ont lieu,
autant que cela est possible , à l’endroit précis où s’est accompli
l’événement qu’il s’agit de rappeler. On accourt de toutes les Vallées
de la patrie vaudoise à la voix des conducteurs spirituels, qui
cherchent ainsi à ranimer la foi des descendants par le souvenir des
souffrances des ancêtres- — On se groupe en cercle sous la vaste
circonférence de l’arbre transformé en temple, on dresse contre le tronc
.'J Voy. jFcAo des Vallées Ir® annt'e, p. 188-
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une estrade pour les orateurs, et là , sous ce noble végétal, témoin
muet des combats qu’on va rappeler, au sommet de la colline d’où
la vue s’étend à l’aise sur la muraille des Alpes et sur la plaine
italienne couverte de villes , de bourgs et de châteaux qui luisent
au soleil, devant ce spectacle d’une magnificence inouïe et d’une
religieuse grandeur , des voix graves et pieuses montent vers le ciel,
et rappellent au peuple attentif les événements du passé , non pour
irriter contre le présent, mais pour réveiller l’antique confiance de
l'Israël des Alpes en la providence du Dieu qui l’a tant de fois délivré de la main de l’oppresseur.
Partout l’abri protecteur du chàlaigner s’ofi're à l’assemblée, car il
couvre la terre vaudoise et escalade les versants à une altitude inconnue dans les autres régions alpestres. La population semble s’en
être fait suivre dans sa retraite sur les hauteurs pour avoir à sa
portée le pain des jours d’épreuve ; elle l’a planté aussi haut qu’il
peut vivre et prospérer, et au dessus l’œil n’aperçoit que des espaces
privés de végétation arborescente; les autres essences ont presqu’entièrçment disparu, les pentes supérieures qui s’étendent de la
limite du châtaigner au sommet des Alpes sont envahies par un flot
de population qui en a fait disparaître la forêt pour y trouver sa
subsistance ; les cultures , les habitations permanentes , les hameaux
où l’on demeure l’hiver comme l’été, y montent à une hauteur
considérable. L'inalpage, ce curieux mouvement qui élève au printemps
et abaisse en hiver le niveau de la zone habitée des Alpes, est presque
supprimé dans la section vaudoise. Il n’est pas resté assez de place
pour qu’il pùt se produire librement. La population permanente a
débordé dans la région du pâturage et du chalet pour fuir l’ennemi
campé dans la plaine piémontaise et se rapprocher du groupe ami
et de même religion assis sur l'autre versant ».
VALLÉES VAÜDOISES.
e/Eiciise Prussienne et l’EtsIise Vaudoise. — Les relations
intimes qui existaient d’ancienne date entre l’Eglise Prussienne et
l’Eglise Vaudoise, et auxquelles plus d’un, parmi nos pasteurs et ministres , est redevable d’avoir parcouru à Berlin le cycle entier des
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études théologiques sous la direction d’hommes comme Neander, —
viennent de se renouer par le renouvellement de l’une des deux
bourses accordées avant 1849 à des étudiants de théologie Vaudois.
— C’est au 18 juin dernier que le Ministre de rinslruclion publique
en Prusse a pris l’arrêté relatif à cette création ; le montant de la
bourse s’élève â 250 thalers ( soit fr. 900 ) et la jouissance en est
fixée , pour chaque cas , à la durée de deux ans , ce terme ne pouvant être dépassé qu’avec la permission expresse du Ministre. La bourse
ne peut être accordée qu’à des étudiants en théologie ; et elle l’a été,
depuis le mois d’octobre dernier, à M’’ Célestin Michelin (de VillarPellice ) étudiant en théologie à la Faculté libre de Lausanne.
ConBëernlion au Ministère« — Le 30 octobre dernier a eu
lieu, par devant le Corps des Pasteurs réuni à la Tour, l’examen de
fui et de convictions religieuses de M'^ le candidat Théophile Malan,
élève de la Faculté libre de Lausanne Le candidat a été appelé à
rendre raison de sa foi sur les points suivants : La charité, — Tautotorité des Ecritures, — la Personne de Christ, — comment peut-on s’assurer
que Ton est enfant de Dieu ? — la vocation au S‘ Ministère. L’examen a
été jugé satisfaisant â la majorité absolue de 16 votes ( sur 30, nombre
légal, — et sur 25, nombre des votants).
A huit jours de là (6 novembre) M"’ le Candidat a prêché, devant
une commission de pasteurs délégués pour l’entendre, sur 1 Pierre
I, 3-5 («l’assurance du salut»). Cette seconde épreuve ayant été jugée
satisfaisante, la consécration a eu lieu le 21 novembre, dans le grand
temple de La Tour , au milieu d’un concours considérable , mais où
la paroisse , assez faiblement représentée , s’effacait trop derrière la
nombreuse jeunesse des écoles. M'’ le pasteur B. Malan, père du récipiendaire, a présidé lui-même à la cérémonie, pour lui doublement
impressive, de la consécration, en prêchant sur 2 Corinthiens IV, 5:
• Nous ne nous prêchons pas nous-mêmes, mais Jésus-Christ le Sei
• gneur; quant à nous-mêmes, nous sommes vos serviteurs pour
»l’amour de Jésus». Douze pasteurs et ministres ont assisté le prédicateur et procédé avec lui â l’imposition des mains.
Ylsite pastorale. — Nous avons parlé dernièrement de deux
visites pastorales dont l’une au Villar et l’autre à Boby. Voici quelques détails sur une troisième, faite ‘également par la Table, dans la
paroisse d’Angrogne. Le 10 novembre dernier, après le service religieux , présidé par M’’ le Modérateur, l’assemblée paroissiale s’est
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— 176 —
formée; il s’y trouvait, outre les membres du Consistoire, de trente
à quarante personnes. On dira que c’était peu pour une paroisse
aussi étendue et aussi peuplée; nous répondrons, quant à nous, que
c’est honnête, car réussira-t-on jamais à faire entrer toute une population dans les cadres d’une église ? Il est permis d’en douter.
Rien de bien saillant n’a été relevé à l’égard de la vie religieuse -,
mais ce qu’il y a d’un peu terne dans cette description est compensé
par plus d’un fait tendant à mieux s’accuser; ainsi, l’on signale une
diminution dans le nombre des procès , une observation plus Adèle
du jour du Seigneur, et une fréquentation soutenue des cultes et
même des réunions particulières. Sur le premier point seulement
que d’obstacles ne rencontre pas l’Evangile ? S‘ Paul luttait déjà avec
énergie contre la manie des procès dont les gens de Corinthe étaient
possédés au sein même de l’Eglise ( 1 Cor. VI ) ; et il est permis de
constater que notre population en est pareillement infectée. Serait-il
un moyen plus eiEcace que le culte de famille , solidement établi
comme base de l’édiûce , pour fortiAer l’individu et développer les
germes de la vie religieuse ? Malheureusement il n’y a pas de culte
de famille proprement dit.
On rend le meilleur témoignage à l’activité du pasteur-, mais on
demanderait aux anciens une activité plus grande. Ceci ne nous étonne
guère. Les anciens de nos églises ne se considèrent, après tout, que
comme de simples diacres, moins que cela, comme des distributeurs
d’aumônes dont le devoir consiste tout entier à délivrer des billets
ou des bons aux pauvres les plus nécessiteux. Si c’est là tout ce
qu’on exige des anciens, il faut convenir qu’ils n’atteignent pas
même à la hauteur de l’institution des diacres ( Act. VI ) laquelle
exige tout au moins des qualités plus positives ; du zèle et de la
prudence, c’est-à-dire la sagesse et l’enthousiasme du bien public, si
indispensable à toute espèce d’activité dans le royaume de Dieu.
Le régent paroissial et la maîtresse d'école ont donné entière satisfaction. — La paroisse de son côté, comprend ses devoirs relativement
à l’instruction élémentaire ; elle pourvoit d’elle même à l’entretien de
tous ses régents de quartier. Pourquoi ne fait-elle pas un pas de
plus, en s’occupant de créer un fonds d’egflise? N’aurait-elle plus besoin
de rien? Si cela peut être , voilà une paroisse parfaite et qu’on peut
proposer comme modèle.
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O L AIV XJ Ftli: S.
l/enfant qui lionore son père» — «Ecoute, Joseph, lu n’iras
pas à l’étang du moulin pendant mon absence,» disait un Quaher à
son fils ; « il n’a pas fait grand froid et la glace n’est pas solide ;
garde-toi bien de t’y aventurer » et après avoir donné cet avertissement le Quaker se met en voyage.
Or il faut savoir que Joseph avait une paire de patins tout neufs,
bien polis et brillants qu’il lui tardait beaucoup d’essayer sur la glace.
Sou cœur battit bien fort un jour en apercevant , au bas de la rue
du village, deux garçons qui s’avancaient avec leurs patins suspendus
à leurs épaules, se dirigeant vers l’étang. La nuit précédente il avait
fait froid , très-froid ; et la surface de l’étang était un brillant miroir de
glace. Bientôt ils reparurent. • Voyons , Joseph, va prendra tes patins et
viens avec nous; nous avons été voir, et il sera délicieux de patiner.
— Non , je n’y puis aller, dit Joseph, cela m’a été défendu.
— Absurdité ! et pourquoi ?
— Parce^jie la glace n’est pas sûre , je suppose. Je vous prie ,
laissez-moi et ne me pressez pas davantage.
— Ne pas te presser ! mais nous ne voulons pas y aller sans toi.
Je sais un moyen de te faire venir avec tes nouveaux patins,— dit
l’un des garçons, et aussitôt de courir à la maison de Joseph où sa
mère était paisiblement assise, occupée à raccomoder le linge du ménage.
— Madame , dit le garçon en se présentant à la porte , Joseph a
besoin de ses patins, s’il vous plaît, nous voulons aller à l’étang.
— Et qu’est-il donc arrivé à mon fils qu’il ne puisse venir luimême prendre ses patins ? s'il ne peut venir jusqu’ici, tu dois lui
dire qu’il n’est pas en état d’aller patiner ; — et la pacifique dame
continua â réparer la pièce de vêtement qu’elle tenait en ses mains.
Tout désappointé, le garçon s’en retourna vers son compagnon;
mais rencontrant Joseph sur sa route, — ta mère, lui fit-il, t’envoie
dire d’aller prendre tes patins.
Il eût bien mieux valu s’en tenir à la vérité ; mais Henry avait
reçu de son père la défense de s’aventurer sur l’étang , et sachant
que Joseph était dans le même cas, il désirait l’entraîner avec lui
dans une égale désobéissance. Mais Joseph se rappelant le regard
plein de bonté et les paroles de son père demeura inébranlable. Il
ne s’arrêta pas un instant à écouter Henry ; mais courant à la
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maison , il se mil à fendre du bois pour chasser de son esprit la
pensée de l’étang.
— Ton père arrive , dit la mère de Joseph comme les ombres du
soir commençaient à tomber, et il paraît avoir grande hâte..— En
eiiet le Quaker était très-pressé; sa flgure, si calme d’ordinaire, était
visiblement troublée; et en entrant dans la maison: — Anna, dit-il
il te faut aller chez le voisin qui est en détresse i il te faut y aller
de suite , car Henri et Charles ont été sous la glace dans l’étang et
des hommes les portent en ce moment à la maison ; peut-être
pourras-tu aider à les rappeler à la vie.
— Quelle terrible affliction! dit-elle; Joseph, mon cher enfant,que
tu as bien fait de ne pas aller avec eux ! — Et la bonne mère sortit
pour accomplir sa pieuse mission.
Les deux garçons étaient morts. Aucun moyen humain ne put les
rappeler à la vie. Après des heures d’essais , et de patients efforts ,
toute tentative devint inutile, et le père d’Henri dans Tamertume
de sa douleur s’écria : — ô mon fils, si seulement tu avais obéi à
mes ordres, ta vie aurait pu être longue sur la terre ! — Et la figure
blanche et froide qui gisait devant lui ne lui donna que cette muette
réponse : — c’est trop tard !
Le Quaker et sa femme rentrèrent chez eux fort dans le nuit,
et arrivés près du lit de Joseph qui dormait du pr^nd somnfell d'e
la santé: — béni soit l’enfant qui honore son père et sa mère! —
dit le Quaker, et une douce voix répondit à ses côtés : — Amen !
(Tiré de: The Child at home, Boston J
Vue réponse faite à propos. Un prêtre romain causait un jour
avec un jeune garçon fort intelligent appartenant à sa paroisse et qui
fréquentait une école protestante du voisinage. Le prêtre voulait
l’engager à livrer son Testament et à prier la ’Vierge de prendre soin
de lui et de le garder de tout mal et de tout danger. — N’en déplaise
à votre révérence, dit l’enfant, j’ai lu dans l’Evangile que lorsque la
Vierge était sur la terre , elle perdit son fils en s’en retouipant de
Jérusalem. Elle ne put dire où il avait été, et fut trois jour^ ^ns
pouvoir le retrouver. Or si elle ne pouvait prendre un soipiplu^igrand
de son propre fils qui était si près, ce serait, je pense, un soin,
ijién petit qu’elle prendrait de moi qui suis si loin d’elle, j u.üi
/The tract Journal','BostonJ/^
Pfgnerol, J. Chiantorb Impr.
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