1
■ V. année
12 Mars I860.
'WN/WVW^
lO
L’ECHO DES VALLÉES
FEUILLE HEBDOMADAIRE
Spécialement consacrée aux intérêts matériels et spirituels
de la Famille Yaudoise.
Que toutes les choses qui sont véritables...... eccupent
vos pensées — ( Phiüppiens., IV. 8.)
PRIX D ABOHNEMCIT !
Italie, b. domicile (un anj Fr. 3
Suisse................» 5
France................» 6
Angleterre , Pays-Bas, Allemagne 8
Vn numéro séparé : 5 cent
Vn numéro arriéré : 10 cent.
BUREAUX D’ABONNEMENT
Torhe-Pelt.ice : Via Maestra,
N.42, (Agenzia bibliografica)
Pìgnrroi. : J. Chlantore Impr.
Turin :J.J. Tron, via Lagrange
près le N. 22.
Florence : Libreria Evangelica, via de'Panzani.
SOMMAIRE : — Evangélisation. — Cronaca polilica.
poncìance. — Annonces.
ANNON^’ES : 5 cent, la ligne
ou portion de ligne.
Lettres et envois franco. S' adresser pour l'aflniinistration
au liifreau d Torre-PdUce ,
via Maestra N. 42. — pour la
rédaction ; A Mr. A. Revel
Prof. h. Torre-Pellice.
Chronique locale. — Corres
EVANGÉLISATION
Meeting écossais. Le 22 février, a eu lieu à Edimbourg ,
le meeting annuel en faveur de l’évangélisation italienne ,
dans le vaste hémicycle de Queen Street Hall. Le meeting
était très-nombreux et présidé par les très-honorable Lord
Polwarth. On remarquait sur la plateforme : le Rév. D"
Guthrie, D’’ G. Johnston, les D” J. C. et G. Burns, le
Rév, D"
clagan,
vidson ,
bertson
Begg, le Rév. D" D. G. Guthrie, D' Douglas Males Shériffs Jameson et Cleghorn , le colonel Da
RoM'
D’’ Goold , le Rév. Gumming, le Rev. D’’ XV.
le Rev. D" Duff, le Rev. D'' A. Thomson
Barbour (de Bonskeid) etc.
— Le rapport constate en premier lieu l’état de l’œuvre
vaudoise en Italie :
2
— 74 ■
Exercice précédent : Exercice actuel
Stations : . . . 22 26.
Agents ; ... 62 78.
Nouvelles admissions : 133 324.
Communiants: . 1384 1846.
Elèves des écoles S. Semaine; 1227 1453.
Id. des écoles du Dimanche: 754 814.
— L’année dernière , au mois de mars, le D'' Guthrio
s’est rendu en Angleterre et a réussi à organiser , à Londres
môme , un comité nombreux et influent qui s’est imposé
la tâche de travailler à la même œuvre. Le D'' Guthrie est
tout disposé à faire une seconde tournée du même genre,
au printemps de l’année courante.
— Le rapport financier constate une dépense totale de
frcs. 44071 , avec balance, au 31 juillet 1868, de frcs.
7834, 40.
— Le Président (Lord Pohvarth), le Rev. D'' Robertson,
la Députation vaudoise composée de MM. le Rev. D'’ R.
\V. Stewart, M' Prochet Evangéliste à Gênes, et A. Meille
Evangéliste à Lucques, et, avant eux tous, M'' le ShérifT
Jameson ont entretenu le nombreux meeting de l’état de
l’œuvre poursuivie par l’eglise vaudoise, des diflicultés
qu’elle présente ; et de la bénédiction que Dieu a déjà fait
reposer sur elle.
Le sou hebdomadaire à Florence. Le fait que nous allons
rapporter s’est passé au Pignone. — Une mère de famille,
femme pieuse, mais dans un état voisin de la pauvreté,
venait do souscrire la somme en question, lorsque son fils,
âgé de huit ans, déclara qu’il voulait en faire autant. On
lui fit observer que , ne gagnant rien, il ne pouvait rien
promettre de semblable ; ce qui le rendit fort pensif. En-
3
fin levant ses yeux, où brillait une résolution bien arrêtée,
il dit à sa mère : epinire , je voudrais bien souscrire I —
Soit, mon enfant ; mais à une condition que je te prie de
bien graver dans ta mémoire. — Quelle est-elle ? — C’est
que désormais tu t’abstiennes de dépenser un seul centime
pour achat de marrons secs. — Eh bien , je n’en achèterai
plus, pourvu que je puisse , moi aussi , couvrir ma souscription I
Société aDUtiliaire de Torre-Pellice. Nous rappelons à nos lecteurs que la Société auxiliaire de La Tour continue de recevoir , comme par le passé, les dons volontaires en faveur de notre Evangélisation, Les dons seront reçus à La
Tour par MM. les professeurs J. D. Charbonnier, Etienne
iMalan, B. Tron , A Monastier, J. A. Revel.
Cronaca pUttca ^cUa C|umbtctna.
Italia. L’emendamento Peruz/.i relativo alla presidenza delle Deputazioni provinciali, ch’egli volea tolta ai Prefetti, ha occupato inutilmente
la Camera tutta la scorsa settimana e venne quindi con una proposta sospensiva del deputato Righi rimandato alla prossima discussione del progetto di leggo sul riordinamento dell'amministrazione comunale e provinciale.
— Fra le molte altre proposte alle quali diede occasione quella discussione,
vuoisi particolarmente mentovare quella dell’onerevole Lanza il quale domandava con molta ragionevolezza la esclusione di tutti i membri del
Parlamento dalle deputazioni provinciali.
La divisione del lavoro cotanto utile alle industrie ed al commercio,
non sarà nemmeno nociva nelle cose politiche ed amministrative, dove il
cumulo di varie attribuzioni e funzioni pubbliche, siano pur anche gratuite,
aprono sempre facile l’adito agli abusi.
— Trovasi attualmente in, Sardegna la Commissione stata nominata dalla
Camera per studiarne le vere economiche e civili condizioni. Colà pure,
a quanto dicesi, si recheranno fra breve le LL. AA. il Principe e Principessa di Piemonte nel prossimo loro ritorno da Napoli.
— L’opera del deputato Fambri, io Giurisprudenza del duello, ha proprio
visto la luce sul momento in cui maggiormente ferve la duellomania.
4
— le
che giurisprudenze ? che teoriche ? che tattiche del duello ? Meglio addirittura r ammettere la proposta del deputato Macchi, e cancellare una
volta dal nostro Codice Penale, pene e castighi che mai non s’infliggono/
Son troppo noti i fatti luttuosi avvenuti giorni sono a Bologna e a
Torino dove due poveri giovani vennero d’un primo colpo di pistola fatti
cadaveri, in una cosi detta partita d’onore, per non dispensarci da ogni
altro commento, a tal riguardo.
lUster'o. La terra de’morti di Chàteau-le-Point, ossia il cimitero d’un
comunello di quel nome , s’è aperta, pochi giorni or sono, per raccogliervi , insieme a quelle della moglie e della figlia, la salma di Alfonso
Lamartine, mancato ai vivi in Parigi la sera del 1° marzo. Poeta valentissimo, storico piacevolissimo e uomo di stato di poca levatura, ci lascia
un nome reso illustre ovunque nella repubblica delle lettere. Quasi contemporeamonte a quella del Lamartine spegnevasi eziandio, la non tanto
lunga ancora, ma laboriosissima vita del presidente della Corte di Cassazione
e del Senato imperiate di Francia, Teodoro Troplong.
Per decreto imperiale si celebreranno a spese del pubblico, solenni funerali in onore di ambedue.
— Le cose di Spagna procedono tranquille. Serrano confermato dalle
Cortes qual capo del potere esecutivo , ha rivolto ai suoi costituenti molto
appropriate parole, colle quali aprendo loro intero l’animo suo, richiese
l’indulgenza della minoranza ch’egli chiamò sua legittima accusatrice, e
l’imparziale verdetto della maggioranza, suo giudice naturale. Disordini interni non ve ne sono. L’insurrezione Cubana è ridotta agli estremi e non
sarà vero che se pierda Cuba.
Regna nella Rumenia molta agitazione suscitata dall’ex-ministro Bratiano
dopo lo scioglimento delle Camere.
Disordini ben più gravi si avverarono in Ungheria all’oceasione delle ultime
elezioni. In molti distretti elettorali i partiti estremi addivennero a vie di
fatto. Furonvi morti e feriti.
In Grecia, re Giorgio dopo sciolte le Camere, intraprese un viaggio nelle
sue provincie allo scopo evidente di calmare colla sua presenza gli animi
concitati dei sudditi suoi.
L’attuale atteggiarsi della Boemia rimpetto all’Austria, continua ad impensierire 1’ aulico consiglio di Vienna. A mantener queste inquietuni gioverà non poco la recente pubblicazione d’un periodico quotidiano intitolato :
Correspondance Tschèque nella città di Berlino.
Il discorso pronunziato dal re di Prussia all’apertura del Reichstag è
rivolto interamente alle cure interne, e dà le assicurazioni le più ottimiste intorno al mantenimento della pace.
Intanto, l’incidente Belga, va prendendo una piega tutt’altro che rassicurante , e minaccia di diventare quello che diplomaticamente suolsi chiamare vera quistione o vertenza politica, il di cui amichevole scioglimento
è sempre cosa dubbia ed incerta.
5
-fi
— Ma lasciamo i regni e gl’ imperi ed attraversiamo l’Oceano per assi^
stere giulivi al solenne imponente insediamento del Presidente della Ucimbblirn di'fjli Stati Uniti , generalo Grant, quel prode aholi/.ionista della tratta
di neri, la di cui venuta al potere riempie di si alto c nobili sp('ranzc
tutti gli amici della pace e del libero progresso sì dell’uno che dell'altro
emisfero.
(Shroniqwe locale.
Torr-o-TPellIce. — Conférences populaires. conf. (3 mars).
M' le Prof. H. Rollier. a continué l’exposition du sujet qu’il .s'était pro|iosé
de traiter d’une manière suivie, à savoir : L’alimentation et la respiration.
— Leçons d’agronomie. Aux conférences populaires se sont ajoutées des
leçons d’agronomie, spécialement consacrées à nos cultivateurs. Ge nouvel
enseignement a été confié à M"" le Prof. II. Rollior, et il se donnera d’une
manière régulière dans le local de fecole paroissiale ( S' Marguerite), tous
les lundis , <à 7 h. du soir.
— Cassa sociale di prestiti e risparmi di Milano. Cotte colossale mystification , qui a occasionné è notre seule vallée une perte de 100 mille
francs environ, vient d’être mise en pleine lumière. Les syndics de la faillite ont constaté: 1“ que les budgets précédents étaient fallacieux; (jue
l’on avait émis de faux livrets d’épargne pour une somme d’un million;
3o qu’un défaut de garantie avait compromis la caisse d’epargne pour des
sommes énormes; A“ que les registres de plusieurs succursales étaient
monteurs, et h° que l’administration centrale n’exerçait pas un contrôle
efficace. Le passif s’élève à 7,000,000 francs et l’actif à 4,000,000 frs. On
pourrait espérer par conséquent un dividende du 60 Oio ; mais ce dividende n’est i\0Q presunto. On compte néaumois, pour le mois de mars,
sur un premier dividende du 30 0[0.
(îtorreeponbancc.
fRctardéJ. On nous écrit de Oiiastalla, février 1809 ;
Monsieur le Rédacteur,
Malgré le malaise et la désespérante stagnation des affaires qui régnent,
presque généralement, au sein de la société italienne, malgré la vive émotion
qui a fait tressaillir , d’une manière insolite , nos provinces de l’Emilie, à l’occasion de la taxe .sur la moOture, durant ces jours derniers on a essayé de
s’amuser ici aussi bien qu’ailleurs. Et il le fallait bien, pour noyer de quelque
façon les noirs soucis qui nous assaillent de toutes parts , répètent encore
les coryphées de la saison qui vient de s’éteindre. Tant de vacarme m’a fait
l’effet de gens qui cherchent à s’étourdir afin d’oublier, s’il était possible, le
fardeau trop lourd sous lequel plus d’un commence de se sentir comme accablé. Au reste, il n’y a là rien de nouveau. Seulement on affecte d’ignorer
qu’à l’expiration des fêtes toutes ces difficultés reviendront à flots avec la
double escorte du regret et du dénuement La Rome d’autrefois avait ses bac-
6
- 1ñ
cháñales, ses orgíes'et... autre chose encore. Son émule d’aujourd’hui n'étalet-elle pas, avec une séculaire complaisance, ses brillantes processions, se.s
que nous devons tout ce qu'i
nous faut, bon gré, mal gré, voir et entendre pendant ses étourdissantes
semaines qui nous font soupirer après le carême. Pour s’en convaincre , sans
feuilleter de trop vieilles chroniques, on n’a qu’à jeter un coup d’œil sur ce
qui se passait hier encore dans la cité des pontifes.
Les bienheureux sujets de Sa Sainteté, méconnaissant la clémence de leur
maître et les délices qu’ils ont eu eux seuls le privilège de savourer à plaisir,
ont fini par refuser, chose incroyable, de prendre part aux divertissements
publics qui leur sont offerts. Voyez comme ils payent d’ingratitude les tendres
soins de leur très-saint Père ! Xe temps où il suffisait de répondre aux cris
de « panem et circenses » pour satisfaire à tous les besoins de la multitude se
serait-il donc, à jamais évanoui, au vif regret de celui qui ose s’appeler le
sercitear des serritenrs, et ceindre son front de la triple couronne? Il serait
doux de pouvoir l’espérer. Dans l’attente de meilleurs jours, tous ces bons
prélats qui ne désirent pas mieux que de distraire leurs fidèles sujets, dans
le dessein d’empêcher les regards de se fixer sur le joug peu aisé, se sont
passablement émus de l’accueil froid qu’on vient de faire à leur dernier carnaval. Si la bourgeoisie s’en abstient, si les classes inférieures n’y prêtent
qu’avec répugnance un concours médiocre, à Rome toute fête bruyante semblerait avoir fait son temps. C’est ce qui vous trompe. En dépit des Romains,
dont on ne se joue plus en les amusant comme des enfants à qui l’on désire
faire oublier la mère absente, il y a eu toute fois force bruit et force clameurs;
ne fût-ce que pour suffoquer la voix des victimes et étouffer les remords
causés par le souvenir du sang innocent répandu. Au jour fixé pour l’inauguration des fêtes vous auriez pu voir défiler le solennel cortège du Sénat!, qui,
certes par ironie, porte ce nom auguste. C'est bien à un tel corps qu’il appartient de présider aux saturnales des temps modernes. Seulement en bon
patriote je ne puis trop regretter que ce soit au son des trompettes et de la
cloche du Capitole ! Dès qu’on est averti que toutes les folies s’accomplissent
d’après l’initiative et sous le patronage de Mgr. Gommatore et du Smato, il
serait superflu d’ajouter que les zouaves, les légionnaires d’Antibes, avec les
indispensables gendarmes , font les principaux frais de la saison. D’ailleurs
l’opulent clergé ne tient-il pas sous la main quelques hordes de valets pour
dissimuler, en partie le dégoût qu’un peuple enchaîné éprouve pour des fêtes
aussi intempestives? Des mercenaires, des valets et encore des valets, tel est
le monde qui se divertit à Rome, avec l’approbation et sous les yeux de Sa
Sainteté. Rien d’étonnant qu’après nous avoir donné le carnaval, le pape
continue de s’en montrer le champion. On n’est pas sans entrailles envers ses
propres enfants. — Mais voici qui est plus étrange. Tandis que les
Romains ne participent pas aux folies du jour, il faut que l’Italie, dans ses
hameaux aussi bien que dans ses grands centres, nous offre le spectacle,
assez maigre, d’une nation qui prodigue ses rares deniers, jette une précieuse
partie de son temps et ruine sa santé plus précieuse encore. — Je préviens
une objection : «î Laissez que Rome, deux fois opprimée, s’attriste ; cela est
naturel ; quant à nous citoyens affranchis, il nous .sied bien de donner libre
cours à notre joie et de déployer notre activité ; aussi faisons-nous bon
marché de vos jérémiades ». Je ne réfute pas, les faits qu’il me reste à signaler
le feront plus amplement que mes paroles. Mais il h'en est pas moins vrai que,
trop tôt satisfaits d’une pareille augmentation, l’on s’empresse de grossir la
multitude des désœuvrés et l’on court faire gogaille.
7
-Ta
ri serait naïf d’aiflrmer que le mal preud pied partout, mais'il est juste de
dire que, sauf de rares baisses, il se maintient obstinément. Le clergé «¡uoirnic
toujours complice, ne marche plus à la tète. Ce sont les hommes dépouiflés
de tous préjugés et superstitions, libéraux en matière politique et indinérents,
ou pis encore, dans la question religieuse, (|ui sont reconnus les chefs obligés
de ce qui .s’entreprend pour honorer, comme il convient', ce carnaval, plus
cher (|u’on ne le pense. Et ces geus-là s’imaginent sérieusemeut mériter la
reconnaissance du peuple, quand une fois ils sont parvenus à lui faire goiïter
leurs folies. Sans douter do la droiture de leurs intentions, j’ose soutenir (pi’ils
se trompent grandement.
Qui peut dire à quel prix fabuleux nos compatriotes se procurent le plaisir,
assez vulgaire, de fêter leur carnaval ? Je veux taire les sommes considérables (jui se recueillent par voie de so\iscription, et dont l’emploi laisse souvent
beaucoup à désirer. Je laisse de cété tout ce qui est jeté pour élever des
estrades et payer des musiciens qui feront danser les sots, peuple toujours
nombreux. Tenez simplement compte des dépenses individuelles, inutiles ou
nuisibles, et vous n’hesiterez pas a croire que durant cette saison on double
volontairement ses prétendus besoins. Combien de personnes qui ont fait
force économies, jusqu’à ne pas manger à leur faim ! et cola pen.serez-vous,
afin de payer une vieille dette ou de placer quelques écus à la caisse d’épargne. .Mais ce serait là pour eux de la bêtise, car leur bon sens consiste à
sacrifier leur magot sur l’hôtel du carnaval. On va même jusqu’à contracter
des dettes et donner en gage les objets les plus Indispensables pour figurer
convenablement au bal masqué de son quartier.
Mais il y a plus. Le carnaval est un hôte qui ne se contente pas qu’on lui
fasse bonne mine en travaillant à l’atelier; au contraire, il exige que vous
soyez tout à lui. Etes-vous un do ces hommes qui n’abandonnent pas volontiers
le soin de leurs affaires, pour courir à la rue augmenter le nombre des badauds? D’importuns amis ne cesseront de vous solliciter et de vous rompre
la tête, qu’ils ne vous aient emmenés avec eux. Où sont les personnes qui
puissent s’appliquer à un travail sérieux, en eussent-elles même grande envie,
au milieu d’un monde devenu fou ? Que vous me l’accordiez ou non, il est
de fait qu’ici on ne s’occupe à rien d’utile pendant les semaines dédiées au
patron de l’oisiveté et de la débauche. Au reste observez comme elle prend.
N’avons-nous pas vu les pères de la patrie ajourner leur séances? Eh ! quoi,
n’est-il pas plus urgent d’offrir son culte à Gianduia, Pantalon, Stenterello e
Comp. que de s’appliquer à remplir fidèlement le mandat (¡ne le peuple vous
a confié ? Que les réformes sombrent, tant pis, pourvu que le Dieu du jour
soit en honneur ! Ces exemples qui nous tombent de si haut trouvent, on le
conçoit, foule d’imitateurs, aussi le pays est-il en grève. En gaspillant de cette
fagqn un temps si précieux, la nation à coup sôr prodigue ses ressources pécuniaires aussi longtemps qu’il sera vrai que « time in money». Le chômage, accompagné des débordements que l’on sait, occasionne plus qu’une double perte.
Devons-nous passer sous silence tout ce qui s’use de forces et d’énergie
dans ces excès de tous genres auxquels le peuple se livre? L’oisiveté multiplie
les vices. On court chercher un délassement, un plaisir, puis l’on rentre chez
soi la bourse vide et le corps malade, en se plaignant de n’en avoir pas eu
pour son argent. Avoir la santé minée’, pour l’artisan surtout, n’est-ce pas la
perte irréparable du plus précieux trésor? — Les seuls qui profitent de tout
ceci, ce sont les cabaretiers, et plus tard les médecins.
Voilà un dossier bien fourni soit pour légitimer notre réquisitoire, soit pour
instruire le procès que nous voudrions intenter contre une institution aussi
contraire aux intérêts du peuple.
Et pourtant nous n’avons pas dit un mot par rapport à l’influence délétère
que cette mèmè institution exerce sur la vie morale. A ce point de vue surtout
8
■72
lo carnaval mérite toute notre’réprobation. Là prennent naissance les désordres
et les vices de plus d’un genre. Que de personnes qui alimentent durant le
carême, pour ne pas dire durant l’année , des habitudes vicieuses contractées
à l’époijiie dont nous nous occupons !
Ce n’est pas tout. Pour qui croit comme nous à l’union étroite, à la solidarité qui règne eutre la morale et la religion, il va sans dire que tout
ce qui nuit à la première compromet gravement la cause de la seconde.
Cela s’est toujours vu. Le carême , avec le cortège de ses prédicateurs,
eussent-ils tous l’éloquence d’un Cicéron, n’y peut rien changer. C’est en
vain que l’on elTraiera les masses au moyen d’une déclamation sur le
texte obligatoire: « PukU es, et in pnkcrcm recerterk ». Il faut autre chose
qu’une déclamation vide et une poignée de cendres que le prêtre vous
jette au visage , pour racheter soit le temps, l’argent et la santé perdus,
soit les folies et les débordements, auxquels on s’est abandonné. A quoi
sert-il de tant vous battre la poitrine et de subir dévotement la pénitence
infligée par le confesseur, si avec cela vous n’avez pas appris à dévenir sages? Une église qui sanctionne de son autorité, de tels compromis,
travaille pour sa bonne part à discréditer la religion qu’elle professe. Rome
a fait cela.
J’entends une voix me taxer d’exagération parceque je ne tiens nul compte
du bien (jui se fait. Ainsi maintes villes n’ont-elles pas, au milieu de
leurs fêtes, contribué au progrès de l’industrie et à l’entretien des établissements de charité ? Oui, je connais ces choses et suis loin d’en vouloir à vos o'iivres philanthropiques, mais je me défie de ceux qui pratiquent ainsi la charité. Je crains que ce soit un masque de plus , pour
cacher d’autres désirs moins louables. Auriez-vous d’ailleurs la naïveté de
croire (]u’il ue soit possible de faire quelque bonne action qu’en courant
le ris<iue de perdre inutilement son temps, son argent, sa santé et, ce
qui vaut bien mieux , sa moralité ? Vous. Messieurs , qui affichez tant
d’amour pour votre prochain, penseriez vous par hasard qu'on l’aime moins
là où les folies du carnaval sont tout à fait inconnues ? L’Angleterre et
les Etats-üiiis(;d’.Amérique se chargent de donner la réplique en vous présentant leurs .'innombrables sociétés de bienfaisance.
Quant à moi j’estime cent fois heureux tout peuple qui apprécie assez
les dons de Dieu pour ne point s’en rendre indigne, en les profanant
par une fvaine prodigalité. Sous ce rapport, que de choses il nous reste
à apprendre! Et ce sera tout à nos propres dépens. La papauté nous
a mis sous tutelle, aussi toutes nos mœurs s’en ressentent et la conscience elle-même est complètement faussée. Des scènes d’un autre âge
apparaissent très-naturelles aux regards qui sont tournés vers Home, tandis qu’elles affligent le cœur du chrétien éclairé. Il n’est que trop vrai
qu’on ne croît pas impunément à l’ombre du clocher catholique.
Le fait qui ressort assez clairement des détails qui précèdent c’est que
nous avons affaire à un peuple qui se laisse encore amuser par un
jouet quelconque, à la condition qu’on le lui vende bien cher. Tant qu’on
ne dira pas du carnaval « c’est un saint cju’on ne fête plus chez nous »,
l’éducation morale et religieuse du peuple italien sera toujours à refaire.
Tous les amis du règne de Dieu qui comprennent combien il est nécessaire de remédier promptement à un mal si grave, sauront aussi que,
à cet effet, il n’est pas trop de toutes nos prières et de nos efforts réunis
pour seconder, efflcacèment, l’œuvre des pionniers qui commencent à déblayer la route. ■ ,
Pardonnez-moi, cher Monsieur, d’avoir trop abusé de votre patience et
croyez-moi etc. _____________________________________
Pignerol , J. Chuktore Impr.
A. Revel Gérant.