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s* anoit
Octobre 1868.
iV« lO.
L’ECHO DES VALLEES
-(NOUVELLE SERIE)
Que toutes les choses qui sont véritables........ eccupt-jit
vos pensées — ( Pkilippiens., IV, 8.)
SOMMAIRE: — Biographie: Jean Oonin des Gonins. — Les Ecoles du dimanche.
— Histoire Vaudoise: Le Temple du Chabas. — Les discussions religieuses de Livourne. — Vallées Vaudoises.
BIOOJFtAlPHIE
JEAN GONIN DES GONINS
Le dernier dimanche du mois d’avril 1741, et dans ce
même temple du Chabas que l’on vient de restaurer, le
pasteur Cyprien Ap^iW administrait le saint baptême à un
petit enfant qui reçut l^ors le nom de Jean C^). Né le 20 avril
de PaulGonin et de Marguerite Gille, il n’eut sans doute pour
longtemps d’autre occupation régulière . que celle d’aider
ses parents aux travaux ordinaires de la campagne, et la fréquentation plus ou moins assidue de l’école primaire. Non pas
toute fois -de l’école des Blonats, ni de celle du quartier des
Gonins auquel appartenaient ses parents, puisqu’on ce temps-là
( * ) Les registres de S* Jean portent bien encore un Michel Gonin de David et
d’Anne Muston > né 1e 17 septembre 1740; mais celui-ci aurait été en 1828 âgé
de 88 ans.
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il était défendu d’ouvrir aucune école dans la commune de
S‘ Jean ; mais bien « la grande école » des Smnailkttes , sur
territoire d’Angrogne. Nous ignorons s’il demeura longtemps
aux Vallées, et nous ne savons pas davantage ce qui put l’engager à quitter le lieu de sa naissance à une époque où les
voyages étaient si difficiles. Ce qui est certain c’est que Jean
Gonin se rendit d’assez bonne heure à Genève, où il vivait
encore en 1828 «avec sa bonne vieille femme, » n’ayant pas
moins de 86 ans. — Là, « comme un charbon sous la cendre »,
cet humble enfant de Dieu réchauffait, depuis trente ans, de
sa piété son petit entourage, contribuant ainsi pour sa part
à rallumer au milieu de Genève ce feu qui depuis s’y est tant
fortifié. Slais c’est à Félix Neff que nous aurions dû laisser la
parole. — Dans une lettre qu’il écrivit de Genève, le missionnaire des Alpes s’exprime ainsi :
Aux Vaudois du Piémont.
GenÈvi, le 14 mai 1828.
Mes chers amis et frères en Jésus-Christ,
Mon cœur a été vivement réjoui de tontes les bonnes
nouvelles que vous me donnez de vos Vallées. Combien je
serais plus réjoui encore si je pouvais vous aller voir I Mais
ma santéj loin d’être rétablie eomme vous l’avez cru, est plus
faible que l’automne dernier ; je redoute surtout de lire et
d’écrire et je ne puis prendre la plume que rarement.
Nous avons ici à Genève, un Vaudois nommé Gonin, de
la commune de S‘ Jean, quartier deâ Gonifts, qui a quitté
les Vallées depuis très-longtemps, et n’y a , je crois,
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- 1«
plus de proches parents. Converti dans sa jeunesse par les
Frères-Unis (ouMoraves), il était resté presque seul, comme
un charbon sous la cendre, pendant les longues années de
mort et d’incrédulité qui ont précédé le temps actuel de
réveil religieux : quatre ou cinq personnes réunies à ce fidèle
disciple de Christ, ont formé, pendant plus de trente ans, le
seul foyer de vie chrétienne qu’il y eut à Genève. — C’est à
cette petite lampe, luisant en un lieu obscur, que le réveil s’est
développé parmi nous, et que d’ici il a été reporté chez vous.
Cependant, tout en bénissant le Seigneur du réveil de nos
contrées, le respectable frère Gonin soupirait en pensant à
ses chers compatriotes. « Et nos pauvres Vaudois ! disait-il
souvent, personne n’ira-t-il leur parler de l’amour de notre
cher Sauveur? Ah si le bon Dieu me faisait la grâce de voir
leurs cœurs se tourner vers ce bon Berger, je n’aurais plus
rien à désirer dans ce monde ».
Avec quel plaisir ce bon vieillard n’a-t-il donc pas entendu
lire votre dernière lettre I Des larmes de joie coulaient sur
ses joues ridées ; et levant au ciel ses mains tremblantes, il
s’est mis à réciter en sanglotant le cantique de Simeon ;
«Laisse-moi désormais. Seigneur, aller en paix...» — Quand
il a entendu que vous aviez fixé l’heure de midi pour prier
pour l’avancement du règne de Dieu dans les Vallées, il a
dit à sa bonne vieille femme : « nous aussi nous voulons prier
avec eux. Ditesdeur, a-t-il ajouté, dites à ces chers frères,
qu’un pauvre vieillard âgé dé 86 ans, qui est de leur pays,
veut aussi prier avec eux notfô bon Sauveur. Que Jésus leur
donne bon courage pont porter sa croix ! Je ne les ai jamais
vus, car ils n’étaient pas au monde quand j’ai quitté le pays;
mais je les porte tout de même dans mon cœur. — Saluez
ces chers amis de ma part, au nom de Jésus ».
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-* 150 —
Félix Neff continue sa lettre aux Vaudois ; mais comme
il n’y est plus question de Gonin, nous ne le suivrons pas plus
loin, renvoyant pour le reste aux Lettres de Felix Neff par
A, Bost, tom. II, 337.
DES ÉCOLES DU DIMANCHE
Si nous avions besoin d’une preuve nouvelle de l’intérêt
que portent à notre patrie les chrétiens d’Amérique, nous
l’aurions dans la lettre suivante, écrite par une Dame de
Brooklyn ( près New-York ) à notre Evangéliste MrAppia.—
Elle peut servir en môme temps à nous montrer la haute
importance que les Américains attachent, — et pour leur pays
-et pour le nôtre, — à cette belle institution des Ecoles du
dimanche. — Voici la lettre telle que nous la recevons de
l’obligeance de M*" Appia.
« Cher Monsieur,
« Mon compatriote, M*" Woodruff, qui est le grand ami des
écoles du dimanche, et qui s’intéresse vivement au progrès
de cette œuvre dans votre pays, m’a engagée à vous écrire.
Vous saurez peut-être qu’il a établi à Brooklyn une société,
qui est destinée à se mettre en rapport avec les écoles du
dimanche à l’étranger, et qui est composée de 25 dames,
à chacune desquelles il désigne un correspondant à l’étranger,
afin qu’elles puissent s’entretenir avec lui sur l’œuvre de
l’Evangélisation. M*“ Woodruff espère que, de cette manière,
ce pays, si riche en biens spirituels et intellectuels, pourra
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faire parvenir quelques rayons de lumière à des pays moins
privilégiés, et par conséquent à votre belle Italie, que nous
ne pouvons ne pas aimer tout particulièrement. Nous n’avons
pas oublié que c’est dans un petit village , près de Gènes,
que naquit, il y a quatre siècles , un enfant qui devait grandir
et nous donner notre monde, et nous ne pouvons oublier
qu’il invoqua le nom du Sauveur sur le premier endroit où il
débarqua ; — que s’agenouillant et baisant la terre , il se mit
à chanter, le cœur rempli d’adoration: «Nous te louons, ô
Dieu, et nous reconnaissons que tu es le Seigneur». Et à
présent nous voudrions vous rendre le bien que nous avons
reçu. Nous désirons ardemment que votre beau pays soit
régénéré , qu’on y invoque le nom de Jésus, et qu’on y chante
les louanges de Dieu. —Comme Christophe Colomb, nous
voyons d’avance, en imagination, un pays à conquérir, où nous
désirons trouver la trace des pieds de ceux qui annoncent
de bonnes nouvelles, un pays qui doit être enrichi non seulement des dons de la civilisation, mais qui doit devenir un
trophée de la grâce d’en-haut à la louange de Celui qui s’est
acquis les royaumes de la terre pour ses possessions, et à qui
« appartiennent le régne , la puissance, et la gloire ».
« Nous voyons clairement, dans ces derniers temps, que
les écoles du dimanche sont le grand moyen par lequel Dieu
régénérera la terre. Elles sont utiles pour ce monde et pour
le monde à venir. Daniel Webster, un de nos plus grands
hommes d’état, a dit que les écoles du dimanche étaient les
grands soutiens de la vie politique, et qu’elles avaient plus
contribué à préserver les libertés des États-Unis, que ne
l’avaient fait nos législateurs et nos armées. Et Jefferson,
l’auteur de notre déclaration d’indépendance , disait qu’on se
rappellerait le nom de Robert, Baikes bien longtemps après
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- Î5i —
que le sien serait tombé dans l’oubli. — Telle est la preuve
de l’importance que les esprits sérieux ( qui cherchent et analysent les principes qui soutiennent les fondements de la
société ' et de la liberté humaine ), attachent à l’éducation
religieuse des enfants. Nous regardons trop souvent les
enfants comme des êtres faibles et de peu d’importance,
oubliant que ce sont ces enfants mêmes qui seront les hommes
et les femmes de la génération suivante, à laquelle ils devront
nécessairement imprimer leur caractère à eux. Car ils emporteront dans l’avenir les pensées, les affections, et les
principes qu’ils ont reçus du présent. N’est-ce donc pas à
nous qui nous occupons d’enfants (et nous devons les regarder comme nos propres enfants puisqu’ils sont placés sous
notre influence ) de veiller à ce que ces précieuses jeunes
âmes n’emportent dans la vie que des principes dignes
d’êtres immortels et une piété vivante, à la louange de Dieu?
C’est à présent que vous pouvez user de votre influence sur
leur esprit ; — usez-en promptement, car chaque jour laisse
sa trace sur ces âmes ardentes et avides. Si vous n’occupez
la place, le mal encouragera quelque instinct ou quelque
habitude et donnera à quelque disposition fâcheuse une force
qui durera autant que la vie ; travaillez donc tandis que le fer
est chaud, car c’est à présent que vous pourrez le plier à
votre gré ; mais hâtez-vous, sinon l’incrédulité vous devancera et m?irqnera ce même fer de son sceau de mort. —
Peut-il y avoir sur la terre une œuvrq plus belle, et plus élev^
que celle d’amener ces jeunes âmes à Dieu, prévenir le
V' Pripce de; la pui^aace de l’air, » de les faire entrer dans
le chemin de la vie au nom de Christ et de rassembler dans
son bercail ceux qu’il invita à venir à Lui avec tent d’amour ?
Dieu avait commandé aux Juifs d’enseigner ses commande-
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— 153
ments soigneusement à leurs enfants, et c’est une œuvre pour
l’accomplissement de laquelle II accorde un secours tout
spécial. Que Dieu veuille vous mettre au cœur à vous, ainsi
qu a tous les chrétiens d’Italie, de travailler sérieusement à
cette œuvre.
J’espère que votre collège à Florence chemine bien et
que tous vos jeunes gens sont occupés à fonder des écoles
du dimanche. Nous serons contents d’apprendre les progrès
que vous faites, et je prie Dieu de renouveler votre cher
pays politiquement et moralement.
Agréez, etc.
HISTOIRE VAUDOISE
Le Temple du 01ial>as.
Nous «kvoDs , dans notre numéro du mois de septembre , posé la
question et indiqué sommairement la réponse ; nous venons maintenant prouver, pièces en main, ce que nous avons avancé.
Qu’on nous permette d’abord de reproduire le témoignage de notre
vieil et véridique historien'.
A la page 395° de son hvre, après avoir raconté les principaux événements de l’année 1613, il s’exprime en ces termes :
• Environ ce temps , le peuple de Sainct Jean estant tellement
multiplié en nombre de personnes, qu’il ne trouvait plus aucun lieu
couvert en tout son territoire capable pour y faire les exercices publies de raliglon que d’ancienneté ils avoyent accoustumé d’y faire ,
«ans cpptFadieti.on en bastirent un , et «’en servirent paisiblement
pour quelques années, et jusques A ce que par l’importunité de quelques-uns de leurs adversaires on les en voulut déposséder •.
Ce n’est point, croyons-nous , faire violence d ce texte que d’en
tirer les conclusipns suivantes: t
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Avant 1613 l'Eglise de St Jean ne possédait aucun temple, et se
réunissait tantôt ici, tantôt là, dans quelque lieu couvert, c’est-à-dire
dans quelque habitation pourvue d’une salle plus ou moins spacieuse,
ainsi que le pratiquent encore les dissidens réunis aux Odins ;
Mais elle s’empressa de profiter d’une époque de calme exceptionnel pour s’en bâtir un.
Le temps, en effet, était singulièrement propice pour l’érection d’un
édifice de ce genre. Le Duc guerroyait alors dans le Montferrat et
était au mieux avec ses sujets hérétiques parcequ'il en avait besoin
pour grossir sa petite armée. Les milices vaudoises, assurées d’une
pleine liberté de conscience et de culte , et commandées par Ulysse
Parravicini, gentilhomme valtellinois bien affectionné à la religion (Gilles, p. 391), prirent donc part à la campagne de 1613, puis à celle de
1614 contre l’Espagne, et s’acquittèrent de leur devoir à la satisfaction
de leur souverain , Dès lors on s’explique très-bien comment, grâce
aux préoccupations politiques de la cour ducale , on put bâtir un
temple sans contradiction , et en jouir paisiblement pendant quelques
années, c’est-à-dire aussi longtemps que le Duc eut besoin de l’assistance
de ses sujets (Gilles, p. 392).
On nous objectera peut-être, à cet endroit de notre récit: mais
vous n’avez rien prouvé , si vous ne réussissez pas à montrer que
le temple du Chabas ne fait qu’un avec celui de 1613, dont Gilles ,
d’ailleurs, n’a indiqué ni le nom, ni l’emplacement, or est-il probable
que la population de S*^ Jean qui avait, de l’aveu même de l’historien
(p. 410), un si grand besoin de ce temple, ait été le construire à l’extrémité et même en dehors de son territoire, sur Angrogne ? — Un
peu de patience ! Nous avons prévu l’objection ; et pour la combattre
nous avons plongé dans la Raccolta degli editti concementi i Valdesi,
livre peu attrayant mais instructif, d’où nous rapportons une.démonslration complète.
Nous y avons lu d’abord l’édit, dont l’Echo a déjà fait mention, du
20 juin 1620, où le duc, qui n’avait plus besoin de ses sujets pour
des expéditions plus ou moins lointaines , rouvre soudain les yeux
sur les énormités de leur conduite et ordonne aux habitants de S.
Je^in de murer la porte de leur nouvelle église. Celte prohibition devait
être levée, il est vrai, au bout d’un certain temps; du moins S. Altesse
l’avait fait espérer, et même elle avait presque cédé aux vives instances du ministre Guérin et de Lesdiguières qui l’avaient chaudement
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- Ì5I> —
l^rié de Irévoquer sod ordre Mais en réalité, il en fut autrement. Eu
1628, le temple était encore fermé. En 1632, pareillement, et l’on me*
naçait même de le démolir. En 1640, la duchesse Christine de France,
d’odieuse mémoire, ayant appris que, malgré des défenses réitérées ,
il avait été furtivement rouvert, ordonne que sam délai il soit de
nouveau fermé et muré de vxurailles de telle sorte que l’on ne puisse y
célébrer aucune fonction. Cette persécution acharnée contre le temple
de 1613 ne nous indique-t-elle pas déjà où se trouve la réponse à
notre question ? Evidemment , si la population de S* Jean a tant ;l
cœur l’usage de cet édifice , ce n’est pas seulement pour un motif
religieux , ni par scrupule de conscience ; c’est par dessus tout à
cause de l’extrême besoin qu’elle en a, attesa, lit-on dans la supplique
de 1632, la grandissima necessità che ne hanno.
Nous allons maintenant dissiper toute incertitude quant à la question topographique, c’est-à-dire, quant à l’emplacement. Dans la supplique de 1628, le temple est représenté comme éloigné des habitations
et de la fréquentation des Catholiques Ilomains. Ne vous semble-t-il pas
voir le Chabas rajeunir à vue d’œil? La supplique de 1632 est plus
explicite encore: la fabbrica è di poco momento, situata nei foresti presso
al monte, lontana da Luserna e dalla strada pubblica, e dove tutto intorno
gli abitanti sono della religióne. Nous y voilà ! l’humble édifice qui s’élève au milieu d’une clairière ?'ÿirpy, à mi-colline, et se dérobe à la vue
des jaloux en pleine population vaudoise, c’est le temple du Chabas,
érigé en 1613 à la faveur des troubles politiques, fermé pendant la
plus grande partie du 17® siècle , rouvert au retour de l’exil et abandonné enfin pour la grande construction elliptique de 1801.
Pendant tout le 18® siècle , le Chabas a été un lieu de sépulture
pour plus d’un étranger de distinction. En 1705 c’était le baronnet
anglais Richard Shirley de Preston (Sussex), né à Londres en 1681 .
et mort à Turin dans sa 26® année En 1746, c’était le général Guiber,
au se’rvice du roi de Sardaigne; en 1747 , Thomas Weutw'orth , le
plus jeune fils de Mathieu Wentworth, baronnet de Bretton (comté
d’York), élève d’Oxford, — 30 ans soldat, - parvenu aux plus hautes
dignités militaires, — général des troupes anglaises en Amérique,—
ambassadeur de S. M. Britannique auprès de l’Impératrice d’Allemagne,
— puis, en la même qualité auprès du Roi de Sardaigne qui, se connaissant en mérites, lui témoigna une faveur extrême, — né le 15
mai 1694 , — mort à Turin en décembre 1747. En 1760, c’était le
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- 156
général Pierre Antoine Roy , noble Bernois qui fut 3$ ans au Service
de France, puis colonel , au service du Roi de Sardaigne, d’un régiment prêté à notre prince par sa fidèle alliée la République bernoise,
et enfin lieutenant-général. En 1771 , c’était Jacques Ulrich Sprecher
de Bernegg, colonel d’un régiment grison au service du Roi de Sardaigne , né le 3 mai 1703, décédé â Turin le 28 juillet 1771 et enseveli avec tous .les honneurs militaires. En 1780 , c’était le baron
Zieten, colonel d’un régiment royal-allemand, et major-général des armées du Roi de Sardaigne. C’était enfin , nous ne saurions préciser
la date , l’héroïque baron Leutron , qui s’est illustré ’au service de
Charles-Emmanuel II, pat sa belle et victorieuse défense de la place
de Coni qu’assiégeait en 1744 l’armée franco-espagnole. Son souvenir,
est-il nécessaire de le dire, est encore vivant parmi nous, grâce à une
lamentable chanson dont voici quelques vers:
Et quand le roi il eut appris
L’baron du Tron U était malade,
Dans son carosse il est monté
L’baron du Tron a visité.
Leutron se sentant mourir demanda au rqi un seule grâce :
Dedans l'Eglise de Saint Jean ,
Que l’on m'enterre là-dedans !
Son voeu fut exaucé et l’on déposa ses restes dans un caveau construit an centre de l’église , à l’endroit même où s’élevait la chaire,
entre les deux piliers. On y a constaté la présence d’ossements qui
ont dû appartenir â un homme d’une grande taille et d’une grande
force musculaire ; ils y reposeront encore longtemps, protégés par la
caisse de plomb qui servait d’enveloppe â la bière, depuis longtemps
détruite. Aucun autre indice. Mais la sépulture a certainement été
violée , car on a trouvé la large dalle qui la recouvait brisée en
deux ; et il est impossible de s’expliquer autrement l’absence de certains objets qui ont dû être ensevelis avec le corps du gouverneur
de Coni, son épée, par exemple.
La dernière inhumation qui ait eu lieu au Qhabas date de 1817.
Rur une pierre grossièrement taillée se lit cette simple épitaphe, qui
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— 157
h’a plus tien à démêler avec les titres de noblesse, les honneurs, les
dignités et la gloire militaire:
La bienfaisance a valu ici une place
■à Marie-Suzanne-Honorée Chanforan ,
née Appia], décédée à Turin
dans 58® année, Ze tl mai 1817.
LES DISCUSSIONS RELIGIEUSES DE LIVOURNE
Sous le titre de VAutorité en matière de foi, il vient de paraître à
Livourne un compte-rendu des discussions religieuses qui ont eu lieu
dans cette ville vers le milieu du mois d’aoilt. — En attendant que
nos lecteurs se soient procuré ce petit volume, qu’ils pourront avoir
pour fr. 1, 30, ils seront bien aises de lire ce que nous écrivait, il y
a quelque temps, sur le même sujet, M"' l’évangéliste Auguste Meille,
qui fut présent à ces Conférences — C’est â lui que nous cédons la
parole.
Les prêtres ne se sont pas fait faute, é l’occasion, de défier nos évangélistes à des discussions publiques , mais presque toujours, le moment venu, ils ont su , tantôt sous un prétexte , tantôt sous un autre, se retirer de la lice. S’il y a eu quelquefois ce que l’on pourrait
appeler une rencontre , c’était dans des circonstances calculées de
manière à attirer le moins d’attention possible. C’est cela même qui
donne aux discussions qui ont eu lieu à Livourne’, les 13. 14 et 17
août, entre des pasteurs protestants et des moines, un relief et une
importance que nos lecteurs ne manqueront pas d’apprécier. '
U faut revenir un peu en arrière. Au mois de mars dernier M' Gavazzi donnait ü Lucques des conférenoes de controverse. Un soir, après
qu’il eut fini de parler , deux séminaristes s'approchèrent de lui et lui
annoncèrent que le lendemain un prêtre de Lucques se présenterait
pour réfuter ses Idasphémes (!). Ces jeunes gens n’avaient en réalité
aucune mission ; mais le clergé de Lucques ainsi engagé ne pouvait
reculer. Aussi le lendemain au soir uns dousaius de prêtres se prè-
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- 1-)S
Eenièrent â la porte de la chapelle, et pénétrèrent avec peine (tellement était compacte la foule que le bruit de la discussion avait attirée, non seulement dans la salle, mais dans toutes le rues voisines),
juqu’à la place qui leur avait été réservée en face de la chaire. La
séance fut assez orageuse ; l'on ne put que fixer le sujet d’une future
discussion qui devait avoir lieu dans un lieu mieux adapté, La discussion ainsi renvoyée devait avoir lieu, trois jours plus tard , dans
»me des plus grandes églises de la ville ; mais au dernier moment
l’autorité crut devoir la défendre. Le Préfet disait dans son arrêté
que tous les rapports qu'il avait reçus (de la police sans doute) L’avaient pleinement convaincu que la réunion projetée « ne pouvait
avoir lieu, sans coiupromeltre gravement l’ordre et la tranquillité ».
Il la défendait donc « pour des motifs de sûreté publique ». Inutile
de dire que ce n’étaient pas les soixante à quatrevingts évangéliques
de Lucques ( nous comprenons dans ce nombre jusq’aux enfants au
berceau ) qui menaçaient la tranquillité publique , mais bien plutôt
la populace ignorante et fanatique excitée par ses prêtres, sans compter les renforts que l’on avait fait chercher en toute hâte dans les
campagnes. Le voile est trop transparent pour que l’on ne devine
pas du premier coup-d’œil la sanglante comédie que le clergé voulait
jouer.
RP Gavazzi s’étant rendu après cela successivement à Venise et à
Guastalla , les mêmes faits s’y répétèrent. 11 y avait évidemment un
plan pour le chasser, en excitant contre lui la populace de toutes
les villes où il voudrait prêcher. Au mois de juillet il se rendit à
Livourne , et fut aussitôt défié â une discussion publique qui devait
avoir lieu dans la cathédrale; mais ici encore l’autorité dut intervenir.
Mf Ribetti se rendit alors accompagné de deux amis chez le principal
champion que l’évêque avait mis en avant, un certain P. Buselli,
moine franciscain et prédicateur de renom. Pris â l’improviste, le
P. Busélli ne put se refuser à une discussion privée , A laquelle
pourraient prendre part quatre orateurs, et assister cinquante invités
de chaque côté. L’on écrivit et signa séance tenante en quelques
articles, les arrangements préliminaires et les conditions de la discussion. La première conférence eut lieu le 13 août dans une salle du
couvent des Capucins, Deux autres suivirent celle-là, l’une le 14, l’autre le 17 ; après quoi les champions du catholicisme qui déjà après
la seconde n’avaient'consenti qu’avec difficulté à la troisième, se re-
13
- 150
tirèrent définitivement. L’on avait cependant fixé, de commun accord,
quatre discussions avec M'^ Gavazzi , et M'^ Ribetti se déclarait prêt
pour son compte à discuter aussi long-temps que ses poumons ou la
matière ne lui feraient pas défaut.
Nous ne nous exposerons pas au reproche de partialité et d'infidelité même que l’Ârmonia a cru pouvoir nous jeter à la figure à
propos d’une relation un peu circonstanciée par nous publiée dans
l’Eco delta verità. Il serait d’ailleurs bien difficile de raconter en !peu
de mots une discussion qui a occupé trois séances de quatre heures
chacune environ. Il s’en prépare du reste à Livourne , d’accord des
deux parties , un compte rendu sténographique , que chacun pourra
se procurer à peu de frais Nous nous contenterons de rapporter, en
l’empruntant à l’art. 5'"® des préliminaires , le sujet même de la discussion , et d’exprimer ensuite brièvement, notre avis sur la manière
dont elle a été conduite par chaque parti.
Le sujet lui même était des plus importants ; « l’autorité en matière de foi; — ou bien: l’Ecriture est-elle la seule règle de foi, sans
une autorité vivante qui en détermine le sens ? — ou bienj: résultet-il de l’Ecriture que Dieu a établi un juge de l'Ecriture même, pour
sa vraie et sûre application , et cela dans la personne du pape ? »
Nous ne pouvons nous empêcher de dire que nos adversaires ont
montré dans toute cette discussion plus d’habileté que de droiture.
Dès le commencement ils déplacèrent la question en demandant qu’on
leur prouvât que la Bible était la parole de Dieu ; tandis que pour
quiconque veut lire le sujet qui avait été choisi, et réfléchit surtout
aux paroles : • résulle-t-il de l’Ecriture » il est évident que la Bible
était admise des deux côtés comme l’autorité suprême, et le juge des
controverses. Rien de plus vague ensuite que la définition que nos
antagonistes donnaient de leur prétendu tribunal infaillible. En fixant
le sujet de la discussion , le P. Buselli avait reconnu ce tribunal
dans la personne même du Pape. Tout absurde en effet que cela puisse
paraître, telle n’en est pas moins l’opinion du parti ultramontain extrême , et rien ne nous assure qu’elle ne doive être reconnue comme
dogme dans le prochain concile. En attendant qu’elle le soit, le P.
Buselli a bien senti qu’elle est insoutenable et, â la définition précise
qu’il avait donnée d'abord de son tribunal infaillible, il s’est hâté de
substituer celles bien plus nuageuse et insaisissable de l'Eglise , la
seeiétê fondée par Jésus-Christ, les successeurs des apôtres, l’Eglise enseignante.
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- 160 —
unk à ton ehef. Le P. Gherabisi nous lut uù long âisuoùrs dans lequel , sans s’inquiéter que son compagnon d’armes eût refusé toute
autorité â l’Ecriture, il avait recueilli tous les passages de l’ancien Testament qui se rapportent aux fonctions judiciaires ét sanitaires des
sacrificateurs de l’ancienne alliance * et tous ceux du nouveau qui
parlent de la discipline au sein de l’Eglise » afin de prouver qu’un
tribunal infaillible a toujours existé soit dans l’ancienne^ soit dans la
nouvelle Église. Ge tribunal infaillible dé l’ancienne église serait
le même qui a condanné à mort Notre Seigneur Jésus-Ghrist !
Le P. Buselli lut lui aussi un long discours , bien écrit, savant
môme , destiné à prouver l’autorité de l’église sans recourir â la Bible.
Y aU-il réussi ? Geux qui liront son discours pourront le dire. Il nous
semble pour nous que si la Bible n’avait pas existé le P. Buselli aurait été bien embarassé pour se procurer toutes les preuves qu’il s
mises en avant.
Eu face de ces incertitudes continuelles des catholiques , nos amis
ont eu l’occasion d'affirmer une fois de plus , et cela de la manière
la plus claire, les principes de l’Evangile. La Bible, toute la Bible, rien
gue la Bible, — tels ont été les sujets de ti’ois discours très-éloquents,
pour la forme, de M'’ Gavazzi. Pour prouver que la Bible n’est pas
obscure comme le prétendent les catholiques, M’’ Ribetti s’est contenté
de lire quelques unes de ces déclarations si connues qui établissent
le devoir pour chaque chrétien de lire les Ecritures, et la justification
par la foi ; ainsi que quelques unes de ces paroles prophétiques qui
annonçaient et condamnaient d’avance les erreufS et les pratiques
superstitieuses de l’Eglise de Rome. La contenance des auditeurs et
de nos adversaires eux-mômes prouvait que les textes n’avaient pas
besoin de commentaires. Examinant ensuite l’infaillibilité des papes
et des conciles, il démontrait, l’histoire à la main, en ne citant que
des auteurs ■ catholiques, qu’une telle infaillibilité n’a jamais existé
de fait ; que la Bible et l’histoire lui sont également contraires.
Vous croyez donc avoir remporté la victoire ? nous dira-t-on. A
cette demande nous répondrons que dans des cas semblables la victoire n’est d’aucun des deux partis, mais de la vérité seule. Le
triomphe de laivéiité n’est la défaite de personne. Il nous semble en
outre que de Semblables discussions doivent avoir un but bien plus
noble et bien pins élevé que de donner satisfaction â quelque amoor
propron Tout r.ea ,<}ue noua pouvons dire c’est qu’une question reli-
15
— 161 —
gieuse de la plus haute importance a étô débattue trois jours de
suite devant un auditoire toujours plus nombreux et pius attentif,
malgré la forte chaleur. — Il est impossible qu’il n’en résulte pas
quelque bien.
Collège« etc. L’année scholastique s’est ouverte au Ir octobre ,
dans nos quatre établissements d’instruction secondaire, avec un chiffre de 207 élèves, répartis comme suit: Collège, 75 ; Ecole latine du
Pomaret 21; Ecole supérieure des jeunes ülles , 65 ; Ecole Normale, 46.
Coneoura. Le 28 et 29 septembre ont^u lieu , au Collège de La
Tour , les examens de concours pour l’obtention de deux bourses
Campbell. Les épreuves, en entier par écrit, ont porté successivement
sur différentes questions de Beligion, Mathématiques. Histoire et Géographie ancienne. Langue grecque et latine. Antiquités, Botanique et Bhétorique;
et le résultat a été que , de huit candidats , un seul , J. D. Armand
Hugon (de 1"'® année de Philosophie ) a obtenu le minimum de rigueur, â savoir 80 points sur 100. La bourse est de frs. 525. et n’est
valable que pour un an , car elle constitue un résidu antérieur que
n’avaient point enlevé les epreuves de l’examen régulier de 1867. La
bourse vacante est réservée pour l’aniiée prochaine. — Nous parlerons prochainement du résultat d’un second concours pour obtention
de 3 bourses anonymes, dites Burgess. de la valeur de 250 frs. chacune et valables pour trois ans. Les épreuves également par écrit,
ont eu lieu le 28 octobre , et ont porté sur l’histoire des Phéniciens ,
sur les 'racines carrées, cubiques et les progressions, sur la Géographie du
bassin du Ml, sur le Pro Archiâ de Cicéron, et sur les 317 premiers vers
du 1' chant de l’Iliade. Le programme du concours, pour ces dernières
bourses, a été publié trois mois à l’avance : nous apprenons, de bonne
source, que les Tuteurs des bourses Campbell ont l’intention d’adopter le même procédé, et que le concours régulier de 1869 sera pareillement publié , deux mois au moins é l’avance.
CandldMta au S* ninialère. Le 27 octobre, dès 9 heures du
matin, le corps ecclésiastique se trouvait réuni dans la salle ordinaire
de ses délibérations, au Collège de La Tour, afin de procéder à l’examen de foi et de convictions religieuses de MM” les Candidats J.
P. Micol (élève de l’Oratoire , Genève), J. Weizecker , P. Pons et B.
Pons ('tous trois élèves de notre école de Théologie â Florence), Les
diplômes et certificats dont MM” les candidats étaient munis ayant
été trouvés parfaitement en règle , il fut décidé que l’examen porterait sur leé sujets suivants : Nécessité et rêùUti dt Pexpiation par Jésus-
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Christ, — la morale peut-elle exister indépendammmt de la Religion 7 —“
instilution divine du ministère et vocation au saint Ministère. Wei'
tzecker , J. P. Poas et B. Pous ayant, d’une manière fort satisfaisante,
exposé leurs convictions sur ces différents points , ont obtenu l’unanimité des suffrages , et doivent , à huit jours de date , subir la dernière épreuve , celle du Sermon. — Quant à M' Micol, il n’a pu être
présent ce jour-là, faute d’avis précis ; il sera donc examiné le jour
de l’audition des sermons, à savoir le 5 novembre
Ecoles sërales. Les écoles sérales à Torre-Pellice ont été rouvertes dimanche 25 octobre , mais avec un nombre d’élèves insignifiant.
Il est à espérer néanmoins qu’elles se peupleront d’une manière
toujours plus sensible , à mesure que la saison d’hiver avancera.
Conseil Communal de Torre-Pelllee. Âu moment où nous
écrivons, le drapeau qui flotte sur la tour de la maison communale
annonce au public que l|g|6ession automnale vient de s’ouvrir. Cela
peut sembler fort-peu de chose , il est vrai ; mais quand on saura
que pour la première fois , la salle des délibérations est ouverte aux
curieux . on pensera, avec nous qu’il vaut la peine d’en prendre note.
L’espace réservé est bien petit, fera observer quelque difficultueux ;
n’importe . il est loisible maintenant, à tout administré de s’instruire
des ressources et des dépenses de la Commune , de l’actif et du passif comme on dit, et de juger par soi-même de l’intelligence et de
l’aptitude des administrateurs. Ne veut-on pas en profiter Ÿ Tant pis !
Ceux qui ont des loisirs sont inexcusables de ne pas témoigner de
cette sorte d’un peu d’intérêt pour le bien public; mais d’un autre
côté , que le conseil ne se laisse pas entraîner par le spectacle d’une
indifférence momentanée à fermer sa porte ; ce n’est pas un don
gracieux qu’il nous octroyé , c’est un droit qu’il nous reconnaît, et
pour autant qu’il est en notre pouvoir , nous en userons. En attendant nous pouvons promettre à nos lecteurs, pour le mois prochain,
un article sur le budget communal de Torre-Pellice, dans l’espoir que
notre exemple sera suivi ailleurs encore, afin que l’on puisse se former une idée quelconque de la vie communale au sein de nos
Vallées,
Emlsrantii. Une quarantaine d’émigrants sont à la veille de quitter
nos Vallées pour aller se joindre à nos colons du Rosario. Avant leur
départ on a eu la bonne et sainte pensée de les recommander à Dieu
par la prière et on les a réunis, à cet effet , dans le temple» de La
Tour , dans la soirée de mardi 27 octobre, où plus d’une personne
leur a adressé des paroles d’exhortation et d'encouragement.
ERRATUM. — Dans le Numéro de septembre , page 145, ligne 20 » an lieu de Joseph Gayero» on
est prié de lire; Joseph Gaydou. ^
Pigaerol, J; Ghuittokb Impr.,
H. Jahieb Génuit.