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sixième axmee.
N. 46.
17 Novembre 1871.
L’ECHO DES VALLEES
FEUILLE HEBDOJIADAIRE
Spécialement consacrée an\ intérêts matériels et spirituels
de la Famille \audoise.
Que toutes les choses qui sont véritables.occupent
vos pensées — (^Pkilippiens.t IV. 8.)
PRIX d’abonnehent :
Italie, h domicile (un an) Fr. 3
Suisse...................*5
France................» 6
Allemagne 6
Anglelerve , Pays-Bas . > 8
ün mcméro séparé : 5 cent.
Ï7n numéro arriéré : 10 cent.
BUREAUX D AB0NNEMENT
ToRRK-PEf.r.rcB : Via Maestra,
N. 42, (Agenzia bibliografica)
PiGNERoL : J. Chlantore Impr.
Turin :J.J. !Tro»i, via Lagrange
près le N. 22.
Florence : Librerìa Evange»
lica, via de’Panzani.
ANNONCES : 5 cent, la ligne
ou portion de ligne.
Lettres et envoi.s franco. S’adresser pour T ad ministration
au Bureau d Torr.e-PelUce,
via Maestra N. 42 — pottrla
rédaction ; à Mr. E. Malan
Prof • îi Torre-Pelice.
Somm.air*e,
17 Novembre 1871. —Assemblée des évangéliques d’Allemagne à jBerlin. — Correspondance. —Les missionnaires protestants en
Chine. — Nouvelles religieuses. — Chronique
politique.
17 NOmiIBRE 1871.
Le principe deséglisesnationales
est partout attaqué par des corps
ou des personnes qui partent de
points de vue très différents et qui
sont conduits par différents mobiles.
C’est ainsi que « le Comité des travailleurs de Londres, dit une dépêche, a fait paraître une adresse,
demandant la séparation de l’Eglise
et de l’Etat dans le Royaume-Uni,
et disant que l’Eglise Établie est
une cause d’affaiblissement national. L’adresse annonce que des
comités seront formés et des meetings convoqués pour conuaître
l’opinion du pays ». Pas plus que
VEglise Libre ^ d’où nous tirons
cette nouvelle, nous ne voulons
justifier les termes de cette adresse, ni surtout les sentiments qui
ont pu la dicter. — Nous cons
tatons seulement le fait. En Allemagne même, soit dans les Chambres législatives, soit dans les
grandes Assemblées religieuses, de
Darmstadt et de Berlin, bien des
voix se sont déjà fait entendre
contre le principe des Eglises nationales et en faveur de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Et
cependant l’Allemagne, et la Prusse
surtout, est de tous les pays de
l’Europe celui où le principe de
l’union semblait le plus puissant.
En France aussi la séparation a
des partisans isolés non seulement
dans le protestantisme, où ils sont
nombreux, mais aussi dans le catholicisme,
A Genève la question a été dernièrement portée devant le grand
Conseil. La séparation a, dans cette
assemblée, un grand nombre de
partisans, dont les uns ne voient
dans cette mesure qu’une économie
de 150,000 francs annuels dans le
budget, et dont les autres y voient un grand profit pour la religion.
— Cette même question a aussi été
déjà mûrement discutée dans le canton de Neuchâtel, et dernièrement
2
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la conférence des pasteurs évangéliques du raidi de la France,
réunie à Nîmes, a exprimé le vœu
que la séparation de l’Eglise et de
l’Etat fût inscrite dans la nouvelle
constitution de la France. En Italie
la loi des garanties et des ‘privilèges accordés au pape a touché
de bien près le grand problème
de la séparation. Nulle part, l’Eglise
n’est plus libre, vis-à vis de l’Etat,
qu’en Italie, cependantnoussommes
encore loin de l'Eglise libre dans
l'Etat libre. — La première et la
plus importante conséquence de la
liberté de l’Eglise ou des Eglises,
c’est, selon nous, la disparition des
positions équivoques et des compromis dans la doctrine et dans le
culte. Chaque parti, qui existe dans
ce qu’ on appelle maintenant les
Eglises nationales, déployera librement et sincèrement son drapeau,
fera connaître sa foi, alors l’on
saura à qui l’on a à faire, où est
l’Eglise et où elle n’est pas, où est
la vérité et où est l’erreur, où est
la fidélité à l’Ecriture et où est
l’infidélité. Une autre conséquence
également importante de la séparation et de la disparition des églises
nationales, c’est la formation d’églises de professants. L’adhésion
individuelle aux vérités de l’Evangile est, selon nous, essentielle à
la qualité de membre de l’Eglise.
Or qui ne sait que dans les églises
nationales cette adhésion n'est pas
réclamée, par la simple raison que
ces églises n’ont pas de confession
de foi, ou si elles l’ont, c’est une
lettre morte? Notre Eglise Vaudoise
n’est pas une Eglise nationale
dans ce sens qu’elle n’est pas unie
à l’Etat et qu’elle n’est pas l’Eglise
de la majorité ou de la nation > mais
elle contient encore, de fait au
moins, toutes les causes de faiblesse
des églises dites de multitude, et
lorsque quelque crise survient, on
ne le voit que trop. Rien n’est plus
anormal que des Eglises composées
de membres qui en ignorent les
les principes et les doctrines ou qui
même y sont opposés. Cet état de
de choses est dangereux pour l’Eglise , mais il l’est beaucoup plus
encore pour ses soi-disant membres pour lesquels il est un fatal
oreiller de sécurité. Chez nous ,
comme à Genève, ainsi que le dit
M” Marc Monnier dans une lettre
adressée au Journal des Débats ,
sont pour le maintien de l’Eglise de
multitude, ceux qui n’aiment pas
le changement; mais à Genève il
y a de plus tout ce parti mitoyen
qui compose la majorité du public,
les protestants libéraux , que M’’
Monnier caractérise comme suit :
« Le protestant libéral est un réformé qui n’aime pas Calvin, un
chrétien qui ne croit pas à la divinité de Jésus-Christ , et un
esprit libre qui veut une religion
d’Etat. Il lui plaît donc que l’Eglise nationale subsiste parcequ’elle est la moins orthodoxe de
toutes, parcequ’elle est la plus
commode , parceque l’Etat la subventionne, car elle ne peut être
conservée qu’à cette condition,
les fidèles n’y tiendraient pas assez
pour la soutenir de leur argent».
Voici les termes de la proposition , au sujet de la séparation
de l’Eglise et de l’Etat, adoptée
à l’unanimité par la conférence
évangélique nationale de France
(section du midij;
Considérant:
% Que la séparation d'avec l’Etat
3
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paraít être la situation de l’Eglise
la plus conforme aux principes
évangéliques, aux voies actuelles
de Dieu à l’égard de son Eglise et
aux besoins de la société moderne;
» Que le protestantisme martyr
durant près de trois siècles de la
première des libertés, la liberté de
conscience, est fidèle à son principe
et à son passé, en s’associant à
toutes les légitimes aspirations libérales du dix-neuvième siècle ;
» Que la séparation de l’Eglise
et de l’Etat mettrait fin à l’amiable
aux querelles intestines de l’Eglise
réformée de France, en permettant
aux tendances radicalement opposées qui s’y disputent la prééminence de se constituer en Eglises
distinctes;
i> La conférence évangélique
émet le vœu que la séparation de
l’Eglise et de l’Etat soit inscrite
dans la prochaine constitution de
la France ».
ASSEMBLÉE
des Chrétiens évangéliques d’Allemagne
à Berlin
f Suite V. le N. 45J.
La seconde séance ( Mercredi 11 oct. )
des conférences de Berlin fut semblable
à une journée de juillet qui commence
par un magniûqiie lever de soleil, puis
est troublée subitement par un orage et
se termine comme elle peut avec uu ciel
couvert de sombres nuages qui laissent
dans l’âme une impression de tristesse
d’autant plus vive que le matin avait été
plus beau.
La tâche que l’on s'était proposée était
de la plus haute importance pour l’Allemagne évangélique: il s’agissait de mener
à bonne fin un projet d’union ou du moins
d’entente fraternelle entre l’Eglise luthé
rienne et l’Eglise réformée. On sait qu’une
Union de ces deux confessions fut décrétée en 1817 par Frédéric Guillaume III,
et, dans plus d’un endroit, imposée par
la force. Employer de mauvais moyeus
pour le triomphe d’une belle idée, c’est
une vieille misère qui est toujours nouvelle, et qui porte toujours les mêmes
fruits ou à peu près. Les hommes sans
force de caractère se soumettent par
crainte ou par interet, et ceux qui outdes
convictions plus arrêtées, mais que de
bonnes raisons pourraient convaincre ou
persuader, s’obstinent avec d’autant plus
d’opiniâtreté dès qu’on veut user avec
eux de moyens de contrainte.
VUnion réussit en apparence et même
dans plus d’un endroit, en réalité, mais
bon nombre de zélés luthériens s’y opposèrent de toutes leurs forces, de sorte
qu’au fond une profonde séparation existait entre les Réformés et les membres
de l’Uoion d’un côté, et les luthériens
pur sang de l’aulre. On l’a senti depuis
longtemps, les divisions qui [existent au
milieu du protestantisme Allemand sont
un grand empêchement à l’édification de
l’église, et l’une des principales causes
du peu d’influence qu’elle exerce sur le
peuple. Le besoin d’une entente amicale
et libre, non imposée par le gouvernement
devenait, chaque jour, plus vif chez les
esprits larges et élevés dont les idées ne
peuvent plus se renfermer dans les limites d’un étroit confessionnalisme, mais
qui voudraient n’insister que sur la chose
essentielle. Jésus Christ, Dieu et homme,
Sauveur. — Le surintendant général D'
Brückner, professeur de théologie à l’université de Berlin, se fit leur interprète
en développant avec beaucoup de chaleur,
de clarté et de tact les points suivants ;
c Ce n’est qu’en unissant leurs forces que
les églises évangéliques allemandes pourront faire quelque chose de grand; une
telle réunion des forces n’est pas possible sans une organisation ; la base d’une
telle réunion devrait être la communion
dans la célébration de la S. Cène, considérée comme un fait d’amour et un lien
de charité chrétienne. Tout luthérien devrait être admis A titre d’hôte à la célébration de la S. Cène dans une église
4
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réformée et v. v. Le caractère distinctif
de chaque confession ne serait lésé en
aucune manière, et une commission formée de députés des différentes confessions
et des différentes parties de l’empire; une
espèce de corpus emngelicorum ou d’ailiance écangélique, devrait s’occuper des
intérêts communs: traduction commune
de la Bible, position commune en face
du catholicisme, examens théologiques,
missions, sanctification duDimancheetc. ».
Il n’y avait rien là de quoi scandaliser
les zélateurs luthériens ; cependant un
grand nombre d’entr’eux s’opposèrent avec
force à toute idée A'Union, aussi longtemps que l’Eglise nationale ("iandesftirc/ic,/
unie de Prusse ne serait pas dissoute et
que les luthériens devraient gémir sous
l’oppression(!ü) Ils menacèrent de quitter,
sur le champ, l’assemblée, si la proposition de M. Brückner était mise aux voix.
— Une discussion très orageuse remplit
une grande partie de la séance et fit perdre
beaucoup de temps, et ce ne fut pas sans
peine que des hommes de grand bon sens
et d’autorité, tels que D’ Borner, D' Kögel,
von llofl'mann d’Erlangen, réussirent à
calmer les esprits. Ou en vint à un compromis, c’est à dire, qu’on ajourna la
question à une autre année en nommant
une commission pour l’examiner et la
présenter de nouveau à une assemblée
qui s’ouvrira, D. V., à Dresde en octobre
1876. — Espérons que d’ici là les rabies
theologorum, dont Mélanchton mourant
était si heureux d’être délivré, auront le
temps de s’apaiser.
fA suivre J. — P. Cbjidvie.
Correeponbiance.
Monsieur le Rédacteur,
A cause des circonstances dans lesquelles je me trouvais, lorsque parut dans le
N. 41 de votre estimable journal une lettre
.signée H. Ferraris, à propos de quatre
baptêmes qui ont eu lieu aux Appiots les
l““ et 8 octobre dernier, je me suis tû, et
j’étais tout disposé à n’en plus faire mention , si une lettre insérée dans le lium.
45 n’avait remis en mémoire les choses
passées.
A mon tour, je tiens à faire connaître
mes convictions à cet égard; puisque cela
me touche de près ; veuillez en conséquence , selon votre équité habituelle, me
prêter un instant votre attention !
Je ne sais de quelle autorité l’auteur
(ie la lettre en question au N. 41 était
investi pour la publier sans en prévenir
toutes les personnes nommées dans sa
lettre, d’autant plus que les trois néophytes du l' octobre n’ont pas voulu être
baptisés par le dit H. Ferraris, mais bien
par une autre personne, pourquoi donc
celui-là fait-il parade de ces baptêmes,
comme si lui seul eût l’autorité de représenter tous ceux qui sont baptisés; c’est
là , à mon avis , faire preuve d’orgueil et
d’esprit sectaire.
J’avais donc entièrement désapprouvé
cetfe manière d’agir, car j’avais tout d’abord manifesté mon indépendance, ne me
tenant en rien obligé de suivre les idées
de tel ou tel individu, mon seul désir étant de plaire à Dieu, dussé-je encourir
le blâme de tout le monde.
Sans partager en tous points les vues
de l’auteur de la lettre insérée au N. 45
du même journal, j’aime cependant ce
cher frère et je me sers volontiers d’une
phrase de sa lettre pour faire connaître
ma pensée ; je me sens rangé au nombre
de ces baptisés qui déplorent qu’on en soit
venu à un baptême sectaire, et qu’on croie
devoir rompre la ■ communion chrétienne
avec tout cher frère dans la foi, qui n’aurait pas subi cette cérémonie de cette façon.
En un mot, je tiens le baptême des
adultes, ou plutôt des seuls croyants qui
peuvent rendre témoignage de leur foi,
comme le vrai baptême institué par notre
Seigneur. Matth. xxviii, 19 ; Marc xvi, 15,
16; Act. Il, 38, 41, X, 47, 48, xix, 1-5, etc.
Mais je ne regarde pas moins comme
frère tel membre qui n’aurait pas de scrupule à admettre le baptême des enfants,
à moins qu’il ne le fasse de propos délibéré pour contredire sciemment le baptême des croyants.
Je n’entends pas entrer ici dans une polémique , mais comme je ne fais aucun
mystère de mes convictions, je tiens à les
5
-865
manifester afin d’écarter tout faux jugement à mon égard.
En vous anticipant mes remercîments,
agréez, Monsieur le Rédacteur, les salutations chrétiennes et fraternelles de
Voire dénoué
Barth. Malan.
La Tour, le 13 novembre 1871.
LES MISSIONPiAIRES PROTESTANTS
en Chine
et les Chinois convertis,
Discours du rénérend Griffith
missionnaire en Chine.
«On vous demande quelquefois,» a-t-il
dit, « si vos missionnaires ne sont point
des esprits étroits et trop dépourvus des
talents et de l’instruction que réclamerait
une tâche aussi grande que celle qu’ils
ont à remplir. Missionnaire moi-même,-il
ne m’appartient guère de répondre à cette
question; mais il est un fait que je puis
vous affirmer et qu’au besoin vous pouvez
hardiment affirmer à votre tour. C’est que,
s’il se trouve aujourd’hui en Chine quelques notions justes en histoire, en géographie, et en matière de science, c’est
aux missionnaires que la Chine le doit.
Les consuls, les négociants et d’autres
voyageurs vous diront du peuple chinois,
qu’à beaucoup d’égards c’est une race
inférieure. Que ceux-là, avant de médire
des missionnaires occupés dans le pays,
fassent, dans l’intérêt des chinois, la centième partie de ce qu’ont fait et de ce que
font les messagers de l’Evangile; qu’ils
se consacrent comme ceux-ci, non seulement à élever le niveau moral de ce
peuple, mais à développer son intelligence
et à lui faire faire des progrès en tous
sens.
» .... Quelques personnes, dans d’autres
pays, et ici mémo, établissent des comparaisons entre les missionnaires de l’Eglise
romaine et ceux du protestantisme, presque toujours au détriment de ces derniers.
Eh bien i Après avoir rencontré en Chine
beaucoup de missionnaires catholiques
romains, et après avoir étudié leur manière d’agir, je puis assurer positivement
que c’est do leur côté que se trouve l’infériorité. Je ne parlo pas ici de ceux d’autrefois, mais do ceux que j’ai vus. J’en
ai à peine connu un qui parlât le chinois
un peu correctement; ils ne font laucuu
cas et ne tirent aucun parti do la littérature indigène, ils ne distribuent point
des livres, ils no prêchent jamais devant
des auditoires païens, — tandis que les
missionnaires protestants se font une loi
d’étudier la langue et de la parler le plus
couramment possible, qu’ils ont écrit ou
qu’ils distribuent autour d’eux une innombrable quantité d’écrits utiles, et i|u’il ne
se passe probablement pas un jour sans
qu’un ou plusieurs d’entr’eux proclame
devant des assemblées païennes, plus ou
moins considérables, les vérités les plus
salutaires et les grands principes de la
morale évangélique.
» D’autres personnes, » a continué l’orateur, « m’ont posé cette question: « Avez-vous en Chine de vrais convertis, des
convertis vraiment chrétiens? ».
» A cela je suis heureux do pouvoir répondre sans la moindre hésitation : « Oui,
nous avons en Chine des chrétiens qui,
à ce titre, pourraient figurer dans les
rangs mêmes de cette assemblée-ci, et
feraient, j'ose le dire, honneur à nos
bonnes Eglises d’Angleterre. En ce qui
concerne les croyances, je ne dirai pas
qu’il no se trouve dans ces âmes aucun
reste quelconque de superstition. Hélas !
où sont, ici même, les Eglises évangéliques d’où de tels restes aient complètement disparu? Mais soyez sûrs que chez
ces âmes le règne de l’idolâtrie et toute
l’influence pernicieuse qu’elle exerce sur
le cœur n’existent plus. Tous nos convertis
croient à la Bible et en acceptent avec
amour tous les enseignements. Ils sont
peut-être plus orthodoxes que plusieurs
qui m’écoutent ici, et assurément que
beaucoup d’autres en dehors de cette enceinte. En Angleterre, par exemple, vous
trouverez des gens qui ont des doutes
sur l’immortalité de l’âme. Allez en Chine,
demandez à nos convertis si ce dogme
est euseigné dans la Bible, et vous verrez
6
avec quelle assurance tous vous répondront qu’il est à la base de chacune de
ses doctrines. Prenez, si vous voulez un
autre exemple; la croyance à la vertu du
sacrifice expiatoire de Jésus-Christ, pour
la rémission des péchés, est une de
celles que nous voyons ébranlées en Europe. Elle ne l’est pas, je vous l’assure,
chez nos chrétiens chinois, et je voudrais
que ceux qui ont des doutes sur cette
doctrine pussent entendre de la bouche
de ces nouveaux croyants, l’expression
des sentiments de reconnaissance qu’elle
leur inspire.
» Mais ces gens sont-ils quelque pou
zélés et actifs au service de la foi ? A cet
égard, il y a sans doute bien des diversités , provenant de la différence des caractères, des positions, des circonstances;
mais soyez sûrs aussi que sous ce rapport, nous avons là beaucoup de chrétiens au cœur chaud et à la vie bien remplie. Que de choses, par exemple, j’aurais
à vous dire de Yang-kiou, un humble
charpentier qui, depuis huit ans, est devenu membre de notre Eglise de Han-kow,
Cet homme est certainement un des chrétiens les plus actifs que j’aie jamais connus. Il a été l’instrument de la conversion
de toute sa famille et de sept ou huit
autres personnes au moins. D’autres, que
je pourrais vous nommer comme celuilà ; ont rendu le même service a deux,
trois, quatre, cinq de leurs frères actuels.
Une pauvre vieille veuve a successivement réussi à faire entrer quatre femmes
dans l’Eglise. Nons avons des membres
de l’Eglise qui, le dimanche et d’autres
jours, quand ils le peuvent, s’en vont
prêcher l’Evangile dans les villages d’alentour, sans que personne les paie et
non sans s’exposer à des dangers, ou tout
au moins à la raillerie. Nous en avons
d’autres qui, dans nos chapelles, se lèvent spontanément pour prononcer des
allocutions d’une demi-heure, quelquefois
d’une heure, dont on peut dire, presque
toujours, qu’elles viennent du cœur et
qu’elles vont au cœur. Yoilà comment ils
montrent à quel point la salut de leurs
compatriotes les intéresse..,. k • .i
> Et nos aides missionnaires indigènes?
De ceuz-lÀ aussi j’aurai* beaucoup à dire
si j’en avais le temps. L’un d’eux travaille
avec moi depuis dix ou douze ans. C'est
notre principal ouvrier chinois; voulezvous savoir ce que j’en pense? Nous
sommes trois missionnaires à Han-kow,
eh bien ! je suis profondément convaincu
que si l’un de nous venait à mourir, sa
perte serait beaucoup moins préjudiciable
à Îa mission que ne le serait celle de
cet homme.....
»Mais on insiste et on demande, on m’a
demandé du moins plusieurs fois, depuis
mon arrivée en Europe, quelle est la vie
morale de ces gens? L’Evangile exerce-til sur eux, à ce point de vue, cette influence sanctifiante qu’il donne lui-même
comme l’indice le plus certain de sa valeur divine?
Avant de répondre sur ce point, il faut
se rendre bien compte de l’atmosphère
morale au sein de laquelle nos convertis
chinois sont nés et ont passé des années
plus ou moins nombreuses. Cette atmosphère est exécrable. Sous des apparences
extérieures généralement convenables et
presque belles, le peuple chinois cache
une corruption profonde. La célébré description des mœurs païennes que saint
Paul a tracée, an premier chapitre de
son épître aux Romains, s’applique aux
chinois, autant qu’à tout autre peuple encore soumis à l’état de nature. Ainsi, pour
ne parler que de l’un des traits qui les caractérisent sous ce rapport, je n’ai jamais
vu de chinois païen qui se regardât comme
obligé de dire toujours la vérité et je ne
pense pas qu’un tel homme existe dans
le pays. Jamais le Chinois n’est plus à
l’aise, mieux chez lui, que quand il vous
dit en face un beau mensonge, bien corsé
et bien impudent. Ses yeux brillent de
plaisir et toute sa figure s’épanouit à penser qu’il vous a si bien jeté de la poussière dans les yeux, et, s’il lui arrive de
dire la vérité, vous pouvez être certains
que c’est uniquement dans son intérêt,
parcequ’en ce moment mentir aurait pu
lui être nuisible. Le mensonge est pour
lui ce qu’est chez nous une répartie piquante. Si une mère chinoise surprend
son enfant à lui mentir, elle en rit, l’enfant ne s’en émeut pas le moins du monde,
et tous deux s’en amuseront ensemble
7
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pour peu que le mensonge leur ait paru
adroit. Ajoutez à cela que cette habitude
de la fausseté se trouve perpétuellement
au service d’un autre vice, non moins
commun ici, la mauvaise foi en affaires.
A ce double point de vue, les mandarins et
les employés du gouvernement sont les
premiers à donner l’exemple de la corruption. C’est, à peu près toujours, au
moyen du mensonge qu’ils attirent à eux
et s’approprient les sommes énormes dont
ils s’enrichissent, et cela sans que ni la
cour, ni la masse du peuple s’en étonnent et s’en indignent le moins du monde.
« Voilà le milieu moral d’où sortent nos
chrétiens indigènes. Si je disais, après cela,
qu’en recevant le baptême, ces gens deviennent tout à coup, et en un jour, des
chrétiens parfaits, des saints, personne
no m’en croirait, et cela serait contraire
aux plus simples règles du sens commum.
Mais ce que je puis dire en toute vérité,
et sans la moindre hésitation, c’est qu’en
plaçant nos convertis en présence de l’Evangile ou les trouvera bien imparfaits et
faillibles, mais pourtant régénérés et sanctifiés comme pouvaient l’être les chrétiens
du temps des apôtres. C’est, je pense,
rendre de leur moralité un témoignage
suffisamment honorable et je délie de le
leur refuser quiconque aura eu l’occasiou
de les voir. J’ajouterai que nous comptons
dans leurs rangs des hommes en qui l’on
peut avoir toute espèce de confiance, qui
ne mentent jamais, qui ne trompent en
rien, qui se montrent remarquablement
désintéressés et que l’Evangile seul a
rendus tels. Je citerai en particulier un
homme attaché à mon service depuis dix
ans, ce qui «st assez dire que je le connais à foud. Je l’ai étudié avec soin dans
tous ses actes et je puis, en toute sécurité,
dire de lui que c’est un honnête homme.
Jamais je n’ai entendu sortir de ses lèvres
une fausseté; jamais je n’ai surpris dans
sa conduite un seul trait de mauvaise
foi. Il ne ment jamais, il ne fait pas le
moindre tort à qui que ce soit, et, de
plus, il exerce autour de lui une telle
influence que tous les autres indigènes
attachés à notre mission peuvent être regardés comme des gens généralement
honnêtes et véridiques.
iiouDellea reltjgteuoco
Turin. L’Eglise évangélique vaudoise
de Turin a collecté la somme de 1220
francs en faveur des incendiés de Chicago.
Cette somme a été envoyée à sa destination par l’inlermédiaire de M. Marsh ambassadeur des Etats-Unis en Italie.
Sicile. Nous recevons des nouvelles
très réjouissantes sur les progrès de l'Evangile dans cette-île lontaiue. L’Evangéliste de Messine raconte qu’il a été appelé
dans une ville du centre do l’île par une
pétition signée, entr’autres. par quatre avocats, quatre pharmaciens, deux notaires,
une trentaine de propriétaires et autant
d’ouvriers, qui tous savent lire et écrire.
On lui a accordé l’usage d’une des quatre
églises de la ville, dans laiiuelle il eut le
privilège de prêcher la vérité à plus de
400 personnes. « ün silence religieux, dit
cet évangéliste, a duré pendant tout le
temps que je parlai, et je vis bien des
yeux remplis de larmes quand je racontai
l’agonie de notre Seigneur Jésus-Christ
mort sur la croix pour les pécheurs. Je
suis sûr qu’avec la bénédiction de Dieu ,
la parole de l’Evangile produira des fruits
abondants dans ce pays, très disposé pour
la vérité ». fEco délia VerüàJ.
Les missions protestantes.
Il est difficile d’établir, d’une manière bien
précise, le nombre des missionnaires protestants et des stations qu’ils occupent
dans le monde païen. La multiplicité des
Sociétés auxquelles ces œuvres se rattachent, l’immensité des pays qui en sont
le théâtre et les nombreux changements
qui s’y accomplissent, y mettent obstacle.
On ne peut donc citer qu’avec réserve
toutes les statistiques dressées sur ce sujet si intéressant. Voici cependant quelques chiffres qu’on peut, au moins, regarder comme approximatifs.
D’après les recherches les plus récentes,
il y aurait, dans le monde païen, environ
4000 stations, desservies par environ 1,900
missionnaires européens ou américains',
et par 10,000 prédicateurs ou évangélistes
indigènes. Le chiffre des chrétiens sortis
1 du paganisme, dans les différents centres
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d’activité missionnaire, serait d'au moins
250.000, non compris les foules beaucoup
plus cousiilérablcs qui écoutent la prédication de l’Evangile, sans qu’on puisse
les appeler couverlis.
Une (les statistiques mentionnées plus
liant répartit les missionuaires évangéliques de la manière suivante ;
ludes et contrées adjacentes . 669
Chine et Japon .... 168
Afrique, Madagascar, Maurice . 410
Iles du Pacifique et Australie . 332
Indiens de l’Amérique du Nord. 110
ludcs occident. (Antilles, Guyane) 481
Amérique du Sud ... 29
Total 2.199
Ou évalue à plus de 25.000.000 de francs
les revenus de celles des Sociétés des
Missious, qui rendent annuellement compte do leurs travau.\.
f Journal des Missions émngj
Une statisti(]ue, provenant des bureaux
de recensement ilc IVashington, porte
qu'en 1870 le cliilt're de la population do
couleur daus les Etats-Unis s'élevait à
4.89.5.264. Eu 1860, elle n’était que de
4.441.730. On voit, d’après ces chitlres ,
qu’eu suivant la même progression, celui
do 5 millions sera bientôt atteint. (Id.)
Uu fait qui prouve à quel point les idées
de liberté religieuse ont fait leur chemin
eu Turijuio, c’est que, pour la première
fois, un chrétien ligure parmi les hauts
fonctionnaires de l’Etat. Le sous-secrétaire d’Etat des affaires étrangères actuel,
Cathédrous Ellendi, est chrétien de naissance et de profession. Nous ignorons à
quelle communiou il se rattache. (IdJ
Chronique politique.
Italie. En vertu de la loi du 20 juin
1871, d’après laquelle le recensement général de la population doit avoir lieu tous
les di.x ans dans toutes les Communes du
royaume , ce recensement doit constater
la population réelle de l’Italie à minuit
du 31 décembre de 1871. La population
constatée dans ce moment sera considérée
comme la population légale des Communes et des Provinces jusqu’au nouveau
recensement décennal de 1881.
— Rome. Les chefs de toutes les corporations religieuses ont adressé au.x représentants diplomatiques des puissances
étrangères, une protestation destinée à
obtenir l’intervention de ces dernières
pour que le Gouvernement italien soit
empêché de les supprimer. Invoquer l’intervention étrangère au dommage de la
patrie, c’est rester fidèle à l’esprit clérical.
'Vioixne. Le chancelier de l’Empire,
de Beust, a donné sa démission pour des
motifs de santé, disent les dépêches officielles, ou l’a reçue pour des motifs politi(|ues , ou ensuite d’intrigues de cour,
dont se plaignent hautement les journaux
libéraux. Ou assure cependant que son
successeur est le comte Andrassy, et <|ue
par cousé(|uent la politique qui serasuivio
sera esseutiellement la même.
Aiigsloterro. Il est question d’associer le prince de Galles au gouvernement en le nommant régent du royaume,
à cause de l’état de santé de la reine Victoria.
France. La Chambre de Versailles
nommée daus un moment ou tout le
monde ne pensait en Erauee qu’à la nécessité de conclure la paix avec la Prusse,
ne représente vraiment pas l’opinion du
pays, de sorte qu’il est fortement question
de" consulter de nouveau la nation, eu
l’appelant à un plébiscite. — Thiers luimême , d’après les dernières nouvelles ,
aurait reconnu la couvenauce de celle
me.sure. La Chambre actuelle est en effet
composée, en majeure partie, de monarchistes orléanistes , légitimistes et bonapartistes , pendant que le Gouvernement
de fait est républicain et que le pays semble do plus en plus se prononcer eu faveur de cette forme de gouvernemeut.
Bor*lIix. La Gazette de l'Allemagne
du Nord relève l’alliance toujours plus
évidente des ultramontains et des commuuistes, des jésuites noirs et des jésuites
rouges. Elle fait observer que c’est précisément en Belgique que ces deux ennemis mortels de l’Allemagne et des étals
modernes se sont donné rendez-vous. La
Belgique, depuis 1864, doit à la protection
désintéresséederAllemagnel’iodependance
dont elle jouit encore aujourd’hui, et la
presse beige ne devrait pas avoir d’autre
préoccupation; elle n’a pas de devoir plus
pressant que de combattre VInternationale
noire et \’Internationale rouge, dont l’alliance est une menace perpétuelle pour
l’Allemagne.
E. Malan Directeur-Gérant.
Pignerol, Impr. Chiantore.