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1« année
Mars 18G6.
N.'^ S.
L’ÉCHO DES VALLEES
—(NOÜVELLE SÉRIE)—
Que toutes les choses qui sont véritables. occupent
vos pensées — ^ Philippieiis., IV. 8. )
SOMMAIRE — Instruction et éducation. De l'impatience clans les études. —
Questions Ecclésiastiques. Conférences pastorales. — Correspondance. Les Vaudois
d’Allemagne. — Variétés. La perte du London. — Glanures. Utilité des petites
pierres. — Faits divers. — Nouvelles locales. — Conditions d’abonnement.
1I\STRI]OTIO]^ ET EDUCATION
DE L’IMPATIEXCE DANS LES ETUDES.
Entre les vertus qui devraient distinguer un professeur, il
en est une dont on est particulièrement disposé à lui tenir
compte, s’il en est doué, c’est... sa patience. Nul n’ignore
qu’il y a des conditions morales et intellectuelles tout aussi
indispensables que celle-là ; mais l’on passera sur telle autre
lacune, qu’on ne fermera pas les yeux sur l’absence d’une
qualité tenue pour fondamentale. Patience et enseitjnement, l’on
veut que ce soit tout un, ou du moins inséparable ; et aux
yeux du public, il n’est bon professeur que celui qui sait
attendre.
....Eh bien I dirons nous à notre tour , il faut dans les études
de la patience et du temps. Il faut de la patience chez les professeurs , sans doute ; mais il en faut aussi chez les parents
des élèves ; il en faut chez ceux qui dirigent l’instruction , il
en faut chez le public , il en faut dans quiconque porte à la
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jeunesse im intérêt sérieux. Nulle part comme à l’école
il n’est vrai de dire que « patience et longueur de temps font
plus que force ni que rage ».
Malheureusement la mode est à l’impatience. Force ou fai])lesse , rage ou raison, notre siècle est pressé. Ce n’est pas
aujourd’hui qu’on vous conseillerait de vous asseoir avant de
bâtir votre tour. Ce qu’on vous demande, c’est de marcher,
et de marcher au pas de charge. Que s’il y a des montagnes,.,
on les perce. En les gravissant comme autrefois, en suivant
ce long ruban de lacets, vous auriez chemin faisant admiré
plus d’une petite fleur, pris à la main plus d’un caillou, puis
montant toujours et vous plongeant à mesure dans un océan
d’air pur et de lumière , vous auriez fini par élever vos regards jusqu’à ces pics déchirés qui vous montrent le ciel...
Mais qu’est ce que tout cela au prix d’une galerie qui abrège
le chemin et l'aplanit ? Do la poésie, de la religion peut-être ;
eh bien ! le tunnel, c’est du temps épargné et le temps c’est
de l'argent. Un cours d’études
Sur ce chemin montant, sablonneux , mal aisé ,
c’est, aux yeux de plusieurs, du temps perdu. Ce qu’on vous
permet, c’est une course, non pas à travers champs , — on
risquerait d’y trouver encore de la poésie, — mais une course
en vagón et à grande vitesse. Avez-vous une dimine d’années pour donner à des enfants de la campagne , et dans les
conditions les plus défavorables, une éducation déjà plus
qu’imparfaite ? C’est beaucoup trop ; asseyez-vous promptement et n’en écrivez que huit { Avez-vous écrit pour votre école
un abrégé de ceci ou de cela? Remettez sur le métier votre
ouvrage, et nous faites un court abrégé !
Aussi bien , quand tout passe comme la navette d’un tisserand ; quand le vent se trouve distancé par nos locomotivos
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et nos bateaux à vapeur ; quand , sur un fil de métal, la
dépêche fait le tour'du globe en quelques heures ; qui peut se
résigner à voir la pensée continuer commodément son train
de jadis ? L’esprit, qui est si prompt, aura-t-il donc la liontc
de se voir gagné de vitesse par la lourde matière? En d’autres termes : le moment n’est-il pas venu de se demander si
le temps que nous passons à l’école n’est pas plus long qu’il
ne convient, et si nous ne pourrions pas faire autant et mieux
en allant plus vite? Je me trompe : nous ne sommes plus à
temps pour nous faire cette question ; elle est toute faite,
et dans la pratique on a déjà la réponse. Partout les voies
sommanes et les méthodes expéditives tendent à prendre le
dessus, et ce qu’il nous reste à faire pour notre propre compte,
c’est d’examiner s’il nous convient de nous abandonner à
l’impatience générale , ou s’il ne vaut pas mieux d’y résister et de lui reprendre ce que nous lui avons déjà cédé.
Nous aussi nous voulons arriver, mais nous voulons arriver
plus haut et plus loin que le siècle ; et c’est pour cela que
nous sentons le besoin de régler notre marche, non seulement sur nos forces , mais surtout sur le but que nous nous
proposons d’atteindre , et sur le chemin que nous voulons
suivre.
Q!]ESTI0I\S ECCLÉSIASTIQUES
COXFÉRENCES PASTORALES.
Dans une réunion toute récente de pasteurs et de ministres, où il
a été question de faire revivre les conférences pastorales depuis
longtemps interrompues, il a été lu un travail dont nous transci’ivons
ici ce qui nous paraît de nature à pouvoir intéresser nos lecteurs.
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Entre ceux qu’une œuvre commune et le voisinage immédiat ont
doublement rapprochés , rien de plus naturel qu’il s’établisse des
relations fraternelles et un échange de pensées et de sentiments. Nous
sommes heureux de constater qu’on en a senti le besoin et plus heureux encore de voir qu'on a immédiatement essayé de rompre l’isolement dans lequel on se meut. Cela prouve que l’isolement pèse et
que lorsqu’on poursuit une tâche laborieuse où l’on ne peut que ressentir tout ce qui affecte la vie intime ou la situation extérieure des
Eglises , il ne se peut faire que l’on ne ressente aussi à un degré
particulier tout ce qui intéresse des compagnons d’œuvre. Il y a donc
ici plus que des rapports officiels à créer entre collègues , plus que
de la pure sociabilité ; il y a intérêt à se faire part des expériences
acquises, « à maintenir enfin entre soi autant d’unité de principes et
» même d’unité extérieure, que la sincérité et la liberté en comportent
»naturellement (Vinet). »
En attendant que le but des conférences pastorales se précise
davantage et que leur organisation prenne un caractère plus
marqué de stabilité, jetons un coup-d’œil dans le passé de notre
Eglise , et voyons ce que nous rapporte l’histoire au sujet des
anciennes conférences pastorales. En évoquant de vieux souvenirs , il se pourrait qu’on en tirât profit pour répondre plus
sûrement aux besoins du présent. Notre passé nous appartient;
en nous éclairant des expériences de nos pères, nous ne faisons
que ressaisir une propriété.
Antérieurement à l’exil de 1689, l’on comptait de bas en haut
trois assemblées représentatives, espèces de petits parlements
où étaient débattues toutes les questions qui intéressaient la
vie et le développement de l’Eglise. C’était d’abord le Consistoire
qui représente et gouverne. l’Eglise particulière ; c’était ensuite
le Colloque qui était fofmé par la réunion de plusieurs consistoires et représentait par conséquent un certain nombre d’églises ; c’était enfin le Synode qui représentait, comme aujourd’hui , la totalité des Eglises Vaudoises. Le Colloque était le
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«Icgré intermédiaire entre le Synode et le Consistoire , et voici
quelle était à cet égard la pratique en vigueur ;
Il y avait deux Colloques, un pour chaque Vallée ; et chacun
d’eux était formé par la réunion do tous les Consistoires du
ressort. Les pasteurs de chaque circonscripiion faisaient de
droit partie do l’assemblée ; et chaque Consistoire s’y faisait
représenter par un ou deux anciens. Ainsi composés d’un nombre au moins égal d’anciens et do pasteurs , les Colloques s’assemblaient régulièrement tous les premiers vendredis du mois.
Ils étaient appelés à traiter de toutes les questions et de tous
les différends que les Consistoires n’avaient pu vider ; do sorte
que rien ne devait être porté au Synode que par voie d’appel
du Colloque , ou ce que le Colloque lui môme y renvoyait. On
comprend tout de suite quelle économie do temps il devait en
résulter pour le Synode lui môme, soit pareequ’uno partie de
la besogne était déjà faite , soit pareeque les questions à traiter
avaient été examinées , débattues et mûries d’avance. Enfin
c’est aux Colloques qu’étaient déférés l’examen et la consécration des candidats au saint ministère. Ce détail a quoique
chose de frappant, en ce qu’il montre qu’autrefois les fidèles
prenaient une part beaucoup plus large qu’aujourd’hui, non
seulement à la direction et au gouvernement de l’Eglise, mais
au maintien de la pureté de la doctrine. Preuve qu’on leur
reconnaissait les capacités requises pour remplir ce devoir important ; preuve aussi que l’Eglise jugeait nécessaire de faire
appel à leur concours, parcequ’elle comprenait sans doute que,
dans la sphère de leurs attributions et de leur activité, les
anciens sont de vrais collègues du pasteur, et qu’il n’était pas
d’assemblée où ils ne dussent s’asseoir à côté de lui pour
travailler avec lui au développement de la vie chrétienne.
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Depuis la Rentrée , il n’est plus question de Colloques clans
notre Eglise. Ce trait d’union entre les Consistoires et le Synode
a été effacé ; et les attributions les plus importantes de ces assemblées si utiles ont été dévolues au Corps ecclésiastique.
Il n’y a plus aujourd’hui d’assemblée intermédiaire entre les
Consistoires et le Synode, car on ne peut donner ce nom au
Corps ecclésiasticiue , lequel, fort heureusement, n’est pas un
corps.
Les conférences pastorales viennent donc très à propos
remplir une lacune. Ce n’est point assez à notre sens qu’elles
établissent entre ecclésiastiques des rapports fréquents et soutenus ; elles pourront être plus utiles encore à l’Eglise si’, élargissant leur base, elles admettent, comme les colloques d’autre
fois , la présence des anciens. Il va sans dire que nous ne
prétendons point introduire un nouveau rouage dans notre
machine administrative ; si nous croyons que les conférences
pourraient rappeler les anciens colloques par le mode de leur
composition ( les noms ayant déjà le même sens et emportant
à peu près le môme but ), c’est qu’il nous semble particulièrement désirable que les pasteurs profitent du moyen qu’offrent
les conférences d’élever toujours plus à leur niveau les anciens,
leurs compagnons de service. Nous nous en promettrions beaucoup de bien pour le présent et pour l’avenir de nos Eglises.
CORRESPONDANCE
LES VAUDOIS D’ALLEMAGNE (t)
Monsieur le Directeur,
Appelé l’année dernière à faire un petit voyage en Allemagne, c’est
avec un sensible plaisir , vous le comprendrez sans peine, que je
profitai de cette occasion pour faire en même temps une visite à
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nos compatriotes du Wurtemberg. Et mon intention en vous communiquant quelques détails sur ces colonies, serait plus que récompensée
si je pouvais en quelque mesure contribuer à réveiller, à leur égard,
plus de sympathie et d’intérêt chrétien au milieu de nous. Sans
m’arrêter aux données historiques qui devraient précéder tout récit
de ce genre , et les supposant connues déjà de tous vos lecteurs, j’en
dirai cependant plus loin deux mots dans le seul but de faire connaître ce que les Vaudois d'Allemagne en ont conservé eux-mêmes.
Ayant donc appris chez un ami que j’avais à Pforzheim ( petite
ville du grand-duché de Bade , située sur la frontière du Wurtemberg
entre Carlsruhe et Stuttgart) que je n’étais pas loin de quelques unes
de nos colonies, impatient aussi de serrer la main à nos braves
Vaudois , je résolus de partir le lendemain même de ma découverte
pour les visiter. Après cinq heures de marche à travers des forêts et
dans la direction de Stuttgart , j’arrivai enfin sur une petite hauteur
d’oii j’aperçus un village au milieu des champs. L’idée que ce fût un
village vaudois ne me vint pas d’abord ; car selon mes calculs j’avais
encore plus de deux ou trois lieues à faire ; m’étant cependant approché pour en demander le nom , quelle ne fut pas ma surprise ,
quand l’enfant que j’avais questionné me répondit, en bel et bon
patois : V è Pinascia. Mon étonnement , à ce qu’il paraît , fut si grand
en répétant moi môme le mot de Pinascia , qu’une femme , la mère
de l’enfant dont je viens de parler, me dit depuis une fenêtre voisine
d’où elle nous observ'ait : E ben oui moussiu , l’é Pinascia. M’appi'ochant
alors de la maison , je lui répondis en patois aussi : M’estounou pa chii
la sic Pinascia, ma lo chë me stouna l’è d’ode parlâ moun patois. — Eh
moun fiU d’ar boun Diou , chi seou ? seou un melch ( vaudois ), d’ar Piemount? — Si... — Daniel, Daniel, dit-elle à l’enfant, vai vite sèrcâ lou
veil sendi. Le vieux syndic en effet ne se fit pas attendre, mais la
nouvelle de l’arrivée d’un Wdch d’ar Piemounl ne fut pas annoncée au
syndic seulement ; en sorte qu’au bout de quelques minutes je me
trouvai déjà entouré au milieu de la rue de plus d’une trentaine de
personnes. Toutes se crurent obligées non seulement de me souhaiter
la bien venue , mais de m’accabler aussitôt de questions. — Soun-ne
rie ei lai ? La ca soun-la pu bella chë la nosta ? Soun-ne ëncâ persecutii
en Piemount ? etc. Je leur répondis à tous tant bien que mal, après
quoi le syndic, sans chapeau ni souliers, mais pas moins digne pour
cela , me dit ; iëui pa ch'ou-s-ane dî ei lai ch’oun vou-s-a pa fait assëtâ,
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ni prenne un boucoun. Cela dit, il m’invita chez lui avec cinq ou six
des notables du village.
La lecture que je venais de faire ßeu de temps auparavant de l’intéressant rapport de Vegezzi-Ruscalla sur les Vaudois de Calabre ,
me donna l’idée de chercher à découvrir moi aussi chez les Vaudois
d’Allemagne quelques restes des habitudes de leurs pères. Je n’eus
pas à chercher longtemps, car en entrant dans la maison , ou pour
mieux dire, dans la cuisine du syndic, après les poules, le chien et
quelque arrière-petit-fils du compagnon de S* Antoine , j’aperçus , à
ma grande surprise... , la pastoira , et sur elle , entourés d’un mantil,
le pain et le fromage , traditionnellement gardés à vue par une énorme
douia. Enfin comme la photographie de nos cuisines des Vallées ne
serait pas complète sans un dernier détail’, j’ajouterai que la fumée,
ayant le même droit que les gens , ne connaît pas d’autre chemin
que la porte.... quand elle sort. Un seul passa via suffit au syndic
pour nous laisser maîtres du logis ; puis se tournant vers sa femme,
bonne vieille en matlota , il lui signifia par une phrase dont je n’entendis que les premiers mots : strè'ma ehe pan muß..., qu’il s’agissait de
nous préparer maranda. Pendant ce temps, je veux dire pendant les deux
heures que je passai chez ce bon vieillard et avec ceux qu’il avait bien
voulu réunir avec moi , nous ne cessâmes pas un moment de nous
adresser réciproquement des questions. Ils me répétèrent celles qu’on
m’avait déjà adressées, les faisant suivre d’une foule d’autres plus ou
moins insignifiantes et dont j’ai maintenant perdu le souvenir. De
mon côté je m’informai aussi de leur situation temporelle, de leurs
travaux , de leur commerce, de leurs rapports avec les Allemands et
avec les Vaudois des autres villages , de l’état de l’instruction parmi
eux, etc. Questions auxquelles, je dois le dire, il fut répondu d'une
manière dont je fus loin d’être satisfait. En effet, travaillant tous la
campagne et un terrain non pas des plus fertiles , il leur reste trop
peu de temps à consacrer à l’industrie et au commerce qui sont par
conséquent à peu près nuis chez eux. Vous dire aussi que je n’ai
pas trouvé un seul livre, suffira, je le pense, à vous faire comprendre
que l’instruction de la jeunesse est totalement négligée, qu’il n’y a
point d’écoles et encore moins de régents ou de pasteurs. Pour ce
qui regarde la célébration des mariages ou. des baptêmes ils ont
recours aux pasteurs allemands des villages voisins ou à des pasteurs
itinérants qui les visitent une ou deux fois l’année , ou enfin , dans
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les cas d’absolue nécessité , au vieux syndic lui-méme. Leurs connaissances en fait d’histoire vaudoise non plus ne sont pas très-étendues. Originaires du Piémont, et persécutés vers la fin du dix-septième
siècle pour cause de religion, leurs pères , obligés de s’enfuir ,
trouvèrent avec l’aide et sous la conduite d’Arnaud , un refuge dans
les contrées qu’ils habitent. Passant ensuite à leur état religieux
proprement dit, je les trouvai à peu près tous , sinon dans l’indifférence ou l’incrédulité , dans une profonde ignorance. Ils ont bien
quelques vagues connaissances bibliques , mais c’est si peu de chose
et tellement mélangé de religion naturelle, qu’il est difficile même de
les y reconnaître. Ils ont aussi nécessairement conscience du péché ;
mais Dieu est si bon , que par Jésus-Christ , ou par un autre ( le
moyen pour eux est la moindre des choses ) , s’il y a une félicité
après cette vie , ils n’en seront pas exclus. La seule réponse que
j’entendis avec plaisir à ce sujet fut celle d’un vieux barba, qui ayant
ressenti lui aussi depuis longtemps cet état déplorable ainsi que ses
funestes effets, me dit avec un profond soupir et en branlant la tète :
Âh moun paure vou l nou soun papi li fili de nosli paire.
Ce que j’aime à relever chez eux et que j’ai constaté dans
deux ou trois villages, c’est leur bon cœur, leur patriotisme vaudois. Ainsi les gens d’un village , de Pinache par exemple , connaissent assez bien ceux du Serre , de Pérouse et même du Bourse
qui est déjà à plus de huit à dix lieues de distance. Les alliances
avec les Allemands sont en général mal vues ; au Bourset, entr’autres, une femme avec laquelle j’eus une assez longue conversation me disait à ce sujet; Per mi ai dua fillia, s’i prënou de welch
seni countenla, ma s'i prënou de deutsch i peulou prou dî de papi vei sa
maire. On rencontre parmi' eux quantité de noms propres de famille
que nous avons encore dans les Vallées, tels que ilicol, Barai, Gilles,
Pons, Salomon, Talmon, Jouvenal, comme d’autres aussi qui, s’ils ne
se sont pas perdus, sont devenus aujourd’hui assez rares: Nouvel,
Héritier , Clôt, Giraud , etc.
La population réunie de ces quelques petites colonies monte environ à 5000 âmes , et les villages qu’ils habitent, situés seulement
à quelques lieues les uns des autres, ne sont autre chose que des
parties d’une immense forêt qu’ils ont défrichée et rendue plus ou
moins fertile.
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Ma visite au Serre et au Bourset confirmant á peu de chose près
les mêmes détails , je la passerai sous silence. Quant â Luzerne ,
Queiras, Pérouse , etc. on peut bien dire qu’ils n’ont gardé de vaudois
que le nom ; leurs habitudes sont déjà complètement allemandes , et
leur langue est un mélange tel d’allemand et de patois qu’il m’était
assez difficile de les comprendre.
En finissant, très-honoré Monsieur, je dois cependant ajouter que ,
malgré les nombreuses ombres du tableau que j’ai essayé de vous
tracer , j’ai été on ne peut plus content de ma visite, et je le serais
plus encore si, comme je le disais en commençant, j’avais pu réveiller
quelque sympathie envers ces brebis perdues de notre Israël. Dieu
seul sans doute est celui qui touche les cœurs, mais en parcourant
ces contrées je me suis souvent demandé si nous, Vaudois des Vallées,
nous ne serions pas un jour responsables du triste état dans lequel
se trouvent nos frères d’Allemagne, et si nous étions assez reconnaissants de celui dans lequel nous nous trouvons nous mêmes. Veuille
le Seigneur leur susciter à eux aussi des Gilly et des Beckwith et
puisse le souvenir des souffrances de leurs ancêtres les porter à jouir
avec d’autant plus de reconnaissance de la vie paisible que la Providence leur a enfin accordée.
L. Monastier cané. en Thêol.
(1 ) Voir dans VEcho de 1848, K» 5et6,des détails analogues, pleins d’intérêt.
— L’obligeance de notre correspondant permet, une fois encore, à l'Echo des
Vallées d’appeler sur nos frères d’Allemagne l'attention de notre Public religieux ;
et nous sommes assurés d’avance qu'on ne lira pas ces lignes sans ressentir
envers eux une vive sympathie.
VARIÉTÉS
La perte du J^oMrfoM«
Le London était un beau vaisseau â vapeur et â voiles , destiné à
transporter des passagers de première classe. Il valait deux millions
de francs, et était construit d’après les principes les plus avancés de
la science nautique, Quoique neuf, il était éprouvé, car il accomplissait
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son troisième voyage. Son capitaine , John Martin , était un homme
de beaucoup d’expérience et d’habileté ; aussi les cabines avaient-elles
été arrêtées des mois d’avance , car on pensait que si l’on pouvait
traverser l’océan avec sécurité , ce devait être sur un tel vaisseau,
commandé par un tel capitaine ; et cependant de 239 personnes qui
le montaient, 220 ont péri avec lui!
Le London mit à la voile le 30 décembre et atteignit Plymouth le
4 janvier , après avoir déjà essuyé un si mauvais temps que l’un
des passagers consentit à perdre le prix de la traversée plutôt que
de continuer son voyage. Le vaisseau quitta Plymouth le samedi 6.
Le dimanche , la bourrasque enleva plusienrs pièces de la voilure et
ébranla le grand mât; toutefois l’on n’appréhendait aucun danger, et
l’on avançait faisant face à la tempête. Bientôt on fut dans la redoutable baie de Biscaye, où les vagues de l’Atlantique rendues furieuses
par la durée de cette tempête, s’amoncelaient comme des montagnes
couronnées d’écume. Le mardi matin l’un des bateaux de sauvetage
fut emporté ; de bonne heure le mercredi, le capitaine changea la
direction du vaisseau pour revenir à Plymouth chassé par le vent.
Une demi heure après de grosses vagues emportaient un canot,
puis un second bateau de sauvetage, en sorte que les passagers virent
les moyens de salut leur échapper l’un après l’autre. A dix heures et
demie , une vague gigantesque s’abattit sur la grande écoutille avec
une force si écrasante qu’elle céda instantanément, et la masse d’eau
éteignit le feu de la machine. L’ingénieur demeura à son poste jusqu’à ce que l’eau lui vint à la ceinture ; quand il avertit le capitaine
que la machine ne pouvait plus fonctionner , celui-ci répondit qu’il
s’y attendait, et ajouta : » Mes enfants, vous pouvez dire vos prières ».
C’était les avertir qu’il n’y avait rien autre à faire.
A minuit, il y eut une réunion de prières dans le salon, présidée
par le Rév'“ M’’ Draper. Avec quelle ferveur ces hommes voués au
trépas ne durent-ils pas dire amen à toutes les supplications du
Pasteur ! Puis seuls, ou par petits groupes, les passagers continuèrent
à prier et relurent dans leurs Bibles des passages de consolation
aimés et connus, ou longtemps négligés. 11 y a des besoins du cœur
que le Livre divin peut seul satisfaire, des problèmes qu’il peut seul
résoudre , des craintes que ses promesses seules peuvent apaiser.
La fin approchait et à quatre heures du matin de ce fatal jeudi, la
pièce de bois qui soutient le château de poupe et le gouvernail fut
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enfoncée par la violence des vagues, et des torrents d’eau entrèrent
dans le vaisseau en sorte que tout l’effort des pompes devait bientôt
être impuissant à le maintenir sur l’eau. Au point du jour, le capitaine avertit les passagers qu’il fallait se préparer à tout. Bien qu’attendue , cette sentence n’en fut pas moins saisissante ; cependant il
n’y eut ni cris, ni désespoir ; tous se soumirent avec une calme
résignation ; mais le silence solennel, la douleur profonde, les adieu.v
passionnés étonnaient les enfants trop jeunes pour comprendre le
danger et leur faisait demander ce qui arrivait. Le capitaine passa
quelques minutes en prière dans le salon ; mais sa place était sur le
pont; il s’y rendit allant et venant, veillant à tout avec calme. A di.v
heures on descendit un canot à la mer ; il fut à l’instant submergé ,
et l’on ne retira qu’avec peine les cinq hommes qui le montaient.
Une lame après l’autre passait sur le vaisseau , le menaçant chaque
fois d’une entière destruction ; il aurait été inutile de lancer un second
canot. A une heure cependant, lorsqu’on vit approcher le moment où
le bâtimént allait couler bas, la pinasse fut heureusement descendue.
Les officiers et les hommes auxquels appartenait la direction de celte
chaloupe y prirent place avec quelques passagers, — en tout dix-neuf
personnes. Le capitaine dit à M' Greenhill, l’ingénieur en, chef: « Il
y a peu de chance de salut pour la pinasse ; il n’y en a point pour
le vaisseau. Vous avez fait votre devoir ; le mien est de rester ici.
Descendez dans la chaloupe et prenez-en le commandement ». Au
moment de s’éloigner, l’ingénieur pressa le capitaine de se joindre à
eux. — Non , répondit le brave marin, je veux périr avec les passagers;
que Dieu vous accompagne et vous fasse aborder sûrement !
Au dernier moment, le brave capitaine jeta encore une boussole
aux voyageurs en leur criant : • Nord-Nord-Est pour Brest ». Les passagers demeurés en arrière agitèrent leurs mouchoirs et saluèrent de
la voix l’embarcation qui s’éloignait. Celle-ci fut à peine éloignée de
80 mètres que la proue du vaisseau plongea dans l’eau, tandis que la
poupe s’éleva assez haut pour mettre à découvert une grande partie
de la quille. Dans ce moment-là le vent soufflait avec une telle furie
que les passagers du canot ne pouvaient pas s’entendre , et si la
terreur arracha des cris à ces deux cents personnes qui périssaient,
ils furent étouffés par le mugissement de la tempête. On vit une
vague balayer de dessus le pont un groupe de passagers ; on vit une
seconde chaloupe , déjà montée , être entraînée dans le gouffre où
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s'abîmait lentement le vaisseau ; on vit un officier de vingt ans ,
Mr Arthur Angel, rester ferme à son poste, les mains sur la machine;
une minute après on ne vit plus rien que le roulement furieux des
vagues.
Et que deviendra cette petite barque avec ses dix-neuf passagers ?
Pourra-t-elle résister à une pareille mer ? sans autre nourriture que
quelques biscuits , trempés par chaque vague successive , ces hommes
pourront-ils traverser la nuit qui commence et y survivre ? Quelques
uns croient apercevoir un vaisseau dans les environs; ils ne se trompent pas, il s’approche ; ces dix-neuf infortunés élèvent leurs voix et
poussent un grand cri ; ils sont entendus , car on répond à leur
appel ; mais on ne les volt pas ; l’obscurité les enveloppe et ils n’ont
pas de lumière pour guider les recherches du vaisseau, qui lance
cordage sur cordage sans espoir de les atteindre. Quel suspens pour
l'équipage ! Quel déchirement en voyant le bâtiment s’éloigner et se
perdre dans les ténèbres !
Au point du jour, un second vaisseau parut à l’horizon. Une chemise fut hissée en guise de pavillon , et durant cinq longues heures
on fit force de rames. C’était un vaisseau italien ; il aperçut les naufragés et se dirigea vers eux. Au moment de l’atteindre une lame
manqua faire chavirer la barque. Enfin l’un après l’autre ils furent
hissés à bord du bâtiment, et y reçurent la plus cordiale hospitalité.
L’excellent capitaine Cavassa et ses hommes rivalisèrent de soins pour
rendre des forces à ces infortunés presque épuisés de besoins et de
fatigue.
^Extrait de la Feuille Religieuse du Canton de Vaud. )
GLANURES
utilité des petites pierres. — « Approchez-vous de la pierre
vivante , rejetée des hommes , mais choisie de Dieu et précieuse ; et
comme des pierres vivantes soyez , vous aussi, édifiés pour être une
maison spirituelle » ( 1 Pierre II j. N’avez vous jamais observé que
l’on construit les maisons avec des pierres de toutes grandeurs et de
toutes formes ?
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Tout sert, depuis le bloc enlevé au rocher jusqu’au caillou et au
grain de sable. Il y en a de longues , de courtes, de rondes , de
carrées ; et toutes, liées par le même ciment, forment ensemble une
demeure chaude et commode. Les grandes pierres des fondements ,
qui reposent sur la pierre de l’angle,' concourent pour une large part
à la solidité de l’édifice ; les grandes assises de la façade font le plus
bel effet. Mais que deviendraient-elles , et les unes et les autres , sans
les pierres plus petites , sans les cailloux, sans les grains de sable , qui
remplissent â Tenvi les interstices et font de la construction entière
une masse compacte ? — Toutes ne sont pas destinées non plus à
former la même partie de l’édifice. L’œil exercé de l’architecte leur
sait trouver d’avance la place qui convient à chacune ; toutes, grandes
et petites, jouent un rôle', quand le moment est venu de les employer.
Mais qu’adviendrait-il si les unes et les autres, mécontentes de l’usage
auquel on les destine, se révoltaient et refusaient leurs services ?
Appliquez cette image à la maison spirituelle édifiée sur Jésus-Christ.
Les pierres vives sont unies à Christ par la foi, et les unes aux autres
par l’amour. Comme les pierres mortes d’un édifice matériel se supportent mutuellement, combien plus les pierres vives le feront-elles
d’une manière active et efficace 1 Se tenant avec humilité où le Maître
les a mises, elles ne cherchent pas, au détriment les unes des autres,
à occuper une place supérieure. Grandes ou petites , elles savent que
le lieu le plus obscur dans ce temple spirituel est aussi honorable que
la façade , et que l’essentiel est d’être choisies de Dieu , taillées par
lui-même et tirées de la carrière impure de la nature humaine.
Pensées. — 11 est plus noble de scandaliser par la sincérité que
d’édifier par l'hypocrisie.
— Le privilège des hommes droits est d’être indifférent aux jugements de ceux qui ne le sont pas.
FAITS DIVFRS
Un journal américain
EiOngévIté.
du Wisconsin) annonce la mort de Joseph Crele, âgé de 141
baptisé â Détroit en 1725. — Les Etats-Unis (fondés en 1776
de 40 ans plus jeunes. ^
le Portage Register de l’Etat
ans,
sont
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Une dame professeur. — A l’universilé de Baker ( Kansas,
Etats-Unis ) la chaire de grec et de latin est occupée par une demoiselle .de 21 ans , miss Martha Baldwin , graduée de runiversilé de
Bérée (Ohio). 11 y a un an à peine qu’elle remplit ses fonctions, et
déjà elle a été chargée par la Faculté de prononcer le discours
annuel, devoir dont elle s’est parfaitement acquittée.
B>on des laiieiies. — Le don des langues réside à un haut
degré dans un jeune bohème de 23 ans, appelé Szerezel. On prétend
qu’il parle 30 langues, et que non seulement il connaît tous les
idiomes européens , mais encore ceux de la Chine , du Japon et de
Malacca. Dans une réunion des plus célèbres philologues de Prague,
Szerezel a convaincu ses auditeurs qu’il est fort versé dans la connaissance de toutes ces langues , et spécialement des langues asiatiques.
Ue d«nler de S.t Pierre. — Tandis qu’en peu de jours les
souscriptions au Comorzio Naxionale ont dépassé la somme de 50
millions, il est intéressant de savoir ce qu’a produit, depuis le mois
de septembre 1860 à tout décembre 1865 , le Denier de S.‘ Pierre ; le
chiffre des offrandes a Pie IX ne s’élève pas à 2 millions !
Ce. f|u'ont coiité les chemins de fer européens. — Dans
un espace de 15 à 20 ans, l’Europe n’a pas dépensé moins de 100
milliards en travaux d’utilité publique. Les chemins de fer à eux
seuls figurent dans cette somme pour plus de 30 milliards , répartis
comme suit : — Angleterre 11 milliards ; France 6 milliards ; Allemagne 6 ’i2 milliards ; Espagne et Portugal 1 '¡o milliard ; Italie 2 milliards; Suisse , Belgique et Russie , etc. 4 milliards. Total 31 milliards.
NOUVELLES LOCALES
ConférenecB pnstoralee. — La Conférence du XII mars, après
divers entretiens qui ont roulé , entr’autres , sur le caractère et le
mode de la discipline évangélique ( à propos de 1 Timothée 1, 20 ),
a adopté un Réglement en 6 articles qui, nous l’espérons , contribuera
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à donner aux Conférences pastorales un caractère de plus en plus
marqué de stabilité. Ces articles, les voici:
§ 1. Des Conférences Pastorales auront lieu à La-Tour, le second
lundi de chaque mois, dans le local de la bibliothèque pastorale.
§ 2. Y prendront part les Pasteurs et Ministres de l’Eglise vaudoise,
qui habitent dans la circonscription du Val-Pélis , sans exclure toutefois ceux de leurs collègues domiciliés ailleurs qui désireraient se
joindre à eux.
§ 3. Les Conférences Pastorales se proposent un double but : l’édification mutuelle par la prière et par la lecture de la Parole de Dieu ;
la tractation raisonnée de questions en rapport avec les besoins et
la situation des Eglises.
§ 4. La séance s’ouvre à 2 h. pm. et se clôt à 5 h. pm.
§ 5. L’ordre du jour est fixé comme suit : A - Prière d’ouverture
lecture et méditation d'une portion des SS. EE. désignée d’avance ;
B - Lecture et discussion d’un travail par écrit sur un sujet indiqué;
à défaut , exposition orale du même sujet ; C - S’il y a lieu et si le
temps le permet, communications et propositions diverses.
§ 6. Chaque année, la Conférence nomme dans son sein un président et un secrétaire.
Pignerol , J. CmANTOHE Impr.
H. Jahieb Gérant.
COKDITIONS DE L’ABOMEMENT.
L’ECHO DES VALLEES paraît chaque mois.-----Prix d’abonnement annuel
payable en .souscrivant : Pour l'intérieur , rendu franc de port fr. 2. 50 ; pour
l'étranger, les frais de poste en sus.
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Libraire. = A Pignerol , chez Mr. J. Chianiore Imprimeur Libraire. = A
Turin, chez Mr. J. Js. Tron Libraire , portici della Fiera , num., 25. = A
Florence à la Librairie Evangélique, rue Panzani.
Le prix des Insertions est de 50 cent, la ligne ; le prix des Annonces est
de 15 cent, la ligne.
Pour tout ce qui concerne l'administration et la rédaction , s'adresser
franco au Gérant.
— ER RATA.
Num. de Janvier — page 11, . 12, ligne 25, au Heu de milles , lise? , : mille
• « > 21. » portes » ports
« » » Ifi, • 16, « remettre » transmettre
» Février • 20, . 2, • 40 mille habitants • 40 millions d'habitants
\ » . 25, - 14, s le R les
» s . 32, 20. 1 chanté » récité