1
sixième année*
3V. 33.
9 JuiQ ISTI.
L’ECHÛ DES VALLEES
FEUILLE HEBD05IADAIRE
Spécialement consacrée aux intérêts matériels et spirituels
de la Famille Vaudoise.
Qud toutes les choses qui sont véritables.*...,, occupent
vos pensées —- ( PhiUppien^., IV. 8.)
F8IX d’abonnemeht :
Italie, h domicile (un an) Fr. 3
Suisse.................
France.................*6
Allemagne ..,.**• 6
Angleterre, Pays-Bas^ . » 8
f’n numéro separé : 5 cent,
¿'n numéro arriéré : 10 cent.
BDREAUX o’ABOKItEKEHT
Torrr-Pellìce : Via Maestra»
N.42, (Agenzia biòlio^rafica)
PiGMERor. : /. C/itaniore Impr.
Tukin :J.J, rro«,viaLagrange
prèe le N* 22.
Florence : Libreria Evangelica. via de’Panzani.
ANNONCES : 5 cent, la ligne
ou portion de ligne.
Lettres et envois franco. S’adresser pour l'administration
au Bureau à Torr.e-PetUce ,
via Maestra N. 42 — pour la
rédaction ; & Mr.I.^. Maïan
Prof, à Torre-Pel ice.
S oioî m ai r* e
Le 9 juin 1871. — Les prisonniers français
protestants en Allemagne. — Chronique vaudot.'?«. — Chronique politique.
LE 9 JUIN 1871.
Nous accordons la première
place dans l'Echo des Vallées aux
pièces suivantes que nous venons
de recevoir de M"" le pasteur Meille;
écrites ou reçues par lui, comme
président du Synode; elles intéresséût l’Eglise vaudoise tout entière.', et nous sommes heureux de
pouvoir les mettre dès aujourd’hui
sons les yeux de nos lecteurs.
A Monsieur le Èédacieur de
l’Echo des Vallées.
Monsieur le Réd. et cher frère.
Les documents ci-joints, quoique signés par moi, ou à moi
adressés, ne m’appartiennent pourtant pas en propre, mais appartiennent à l’Eglise Vaudoise au
nom de laquelle ils ont été expédiés et reçus. Cela étant, vous
m’obligeriez si vous vouliez me
permettre de profiter de votre
journal, pour les porter à la connaissance de qui de droit. Dans
l’espoir que vous ne me refuserez
pas ce service, et vous en remerciant d’avance, je vous salue fraternellement en J. C.
Turin, le 3 juin 1871.
J. P. Meille Pasteur,
Torino, add'i 25 maggio 1871.
Al Rev. Dottore R. Stewart,
Livorno.
Caro e venerando signore e
fratello.
Di un compito oltre modo grato
al mio cuore, in pari tempo che
sommamente onorevole. io sono
stato, qual Presidente del Sinodo
della Chiesa Valdese, incaricato,
quello cioè che esprimesi nella
qui unita deliberazione, stata presa
ad unanimità di voti dalla vostra
Assemblea:
, « Lé Synode charge son pré» sident d’exprimer à notre vénéré
» frère, le D” Stewart, le vif re» gret que, pour la 1* fois, depuis
» 28 ans,'il ait été obligé d’être
2
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» absent de notre assemblée, et
» fait des vœux pour que, com» plétement remis dans sa santé,
» il continue encore longtemps à
» s’intéresser aux œuvres de Té. glise et à nous faire ressentir
» les effets de son affection frali torneile ».
Ciò che le posso soggiungere ,
caro e venerando fratello, si è,
che, così nel sentire rammarico
per la di lei assenza del nostro
Sinodo, come per far voti per il
suo pronto ed intiero ristabilimento , non è stata sola l’assemblea sinodale; ma che ad essa si
è unita, in questo doppio sentimento , l’intiera nostra popolazione,
da molto tempo avvezza a guardare
a Lei come ad uno dei più strenui
nostri cooperatori in quell’ opera
che il Signore ci ha affidata, e
che più che mai,da:gli avvenimenti
che incalzano, l’uno più straordinario dell’ altro, viene additata
come scopo precipuo al nostro zelo
ed ai nostri sforzi.
Accolga, colla consueta sua benevolenza, questi sensi che sono
stato incaricato di esternarle,’ e
mi abbia nel novero di quei molti
che, unito ad un profondo rispetto,
sentono per Lei, caro e venerando
fratello, un vivo affetto in G. C.
II Presid. del Sinodo della Chiesa valdese
G. P. Meille.
Rev'^'* G. P. Meille
Torino.
Livorno, 31 maggio 1871.
Caro amico e venerando fratello.
Vi prego di scusarmi se non ho
potuto, finora ¡rispondere, alla lettera che voi mi avete indirizeata
, come presidente del Sinodo testò
chiuso a Torre Pellice. Ci'‘sono
giorni intieri nei quali non posso
nè scrivere, nè pensare, senza soffrire dolori -eccessivi nel cervello.
_ — Non posso esprimere quanto
sono care e preziose per me le
parole che il Sinodo della Chiesa
valdese mi rivolge per il mezzo
del suo Presidente, e quanto son
lieto di quelle espressioni di amicizia e di amor fraterno colle quali
mi onorano i suoi membri.
Vi assicuro che fu veramente a
mio malgrado che mi trovai costretto di assentarmi, quest’anno,
dalle raunanze del Sinodo, ed in
pensiero ed in ispirilo ho seguito
amorevolmente i consueti passi
della discussione. Inoltre ho approfittato della mia assenza per presentare alla considerazione del Sinodo tre proposizioni. — Lo feci
per mezzo di una lettera indirizzata
al sig. Lantaret, lettera impostata
qui la sera del giorno 16; pare
che per negligenza della posta non
arrivasse in tempo.
Ricevete, caro sig, Meille, i
miei più caldi ringraziamenti per
r affetto cristiano che voi da tanti
anni nudrite per me e credete che
ve ne ricambio fortemente. Abbiate
la bontà, quando 1’ occasione se
ne presenterà , di ringraziare i
membri del Sinodo per la loro
bontà verso di me assicurandoli
che continuerò, durante i pochi
anni che mi restano ancora sulla
terra , a prestare i miei umili servizi .alla Chiesa -Valdese.
• ' ) Robert Walter, Stewart.
/
3
A M”“ la Comtesse A. de Gasparin,
a Valleyres.
Madame,
Le Synode de l’Eglise évangélique-vaudoise, réuni a Torre-Pellice, du 16 au 19 courant, lorsque
lui parvint la nouvelle du coup
douloureux qui vient de vous frapper , n’a pu résister au besoin de
s’associer, pour autant qu’il était
en lui, à votre grande épreuve ,
en adoptant à 1’ unanimité de ses
lueinbres présents la résolution suivante, que , eu ma qualité de Président de, la V. Assemblée, j’ai
reçu l’honorable et bien douce
»
mission de vous transmettre:
» Le Synode douloureusement
» affecté par la nouvelle que lui
».a apporté le Délégué de la So■: ciété évangélique de Genève,
» AP le pasteur üescombaz, de la
• mort presque inopinée de AP
• le Comte Agénor de Gasparin,
» charge son président d’exprimer
” à la Veuve de l’illustre défunt
• la part profondément sentie que
» l’Eglise Vaudoise prend à la
» grande épreuve qui vient de l’at» teindre, et avec elle l’Eglise de
« Dieu toute entière, qui perd en
" AP de Gasparin un de ses mem» bres les plus zélés et un de ses
» plus vaillants champions •.
Nous savons, Aladame, — qu’après les consolations que le Seigneur lui-même vous a préparées
dans cette foi qui vous était commune avec celui que nous pleurons, et à la défense et propagation
de laquelle il a consacré jusqu’à
la fin les beaux dons qu’il avait
reçus d’en haut, soit comme orateur, soit comme écrivain, il,ne
.179---------------------------------
saurait y en avoir pour vous de
plus douce que le témoignage,
qu’aussi bien ses nobles travaux
que son dévouement sans borne à
la vérité, avaient trouvé de l’écho
et avaient été compris et appréciés, comme ils méritaient de l’être, jusque dans toutes les portions les plus reculées de l’Eglise
de J, G , et c’est le désir et le
besoin de concourir, pour notre
modeste part, à vous procurer,
cette bien légitime consolation qui
nous a dicté la démarche dont je
m’acquitte en ce moment.
• Puisse-t-telle avoir pour vous,
Aladame, le résultat que nous nous
sommes proposé ! Puissiez-vous ,
selon le vœu de l’Apôtre ( 2 Cor.
I, 4.) « de la consolation dont
vous avez été consolée », dans
cette douloureuse epreuve, « consoler » à l’avenir et avec plus d’efficace et d’abondance encore que
vous »e l’avez fait déjà par vos
captivants écrits, tous ceux, (hélas!
ils sont en bien grand nombre
dans ce moment!) qui sentiront
le besoin des consolations véritables! C’est le vœu que du fond
du cœur offre pour vous, Aladame,
à Celui qui peut l’entendre et
l’exaucer, votre très humblement
et très respectueusement dévoué
en J. C.
Turin, le 24 mai 1871.
Le Président du Synode
de l’Eglise vaudoise
J, P. Meille P. E.
Monsieur le Pasteur,
Je vous remercie du fond du
cœur de la lettre que vous m’avez
adressée au nom de l’Eglise vau-
4
-180
•doise. Mou pauvre cœur en est vi*
vetneni touché. Oui, mon bien-aimé
a été un témoin. Il a, par la force
que donne Jésus, servi la vérité!
Rien ne m’est plus doux que de
savoir à quel point sa parole a
fortifié, éclairé, consolé ; au milieu
de ma détresse, le S‘ Esprit pousse
mon cœur à louer Dieu pour avoir
transporté mon bien-aimé dans la
joie impérissable. Dieu s’est montré
magnifique en bonté pour lui, par
conséquent pour moi, qui l'aime
raille fois plus que moi-même.
Et maintenant, je demande à
ceux qui ont chéri mon bien aimé,'
à ceux qui le chérissent encore;
je leur demande d’obtenir pour la
pauvre moitié mutilée l'absolue sanctification, l'union intime avec Jésus,
une immense foi, l'établissement
invariable dans les lieux célestes.
Je sais que je désire beaucoup,
mais la puissance de Dieu, mais
sa compassion ne dépassent-elles
pas nos vœux les plus illimités ?
Que le Seigneur ne me laisse
pas sortir, même pour un instant,
de son temple! Voilà mon cri, que
ce soit la prière de mes frères'.
Et puis Monsieur, si je désire
être entièrement soumise aux volontés de mon Dieu, je supplie
pourtant qu’on ne demande, pas
pour moi la prolongation du combat, des risques, de la séparation,
de l’exil. — Qu’on demande pour
moi « Ce qu'il y a <ie meilleur ».
C’est ce que le Seigneur m’a comme
contrainte de demander avec larmes pour mon bien-aimé — merci,
merci, tout d® ¡nouveau l
Avant, tout qué je sois ioMt ce
que Dieu veut, rien que ce qu’il
veut. Et que mou Pèr-e qui est en
haut ait pitié de moi.
Recevez, Monsieur le pasteur ,
mon cordial serrement de main.
Comtesse Agenor de Gaspauin.
Valleyres près Orbe, Canton de Vaud,
Suisse, ce 27 mai 1871.
Les prisonniers protestants français
en Allemagne,
Nous extrayons de la 123® circulaire de la Société évangélique
de Genève le rapport de M. le
pasteur R. de Lausanne sur son
œuvre au milieu des prisonniers
français à "W. eu Allemagne.
Je m’empresse tout d’abord, dit-il, de
rendre hommage à la bienveillance des
autorités militaires de cette forteresse.
Non seulement j’ai pu exercer mon ministère sans entraves, mais on m’a procuré
avec empre.ssement toutes les facilités
désirables. Je dois aussi un juste tribut
de reconnaissance à mon digne collègue
allemand, M. le pasteur P., dont le concours actif et dévoué ne nous a jamais
fait défaut. Dès que j’eus l’autorisation de
circuler librement dans les camps et dans
les hôpitaux, je m’occupai à faire le recensement exact des protestants qui se
trouvaient dispersés parmi nos 23.GOO
prisonniers. Si je m’étais contenté des
registres officiels, ma paroisse eût été
peu nombreuse. Mais bon nombre de protestants n’étaient pas inscrits comme tels.
Je dus donc aller de baraque en baraque,
consulter les livres de chaque compagnie,
réclamer de nouvelles recherchés, et enfin de compte, au lieu de 205, désignés
officiellement, nous en trouvâmes 320
environ, originaires de toutes les contrées
de la France, mais surtout de l’Alsace et
des départements du Gard, de la Drôme
et du Daules. Je crois pouvoir dire sans
partialité aucune , que ces jeunes gens
élevés sous l’influence de l’Evangile, forment sans contredit l'élite de l’année française. J’ai été surpris du niveau moyen
de leur instruction, et loin d’avoir à me
plaindre, dans tous, le cours de nos relations, de la plus légère inconvenance, j’ai
constaté, au contraire, chez plusieurs, un
tact et une délicatesse de sentiments fort
r^arquàbles.
5
-181
La première chose à organiser était le
service divin du dimanche. Je me mis en
quête d’un local convenable et, après
diverses recherches, je trouvai dans une
de ces auberges chrétiennes, si agréables
à rencontrer en Allemagne, une salle belle
et spacieuse , avec chaises, banc, table
pour la communion, en un mot, tout appropriée à notre intention. Les propriétaires voulurent bien nous la céder à titre
gratuit, et c’est là que, pendant huit dimanches, nous avons célébré notre culte.
Les soldats venaient du camp et étaient
ensuite reconduits sous escorte.
Pour la plupart de nos protestants, ce
service divin répondait à un besoin réel
et profondément senti. Il s’en est trouvé
qui depuis cinq ans n’avaient eu l’occasion
de prier Dieu avec leurs frères. Leur attention, leur recueillement, leur figure
ouverte et attendrie, et l’émotion’avec laquelle ils chantaient nos vieux psaumes,
témoignaient assez de leur joie de recevoir l’Evangile. J’ai la ferme confiance en
Dieu que, les exhortations et les appels
qui leur ont été adressés n’ont pas été
vains et que celte semence produira des
fruits de vie éternelle. Nous avons pris
deu.x fois la Cène, la seconde fois avec
beaucoup d’émotion. à notre culte d’adieu, la veille de mon départ. Sauf deux
ou trois exceptions pour des soldats particulièrement bien disposés, je n’ai reçu
à la tablé du Seigneur que ceux qui âvaient déjà été admis en France par letirs
pasteurs respectifs. Une trentaine seulement se sont annoncés.
Nous n’eûmes les premiers dimanches
que fort peu de catholiques ; peu-à-peu
la curiosité, le désir de faire une course
en ville, eu amenèrent un plus grand
nombre; à notre dernier culte, il y en
avait plus d’une centaine. Si les motifs
qui ont conduit ces derniers n’ont pas
toujours été très élevés, ils n’en ont pas
moins entendu, et non sans profit, la
bonne nouvelle du salut.
Le dimanche étant pourvu, il fallait
aussi songer à procurer à nos jeunes
gens une occupation pour la semaine.
J’ai constaté, en effet, en visitant les
camps , que la plus grande cause de souffrances des prisonniers était l’ennui, l’immense ennui qui les rongeait sans relâche. Les barraques où ils s’entassaient
pêle-mêle étaient chauffées à souhait, la
nourriture, bien que plus que frugale,
était encore suffisante; mais que faire
pendant ces longues et tristes journées
d’exil dont rien ne venait distraire l’écrasante monotonie? Pour obvier en une
certaine mesure à cette oisiveté forcée
et procurer au moins à quelquels-uns un
travail agréable et utile, j’eus l’idée d’ouvrir une école où plusieurs classes seraient formées suivant les diverses capacités. Dans un local gracieusement cédé
par l’Union Chrétienne de jeunes gens,
des tables furent préparées; un libraire
m’envoya à prix réduit du papier et des
plumes , le Gymnase de la ville des cartes
géografiques et tout fut disposé pour une
centaine de soldats.
Plus que foute autre chose peut-être,
notre modeste école a été pour les protestants un soulagement et un bienfait.
Tous venaient avec plaisir et assiduité.
Indépendamment des choses qu’ils apprenaient , ils étaient heureux de se sentir
traités avec égard, comme des hommes
et non comme des esclaves. Au camp ,
chacun d’eux n’était qu’une unité dans
le nombre, une tête qui disparaissait dans
la vaste agglomération; à l’école , au contraire, ils se retrouvaient avec leur ca^ ractère propre |et leur individualité, il.s
, se mouvaient dans un cercle de, pensées
I beaucoup plus étendu, et ce bien-être
I moral, qm les relevait à leurs propres
yeux, leur faisait aimer l’école et accueillir
j avec déférence ce qu’on leur disait. Les
plus avancés servaient de moniteurs. Notre
programme était simple et peu varié.
Tous les jours une heure de lecture de
la Bible, avec explications familières et
applications à la conscience; après cela
le chant, du calcul, des dictées ou de-s
compositions et un peu de géographie ou
de cosmographie. La description du système solaire les a fortement intéressés.
Sur 100 écoliers, tous à peu près savaient
lire; six écrivaient sans faute, une vingtaine avec un petit nombre de fautes, 40
environ d’une manière passable, et les
autres, tout en se faisant comprendre,
étaient décidément brouillés avec la grammaire; 4 ou 5 seulement, ne pouvant pas
écrire, s’appliquaient à faire des lettres.
Ce fait, qui témoigne d’une instruction
généralement bonne, prouve une fois de
plus combien le protestantisme est l’ami
des lumières. M. le Colonel et commandant de la place qui a bieu voulu nous
faire visite dans notre école, m’exprimait
son étonnement d’entendre les français
lire avec autant d’aisance et répondre
d’une manière aussi intelligente. Cela s’e.xplique par l’influence de l’Evangile. Pris
en masse parmi les catholiques de l’armée,
la proportion des ignorants serait certainement Beaucoup plus considérable.
Ce qui plaisait surtout à nos élèves,
c’était le chant dés cantiques. Le précieux
petit recueil que la Société de Barmea
nous a envoyé a occupé, après la Bible,
la première place dans nos travaux. Il
suffisait ^’uDO heure' quelquefois d’une
6
-18Î
demi-heure, pour apprendre un cantique
nouveau. Je leur chantais d’abord la mélodie seulement, en accentuant les phrases,
puis je les invitais à m’accompagner, et
après cinq ou six essais le cantique était
parfaitement su et possédé. Nous en avons
appris de cette manière neuf ou dix que
nous chantions ensuite avec solennité aux
cultes du dimanche. Je suis d’autant plus
heureux de ce résultat qu’une certaine
disposition pour la musique est fort voisine du sentiment l’eligieux.
Bien que formant ainsi la partie principale de ma tâche, l’école et la prédication n’absorbaient pourtant pas tout mon
temps. Il restait encore la visite des malades dans les hôpitaux, la correspondance
pour les prisonniers et les distributions
de secours. Trois grands hôpitaux avaient
été établis dans la ville ou dans les camps.
La moyenne des malades variait entre
800 et 1200. Les maladies les plus communes étaient le typhus et la petite vérole , souvent aussi d’autres maladies.
J’avoue avoir éprouvé quelque appréhension avant de pénétrer pour la première
fois dans ces longues salles imprégnées
de miasmes et d’émanations malsaines.
Mais le devoir était là! Confiant en Dieu,
je résolus d’aller partout sans crainte.
Comme il nous était sévèrement défendu
de causer religion avec les catholiques
et nous savions que toute infraction aurait pu entraîner la suspension de notre
activité; nous avons eu la douleur, mon
collègue et moi, de passer auprès de
beaucoup de malades sans pouvoir leur
donner un Nouveau Testament et prier
avec eux. — Nous restions d’autant plus
longtemps auprès de nos coréligionnaires,
et l’entretien que nous avions avec eux
devenait une véritable évangélisation. —
Toute la salle devenait silencieuse et écoutait avec respect. Quand les catholiques
me demandaient un Evangile, je ne croyais
pas devoir le refuser, et je leur en donnais volontiers, sauf à apprendre deux
jours plus tard que le prêtre les leur
avait enlevés.
J'ai eu souvent à rédiger des lettres
pour des malades, ou à donner des nouvelles à des parents qui m’en demandaient.
A trois reprises m’est incombée la douloureuse mission d’annoncer aux familles
respectives le décés d’un fils dont j'avais
fait l’enterrement. Ou m’envoyait' aussi
de tous côtés de petites sommes d’argent
à remettre à leur destination à W., ou à
expédier dans l’inférieur. La grosse caisse
de chaussettes, tricots, caleçons, etc.,
que j’avais emportée de France, fut bien
vite épuisée. D’autres envois en argent
ou_ en nature me furent encore faits de
Suisse et de Hollande, et, grâce h ces gé
néreux donateurs, les besoins les plus
urgents furent satisfaits. Nos distributions
s’effectuaient sans distinction de culte ni
de race. Les pauvres turcos que noustrouvions toujours accroupis autour du
poêle y ont eu une large part. Un seul
de leurs regards reconnaissants compensait bien des peines et des fatigues.
J’ai également reçu de divers côtés un
nombre considérable de traités, de brochures'. portions de l’Ecriture, etc. J’aurais été heureux de tant de richesses si
nous avions en toute liberté de les distribuer à notre gré, mais la crainte des
récriminations jésuitiques rendaient les
officiers sévères à cet égard. — Un jour
j’apprends que 3030 hommes devaient
être conduits le lendemain en AVestphalie.
Je me rends au camp avec un gros ballot
de livres et j’en donne à tous indistinctement. Qu’est-il arrivée?Quelquesjoursplus
tard on me fit savoir qu'un prêtre était
entré après moi dans les baraques et s’était efforcé partout de soustraire ces « infâmes mo.vens de propagande protestante ».
Nous éludions la difficulté en remettant
plusieurs exemplaires à nos réformés qui
les répandaient sans bruit autour d'eu.x.
J’aurais voulu surtout avoir des Bibles
complètes. Tous les élèves de notre école
m’en ont demandé, et le dépôt de Cologne
n’a pu en mettre que dix à ma disposi-,
tion. Je leur en enverrai de France. Je
leur ai laissé à tous mon adresse, afin de
poursuivre autant que possible par correspondance l’œuvre commencée. Il yen a
quatre ou cinq en particulier qui me paraissent bien près d’une conversion sérieuse et que je désire ne pas perdre de
vue. L’un d’eux, un Marseillais, après
avoir longtemps souffert des angoisses de
la conscience, a reçu la paix en s’approchant de la S" Cène et a pu confesser
joyeusement le nom de son Sauveur. En
somme, j’ai trouvé de chez les prisonniers
français des cœurs sympathiques, accessibles et fort disposés à recevoir l’Evangile. J’emporte de cette trop courte campagne d’Allemagne la conviction intime
que le moment est venu d’évangéliser la
France au prix des plus grands efforts.
Profondément humiliée de ses désastres,
la nation sent qu’il lui manque quelque
chose, et ce quelque chose elle ne peut
encore le désigner. C’est aux chrétiens à
le lui apprendre.
Chtontuiue
Nous recommandons et nous accompagnons de nos meilleurs vœux la Société
de chant qu'on nous demande d’annoncer
par les lignes qui suivent. Une telle ins-
7
-183
titution répond à un besoin depuis longtemps profondément senti.
* Dans le but de développer le goût du
chant et de perfectionner le chant luiméme, cette partie si importante du culte
public, une Socie.lé chantante va être fondée à Torre-Pellice. Elle aura régulièrement un exercice par semaine et davantage,
si le besoin le reipiiert. Elle sera administré par un Comité élu par elle dans
sou sein et tiendra provisoirement ses réunions au Collège dans la salle de l’Ecole
Normale.
» La Société sera constituée dès qu’elle
comptera une trentaine de membres. —
Ceux-ci s’engagent à fréquenter aussi régulièrement que possible les exercices ,
qui se feront au jour et à l’heure les plus
convenables pour tous, et à payer une
contribution annuelle de cinquante centimes pour couvrir eu partie les frais de
la Société.
» .Vucun Age n’est fixé pour l’admission ;
la possibilité de chanter et des garanties
d’ordre et de moralité sont les seules
conditions requises.
» Une fois constituée, la Société établira
elle-même son réglement.
» Les membres du Comité provisoire et
initiateur sont: Madame Malan-Bonjour,
Monsieur et .Madame Niccolini, Mademoiselle Joséphine .Lrnoulet, et Alonsieur J.
D. Charbonnier.
» Les personnes qui désirent faire partie
de la Société sont priées de se faire inscrire auprès de Monsieur Charbonnier,
qui en référera aux autres membres du
Comité.
» La liste des membres fondateurs sera
close au 30 juin prochain.
» On admet des membres honoraires
qui voudront encourager la Société de
leur présence ou de leurs deniers.
» 11 y aura de temps à autre des concerts dont l’époque et les conditions seront
fixés par le Comité.
» Torre-Pellice, le 30 Mai 1871.
Au nom du Comité
l. D. CUARBOKKlIiH.
Oonsécratlon de M’ Michelin
Salomon. —Ainsi que VEcho l’a annoncé,
la consécration de M. Michelin a eu lieu
dimanche [dernier à 4 heures de l’après
midi dans le temple du Ciabas; malgré
le mauvais temps, une assemblée nombreuse et recueillie a assisté à eette cérémonie, à laquelle se sont associés douze
pasteurs ou ministres. Le culte a été présidé par le Modérateur-adj., qui a prêché
sur I Cor. / à fl, et s’est efforcé de pré
senter la prédication de S. Paul à l’imitation de tous les prédicateurs évangéliques,
soit pour la forme, soit pour le fonds
de leurs discours, comme aussi pour
les dispositions que doit revêtir l’orateur
chrétien.
IVIoiilimoli t du Sergent Monnet.
— La lettre suivante contient la réponse
tardive, mais satisfaisante et péremptoire
à une interpellation que nous avons insérée dans l’Echo des Vallées, il y a environ trois mois :
La Tour-Pelis, le 30 mai 1871.
Monsieur le Rédacteur,
Le monument du bersagliere Monnet,
pour lequel bien des personnes ont concouru, est placé depuis le 22 courant dans
le cimetière de la Tour, et port i’iuscription suivante :
Daniele Monnet
nativo di Angrogna
già studente nel Collegio di Torro
Sergente dei Bersaglieri
da tutti stimato per ottimi costumi
proditoi-iamente assalito per via
dopo dieci giorni di crudi dolori
soggiacque alla mortai ferita
e compianto dagli onesti
iielTetà di anni venticinqno
addi 17 aprile 1870
spirò nella pace del Signore.
«Signor non imputar loro questo peccato«
Atti VII, 60.
Memoria d'affetto di molti Amici.
Le montant des souscriptions a été de
Fr. 132 25
Le prix du monument et la
mise en place .... » 140 00
Déficit....................» 7 75
Agréez, etc.
B. Malan Pasteur.
En vu de combler le déficit de fr. 7 75
pour le monument Monnet, l’Echo des
Vallées’, qui a recueilli déjà les souscriptions pour cet objet!, ouvre une nouvelle
liste, et souscrit pour fr. 1.
dxront(|U0
Italie. La Chambre des députés continue à s’occuper de lois de finances; sur
les instances du ministère, elle a décidé
qu’elle ne s’ajournerait pas avant d’avoir
voté les projets de lois les plus urgents,
celui de sûreté publique , celui de réorganisation militaire déjà discuté et approuvé par le Sénat, et enfin celui du
chemin de fer du S‘ Gotbard.
8
J84
ROME. VOsservatore romano «t, après
lui, la plupart des ^auds jourâanx oat
publié l’encyclique du pape adressée à
tous les patriarches, arclievêques et évêques, en date du 15 mai. Dans oe document conçu dans le style bien connu de
la chancellerie pontificale, Pie IX, l’angélique , déclare en termes violents qu’il
rejette les garanties du Gouvernement subalpin, lequel a l’habitude d’unir une perpétuelle et honteuse dissimulation à l’impudent mépris pour le pontife, sa dignité
et son autorité. Il réclame la restitution
du pouvoir temporel qui lui est dû de
droit divin; repoussant toute réconciliafion, il invoque sur l’Italie le plus ^and
des malheurs, au point de vue politique,
l’intervention étrangère. Il en appelle aux
princes de la terre et fait des vœux pour
qu’ils s’unissent, en un seul sentiment et
en une seule volonté pour faire restituer
au S' Siège ses privilèges et au chef visible de l’Eglise sa pleine liberté. — Que
de tristes réflexions suggère la lecture
d’une telle pièce ! La religion en esprit et
eaa vérité est réduite à n’être qu’un misérable pouvoir temporel ; de charité,
d’amour de la patrie pas la moindre
trace; car les ulipa-cléricaux, comme les
communistes, n’ont pas de patrie; ils le
mut bien voir et ils s’accoiiéent sur ce
pqint comme sur bien d’autrôs. — Nous
comprenons que des hommes de cœur
frémissent d’indignation et éprouvent un
profond dégoût a entendre un vieillard ne
parl^ que de lui et des injustices qu’on
lui lait, de l’esclavage dans lequel il se
trouve, lorsque l’on sait qu’on le comble
d’honneurs et de privilèges, qu’on lui
prodigue les millions et qu’on lui lai.sse
toute la liberté de travailler pour le salut
des âmes. Mais malheureusement ce salut
est le dernier des soins du soi-disant
vicaire de Jésus-Christ. Ces gérémiades
du pape sont particulièrement déplacées
en présence des calamités dont est travaillée l’humanité , les épidémies, les
guerres et les effroyables révolutions.
Mixiilclik L’Archevêgue de Munich
a pris des mesures sévères contre les
opposants au dogme de l’infaillibité. Le
fait seul de la souscription de l’adresse
contre ce dogme donne lieu au soupçon
d’hérésie; et ceux qui,s'en rendent coupables, sont privés des sacrements et en
particulier d'e'l’assistance ecclésiastique
dans les mariages et dans les Sépultures.
En suite de ces démarches et de celles
des autres membres de l’épiscopat allemand, un comité de théologiens, représentant les vieux cathoUquee, s’est reuni
à Munich pomr délibérer sur ce qu’il y
aurait à faire dans cette circonstance. —
Ce comité à chargé le chanoine Déllinger
lui-même de faire une réponse à l’é^sco,pat allemand. Cette réforme renfermera,
dit-on, les propositions relatives à la réforme de l’Eglise.
Fraixce. Les journaux sont remplis
de récits détaillés sur les événements dont
Paris a été le théâtre; incendies, pillage,
assassinats, tel est l’affreux spectacle que
la Commune a offert à l’Europe épouvantée pendant huit jours. A que peut-on attribuer ces crimes inouïs accomplis en
plein 19* siècle et dans une ville qui possède le christianisme depuis 1800 ans ? A
quoi, si ce n’est à ce que l’Evangile y a
perdu sa saveur et y a été remplacé par
une religion humaine, qui a détruit la
vraie foi, la vraie moralité, le sentiment
de la responsabilité morale devant les hommes et devant Dieu? Quoiqu’on en dise, le
romanisme qui substitue la conscience artificielle à la conscience naturelle, qui obscurcit et même tue, cette dernière, au lieu
de l’éclairer et delà sanctifier, qui, comme
système, renie la famille et la patrie, qui,
en religion, met l’homme à la place de
Dieu, est le vrai père de rincrédulité, de,
l’immoralité et du socialisme. La commune de Paris, l’ennemie des prêtres,
s’est révoltée contre son père, le romanisme, et a tiré d’une manière brutale
les conséquences contenues dans le principe. II n’y a que le pur Evangile qui n’est
pas, dans son essence, le libre examen
ni la négation de toute autorité mais l’obéissance et la soumission à Jésus-Christ,
qui puisse guérir les plaies de 'Id Société,
parcequ’il est le salut des indîvidos et
qu’il accorde à l’homme la satisfaolion de
tous ses vrais besoins. — Il në faut pas
s’étonner que la négation de Dien, cher,
les socialistes de Paris et d’ailleurs, les
porte à demander, comme cela a eu lieu,
l’abolition de la famille en tant que privilège social, l’établissement du devorce
et la suppression du mariage; toutes les
erreurs se donnent la main, comme tontes les vérités.
Le Siècle rapporte que l’aspect de Paris,
est désolant. Les rues sont désertes. Les
épouvantables incendies ont jeté la stupeur
et l’épouvante au milieu de la population.
On ne discerne pins le jnste de l’injuste,
l'innocent du coupable. Les dénonciations
abondent, les arrestations se multiplient
d’heure en heure, la vie des citoyens ne
compte pas plus qn’un cheven dans la
balance populaire. Pour un oui on un
non, on est arrêté et fusillé.
E. Hxlxn DirecteuH^rant.
Pignerol, impri Qiiàntoro.