1
Cinquième Année.
9 Mai 1879
N, 19
LE TÉMOIN
ËCHO DES VALLÉES VAUDOISES
Paraissant chaque Vendredi
Vous me $ere2 iémoins, Actrs 1, >».
■Stcí-íJCiní ia l>éri/é afee charité. Ep. 1, ]5.
PRIX D’ABBONNEMENT PAR AK
Italie . , , , Ti. 3
Tous les pays d© TUnion
de poste ... >6
Amérique _ . . » V
On s’iibonnB :
Pour l'Intérieur chez MM, les
pasteurs et les libraires de
Torre Pellice.*
Pour y Extérieur au Bureau d’Adininistiaiion.
Un ou plusieurs numéros séparés* dèniaûdés avant le Urag:e 10 cent chacun.
Annonces : 25 centimes par ligne.
Les envois d'argent sa font par
letire reci mmandee ou par
mandais sur le’Burean de Perosa Argentina.
Pour la RÉDACTION adre.sser ainsi; A ia Directi'n du Témoin, Pomaretto (Pineroio) Italie.
Pour l'ADMINTSTRATlON adresserainsi : AEAdmiriistraiion du Pumaretto í PineroloJ Italie.
S O m m a i r* e.
Pierre Valdo et les pauvre.s .de Lyon. —
Adresse au peuple Vaudois. — Le.s carrières de pierre. — Nouvelles religieuses ei
faits divers. — Revue politique. — Avis.
vmm V4LD»
et les paovres de Lyon
Propri(^‘t6 littérnire
(Suite V. N. 16J.
VII.
I.A MISSION.
Nous avons essayé de faire connaîli’e
ies missionnaires lyonnais; il faut maintenant les voir à l’œuvre.
Sans abandonner celte grande ville
de Lyon, où depuis des années il annonçait et faisait annoncer l’Evangile
jusque dans les rues et sur les places
publiques, Valdo avait pensé aussi aux
pays ctivironnanls. « L’on vit s'es envoyés parcourir les campagnes voisines, » sans antres provisions que leur
« petit livre, comme on l’appelait
quelquefois, mais loujours pleins de
zèle et de courage ». Ils allaient partout, s’adressaient â quiconque leur
paraissait favorablement disposé.
Tantôt ils .s’arrêiaienl sur les clie'nins, tantôt ils entraient dans ies
ntaisons où ils étaient invités; un jour
ils parlaient ouvertement sur la petite
place du village; un autre jour ils
portaient leur pas du côté d’uiie ferme
isolée, d’autres fois ils osaient pénétrer dans la cour d’un château. Le,s
églises mêmes, nous l’avons vu, no
leur furent pas loujours fermées, et
là comme ailleurs nos pieux évangélistes se faisaient écouter avec recueillement.
Tout en prêchant aux multitudes.
nos missionnaires ne négligeaiertt point
les entretiens particuliers. Ce que l’histoire nous rapporte de vingt ou trente
ans plus tard ne pouvait différer essentiellement de ce qui se passait du
temps do Valdo ; nous suivrons, sur
ce point, le récit plus ou moins impartial d’un auteur anonyme.
« Ils ne négligent rien, dit-il, en
parlant des pauvres de Lyon, pour
amener à leurs vues le plus grand
nombre possible de personnes... Hencontrenl-ils des ignorants qui né soient
en rapport ni avec les frères prêcheurs,
ni avec d’autres zélateurs de la foi catholique, ils aiment à les accoster;
puis captivant leurs cœurs par une
apparence de sainteté, ils sont bientôt
parvenus à gagner par de douces pa,
rôles ceux qui ont eu l’imprudenÜe de
leur prêter quelque attention. N’esl-il
pas vrai, ô bonne femme , disent-ils
entr’autres choses, que si quelqu’un
vous montrait le chemin dé la vérité
2
-146^
OU vous parlait des grandes choses de
Dieu , vous seriez licureuse do l’enlendre? Vous ne refuseriez pas, je
m’assure, de voir le Soigneur et d’ouïr
sa parole même. Combien ne serait-il
pas précieux pour vous d’obtenir de
Dieu toutes vos demandes, jusqu’à
être rendue semblable» aux saints et
aux anges qui sont dans le ciel ! —
entraînée par ces discours la pauvre
femme redouble d’attention, et déjà
elle les boit avec avidité.
• C’est aloi's, continue notre auteur,
que l’hérétique entreprend tout de bon
son enseignement. D’abord ce sont des
exhortations à rechercher la pureté
avec l’humilité, et d’une manière générale, à fuir le mai pour s’attacher
au bien. Viennent ensuite les paroles
mêmes de Jésus-Christ et des .àpôtre^,
que le missionnaire accompagne cfe
telle ou telle maxime empruntée aux
saints docteurs. Bref, il fait si bien
que la bonne^ femme croit entendre
un. ange du ciel plutôt qu’un homme.
» Quand il a tout dit, notre vaudois prend congé do la novice, non
sans lui recommander le secret le plus
absolu. Un trésor qu’on vient de découvrir, dit-il, se doit tenir caché,
et les secrets du ciel ne veulent pas
à l’aventure être exposés aux regards
profanes des indignes.
» La femme garde alors ces instructions d’autant plus religieusement
qu’elle s’estime honorée d’une faveur
toute spéciale de Dieu.
» Elle a reçu, en attendant, certains
écrits louchant la bïenheureuse Vierge
ou les Saints, écrits destinés soit à
l’éprouver, soit à réveiller en elle le
désir d’en savoir davantage. Lorscnie
l’épreuve est suffisamment prolongée ,
si la femme est demeurée ferme et a
réussi à garder le secret, ou bien l’on
ajoute quelque chose à ce qu’elle sait
déjà , ou bien on lui assigne un nouveau maître, qui, sous le voile d’un
commerce ou d’une industrie, puisse
continuer avec elle des entretiens plus
suivis, toujours en évitant d’être découvert ».
Ce n’était qu’après s’être indissolublement attaché leur prosélyte que les
missionnaires de Lyon se hasardaient
à l’initier plus avant dans leurs sentiments. Tout d’abord, avaient-ils coutume de dire, on ouvre les yeux à la
lumière, mais ensuite il faut trouver
la vérité. Lumière ou vérité, c’était
toujours « dans la parole de Christ et
des Apôtres, ■ toujours dans les Ecritures qu’ils la cherchaient. « Ouvrant
donc le petit livre,» iis s’appliquaient
à montrer à leur catéchumène ce que
doit être le disciple de Jésus, et trois
mots leur suffisaient: regardez à Christ,
écoutez sa parole, suivez ses traces et
celles de ses Apôtres. Ceux-là seuls
sont leurs successeurs qui savent leur
obéir et les imiter. I,a polémique venait ensuite, et l’on devine assez sur
quels points elle devait porter.
Ce que vient de dire Yvonet au sujet
du petit commerce dont se couvrait
quelquefois le inissionnaire ambulant
a sans doute fait penser au colporteur
vaudois. Une vieille chronique de l’Abbaye de Corvey ayant mentionné aussi
cette manière ingénieuse de propager
la vérité biblique, comme une chose
qui se voyait déjà au douzième siècle,
on peut bien croire que lé marchand
de Lyon n’aura pas été complètement
étranger à cet expédient. « De simples
gens du peuple, dit la chronique,
séduits par cette vieille mauvaise race
d’hommes qui habitent les Alpes et
pays d’alentour, ...;. des marchands
(¡ni savent la Bible par cœur, arrivent
souvent par la Suisse, soit en Souabe
soit en Bavière, soit clans le Nord de
ritalic, où ils jettent le' mépris sur les
usages de l’égiise (latine) en les traitant d’innovations ».
Mais c’est Beinerus (1250) qui .nous
a conservé sous la forme la plus fraîche
ce genre d’évangélisation. « Afin de
se procurer, nous, dit-il, un accès plus
libre auprès des riches aussi bien qn(aùprès des pauvres, ces vaudois avaient
coutume de porter avec eux des boîtes
remplies de marchandises de toute
espèce, qu’ils allaient vendre de maison
en maison.— Monsieur, disait le mercier, ne voudriez-vous point acheter
un bel anneau? - El vous, Madame,
voyez ce mouchoir de coJ, je vous le
donne à bon rnarché. — L’acheteur
demandait-il au mercier s’il n’avail
3
plus rien à faire voir, celui-ci répondait anssilôl : J’ai encore un trésor
iniinirnenl plus précieux qne lotit cela;
je vous le montrerais, si vous vouliez
bien ne pas me livrer au clei'gé. Quand
ou lui promenait le secret, il coniimiail en disant: la perte dont je vous
parie est d'un tel éclat qu’elle donne
la connaissance de Dieu ; reçue dans
voire cœur, elle vous omilainmera d’un
saint amour envers votre Mailrc: c’est
la pai'ole de Dieu , où le Seigneur a
révélé aux liommes sa volonté. Si vous
le jugez bon, convoquez voire famille,
et sans argent, je vous ferai part de
mon trésor ». Puis il commençait à
leur réciter par cœur, avec une cbaleur exlrêrne, des chapîli'es enliers de
l’Ecriture, en les disant mol,pour mol;
après quoi, il en expliquait le contenu.
Souvent, la famille, pour s’insiritire
plus il fond, cacbait pendant des setnaines le colporleiir; d’aulres fois te
mercier passait outre , ])our aller ouvrir dan» un autre localilé sa boîte et
son ti'ésor. ( .4 suivre ),
mim \ti PËiii’LË wuDOis
111. Nos craintes. '
Partout ailleurs, peut-être, on
trouvera très naturel que le ministère de la Parole et l’œuvre
pastorale imposent des sacrifices
à ceux en faveur des quels ils
s’exercent. Aux Etats-Unis, le
seul pa^'s au monde où les cultes
divers qui se professent avec une
parfaite liberté, de reçoivent aucun subside du Gouvernement,
c’est chose parfaitement entendue,
d’un côté, que qui veut un mi
nistère pourvoit à son entretien,
et de l’autre qu’il y est pourvu
dans une juste proportion avec la
■valeur intellectuelle et religieuse
du ministre- «Cet homme, dit-oii,
Vaut tant, c’est-à-dire que dans
une des carrières que ses connaissances et ses talents lui permettraient d’embrasser. il pourrait
aisément avoir un revenu dotant;
il est donc juste, si nous voulons
qu’il nous consacre son temps et
ses forces, que nous lui assurions
des avantages à peu-près pareils ».
Quoique ce ne soit pas là notre
idéal et que nous soyons loin
d’admettre que le ministère évangélique puisse jamais être un
moyen de gagner de l’argent, la
règle que nul ne devrait contester, n’en demeure pas moins celle
que le Seigneur a proclamée en
disant: L'ouvrier est digne de son
salaire.
C'est une chose très curieuse
et triste à la fois que de voir
passablement de gens parmi nous
admettre et pratiquer cette règle
pour tout le reste et ne manifester des scrupules que lorsqu’il
s’agit de choses spirituelles. Le médecin, le notaire, l'avocat, le procureur, le géomètre, l’artisan,
aussi bien que le simple manœuvre, tous réclament le prix de
leur travail, quelques fois un prix
très considérable, sans que jamáis
âme qui vive aît prétendu qu’ils
dussent travailler gratuitement.
S'agil-il au contraire de l'instruc.
tion religieuse, de l'exhortation ,
de la prédication de l’Evangiie ,
do l’édification des âmes, ne dirait-on pas, à voir et à entendre
certaines personnes, qu’il faudrait
les juiyer encore pour qu’elles se
laissassent édifier?
Et d’ailleurs, pour ce cas spécial, elles sauront fort bieir (ou
fort mal) se servir de la Parole
de Dieu, par éxêmple de ce passage dos Proverbes 23,íí3: Achète
4
,U8.
la vérité et, ne la vends pas, —
passage que l'on peut aisément
tourner contre elles, ou bien encore de cette direction du Sauveur
à ses disciples: » Vous l’avez reçu
gratuitement, donnez-le fgratuitemeiit (Matth. x. S). Elles vous
rappelleront encore que S. Paul
annonçait l’Evangile sans qu’il en
coûtât rien à ceux auxquels il
l'apportait, ne mangeant gratuitement le pain de personne, et
c’est peut-être là, ajouteront-elles,
ce qui explique en grande partie
ses merveilleux succès >•.
L’on vous dira peut-être enfin
que la pleine gratuité de tous les
moyens de grâce offerts aux
membres de notre Eglise est précisément l'un des cotés par les
quels elle se distingue avantageusement de l’église- romaine où
tout doit se payer.
Ce qui se cache derrière tout
ce raisonnement, nous ne pensons
pas qu’il soit ni injuste ni te'méraire- de l’affirmer, c’est tout sim'plerneiit une extrême répugnance
à donner, unie généralement, malgré certains dehors de dévotion,
à une très-re'elle indifférence pour
l’Evangile même dont on ne connaît pas le prix et pour le salut
de son âme dont on ne se soucie
pas.
D’autres, en beaucoup plus grand
nombre, n'affectent pas même une
apparence de piété et sont plongés
dans un matérialisme incrédule et
U
quelquefois impie. Comment espérer qu’un appel tel que celui
qui va leur être adressé soit accueilli par eux avec la moindre
sympathie? Les indifférents et les
tièdes se laisseront gagner plus
facilement par les ennemis déclarés
de l’Evangile que par ses amis.
Et qu’il y ait parmi ceux qui
portent encore le nom de Vaudois
des hommes qui ont une aversion
profonde pour l'Evangile et pour
ses ministres, il faudrait être
sourd et aveugle pour le méconnaître.
Si aux ennemis très décidés et
généralement très connus , nous
ajoutons les envieux et les jaloux
que l’on connait aussi, bien qu’ils
ne ae découvrent pas aussi librement, nous aurons signale quelques unes des difficuÎtés â surmonter pour atteindre d'une manié l’e un peu honorable le but
qu'oii s'esl proposé, ou pour parler plus exactement, le but que
les meilleurs amis des Vaudois
sont venus nous proposer.
Nous avons à peine besoin d’ajouter que la pauvreté des Vaudois
sera un argument et un prétexte
dont on usera, dont surtout on
abusera pour se dispenser soimême et détourner les autres de
l’accomplissement d’un impérieux
devoir. Si par aventure l’on venait à découvrir que le tel a l’intention de prendre au sérieux son
obligation de chrétien et de membre de notre Eglise en coricoitrani
selon sonfouvoir, il nous semble
voir ses amis et ses voisins accourir à lui avec une touchante
sollicitude pour lui représenter
qu’il se dépouille sans nécéssité,
qu’il prodigue son bien; qui sait?
ils l’accuseront peut-être de vouloir se di'stinguer par vanité plutôt que par conviction, et il est
très probable qu’ils finiront par le
persuader. Non, il ne faut pas se
distinguer les uns des autres; il
y a une certaine moyenne que
5
,,149.
l’on ne doit pas dépasser, et celte
moyenne est si ■ modeste que le
total le sera également.
Et enfin que de gens , même
suffisamment intelligents, sont incapables d'aller par la pensée au
delà de ce qu’ils ont sous les
yeux! Le pasteur c’est celui que
l’on a, dont on connaît, ou croit
connaître la position matérielle.
'Il n’a pas de famille, ou bien il
est assez à l’aise car il ajoute
quelque chose à son traitement
comme pa.steur, il en sera toujours
de même, se dit-on calmement,
“ il n’y a pas lieu de se préoccuper de lui, il est au fond bien
mieux partigé que nous ». Ou
bien encore; » Il est évident que
notre pasteur est un peu à l’étrail,
mais il ne nous plail pas et nous
ne voulons rien faire pour le retenir, au contraire, nous ferions
volontiers quelque chose pour en
avoir un autre ».
On aura beau dire à des gens
ainsi disposés; » Songez que ce
pasteur que vous savez ou supposez à son aise peut vous quitter et celui qui le remplacera ne
l'être pas du tout; que ce pasteur qui, à tort où à raison, n’a
pas vos sympathies, ne durera
pas toujours, et que, à vues humaines, le moyen le plus sûr
d’en avoir un qui vous satisfasse,
qui travaille joyeusement pour
vous et vos enfants, c’est de lui
ôter tout souci pour les choses
matérielles de la vie, nous ne
répondons pas qu’il y en aît^un seul
qui se laisse persuader. Ce n’est
donc pas sans raison que nous
avons intitulé cet article, »os
('■raintes, et nous nous sommes
limitéi volontairement à ce qui
précède, tandis qu’il y avait infiniment pins à dire.
Mais si nos craintes ne sont
pas chimériques, nous sommes
persuadé que nos espérances ne
le sont pas davantage et c'est
de ces espérances qu’il nous reste
à parler.
Les carrières de pierre
En pni’laiU de Luserne, et en remontant, le cours du lorrenl de même
nom, nous laissons à gauche Lnsernetle et noms coloyons les Vignes, colline plutôt b.assci! bien exposée au
soleil, et où, comme l’indique son
nom, prospère la vigne. C’est dans
cette localité que se trouve la maison
de l’un des héros les plus marquants
de l'histoire vaudoise, Josué Janavel.
Nous avons eu plus d’une occasion de
la visiter; tout ce que l’on vous montre
de lui , se trouve dans un caveau : ce
sont les deux inilialôs G. G. (Giosué
Gianave! ) et la date de 1660 gravée
sur un rocher, et dans un coin,,un
trou, espèce, de souterrain , qui, au
dire de la légende, conduisait vers les
hauteurs. Eu quillanl les Vignes, la
vallée se rétrécit, et le chemin court
parfois entre la montagne et le ravin
profond du lorrenl. Des rochers énormes, semblent en certains ooinls suspendus au-dessus de votre tête, mais
ne vous effrayez pas, vous allez trouver
le long de la roule et précisément
dans l’endroit on les rochers sont le
plus abruptes, une assez belle maison
entourée d’arbres magnifique.«, et de
prairies, et qui porte le nom de buontempo.
Après une petite heure de chemin,
au momenl où un pont va nous faire
traverser le torrent, nous laissons à
noli'e droite le chemin deRorà, chemin qui, selon toute probabilité, va
être rendu carrossable, et prendre plus
de régularité, mais gui ne perdra pas
pour cela sa renommée déjà passée
en provérbe. Car, lorsque l’on veut
6
indiquer qneîqiie chose de loul-à-fiiiL
lorUieux, l’on dil: cela esl droit comme
le chemin de Rorii. il aurait dû depuis
lonp:'len)ps devenir plus pralicable, car
landisque des chars pesamment chargés
él labourant la roule de deux pi'ofondes ornières, descendent par le chemin qui apparlient à S‘Jean Liiserne,
des mulels Iransporlent sur leur dos
les dalles et la chaux de Rorà.
Mais, sans plus larder, arrivons au
fond de la'vallée. Voici h droite d’énormes rochers qui s’élèvent ii pic ,
au-dessus du torrent où le comte Mario
de Bagnol, pril, il y a plus de ideiix
siècles, un bain involontaire et peu
salutaire, tandis qu'il était poui'suivi
par de braves rnontagnai'ds qu’il aiirail
voulu détruire, pour avoir rhoniieur
du triomphe. Au de.ssus de ces rochers
se trouve comme un nid d'aigle, Ciapel, et un peu plds en arrièi'C l’eirel
et Ramasser, tontes localités célèbres
par te nom du héros vaudbis que nous
avons déjà nommé. En face et à ganchë s’étendent de tons côlés, les cairières de pierre.
Regardé/, ces jtrécipices, ces pentes
rapides , parloiil lé sol est bonléversé,
et hérissé des quartiers de rochers que
l’on a délacliés de ta montagne, ou
bien de débris dé dallas que l’on a
équarries. Ici et là, ‘l’on voit de petites fiulies failcs sans eiment, mais
avè'c de belles pierres comme l’on voudrait en avoir beaucoup pour bàlir.
Elle.s il’iDnt pas été faites pour y demeurer, mais simplement pour servir
d’abri cbnire la pluie et y coucber
peiidaiu la belle sai.sou. Si vous vouliez vous prendre la cnriosilé d'y entrer, Vous pourriez y trouver un arheubleiTiénL des plus sÎfHples: une table
en pierre, et tlh lit pareillenlenl en
pierre, dans lequel on couche vraiment
à la dure, car il n’y esl pas question
de paillassé, encore moins de malelas,
l'idée seule d’en faire nienlion fait sourire, mais un peu dè paille ou de
fo'itl, avec qiielqiies coiiverttires en
fait Ions les frais. Un vase en leri'c
pour y tenir l’eau, un chaudron pour
fairô la poidaini^ / quelques ébuelles ,
au plus une pdëie, voilà les ustensiles
dé cuisine.
Tâchons maintenant de voiries ouvriers à l’œuvre. Il s’agit d’abord d’arl'iver aux couches qui seules ont la
propriété de se diviser en lames. Cela
réquierl souvent beaucoup de travail,
car il faut enlever des couches entières
de terre et même de rocher, [/on appelle à .'ion secours la poudre pour
faire sauter les rochers; et lorsque la
chose est possible, la foi'ce de l’eau.
Celle-ci est d’abord amenée dans un
grand étang que l’on laisse remplir.,
puis lorsqu’on lui donne issue, elle
sort avec impétuosité, se précipite sur
l’endroit que l’on veut déblayei', enIraînanl la lerre et les rocs qui roulent avec fracas sur la pente rapide
que le.s ouvriers leur ont préparée et
vont s’arrêter plus (ou moins loin au
milieu des débris qui les ont précédés.
L’eau qui bouillonne, le*s rocs qui bondissent, les coups de massue et de
marlean, les éclals dos mines font
rclenlir la vallée entière, et les lecteurs du Témoin qui se trouvent en
Suis.se, en Allemagne, dans l’Amérique
même, et surloul dans l’Amérique où
il y en a plusieurs qui ont manié la
massue, en prêtant bien l’oreille, peu
vent en entendre l’écho, un éc/m des
Vallées.
Lorsque le l'ocher esl mis à mi, et
que l’oii esl arrivé à la couche 'anl
on peiU lirer quelque parti, l’otM-.er
va jouir de scs fatigues précédentes eu
redoublant d’eiiorls. Selon que le permel la qualité de la pierre, l’on détache
de simples dalles ou bien dès blocs
énormes que l’on divise ensuite. Parfoi.s ce.s blocs ont de irenle à quarenie mètres carrés'dc surface et une
épàisscni' d’uti demi mètre et plus, ils
sont délacliés à force coups de massue
cl de levier. Si les jeunes gens de Roi'à
se rendent parfois l’cdoiuablès, c’est
qu’ils sont habitués à fendre les pierres, et à soulever pûui' cela, des massues en' fer, du poids de dix, quinze
et même vingt kilog. Il faut certes avoir
de bons poumons et des bras bien fermes pour manier de tels outils.
Lorsque les dalles sont prèles, il
s’agit encore de les transporter sur le
bord de la roule, où viennent les
prendre les chars. C’ésl ici une aiUre
7
^51
oecupalioii qui n’esl pas loujours des
plus a fini sanie s. Car l’on pose sur un
li'aincau des pièces qui pèsent parfois
cent et même deux cent rnyriag., et
un homme se plaçant au-devant les
guides avec force et adresse jusqu’au
bas d’une pente excessivement rapide.
Malheur à lui, s’il n'est pas toujours
maître du li’aîneau dans sa course,
qu’il peut ralentir au moyen de grands
étriers en fer, car il pourrait bien y
rester pris. Ordinairement ce travail
e.st réservé il ceux dont les jambes
sont encore souples et agiles.
Les ouvriers viennent la plupart des
environs. Rorà en fournil un bon contingent. Il n'y a presque pas de maison,
où il y ait lin homme valide pour ce
travail , qui n’y soit employé.
Si le commerce de.s pierres prospèi'C,
les ouvriers en jouissent, cl l’on peut
alors dire avec raison que les mulets
de Rorà portent du meilleur vin que
les vignes de S‘ Jean. C’est dire que
l’on est dans l’abondance,. Malbeureusemenl, les aubergistes des environs,
en retirent un trop grand profit. Co
n’esl pas leur faute , mais la faute de
ceux qui ne savent pas être économes
et prévoyants. Si le commerce baisse ,
l'ouvrier qui n’a pas d’autres ressources
est bientôt sans pain, et alors l’on
regarde vers l’Amérique, où presque
chaque famille de la vallée de Luserne
a un parent ou un arni.
Itouïiclks tcUgku0C0
et faits divers
Italie. — Le bruit court (et il paraît fondé), que Içs deux neveux du
pape défunt, les comtes Antoine et
Jérôme Maatai, ont intenté ou vont
intenter', on comprend dans quel
but, — devant les tribunaux italiens,
un procès aux cardinaux .Martel, Monca,
Layalelle elSirneoni déclai'és par Pie IX,
ses héritiers.
Si ce procès a lien, ii prouvera enîr’auires choses celle-ci: qu’on peut
être neveux du Pape et n’qvoir pas un
grand respect pour les dernières volontés d’un mourant.
France. — La voie des Synodes officieux (voie au sujet de laquelle ne
peuvent que se réjouir tous ceux qui
sont jaloux de l’indépendance et de la
dignité de l’Eglise) ne paraît pas à la
veille de se fermer, an sein de la noble
Eglise Réformée de France. Le mouvement parti du midi tend îi se propager par tonte la France, dans ces
circonscriptions surtout où l’élément
franchement évangélique est en prépondérance. An Synode de Paris, venu
après ceux de Montpellier, Castres,
üi'lhez cl suivi do celui du Cailor, des
délibérations h'ès importantes on! été
prises , entr'autres celles d’une lettre
très-ferme et très-digne au .Ministre de
l’instruction publique an sujet de son
récent décret de nomination de deux
professeurs ù la Faculté dé Paris sans
préalable consultation des consistoires,
que le Synode considère comme une
violation ilagranle et qui, jamais encore n’avait été commise , des droits
de l'Eglise. « Par celle mesure », dit
on des correspondants parisiens -du
Journal de Genève f faisant allusion au
puissant réveil du sentiment ecclésiastique qn’ello a provoqué an sein
de l’Eglise Réformée de France « M?
Ferry aura rendu à célté Eglise un
service dont il ne se doiilail guôie •.
El Dieu veuille qu’il en soit réelienfipnt
ainsil
— Le Jimrncd du Proteslanlismc
nonce le recent passage à l'Eglise^pi’Otestante de M" E. de > l’émi
neni économiste et publiciste belge,
aqquel nous sommes redevables de la
remarquijble brochure sur VAvenir des
peuples catholiques. M. de Laveleye se
prépare, dit-on, à publier 1 expose'des
motifs qui l’ont poussé à celle grave
determination.
— Monseigneur Marel, camérière secret du Pape et ciii’é du Vésinel, dont
nous avions annoncé l’arrestation sons
l’inculpation d'outrage aux mœurs,
vient d’être condamné par le iribunai
de Versailles, à la suile de débuts
qui, vu la naluj'e des accusations portées, ont dû avoir lieu à liuis-clos, -rà iO ans de réclusion , suivis de 20
ans de surveillance par la police
8
^152,
î&eüuc foUttque
La Cfiambie des députés a continué
la discussion du projet de loi de la
construciion de nouveaux chemins de
fer , mais il y a un si grand nombre
d’orateurs inscrits pour parler, qu’on
ne peut prévoir quand on pourra en
venir à la votation. Dans les bureaux
les députés ont commencé à étudier
la nouvelle loi électorale qui ne pourra
probablement pas être di.sculée avant
les vacances d’été.
Le ministre des (inances .Magliani a
fait sa relation financière dont les journaux de tons les partis disent du bien ;
les journaux de gauche y voient la
coniirmalion de leur programme qui
consiste essenliellemeni dans l'abolition de l’impôt de moûtnre , ceux de
droite constatent que pour Magliani
les 60 millions de Seismit-Doda se
réduisent à 12, que tout ce qu’on
pourra obtenir des nouveaux impôts
que le ministère propose s’élève à 37
millions et que par conséquepl si l’on
veut conserver l’équilibre financier il
est impossible d’abolir entièrement l’impôt de moûtnre.
On a dit que Garibaldi avait l’intention de rentrer à Caprera ; c’est
peut-être ce qu’il aurait de.mieux à
l'aire pour lui et pour nous; l’on assure mainieiiiint qu*il veut vendre son
île et s’établir définitivement, sur le
conlincnl. Sa politique lour-;Vloiir royaliste 01 républicaine ne lait lionneur
ni au caractère ni au bon sens du héros
des deux mondes. — On s’est étonné
de la visite que le roi Humbert lui a
faite, lui, le premier, dans les circonstances présenle.s. C’est, ii ce qu’il paraît,
le général Med ici qui a promis , de son
propre mouvement et de sa propre autorité, à Garibaldi la visite de Sa .Majesté ; cl le roi Humbert a voulu maintenir la promesse faite en son nom ;
mais, en prince constitutionnel, il en
a parlé à Depretis qui a répondu : cosa
[alla capo ha. Voila pourquoi le général aledici a donné sa démission
d’aide de camp du roi ; mais le roi
Humbert, n’a pas voulu en entendre
parler et ne l’a pas acceptée.
En France l’agitation continue contre
les lois du'-stfinistre Ferry; des faits
récents nous pi'onvent que le libéralisme des ministres républicains et proteslaids et du président Grévy laisse
beaucoup à désirer. Grévy s’oppo.se à
l’érection du monument de Coligny que
Mac-Mahon avait autorisée. Le ministère a pi'ohibé la vente publique du
programme du Réformateur, parccqu’ii déclare la guerre au catholicisme.
Cela rappelle ce mol fatal * la France
au dehors ( dans ce cas au dedans )
c’est le catholicisme.
L’Allemagne est toute absorbée dans
l’élude de questions d’impôts directs
et indirects.
L’Angleterre a toujours encore sur
les bras sa guerre edntre lesZoulous,
le règlement des affaires dans [’Afghanistan et des diBîcullés, peut-être une
guerre en Birmanie.
La Russie est en étal deî siège. On
ne peut entrer, dans les villes ni en
sortir sans passeport. Des personnes
de toutes les classes sociales sont compromises et sont envoyées en Sibérie
où elles peuplent et civilisent ces vastes
contrées au climat .si rude et si inhospitalier. — L’Empereur est parti pour
Livadia en Crimée , accompagné de
forces imposantes, et ¡1 y est gai’dé
par nn corps d’armée complet.
AVIS
L'Asile Evangélique dfAix-les-Bains
(Savoie), s’ouvrira, D, V, , le 15 du
mois courant aux mêmes conditions que
l’année dernière. Prix de pension, de
2 fr. à 2 50 par jour , tout compris.
Nos lecteurs savent que pour tout
ce qui est rhumatisme, maux de gorge
et hroncliites, les eaux d’Aix et celles
très rapprochées de Mariiez, sont souveraines. Ceux d’entr’eux qui seraient
dans le cas d’y recourir en se prévalant de la facilité que leur offre à cet
effet l’Asile Evangélique, feraient bien
de s'y prendre à temps, s’ils veulent
pouvoir choisir leur temps cl leur
place. S’adresser, dans ce but à Mr
le pasteur Fournier à Aix-lcs.Bains.
(France).
ERtsBST Robert, Gérant elAdministraleur.
Idgneroi, Impr. Chiantore et frtascarelli.