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■V. année
6 Août 1869.
N.» Si.
L'ECHO DES VALLEES
FEUILLE HEBDOMADAIRE
Spécialement consacrée aux intérêts matériels et spirituels
de la Famille Yaudoise.
Que toutes les choses qui sont véritables........ eccupent
vos pensées — • Philippiens., IV. g.)
PRIX D ABONNEMENT I
Italie, h domicile an; Fr. 3
Suisse....................»5
France.................» 6
Allemagne 6
Angleterre , Pays-Bas » 8
Un numéro séparé : 5 cent
Un numéro arriéré : 10 cent.
BUftEAUX D ABONNCMENT
Torrf-Peì.mce ; Via Maestra,
N.42. (Agenzia bibliografica)
PiGNEROi. ; J. Chlantore Impr.
Turin :J.J. Troti, via Lagrange
près le N. 22.
Florencb ; Libreria Evangelica. via de'Paozani.
ligne
ANNON^'ES : 5 cent, la
ou p»'rtion de ligne.
Lettres et envois franco. S’ adre»5«ipr pour radrainisiration
au lìureau à Torre-Pellice ,
via Maestra N. 42.~pourla
rédaction : A Mr. A. Revel
Prof, h Torre-Pellice.
SOMMAIRE — Notre situation au point de vue religieux. — Notre situation au
point de vue matériel. — Ecangélisation : L’Evangile à Grosseto.
— Chronique politique.
IVotre situation
au point <ie vue religieux.
Monsieur le Rédacteur,
Ayant dernièrement visité vos belles Vallées, si pleines de souvenirs et d’intérêt pour le chrétien, j’y suis allé dans l’attente et dans l’espoir d’y trouver,
dans le désert de ce monde, une petite oasis où régnât encore la simplicité
des Jours apostoliques, dont les Vaudois ont pendant si longtemps, et presque
seuls, conservé la foi; enfin, un peuple « marchant dans les commandements
de Dieu, sans reproche ». Mais je croirais manquer à la sincérité dont notre
Seigneur nous dit d’user les uns envers les autres, si je cachais les tristes impressions produites sur les étrangers qui ont joui de l’hospitalité vaudoise
pendant le Synode, par ce qu’ils ont vu et entendu.
Quoi! — nous disions-nous, — sont ce bien ici les descendants de ceux à la
valeur des quels chaque rocher rend témoignage, et dont chaque village compte sa liste de martyrs? — de ceux qui, par la foi, « se sont montrés forts dans
la bataille et ont mis en fuite des armées?». Sont-ce les Vaudois d’aujourd’hui
qui doivent fournir l’armée aggressive à laquelle est confiée la tâche glorieuse
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de déployer, au milieu du camp même de l’ennemi des âmes, la bannière
portant la devise séculaire: « Lux lucet in tenebris »?.
O'u est cette lumière tant vantée ? Je ne la retrouve pas dans la profanation
du saint jour de repos, qui commence par un marché et finit par des danses
à chaque coin de rue; je ne la retrouve pas dans le peu de régularité à se
présenter dans la maison de Dieu; pas davantage dans les prétextes futiles
avec lesquels^ on légitime ces absences, fréquentes le dimanche matin, plus
fréquentes le dimanche soir. Je ne la retrouve pas dans les intérieurs où le
culte de famille est négligé, où la Bible est laissée de côté jusqu’au Dimanche,
et où règne une malpropreté qui ne parte que trop du manque d’ordre de
la maîtresse, et m’explique le nombre incroyable de cafés où les hommes ne
se rendraient peut-être pas tous les soirs si leur intérieur leurs otfrait plus
d’attraits.
Nous nous sommes dit, après tant de désillusions : les pasteurs sont-ils à
blâmer ? Mais nous avons eu de nombreuses occasions de nous convaincre que,
non seulement en chaire, mais en particulier la vérité est fidèlement proclamée
et appliquée avec tendresse. Ainsi leur conscience leur rend témoignage; ils
sont exempts de blâme, et la responsabilité est individuelle. Les Vaudois ontils donc oublié que Jésus dit: « Le sel est bon; mais si le sel devient in-sipide,
on le jette dehors ?» Et une des paroles tes plus solennelles et les plus sévères
sorties de la bouche du Sauveur, ne pourrait-elle pas se trouver accomplie
en eux? « Le royaume de Dieu vous sera ôté, et il sera donné à une nation
qui en rapporte les fruits ».
Non, chers Vaudois, nous espérons qu’il n’en sera pas ainsi, et nous vous
demandons avec instance que vous écoutiez la voix céleste qui vous dit:
« Réveillez-vous, et le Seigneur vous éclairera; » — et que la réponse de vos
cœurs soit: « quant à moi et à ma maison, nous servirons t’Eternel ». Dieu
veuille que la piété dont la bonne tradition est restée, grâce à Dieu, dans
tant de cœurs vaudois soit un levain salutaire ; et puisse le St Esprit aider
chacun de ceux-ci à « s’abstenir de toute apparence de mal, » afin que l’exemple d’une vie conforme, dans les petites comme dans les grandes choses, aux
préceptes de l’Evangile, fortifie et encourage les faibles.
Veuillez être assuré, Monsieur le Rédacteur, que bien que je me sois permis
de me faire l’interprète de l’impression produite sur les étramgers qui ont
visité La Tour, et de l’exprimer peut-être avec trop peu de réserves ; — nous
avons tous emporté un doux souvenir de Taimable accueil que nous y avons
reçu, et un plus ardent désir de nous associer à l’œuvre Vaudoise. Nous unissons nos vœux pour que Dieu fasse descendre sur les Vaudois les plus riches
bénédictions de sa grâce.
Agréez, Monsieur, l’assurance des sentiments de respectueuse considération
Uun Voyagewr.
Nous remercions sincèrement l'auteur des lignes qui précèdent pour la franchise dont il use à notre égard, en mettant le doigt sur plus d’une lacune
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regroUable, et en se faisant l’interprète de sentiments et d’impressions que
nous-mêmes nous partageons en grande partie.
Il n’est que trop vrai: l’étranger qui, pour la première fois, et avec des
idées préconçues, met le pied sur notre sol, ne peut qu’être frappé de la
distance qui nous sépare de l’idéal évangélique. Il trouvera en général peu
de respect envers l’institution du jour du repos, un culte public laissant beaucoup à désirer, un culte domestique rarement pratiqué, des intérieurs peu
attrayants; et si cet étranger est venu se fixer quelque temps à La Tour, il ne
pourra qu’être choqué du nombre exorbitant de cafés, d’auberges, de tavernes qui accusent des habitudes de dissipation bien enracinées.
Nous pensons qu’il n’y a pas lieu de s’inscrire en faux contre les observations que l’on nous présente à ces divers égards. Et lors même qu’elles puissent paraître un peu sévères, cette sévérité s’allie d’autre part avec un amour
fraternel si vrai, avec une charité si clairvoyante, que l’on ne peut se sentir
ble.ssés. Il est tout au moins remarquable qu’un ami qui ne nous connaissait
que par ouï-dire et qui est obligé de sacrifier l’une après l’autre ses illusions
à la réalité, ne reste pas sous le coup du découragement, mais nous fortifie
de ses espérances, et emporte avec lui « un plus ardent désir de s’associer
à notre œuvre ». Cette amitié fidèle et éprouvée, qui puise ses motifs dans
Tamour des âmes, et qui nous presse de nous rendre dignes de notre vocation; quoi de plus propre à nous faire prêter une oreille attentive à celui qui
nous parle de nos devoirs de chrétiens, et qui nous reproche notre négligence?
Tout en payant un juste tribut de reconnaissance à l’auteur de la lettre
imprimée ci-dessus, nous aurions néammoins quelques petites réserve à faire
sur le jugement qu’il porte. Partons du fait, que nous relèverions en commun ,
à savoir que « grâce à Dieu, la bonne tradition de la piété est restée dans
beaucoup de cœurs vaudois; » et établissons sans tarder cette distinction
fondamentale : Vaudois n’est pas nécessairement synonyme de Chrétien', on naît
Vaudois ( ce n’est pas un mince privilège ) mais on devient Chrétien en vertu
de la grâce et de la foi, et non point en vertu de la naissance. Compter des
martyrs parmi nos ancêtres, ne nous est pas plus profitable que ne l’est aux
juifs leur descendance d’Abraham. Or nous craignons un peu que notre aimable correspondant, sans s’en douter peut-être, ne soit parti de l’idée d’un
peuple-chrétien et d’une Eglise-peuple, idée que les faits renversent partout,
chez nous comme ailleurs. L’Eglise Vaudoise, depuis qu’elle a recouvré la
liberté religieuse, n’a cessé de réagir contre cette fausse conception, et nous
hâtons de tous nos vœux le moment où elle en sera pleinement affranchie de
fait, corne Test déjà en principe. Il y a donc lieu de distinguer: 1“) entre Vaudois et Chrétiens-Vaudois; 2») entre la population Vaudoise et l’Eglise ellemême; celle-là est le contenant, celle-ci est le contenu, le fruit plus ou
moins apparent et qui doit faire éclater son enveloppe.
Une autre observation qu’il importe de faire c’est que, dans les Vallées, et
à La Tour surtout, la population est mixte. En général l’étranger fonde ses
appréciations sur ce qu’il voit et ce qu’il entend à La Tour; or, dans cette
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dernière localité sur 3650 habitants (recensement de 1862), il se trouve 1418
catholiques et 2233 Vaudois ; en minorité dans tous les districts de la campagne
les catholiques forment la majorité des habitants du village; ils y sont au
nombre de 1094, et les Vaudois au nombre de 665. Cette supériorité numérique n’a fait que s’accroître, grâce au mouvement de la population flottante
ouvrière. Lors donc que l’on voudrait juger les Vaudois d’après la physionomie
du village de La Tour, on s’exposerait à une méprise, méprise involontaire de
la part d’un étranger peu au courant des faits, mais qui ne laisse pas que de
donner à un jugement d’ensemble une couleur particulière.
Ce que nous venons de dire n’enlève absolument rien à notre responsabilité;
notre responsabilité est et à^menre individuelle, ainsi qu’on l’a fait ressortir;
et nous serions bien cléricaux si nous nous en déchargions, sur nos pasteurs
et nos conducteurs. Tout ce que nous sommes en droit d’exiger d’eux, c’est
que comme chrétiens, il portent avec nous le même fardeau de responsabilité
morale et ne se considèrent pas comme « exempts de blâme ». Nous ne sommes pas bien persuadés que, non seulement en chaire, mais en particulier,
ils proclament tous et appliquent fidèlement la vérité. La prédication peut
être apparemment conforme à l’Evangile et cependant ne pas atteindre la conscience ; elle peut ne pas renfermer d’erreurs positives et cependant provoquer
l’ennui et le sommeil. Et quant à l’application de la vérité, il serait grandement désirable qu’elle se fît par le moyen de la cure d’âmes, beaucoup trop
négligée parmi nous et subordonnée à l’accomplissement des devoirs officiels
de l’administrateur. Il nous est pénible de ne pas pouvoir partager sur ce point
l’optimisme confiant de la personne qui nous écrit ; mais nous ne saurions
agir autrement.
Nous pourrions aisément allonger cet article ; mais nous craignons qu’il ne
soit déjà d’une longueur plus que raisonnable, et nous préférons, en tout
cas, laisser à nos lecteurs le soin de le résumer et de le compléter.
IVotre Situation
au point cio vuo matóriel.
Le premier article de notre dernier numéro était sous presse, lorqne nous
avons reçu une circulaire imprimée dont nous reproduisons avec plaisir
le texte :
Pregiatissimo Signore,
Le gravi condizioni economiche nelle quali versano da più anni le popolazioni valdesi, i redditi agricoli sempre più scarsi ed incerti sotto l’incessante
aumentar dei balzelli, la mancanza quasi assoluta d’industrie locali dalle qttali
sappiasi trar utile profitto, la trascuranza e il discredito in cui per fatale pregiudizio dei tempi furono lasciate finora le opere manuali e fabbrili, le nissune
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preparazioni e i niuni eccitamenti dati alla giocetitù per acriarla utilmente
nelle feconde speculazioni dei traffici e dei commerci, per cui tanto le ricchezze
naturali del nostro suolo quanto le più ovvie ed importanti professioni industriali vengono mano mano e sempre più esclusivamente sfruttandosi ed esercitandosi da mani forestiere, più che il desiderio, hanno fatto nascere universale
e prepotente il bisogno di provvedere a che un tanto lamentevole stato di cose
non abbia, con ulterior danno e forse irreparabile delle nostre popolazioni, a
prolungarsi maggiormente.
Tocchi da un tanto sconfortante spettacolo e mossi dal vivissimo desiderio di
procurare, per quanto in essi spetta, un maggior benessere al loro paese nativo,
coll'avviarlo energicamente verso le fonti perenni d’ogni potenza, ricchezza e
grandezza sociale, l’industria e lo scambio procurati con intelligente e perseverante lavoro, i sottoscritti ebbero il pensiero di riunire in un’ associazione
libera e indipendente da qualsiasi specie di autorità, tutti quei loro compatrioti
e conterranei cui, come ad essi, stieno sinceramente e particolarmente a cuore le
sorti di quelle popolazioni, affinchè possano le forze riunite, indagando le cause
vere dell’attual nostro malessere economico, portarvi con efficacia qualche adeguato rimedio.
Per tale effetto nel mentre pregasi la S. V. di voler significare con lettera ferma
in posta, od in altro qualsiasi modo, al primo dei sottoscritti la propria sua
adesione a questa progettata Società, La si invita ad intervenire all'adunanza
che a vrà luogo il dì iS del prossimo venturo mese di agosto, ore 3 pomeridiane,
nella sala maggiore delle scuole elementari di S. Giovanni Pellice ed a procurare
l’intervento di tutti coloro che la S. V. conoscerà essere animati del medesimo
palriotico scopo, per discutere la sovraccennata proposta e procedere quindi alla
costituzione della Società, mediante l’approvazione dello Statuto-programma
che sarà in quell’istesso giorno presentato.
San Giovanni Pellice, SS luglio 1869.
Suivent 36 signatures de négociants, propriétaires, professeurs, institilteurs
Vaudois.
N.B. La residenza nelle Valli o nello Stato non sarà condizione essenziale onde
aver parte all’Associazione. Anche dall’estero ci riusciranno preziose le aderenze
di tutti coloro che vorranno cooperare allo scopo sopra enunziato.
Le manque d’espace nous oblige de renvoyer au prochain numéro les observations que la lecture de cette pièce nous a suggérées. Mais nous pouvons,
sans tarder, féliciter les nombreux signataires d’avoir conçu la pensée d’une
association libre et d’une initiative individuelle en vue d’un but important et
plein d’actualité.
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0üanjg£U0atton.
L’EVANGILE À GROSSETO.
Oa nous écrit de Floreno© :
Grosseto, petite ville de quatre à cinq mille âmes, est le chef-lieu de la province des Maremmes. Chacun sait que, pendant l’été, cette partie du pays est
à peu-près inhabitable, surtout pour des étrangers , à cause des fièvres qui
y régnent. L'état des choses a cependant été de beaucoup amélioré à cet égard,
grâce aux vastes défrichements de terrains, opérés soit par l’état soit par des
particuliers, sous le règne du grand-duc Léopold II, qui avait pour les Maremmes une prédilection toute spéciale. C’est ainsi qu’avant et après la station
de Cecina, la ligne du chemin de fer traverse de grandes plaines oii croît un
blé assez chétif encore, il est vrai, mais oii l’on ne voyait, il y a un quart de
siècle, que des marais et des broussailles. Cette partie du pays est à peu près
complètement assainie, les cas de fièvre y sont rares et peut violents; l’émigration périodique a cessé, et un médecin de l’endroit qui nous donnait ces
détails, espère que cette partie de la Toscane sera bientôt aussi saine que
tout 1e reste de ce beau pays. Grosseto aussi se ressent très-favorablement de
la mise en culture de ses environs. Le personnel gouvernemental en grande
partie étranger au pays, et les personnes aisées, continuent cependant à se
transporter à Scansano au mois de juin , pour rentrer à Grosseto au commencement de i’hiver. Espérons que lorsque le gouvernement actuel aura le
temps de tourner ses efforts vers les Maremmes, pour le dessèchement des
quelles il n’a pas fait grand chose jusqu’ici, les choses ne feront qu’aller
chaque année de mieux en mieux.
Pour ce qui regarde la prédication de l’Evangile, la station de Grosseto n’est
pas précisément une nouvelle conquête, car il y a plusieurs années que
notre évangéliste de Livourne s’y rendait une ou deux fois par an, pour y
tenir des réunions qui étaient très-fréquentées. Mais la mort d’un ami qui
mettait sa maison à la disposition de notre évangéliste, celle de deux ou trois
des principaux soutiens de nos réunions, et plus encore les occupations multipliées de M’’ Ribetti à Livourne, les ont fait suspendre depuis deux ans à peu
près. Au commencement de l’hiver dernier un évangéliste laïque y fut envoyé
par une dame Américaine, et placé par elle sous la direction de Mr le prof.
Geymonat. Nos amis de Grosseto le reçurent avec beaucoup de plaisir et se
cotisèrent entr’eux pour louer à leurs propres frais une belle et vaste salle servant aux réunions. Pour des causes qu’il serait trop long de raconter ici, les
évangéliques de Grosseto désirèrent au bout de quelques mois avoir au milieu
d’eux un évangéliste régulier, et quinze d’entr’eux adressèrent] une pétition
dans ce sens à la Commission d’Evangélisation. M>^ Ribetti ne pouvant quitter
Livourne, 1e président de la Commission pria l’Evangéliste de Pise de se trans-
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porter à Grosseto pour voir quel était l’état des choses. Celui-ci crut devoir
s’adjoindre son ami et collègue de l’île d’Elbe. Arrivés à Grosseto vers trois
heures de l’après midi, nos deux amis se virent accueillis avec la plus grande
cordialité, et le soir même un auditoire respectable se réunissait autour d’eux
pour entendre la prédication de la Parole de vie. Un plus grand nombre sans
doute aurait été présent si l’on avait eu le temps de les avertir.
Des conversations particulières, qu’ils eurent avec diverses personnes avant et
après le culte, convainquirent nos évangélistes qu’il y a rééllement une œuvre
à faire à Grosseto. Tous ceux qui y professent d’être évangéliques ne sont
pas, tant s’en faut, des chrétiens parfaits; mais tous montrent le plus vif désir
d’être instruits de la vérité. L’initiative qu’ils ont prise et les sacrifices .qu’ils
se sont volontairement imposés afin d’arriver à ce but en sont une preuve
évidente. Mais est-il possible dans notre disette actuelle d’ouvriers d’en consacrer un uniquement à cette œuvre ? Nous ne le croyons pas, et peut-être ne
serait-il pas prudent de le faire avant de savoir jusqu’à quel point le mouvement évangélique de Grosseto est sérieux. Du reste nos amis eux mêmes nous
dissuadent d’envoyer quelqu’un pour la saison actuelle. Il ne ferait autre
chose qu’y prendre des fièvres dont il ne serait pas débarrassé de sitôt. En attendant que l’Ecole de théologie de Florence donne quelque recrue disponible
pour ce poste, M'' Bonnet se propose d’aller y passer une semaine chaque mois
pendant la saison salubre ; et nous n’avons nul doute que ces efforts consciencieux et persévérants , n’aient, pour effet, sous la bénédiction du Seigneur,
d’amener plusieurs âmes captives à l’obéissance de la Croix.
dtrontc|uc )>oUtt(|ue.
Nos ministres sont indécis sur le parti à prendre : ou de dissoudre absolument la Chambre, ou bien de clôre simplement cette session et de faire
ouvrir la suivante au mois d’octobre ou novembre prochain, par un di.scours
de la Couronne dans lequel le gouvernement indiquerait au pays la ligne nouvelle qu’il entend suivre dans l’administration des finances, et dans sa politique intérieure.
Le commandeur Nelli Procureur général près la Cour d’Appel de Florence
a été transloqué à Aquila. On attribue généralement cette translocation au
fait que Mr Nelli avait cru devoir se saisir lui même de l’instruction du procès
contre l’auteur de l’attentat à la vie du député Lobbia. Du reste, le comm. Nelli a
aussi été un des trois signataires du réquisitoire dressé contre l’ex-amiral
Persano et Mf Trombetta son collègue a déjà quitté la magistrature depuis
deux ans.
À Gènes par devant le Tribunal correctionnel continuent les débat du procès
que le comte Digoy et Balduino ont intenté contre le gérant du journal
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republicaia il Dovere, pour cause de diffamation. Le ministre des finances s’est
porté partie civile. L’enquête finie, les duels recommencent. Le 31 juillet dernier a eu lieu dans les environs de Florence une rencontre au pistolet entre
Arbib directeur de la Gazzetta del Popolo et le député Oliva directeur de la
Riforma qui avait précédemment réfusé le défi de Mr Brenna que M'’ Arbib
avait été chargé de lui apporter.
De rétranger, point de nouvelles saillantes. En France on conjecture
sur les senatus-consulte en voie de formation et l’on ne reçoit de l’Espagne
que des nouvelles assez contradictoires touchant l’insurrection Carliste.
Les événements de Cracovie sont les seuls faits marquants du jour. La
presse européenne a intéressé le public au sort infortuné de la nonne prisonnière et a livré contre les cloîtres un combat que nous espérons décisif.
Barbara übryck ( c’est le nom de la victime) est née à Varsovie en 1817. A
23 ans elle avait pris le voile des Carmelitaines. Son emprisonnement qui date
de 1848 a donc duré 21 ans !
Vers la moitié du mois dernier, le juge instructeur de Cracovie reçoit une
lettre anonyme, écrite de main de femme, qui lui dénonce, que dans le couvent des Carmélitaines, situé de l’autre côté de la Vistule le long d’une des
plus belles promenades publiques, une nonne dont on indiquait le nom gémissait depuis long-temps dans une étroite cellule oîi sa vie allait bientôt s’éteindre sans que jamais on pût espérer pour elle le pardon de la mère abbesse.
Sans perdre de temps, le juge instructeur, préalablement muni de l’autorisation ecclésiastique, se présenta à la porte du couvent, accompagné de l’évèque et
de deux autres témoins, demandant à voir l’incarcérée. On allégua des prétextes,
on éleva des difficultés; mais l’attitude énergique du magistrat et la présence
du dignitaire ecclésiastique qui l’accompagnait enlevèrent tout obstacle.
On alla droit à la cellule de Barbara übryck que l’on fit ouvrir. Ce n’était
pas une cellule mais un caveau obscur, humide et fétide dans lequel la malheureuse gisait pâle, exténuée, et à demi nue ! A la vue de ses visiteurs, Barbara übryck tomba à genou en s’écriant qu’elle avait faim. Le juge lui ayant
demandé la cause de son emprisonnement, l’infortunée übryck lui répondit
qu’elle avait violé le vœu de chasteté, et ajouta avec un geste cynique touchant
presque à la folie « que ses compagnes n’étaient pas plus pures qu’elle ». On
ordonna alors qu’elle fût habillée et transportée à l’hôpital des aliénés d’où elle
sortira bientôt pour fournir à l’instruction du procès de plus amples détails.
La mère abbesse et 2 autres sœurs furent aussitôt mises en état d’arrestation.
On procède maintenant à de sérieuses enquêtes, mais ce qui complique les choses
et révèle des mystères c’est la mort presque, subite du père Lowkowiez le confesseur des Carmélitaines.
Ce sont là de véritables scènes du moyen âge en plein XIX siècle.
Pignerol, J. Chiantore Im]^.
A. Revel Gérant.