1
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01n.qixlènae aiin,ée.
IV. r.
18 Février 1870.
L’ECHO DES VALLEES
FEUILLE HEBDOMADAIRE
Spécialement consacrée aux inléréls matériels et spirituels
(le la Famille \faudoise.
Que toutes les choses qui soat véritables..... oeeupetit
vos pensées — ' Phüippiens., IV. 8.)
PRIX D ABONNEMENT :
Italie, a domicile (un an) Fr. 3
Suisse...........
France
Allemagne . . , . ,
Angleterre , Pays-Bas
Un numéro séparé : 5 cent
Un numéro arriéré : 10 cent.
BDREAtlX D’aBONHCMENT
ToRRK-PEt.i.iCE 1 Via Maestra,
N. 42. IAgenzia bibliografica)
PiGNERoL : J Chlantore Impr.
Tckin :J.J. Tron,via Lagrange
pròs le N. 22.
Fi orencf. : Libreria Evangelira, via de'Panzani.
ANNONCES : 5 cent, la ligneou portion de ligne.
Lettres et envois franco. S* a
dresser pour radministratioii
au JRtereau à Torre-Pellîce .
via Maestra N. 42. — pour la
rédaction : â Mr. A. Revel
Prof, à Torre-Pellice.
iSoMxniair*e.
Evangélisation.— Récits: Les naufragés des
îles Auckland. — BilHographie. — Chronique
locale — Chronique politique.
(Suanjelbation.
On nous écrit de BreSCia, le
11 février 1870;
Diverses occupations m'ont empêché jusqu’ici d’accomplir ma
promesse. Maintenant me voici à
i’œuvre.
L’œuvre DE colportage en Italie
compte plus de dix années d’existance. Plus d’un ouvrier, plus d’un
agriculteur a pu arriver à la connaissance de la vérité et se consacrer entièrement à Jésus-Christ.
Le salut des âmes ne s’achète pas
avec des choses périssables telles
que l’argent ou l’or; une âme seule
a plus de valeur que tous les trésors de la terre; c’est pourquoi
il ne nous est pas permis d’établir une proportion entre les sommes d’argent dépensées pour la
régénération spirituelle de notre
Italie et les conversions obtenues,
Il nous suffit de reconnaître que
l’on n’a pas travaillé en vain.
Le colporteur va devant l’évangéliste. C’est lui qui traverse les
montagnes , qui descend dans les
vallées , qui parcourt la plaine ,
qui se rend de village en village,
offrant à tout venant le précieux
volume des Saintes Ecritures à
un prix si minime que l’on est
involontairement obligé de s’arrêter pour l’examiner et souvent
pour l’acheter. Le colporteur ne
peut réellement accomplir sa mission s’il n’est lui-même chrétien ,
s’il ne connaît sa'' Bible, s'il n’est
capable d’encourager par de saintes
paroles l’achat du saint Livre.
Mais c’est souvent aussi ce qui lui
attire la persécution. 11 est alors
montré du doigt, on le connaît
de vue, on le poursuit au cri de
protestante. Les charretiers qui le
rencontrent le menacent souvent
de leur fouet et, après Dieu , la
prudence est sa sauvegarde. Quant
aux prêtres, ils se bornent à éloigner les acheteurs du petit banc
recouvert de livres; quelques-uns
âe hasardent d’entatnçr une légère
2
-(50)
discussion avec un air de mépris
pour l’homme qu’ils^ attaquent.
Quand une bonne répartie les met
dans l’embarras, ils s’éloignent en
assumant un air de compassion
pour le misérable hérétique 1
La population des campagnes
et celle des villages est, en somme,
encore lige à son curé. Par ci par
là, cependant, quelques audacieux
secouent ce joug et se montrent
indépendants. Catholiques de nom,
ils maudissent Rome et les prêtres, ils vivent sans aucune religion
et ne se munissent de la Bible
que pour mieux attaquer le catholicisme. Bien peu conservent dans
leur cœur un vrai sentiment religieux , bien peu s’attachent à
Jésus-Christ. De ce nombre sont
presque tous les riches propriétaires , ceux au moins dont les
intérêts ne sont pas liés avec ceux
du prêtre. Il arrive souvent qu’ils
achètent une Bible en présence du
peuple. Et ce peuple alors raisonne
ainsi; « Si Monsieur le i&\ qui a
étudié, achète ce livre, cela signifie qu’il a une valeur: nous pouvons donc l’acheter aussi ; » attirée
par l’exemple plus d’une personne
se pourvoit de traités ou d’une
Bible. C’est un pur effet d’imitation.
Mais trop souvent les jours se
succèdent, le colporteur parcourt
plusieurs milles sans trouver une
âme qui veuille se procurer un
exemplaire de la Parole de Dieu.
En vain il attend sur la place ,
en vain il visite les villages. Quelquefois , feignant d’être ivre, un
homme s’approche en trébuchant,
heurte la table, la renverse et dis-_
perse les livres. D’autre fois une
grêle de pierres tombe sur le col
porteur sans qu’il puisse voir d'où
elles partent — et ceci est fréquent dans la province de Bergame. L’un laisse tomber sur les
livres le morceau de papier en
feu don il s’est servi pour allumer
sa pipe, l’autre feuillette une
Bible dans la manifeste intention
de l'endommager.
Au milieu de pareilles gens,
le colporteur s’estime bien heureux de rencontrer une âme sincère et désireuse de connaître la
vérité. Le cas est rare , mais il
existe. Je citerai comme exemple
cet homme dont je vous parlai
dans une précédente correspondance. Gagné à l’Evangile, non
seulement il a amené à la fois ses
propres frères , mais aussi il est
devenu un aide-colporteur dans le
village où il habite. C’est auprès
de lui que l’on dépose quelques
exemplaires des Ecritnres, et divers traités évangéliques lesquels,
par son moyen , sont introduits
dans les familles des agriculteurs.
Ce qu’un colporteur pourrait difficilement faire dans les périlleuses
vallées qui séparent Brescia de
Bergame, il obtient sans peine
comme homme du pays et bien
connu pour sa probité. C’est là,
je crois, un moyen humble et
utile pour introduire la vérité au
milieu des populations semées dans
ces montagnes.
On ne saurait assez regretter
l’infidélité de quelques uns qui,
au début de l'œuvre de colportage,
ont vendu en masse et à vil prix
les exemplaires des saintes Ecritures. J’ai vu moi-même à Florence,
sur les banc de bouquinistes qui
se trouvent devant les üjfiii corti
3
-(51)
un grand panier de N.-T. que
l’on offrait à 15 centimes pièce;
— et Florence n’est pas la seule
ville d’Italie où ces tristes actions
se soient accomplies. Peut-être
mon avis est-il à rejeter ; pour
mon compte, je ne le crois pas ,
et le voici : Je voudrais que les
Comités qui dirigent le colportage
en Italie chargeassent leurs agents
de rechercher ces dépôts infructueux de Bibles et de N.-T. ; qu’ils
leur donnassent ordre de les racheter pour les revendre ensuite
aux prix ordinaires. Il est douloureux pour un colporteur sincère
d’entendre dire à des gens sans
foi ; « Si nous en voulons, de
vos livres , nous n’avons qu’à nous
adresser au libraire un tel qui est
disposé à nous en vendre autant
que nous en désirons et à moitié
prix ». Je me hâte d’ajouter que
depuis quelques années les choses
marchent plus droitement ; cependant , et pour l’honneur de l’Evangile, il est bon de ne pas laisser
moisir les exemplaires des Ecritures qui pourraient encore se
trouver dans l’arrière-boutique de
quelques marchands de livres.
Je voudrais signaler un autre
' fait. Les colporteurs de la Société
Biblique ne peuvent, d’après le
règlement, mettre en vente aucun
livre qui ne soit la Bible ou une
portion de la Bible. Ils se trouvent souvent dans l’embarras visà-vis des acheteurs. Le nombre de
traités répandus en Italie est grand.
Presque tous portent à la quatrième page de la doublure un
catalogue d’opuscules. Ce catalogue
est lu, et plus d’une personne
qui s’intéresse à l’Evangile attend
le passage d’un colporteur pour
se procurer l’opuscule dont le
titre l’a frappée. Le colporteur
arrive , mais s'il n’a que des Bibles?.... Nous savons bien .qu’une
seule Bible vaut infiniment plus
que tous les traités du monde ,
mais la plupart la possèdent aujourd’hui. Ce que l’on cherche
avidement ce sont les opuscules
de quelconque nature qui aident
à comprendre et qui enseignent à
pratiquer la Parole de Dieu. D’ailleurs , il n’y a pas un seul de nos
traités qui ne contienne, littéralement cités, quelques passages scripturaires. Les pauvres gens peuvent disposer de quinze ou vingt
centimes pour se pourvoir d’une
opuscule, tandis qu’ils ne sont pas
toujours à même d’acheter une
Bible — et l’opuscule pourra plus
tard conduire à la Bible. Ma conclusion est évidente: c’est que tous
les colporteurs devraient être pourvus de traités évangéliques et cela,
loin d’amoindrir la vente des Saints
Livres, ne servirait qu’à la faire
accroître.
Agréez, etc.
Earth. Pons.
Eectts.
Les naurragés des lies Auckland.
On nous écrit de Genève :
M' Reynal racontait hier au
soir (1) pourla quatrième fois devant
un nombreux public qui accueillait
ses paroles avec un vif intérêt et
une nou moins vive sympathie , le
(1) Vendredi, 28 janvier 1870. dans la grande
salle de la Réformation. Cette conférence a
duré plus de deux heures.
4
-(52)
douloureux récit d’un séjour de
vingt mois sur les îles Auckland,
où il fut jeté , par un naufrage ,
avec quelques compagnons d’infortune. Rien de plus intéressant, de
plus instructif, de plus dramatique,
— c'est bien l’adjectif qualificatif
le mieux ay'proprié,— que de suivre , avec uu pareil guide, les différentes péripéties de cette lutte
(le l’énergie de l’àme contre les orages de la vie.
Mr Reynal était bien jeune encore , il avait à peine quinze ans
quand il quitta sa patrie, les joies
de la famille pour se lancer dans
les hasards des voyages sur mer.
Las enlin de cette vie nomade, d’aventures , il se disposait en 18G3 à
rentrer en France, lorsqu'une proposition qui lui fut faite changea
ses plans. Certains négociants désiraient qu’il se mît à la tête d’une
ex[iédition pour aller, en leur nom,
visiter les mines d’étain, qui, disaient-ils , se trouvaient à l'île
Campbell, située dans le mers australes. Tenté par l’espoir d’acquérir
une fortune, il remet à plus tard le
projet de rentrer dans ses foyers,
et il s’embarque, pour une absence
de quatre mois , sur une petite
goélette. L’equipagej composé seulement de cinq personnes appartenantàcinq nationalités différentes,
se rend à bord ; on lève l’ancre, le
soleil est radieux, le vent est favorable , et l’on fait voile vers l’île.
C'était le 12 novembre 1863. Après
une heureuse traversée , voilà nos
cinq aventuriers arrivés à leur destination. Les mines d’étain, unique
objet de ce long voyage', n’existaient que... dans l’imagination des
négociants. Quel parti prendre ? Ils
décidèrent de retourner en France,
non sans avoir premièrement visité,
sur leur passage, le groupe des îles
Auckland... Mais le temps change
tout à coup. Le ciel se couvre de
noirs nuages qui laissent tomber
une pluie abondante et froide. Une
de ces furieuses tempêtes si fréquentes dans ces lointaines régions
se déchaîne sur la petite goélette
qui poussée par un vent impétueux,
bondissant de vague en vague, s’avancait, avec une effrayante vitesse,
vers les sombres rochers de ces
îles désertes. La goélette est enfin
brisée et, après des efforts inouïs ,
et une lutte desespérée, l’équipage
arrive , ou mieux est lancé par les
lames, sur cette terre inhospitalière.
Les îles Auckland placées, d’après M’’ Reynal , aux antipodes de
¡’Irlande , presque continuellement
balayées par des rafales glacées ,
recouvertes , dans toute leur étendue, d’une couche assez épaisse de
tourbe marécageuse, sont inhabitées
et inhabitables. Transis de froid ,
mouillées par la pluie, la première
pensée des naufragés fut naturellement d'allumer du feu. Pas de
briquet. Tout à coup le cuisinier
poussa un cri de joie, car il venait
de trouver , au fond de sa poche ,
uu paquet d’allumettes. Quel bonheur !! On peut aisément le comprendre. Mais l’on essaya vainement
de frotter l’une après l’autre ces
allumettes mouillées ; aucune étincelle n’apparaissait. Enfin une petite crépitation se fait entendre...
et bientôt un bon feu réchauffait les
membres engourdis de nos malheureux voyageurs. Nouveau^ Robinsons Crusoè, ils durent se construire
une maison qui pût les préserver
5
-(53)
contre les rigueurs de l’hiver. Elle
fut achevée au bout de deux mois.
Ils formèrent ensuite une constitution. Ou nomma un chef de
famille , un patriarche qui devait
tempérer la sévérité du magistrat
avec la condescendance de l’ami ,
du frère d'infortune. Celui qui désobéissait à ce chef établi avec l’assentiment de tous , devait, pour
punition , être expulsé de la communauté et vivre seul dans une
portion retirée de l'île. On ne fut
jamais obligé d'enfliger cette mesure de rigueur. La petite république, mieux favorisée sur ce point
que certains états , se réservait le
droit de destituer son président,
s’il abusait de son autorité ou s’il
la faisait servir à des vues toutes
personnelles. On jura , la main sur
une Bible trouvée parmi les effets
d'un matelot, d’être fidèles à la
constitution, car c’en était une. Le
président fut, à titre d’honneur ,
dispensé de faire la cuisine.
Deux mots sur les occupations
des naufragés. Laver la vaisselle
était, dans cette île, une affaire de
grande importance. Cela peut faire
rire ; mais silence, écoutez ! Parmi
les objets sauvés, les cinq naufragés
possédaient cinq assiettes ! Eh bien!
quatre hommes, quatre marins, ont
pendant vingt mois lavé tour à tour
celte vaisselle sans rien casser !!
Avis aux femmes de ménage! De
six à huit heures , on réunissait le
bois nécessaire pour conserver le
feu que l'un des naufragés devait,
nouvelle vestale , ne jamais laisser
éteindre. A huit heures l’on déjeûnait. Ensuite l’on partait pour tuer
quelques lions marins, amphibies
qui à eux seuls, formèrent, pendant
tout le séjour , l’unique nourriture
des naufragés. Le dîner avait lieu
au retour de la chasse. Le lundi
matin était exclusivement consacré
à la lessive, le samedi soir au raccomodage des habillements et des
chaussures.
La vie n'était pas heureuse , ni
remplie de charmes dans cette île ;
pendant des quinze jours le soleil
n’apparaissait jamais. Ils eurent des
moments de grande détresse : les
lions marins émigraient. Ils ont,
plus d’une fois, mangé silencieusement et les larmes aux yeux , leur
dernier morceaux sans savoir où
ils prendraient le lendemain la
moindre nourriture. Ils étaient soutenus par l’espérance de voir arriver
bientôt le navire promis (1), et qui
ne vint jamais. Bien souvent la mélancolie la plus noire envahissait
leurs âmes ; ils se perdaient dans
des reflexions dont le mugissement
continuel et monotone des vagues
déferlant sur la plaie , à quelques
pas de leur habitation, augmentait
encore la tristesse. Heureusement
les besoins sans cesse renaissant
ne leur laissaient pas le temps de
songer à leur malheureux sort.
C’est alors qu’ils ont senti toute la
valeur du travail. Le travail , ils
l’ont béni, et le bénissent encore ,
car il les,a sauvés... peut-être du
suicide. Reynal se souvient surtout du 25 décembre 1864. C’était
le beau jour de Noël , un jour de
bonheur pour toutes les familles.
Toutes les scènes de cette grande
(1) Les négociants à qui appartenait la
goélette s'étaient engagés , si l’expédition
n'était pas de retour au tour de quatre mois,
d'armer un petit navire et de l'envoyer à la.
recherche des cinq marins. Ces lâches négociants ne furent nullement fidèles à leur
engagement.
6
-(54)
fête venaient comme un affreux
cauchemar, se présenter devant sa
pensée. Les cloches sonnaient à
toute volée...; les chants sacrés,
avec leurs mélodieux accords, retentissaient à son oreille ; les fidèles sortaient du temple ; tous les
fronts étaient radieux ; la joie était
partout; lui seul était malheureux,
lui seul souffrait. — Cette cruelle
illusion s’évanouissait bientôt pour
faire place à un tableau plus navrant encore. Là bas, là bas ; par
delà les mers, sur le, sol de la
France , dans une petite chambre ,
deux personnes silencieuses étaient
assises: c’était son père et sa mère.
Pour eux, vêtus d'habits de deuil,
il n’y avait pas de Noël, pour eux
pas de joie de famille..; ilspleuraient
leur fils qui était mort.
M’' Reynal s’arrête à cette vision
afiFreuse et... que voit-il ? ses compagnons couchés par terre et en
proie aux plus poignants regrets !
« Amis , leur dit-il, puisque les
hommes nous abandonnent, c’est à
nous de nous sauver. Courage donc,
et à l’œuvre ». 11 eut une de ces
idées folles comme en enfante le
désespoir. Il voulut construire une
barque, et se confier avec elle aux
vagues de l’Océan.
Le défaut d’espace m'oblige à
omettre, a malincuore, de nombreux
détails : la con.struction d’un soufflet de forge, dont le ronflement
sonore était pour nos malheureux
la musique la plus harmonieuse ;
la construction d’un hangar , de
deux paires de pinces , d’une enclume, d'une hache, d’une paire de
tenailles etc. Au bout de sept mois
la barque était prête à être lancée
dans l’eau. — L’heure de la sépa
ration avait sonné! Séparation!! —
En effet, chose douloureuse , mais
nécessaire , trois naufragés seulement devaient, sur la barque, aller
à la Nouvelle-Zélande, et y demander des secours pour les deux autres qui resteraient dans l’île. Ils
quittèrent l’île le 16 juillet 1865.
Le vent était favorable, la barque
se comportait vaillamment et glissait , légère comme une mouette ,
sur les ondes du Pacifique. Trois
cent milles séparent la NouvelleZélande du groupe des îles Auckland. 'Vers le soir le temps se gâta
et prit toutes les proportions d'un
ouragan. La nuit vint. Les coups
de vent sont de plus en plus forts.
Après trente heures de jeûne , on
essaye de manger quelque chose,
mais les provisions étaient si avariées qu’elles ne pouvaient servir
au moindre usage. Le troisième
jour, la mer devint plus houleuse.
Trois fois, dans le cours d’une demi
heure,unelame immense enveloppe
la petite barque, et la roule comme
le vent roule un tourbillon de feuilles sèches. Enveloppés de ténèbres
profondes, on ne distingue que la
clarté phosphorescente des brisants.
La tourmente continuait encore.
Mouillés , transis de froid, dévorés
par la faim et tourmentés affreusement par la soif, brisés de fatigue,
ils passèrent ainsi une cinquième
nuit.
Enfin le 24 juillet 1865, nos pauvres voyageurs étaient en vue de
la Nouvelle-Zélande. Ils y arrivent.
Au détour d’une petite anse, un
spectacle ravissant s’offre à leurs
régards : dans les allées d’un beau
jardin, un homme , un blanc , se
promenait en caressant un chien,
7
-(55)
pendant que des naturels travaillaient non loin de là. L’énergie alors
abandonna ces hommes d’une trempe peu commune. Que dirai-je de
plus? Nos trois aventuriers furent
portés sur les bras dans la demeure
du riche planteur.
Au bout de quelques jours, un
vaisseau envoyé aux îles Auckland
ramenait à la Nouvelle Zélande les
deux autres infortunés. Quel moment ! comment le peindre ? 11 est
inutile de rendre la scène de bonheur qui eut lieu sur ces rivages.
Pas un des naufragés n’oublia, dans
ce moment de joie suprême, de
rendre grâce à ce Dieu qui, des
bords d’une tombe, venait de les
rendre , sains et saufs , à la vie , à
leurs amis, au monde civilisé, aux
objets de leurs plus intimes affections. — Agréez, etc.
H. s.
Nous avons reçu un volume 8” de 366
pp. contenant le Catalogue raisonné de la
section didactique du Musée industriel de
Turin. Cette importante publication, due
au travail de M’’ le chev. G. Jervis, conservateur du Musée, est destinée à donner
un aperçu statistique de l’état de l’instruction en tout pays, à propos des publications de tout genre, relatives à l’enseignement, dont 1a collection du Musée s’est
enrichie jusqu’à aujourd’hui.
Pour rendre pleine justice à un ouvrage
qui a dû conter à son auteur un labeur
considérable, il nous sera nécessaire d’y
revenir plus d’une fois, tant à cause de
l’exiguité de notre feuille qu’a cause de
l’importance des matières que ce volume
condense dans un espace relativement
étroit.
Chronique locale.
Torr'o-F'ellloo. (3650 hab.) —
L’institution bienfaisante des juges de paix
(CoTiditaiori) est appelée, nous n’en doutons pas, à porter des fruits précieux partout où elle fonctionnel! d’une manière
intelligente. Les chiffres suivants peuvent
en faire foi ;
Pendant le premier triennium (1866-68),
le juge de paix de la commune de TorrePellice a été saisi de 305 citations etléctives, c’est-à-dire, ayant abouti à la comparution des parties. Dans 38 cas, défendeur et plaignant se sont mis d’accord
spontanément ; en 221 cas, le juge a amené
une conciliation ; en 46 cas, sentence a
du être passée. Le serment a été déféré
en 3 cas seulement. — Voici le détail ;
1866 —1867 —1868 — Total
Citations 117 89 99 305
Accords spont . 13 10 15 38
Conciliations 92 62 67 221
Sentences 12 17 17 46
117 89 89 305
Chronique pUtique.
Italie. Sur, le budgets des différents
ministères, on annonce une réduction totale de fres. 14.678.534. Comme l’a fait
observer très-spirituellement un journal
politique de Turin, la Gazzetta del Popolo,
cette économie de 14 millions n’est guère
autre chose qu’une coupe de cheveux.
A Salerne a eu lieu une démonstration populaire contre les banques à usure,
démonstration que l’on disait d’abord trèspacifique , mais qui s’est ensuite énergiquement accentuée.
— Une omission à réparer. — Les Conseils communaux de Porli et de Bologne,
ont décrété la suppression de l’instruction religieuse donnée jusqu’ici dans les
écoles publiques. Cette mesure a été prise
pour rendre hommage au principe de la
liberté de conscience; et elle a eu l’honneur , comme on pouvait s’y attendre,
8
-(56)
d’encourir l’indignation de la gent cléricale.
I=Som.©. La discordia è nel campo
d'A g ramante. La scission entre les révérends pères se fait toujours plus profonde,
au sujet de l’infaillibilisme; et il s'y mêle,
paraît-il, des controverses ardentes d’une
autre nature encore mal définie.
— D’autre part, les travaux du Concile
n'avancent guère. On raconte qu’un curé
parisien ayant écrit à son archevêque
Mgr. Darboy, pour savoir quand aurait
lieu la clôture du Concile, l’archevêque
lui a répondu: « J’aimerais mieux savoir
quand le Concile commencera ».
— Rome a résumé elle-même son fameux Sijllabus en XXI canons fulminant
l’anathème contre toutes les libertés religieuses et politiques. Ce -qui la met particulièrement en fureur, c’est le principe
de la séparation de l’Eglise d’avec la société civile. La Civillà Cattolica déclare
que si les gouvernements ont la scélératesse de penser sérieusement à l’application de cette mesure, « ils provoqueront
des résolutions terribles qui les jetteront,
bas ». C’est bien hardi de la part d’un
pauvre homme, et d’un pauvre misérable l
F’r'aiice. L’arrestation de Rochefort,
et celle de tous les rédacteurs de la 3/arseillaise a donnée lieu à des tentatives
d’émeutes et de barricades, heureusement
et .promptement réprimées. De la rue,
l’agitation a passé au Corps Législatif, oh
ont eu lieu des altercations très-vives
entre M' Ollivier, chef du ministère, et
les députés répubblicaius Ferry, Gamhetta
etc.
An.gletC'r'r’©. Le Parlement a été
ouvert sans l’intervention de la reine.
Belgîlqia©. Le nombre et les richesses des couvents ne font que s’accroître. Il n’est pas un village qui ne possède
un établissement de ce genre, et dans
plusieurs localités on en compte 20 ou 30.
En 1830, il n’y avait que 251 couvents ;
en 1856, on en comptait 993; et en 1884,
ce n’était pas moins de 1300.
— Sur la proposition du ministre de la
justice, il sera demandé au Parlement
de ne pas rendre obligatoire le serment
devant les tribunaux; « à le serment déclare île serment contraire à,,ses convictions, il déclarera seulement s'engager à
dire toute la vérité, etriéû ^efàrénté »;
Antrloli©. La seconde Chambre a
voté en première lecture le projet de loi
Rechbauer rendant le mariage civil obligatoire. Ou paraît décidé à mettre au
rebut les vieilleries du Concordat
Bovioiaiil©. Les persécutions réitérées auxquelles sont en butte les populations juives (2 à 300 mille âmes', ont
déterminé ces dernières à émigrer en
masse, soit vers la Russie occidentale,
soit dans l’ouest des Etats-Unis, Le Comité
de l’Alliance Israélite (Paris) a décidé de
leur venir pécuniairement en aide pour
faciliter cette expatriation.
Suèd,©. Le gouvernement a pris l’initiative de divers projets de loi : 1. extension du droit de vote aux protestants réformés et aux juifs; 2. emplois publics
accessibles à tous sans distinction de
culte; 3. liberté de la librairie et de l’imprimerie ; 4. substitution d’une simple déclaration au serment prêté devant les
tribunaux; 5. révision du pacte d’union
entre la Suède et la Norvège.
B.U.SSI©. Un soulèvement de paysans
a eu lieu dans les environs de Kiew; la
police a été battue, ce qui a nécessité
l’intervention d’une force armée considérable.
— Il ne SC passe pas de jour qu’on ne
découvre de nouvelles sociétés de nihilistes ( niveleurs, « enfants de la nature »).
A ce sujet, un diplomate aurait dit : « La
puissante Russie est en proie à une lèpre
intérieure qui ne peut être cautérisée que
par le fer et le feu ». Ce qui Semblerait
donner raison au diplomate, é'est qu’on
ne s’occupe guère que des moyens de
grossir l’armée, comme si l’on était à la
veille d’entrer en campagne.
— Mais voici qui vaut mieux que le fer
et le feu. On annonce que le Comité du
Èiblestand, au Palais de cristal ( Londres),
a obtenu de l’empereur Alexandre la permission d’introduire dans l’empire 15.000
ex. des Evangiles en langue russe. Un
noble russe aurait en outre distribué déjà
dans huit provinces 5.973 exemplaires de
« l’Evangile éternel ». ( Apoo. XIV. 6 ),
PETITE BOITE AUX LETTRES
A la Rédaction de la Semaine religieuse
Genève. Nous n'avons pas reçù votre numéro du 12 c,
A la Rédaction de l’Ami de la Jeunesse.
Paris Nous n’avons pas reçu vôtre premier
envoi mensuel.
M'' J. R. Padoue. Le paquet a été expédié par le chemin de fer. Prix; 6 francs. A
bientôt la réponse sur le reste,
gji' F- B- Pistaia. Ma ne rallegro.
fn
A. Revbl Gérant.
Pignerol, J. Chiantore Impr.