1
Cinquième Année.
23 Mai 1879
N. 21
LE TÉMOIN
ÉCHO DES VALLÉES VAUDOISES
Paraissant chaque Vendredi
Voui me ^erez iiimoins. Actes 1, S.
Su.vayit la vérité avec la rhorilc. Er. 1, Î5.
On s’ubonnô i
Pour Vlntérieirr chez MM.
pasteurs et les libraires de
Torre Pellice.
Pour VEcetéHevr au Bureau d'Ad»
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Somixiaijno
Pierre Valdo pt les pauvres de Lyon.—
La gloriou.se rentrée des Vaudois. — Correupondace. — Nouvell^i religieuses et faits
dîners. — Rome politique.
i'IERRE V4LD0
et les pauvres de lyon
I Propriété littéraire
f Suite V, N. 20).
vm.
LA RUPTURE.
Quand le marchand de Lyon fui
pour la première Ibis rendu allenlif
à la voix de Dieu, il élail loin dè
prévoir jnsqu’bù cela devait le conduire; et lorsqu’il dirigeait ses deux
filles sur le couvent de Fontévrault,
il n’y avait guère à craindre qu’un
lel homme finirait par être excommunié. C’est ià pourtant qu’on arriva,
tant il est vrai que, sur lè chemin
de la vérité, l’homme marche et un
afitre conduit ses pas.
' Depuis cette mort subite qui avait
si vivement impressioné Vaido, jusqu’à
ce dimanche de l’année 117.3 oià il
s’élaii détourhé pour cniendre le irouItadbur, bien de^ années avaient' pu
s’écouler, assez peut-être pour donner I
quelque raison aux historiens qui ont
fait remonter à 1160 et plus haut encore le réveil du marchandj Ses aumônes avaient naturellement altiré sur
lui l’attention du peuple et des pauvres de la ville, l’archevêque Guichard
avait même pu faire, a ce sujet,
quelque remontrance à son riche diocésain pour diriger ses largesses ici
plutôt que là; mais rien ne fait croire
que Vaido ait été inquiélé dans cet
intervalle par Tautori lé ecclésiastique;
Nous ne pensons pas non pins qu’il
ail été question de lui dans les deux
conciles convoqués par le pape Alexan*
dre à l’ours en 1163, et à Rome en
1167 ou 1168, le pi’^mier s’étant occupé des dissidents de Toulouse et de
Gascogne, et le second ayant eu pour
principal objet de déposer l’Empereur
Frédéric Barberousse. Nous voici donc
à l’année 1173. L’entretien de Pierre
de Lyon avec le ménestrel de la rue,
la visite qu’il fit lè lendemain au docleur de théologie, l’avaient amené _à
ouvrir la Bible, et ce fut un pas décisif. Le momeni toutefois n’était pas
venu dè rompre'avec l’église. — Celle
Parole de Dieu, Valdô la lit, il. la
sonde ne pensant d’abord' qu’au salut
dè son Ame. A mesure qu’il avance
son esprit se porte quelquefois, ‘l est
vrai, dè l’Evangile à.l’église; il compare, il voit d’étranges conlrasies.....
Mais non ! dans ce miroir de la loi
de Dieu, il ne veut considérer pour
2
.162.
Ni momenl. que son propre visnge, il
lil pour lui-même ei pour ceux de sa
maison , il lil pour ses pauvres devenus
en quelque sorle membres de sa famiile. La vue de ces indigents, brebis
sans bej’ger, lui inspira-l-elle Ja pensée de fonder quelque chose comme
une associai ion qui s’occupiU de leur
âme en même temps que de leur vie
maléi'iclle? Rien d’impossible, nous
l’avons vu.
Ce que nous voulons coristaler senlemeiU c’est que pour tout cela l’autorité écclésiasliquc ne s’alarma point.
Apparemment qu'à ses yeux il y avait
jiiscpio là moin.s à craindre qu’à espérer.
Chose étrange, même la traduction
des éci'iUires en langue vulgaire ne
parait pas avoir d’abord réveillé les
soupçons du clergé, du moins pn ne
voit pas que Vaido ail eu à fairelmystère d’un ouvrage,aussi important. Qui
sont en effet ses collaborateurs? Deux
jeunes prêtres qui ne pailagèrenl jamais .se.s sentiments, puisque l’un et
l’autre'furent plus tard é.levés à des
fonctions ecclésiastiques, dans la ville
même de l..yon. .Grégoire, Vil avait, à
la vérité, in"tcrdit la lecture de la Bible
en langue..vulgaire, mais il y avait unsiècle de cela, et la bulle pouvait être
oubliée. : Vaido fut si peu inquiété ,
dans le commeticnmeni, pour sa traduction des ficriinres, que nous l’avons
vu s’empresser d’eii ottrii' au pape les
premiers livres et compter sur le bon
ell'el que produiiail col ouvrage pour
lui faire obtenir, du ■ Concile de 1179
la faculté de prêcher.
Nous avouons bien qu’il s’était fait
une étrange illusion. Tant que la inmière demeurait plus ou moins sous
le boisseau, la loléraucc était aisée;
mais dés qu’on parla de la placer suile cbandeber. et de publier la vérité
au moyeu do la prédication, le rnomcnl
parut venu pour l’église de s’occuper
sérieusem.oni de ce Pierre de Lyon,
déjà si connu. Son dessein de prèclier
et défaire prêcher au peuple cet évangile que tant de per.sonnes depuis des
années lisaient en langue vulgaire, la
propagande en un uiol, voilà ce qui
donna le premier éveil an clergé.
Avant le concile de 1179, les pi'édicalions de Vaido et de se.s compagnons lui avaient tout an plus alliré
une ou deux admonitions .de l’arclievêque. On était en conséquence l evemi
à la pure exposition du texte biblique
en langue vulgaire, et l'auloiilé avait
fermé les yeux. C’dst qiie le momenl
approchait où le troisième concile de
Lalran allait s’ouvrir et résoudre toutes
les dilîcultôs. Cbacmi l’allondail avec
impatience persuadé comme toujours
qu’il en sortirait des choses merveilleuses.
Le jour venu, c’était le cinquième
du mois de Mars 1179, plus de trois
cenis évêques avec un nombio double
d’aiili'es membres du clergé accourus
de 10U.S 1rs pays catholiques, se irouvèrent à Rome, au, palais de Lalran.
Assis sui' un siège élevé, et entouré
des cardinaux, des .préfets,. dos sénaleur.s,et des consuls de Rome, le
pontife ayant à scs côtés riCuqierem'
Frédéric, dirigeait ou suivait avec orgueil celle brillante assemblée.
Un jour vijt. qi;çiver.,deiix hommes d’im extépfeiii' ‘fnoclèàe et tout
laïque. jiî‘én;éu;és ;,d<?;jA'espcç^ ¡pour la
sainte ville, ils avàîenVmômc olé leur
ciuuis.sure. ils demandaient à présenter
au pape « un volume contenant les
Psaumes et divers livres de rAncien et
du Nouveau Testament, le tout avec
texte et réflexions en langue romane
ou gauloise ». Nous venons de désigner
les deux envoyés dé Vaido, ou plutôt
de Valdes, qomme l’appelle G, iVlapée
(1179). « Ces liommes sarrs culture,
à ce, qu’il prtjtend, ne craignaient, pas
de vanter leur expérience, dans l’url de
prêcher, et ils menaient une insistance
toute particulière à se voir comme
tout de nouveau confirmer dans celle
profession ». ,,, ■
L’aceneil qu’on leur fit fut d'aho,rd
assez bienveillant, car au dire d’un
aun e témoin , l'on vil le pape Alexandre « donner à l’un de ces. Vaudois
le baiser frateriiel, et approuver, de
tout point son vœu de pauvreté ,volontaire ».
Quant à raulorisalion de. prêcher
dont les délégués Léonisle.s’semblaieni
d’ailleurs ne demander qu’un raifrpî-
3
-m'î
chissemetU en s'e fondant sur INapérience qu’ils avaient, acquise et sans
doute aussi sur une précédente demi
permission, il fut convenu qu’ils pourraient l’oblenir du pape, mais ¡à la
double condition a qu’ils ne s’écarteraient pas de l’enseignement des qiiatie
grands docteurs Ambroise, Augustin,
Grégoire (pape, 604), et Jérôme, et
qu’ils ne l'eraient rien, en tout cas,
que sur la démamic expi’cs.se et l’invilatioii formelle des évêques ou des
prêtres G’ôtail rétircr d'une' main
plus que l’on n”uvait donné de l’aulrc,
une vraie moquerie. Le concile, au
reste, l’entendait bien ainsi; car si
nous en croyons encore ce même G.
iVlapée, qui était présent, celle courte
scène aurait tini par la retraite des
vaiidois iiii milieu d’un gros rlie de l'a
grave corniriission nommée pour les
entendre. Ils avaient donc repi'is le
chemin des Alpes pour rentier à Lyon
saiitsiaits de voir leur conimumiulé approuvée, mais persuadés aussi que
l’œiivi e de la prédication allait devenir
plus dilïicile que jamais. S’il fallait
attendre désormais que le clergé vînt
prier les vaudois de prêcher rpjvangile
au peuple, ils allaient sans doute se
voir pour longtemps condamnés au silence; et d’Uivautre côté', s'ils s’avisaieiiL de pi'êcber de leur propre mouvement, ainsi qu’ils avaietil pu le liiire
avecplusnu moins de liberléjusqn’alors,
tout était cotilre eux.
'Déj.Vmême àvaril de qniller la ville
de'Roirîe, les envoyés de Valdo avaient
pu voir cèrlains écriteaux représentant
le concile et portant cette inscription ;
« Sous le pontife Alexandie III et
l’empereur Frédéric I , ces Vaudois
sont condamnés comme liéréliques ».
Preuve évidente que du côté de l’église la lutte était engagée et qu’elle
s’annonçait liés sérieuse.
Valdo cependaiU reçut avec résignation la réponse du concile, <t tant il
était loin, à celle époque, de rejeter
l’autorité papale »., On essaya donc
sincèrenieril d'obéir, car « pour quelque temps la volonté du pontife fut
respectée *. Mais cela ne pouvnil dnrei'
et Valdo' 'qui savait déjà par une antre
expérience que mil ne peut servir
deux maîtres, ne tarda pas à s’apercevoir qu’entre Dieu et le pape il faut
choisir aussi.
l.a mort d’Alexandre III anivée le
30 août 1181, amenait au poiililicat
un homme plus faillie que lui, mais
plus iiiccliaril poul-clre, le vieux Ubaldo
de Liicqnes, alors évêque d’Oslie, lequel prit le nom de Lucius III. Kii
même temps raichevôqne de Lyon
était remplacé par .lean de Bdesunuih
autrement dit de Rellesmains, qui sera
(raillant plus dévoué au nouveau jiape
qu’il lui devait sa pi'omolion.'
Gc plaçai donc, à peine installé sur
son siège, ^ voyant que Pienxî Valdri
et sesadliérenl.sconliniiaient à répandre
leurs erreurs, les fit liouveliemenl avertir qu’ils eussent h cesser imite prédication des Fcrilnics ». Valdo répondit qn’en toute simplicité il ne faisait qu’exposer la pure l'arole de Dieu.
Puis se remetlant à l’oenvré, il insistait
d’autant plus sur la lecture et sur ce
qu’il appelait Vexpoxition de l’Evangile
que la prédication publique en était
moins tolérée. L’arclievê(]ue ne fut pas
content. Pour écarter tout malentendu
il résolut de mander par devers lui
ces Vaudois obstinés, et leur défendre
aussi bien l’exposition des Ecritures
que la prédication proprement dite.*
Pierre Valdo qui avait jusque là'fait
preuve de tant de inansuétude, ne
crut pas devoir pousser pins loin la
soumission. Aux inlei'dîclioris du |)i'élal
il osa (înalmenl opposer en toute luil'riililé l’ordre du''Seigneur: : • Allez cl
prêchez l’Evangile à toute ciénliire».
On essaya de l’ébranler en disant que
« la (lerfeclion évangélique consistait
bien plus à courber biimblement la
tôle devant les docteurs de l’Eglise,
qu’à se séparer de l’nnilé catholique».
Valdo fit alors un pa.s de plus ei
répondit ouvertement qii’f/ vaut mieux
obéir à Dieu qu’aux hommes ».
Là fut sa première liérésie, disent
les aiileui's du lemps; en méconuai.ssant ainsi l’aiilorité de l’Eglise, les
Vaudois tombèrent alors de lu présomption dans la désobéissance.
ÍÁ siticrej.
4
-164
la gloriensB renlrée des Vandois
( Exirait du Journal de Genècej
C’esL au delà du Monl-Cenis que
devaient commencer, pour la pelile
troupe, des dangers dont la présence
des otages ne pouvait plus la préserver.
Jusque-là elle n’avait rericonLrc que des
milices armées à la hâte cl peu curieuses de se battre ; maintenant elle
allait avoir à faire aux troupes légulières du roi de France commandées
par le marquis de Larrey, qui lui barraient le chemin de ses cbèiïs vallées.
Après avoir tiré ses premiers coups
de fusil et avoir eri é un peu à l’aventure dans des bas-fonds où elle se
sentait entourée d’ennemis et fort mal
à l’aise, la colonne arriva, le 24 août
en face du pont de .Salabcrlran sur la
Doire qu’il fallait absolument passer,
si l’on ne voulait pas rebrousser chemin vers la Suisse où l’on risquait
d’ailleurs d’être fort' mal reçu , car
messieui’s de Berne n’étaient pas conlents.
Le pont était gardé pur 2500 hommes de troupes régulièios fi'ançaUes.
L’affaire fut très chaude; les vaudois
furent même un moment sur le point
de battre en l’etraite, mais se voyant
armés, ils poussèrent résolument en
avant; ils passèrent ainsi d’un seul
élan, le pont cl les lignes ennemies
qui s’ouvrii’enl devant eux en pleine
débandade. On en fil un grand carnage
et ceux qui demandèrent quartier n’y
gagneront, rien, car ils lit ron t passés
par les armes. G’étail un peu dur; le
nai’ralenr le reconnaît lui-même; mats
il excuse celle barbarie par la nécessité. Qn’aitrions nous fait, dit-il, de
tous ces gens-là ? Nous ne pouvions
pas les nourrir et les laisser libros
eût été dangcr;eux. N’élail-il pas jihis
simple de les luerV» Ce raisonnement
fui mis en pratique pendant toute la
campagne, et les varrdois se montrèrent , au point de vue de la barbarie,
dignes de ceux qu’ils combaltaienl ;
ils ôtaient piettx, mais nullement butnains; ils voyaient dans chacun de
leurs succès la main protectrice de la
Providence, mais ils n’eurent jamais
l’idée de la remercier de .ses faveurs
en faisant grâce à leurs prisonniers.
Les voici dans leurs vallées. Cependant l’accueil qu’ils y loçoivent. n’est
pas encourageant. Leurs lemples , ont
élé brûlés ou convertis en églises; les
villages du Pragelas, ceux du val Saint
Martin sont occirpés par des populations nouvelles ; partout des visages
inconnus et presque loujoui's hostiles.
Ceux de leurs anciens Irèios qui sont
restés dans le pays ont change de religion; effrayés par la perspective des
roprésailles, ils les reçoivent froidement, leur tofusanl même des vivres;
qnelques-rrns les trahissent. Alors contrnence itne Odyssée véritablement efIVayanle; on gravit des monlagtres, on
les redescend , ou entre dans les villes
qtt’on pille un peu , mais qu’il faut
vacuer le lendemain par'ccque les
troupes du dite de Savoie arrivent en
for'ce et qu’on pe peut tenir devant
elles. Une par'lie de l’armée se r’elire
dans les chàlels, où elle a beaucoup
de peine à se procur’er des vivres ,
c’esl la guerr'c de guérillas avec toutes
ses émoiions et toutes sesmisères. De
temps en temps l’on se réunit pomun coup de main, mais le plus souvent,
on vil dispersé , en peliles bandes qui
ne savent que par. hasard des nouvelles l’une de l’autre; on.fuit et l’on
poursuit tour à lont'.
L'arrlornne se passe, vient l’hiver
avec scs rignenrs, si terribles dans ces
montagnes. La plaine est occupée par
l’ennemi; on vit dans quelques misérables lutlles dont on br'ûle la loilure
pour se chauffer, ou dans des grottes
oti l’on a sans cesse la terreur de se
voir enfermé. Toujours des coups de
fusil, toujours la fuile par le froid ,
par le brouillard et la neige; quelquesuns ne peuvent plus supporter celle
vie , ils désertent ; mais le courage des
antres persiste, la foi qu’ils mettent
dans la proteclion de la Providence
les soutient. Traqués, affamés, dispersés , menacés par les populations
et trahis par leurs amis, ils n'ont pa.s
une heure de doute ; ils atlendenl avec
confiance le succès final. Jamais une
pareille ténacité n’a fait violence à la
fortune rebelle.
5
^165.
Pendanl qn’tine parlie dos vaiulois
coiii't ainsi ies moniagnes, le gros de
l’année s’es I., dès la (in d’oclobre ,
reliré dans le bourg de la Calsille ,
que ses Iravaux .de terrassomenl ont
transformé en une vcrilnble place forle,
avec parapets de (erre, palissades,
abattis., fossés, etc. I,e génie moderne
n’eûL pas fait mieux,
(j’iiiver se passa sans qu'ils fussent
sérieu.sement inquiétés. On se contentait de les observer de loin cl de tenir
autour d’eux un blocus d’ailleurs peu
rigoureux. Cependant on ne les oublie pas. An printempsLouis xiv,
le roi soleil, leur fit l’insigne bonnenr
de leur envoyei' le maréchal de Prance
Catinnt, l’un des premiers liominos
de giicire de son lemps. Il devait débarrasser le sol des vallées de cette
vermine liuguenole qui avait ose braver
le grand Roi, Il avait avec lui 12.000
boliâmes. Le 2 mai, la Baisille fut attaquée avec vigueur, mais l’élan des
grenadiers royaux vint se briser sur
les abattis qui défendaient l’approcbe
de la position. On les fusilla à bout
ponant et ils se l epliérenl en désordre.
Câlinât, qui avait antre chose à faire,
se relira fort méconlent, laissant an
marquis de Feuquières 1e soin d’en
finir avec celle bicoque qui avait osé
résister à un maréchal de France.
Bon gré mal gré, il fallut lui faire
la galanterie d’un siège en règle et
amener des batteries de brèche. Kneore
ne puL-on s’emparer de ceux que fou
se flattait de pendre haul cl court pour
leur enseigner la vraie religion. Le
\k mai, la première enceinte avait été
forcée; les assiégés gardés A vue n’avaient plus qu’à moui'ir les armes à la
main ou à se rendre à discrétion.
Celle fois encore leur audace les .sauva.
Du habitant du pays qui faisait cause
commune avec eux offrit de tes conduire par un chemin qu’il avouait luimême être à peu près iinpralicable.
Si impraticable qu’il fùi, c’était la
seule issue possible, la seule qui ne
menât ni à la moi l ni aux galères du
roi. Survint à propos un épais brouillard ; on en profila pour se glisser à
la file indienne dans l’étroit ravin;
heureusement c’était un affreux casse
cou , car sans cela il aurait été gardé.
Par hasard il ne l’était pas. Kn rampant sur les genoux , en s’accrochant
des pieds et des mains aux pierres et
aux brandies, on parvint à sortir de
là. Lorsque le soleil se leva, il éclaira
la petite troupe sur ies haiilenrs où
elle défilait hors de portée de l’ennemi,
l.a iial.sille était prise, mais elle était
vide; le mni'qiiis de Feuquiéres jUra;
les vaudoîs cbanlèrcnl un hymne: ils
étaient sauvés.
ils l’étaient plus qu’ils l'e.'pérnienl
eux-mêmo.s ; car ces braves gens sans
asile, sans,vivres, presque sans]miinitions, réduits à reprendre'leur vie érraiile à travers les moniagnes, traqués
et entourés d’ennemis , ne pouvaient
guère se Haller d’échapper à tant de
dangers. Mais précisément à ce moment là, un événement politique survint qui changea leur destinée comme
par un coup de théâtre. Le duc de
Savoie qui venait de rompre l’alliance
française , avait besoin de soldats. Il
u'en pouvait trouver de plus intrépides '
que ceux qui venaient de faire ainsi
leurs preuves contre ses propres troupes et contre celles de la France.
Le duc se souvint fort à propos que
ces fiommes étaient ses sujets, et il
eût l’idée de s’en faire de précieux
auxiliaires, en leur accordant le libre
exercice de leur religion et le libre
séjour dans leur pays. Ils ne demandaient que cela. Voilà comment il se
lit que, du jour au lendemain, les
vaudois pa.ssereril de la condilion de
brigands à celle de soldais réguliers
servant sous te di'apeau de leur prince
et pour la défense de leur pays. Jamais
expédiliou entreprise dans des conditions plus chimériques n’oblinl un si
beau dénouement. Jamais aussi l’énergie humaine, la puissance de la
volonté ne se montra plus merveilleuse
que ciiez ce petit peuple qui avait juré
de reconquérir une patrie et d’y rétablir sa leligion.
Le petit peuple de for a survécu ,
et, comme les temps ont changé, personne ne lui conteste plus une patrie.
Il garde maintenant les frontières de
l’Italie du côté du Nord , et scs enfants
6
.IRB,
onl, eu riionncuf de servil' sous io
(]r;ipeiiu qui esl entré ù norm; le 20
seplfiuiluc 1870, [);ir l;i l)i'èclie de
Sniiil .lium lie Liilrari.
Leur église, si lougleuips uroscrile,
est. eiili'ée avec eux dans la ville des
papes ; elle y a acquis droit de cité.
Oeiil-ctre ce jour-là, ceux d'entre eux
qui ont. In leurs annales ont-ils salué,
dans celle victoire de la ci'oix de Savoie sur les clefs de Si. l’icirre, te
dernier acte de la lutte liéroïque que
180 ans auparavant, leurs pèies soutenaient sur les murs de terre de la
Oalsille contre l’I^glise de llouie servie
par les armées de deux .souverains.
M. D.
tiDorrcoponbiucc
Mtmsienr le Directeur,
Il y a envii'on quatre mois que je
vous ai adressé, ma liremicre e! unir|ue
leliro qui devait être hictitôl suivie de
deux ou trois autres. Sans avoir jamais
ouldié ma pi'omesse, j’ai d’ahord été
empêclié de la remplir, et depuis plusieurs seuuiines, j’ai renvoyé encore ,
mai.s voloiitairemenl. Comme c’étttil
toujours sur lé sujet de ramélioralion
de la position matéiielle des |)asteurs
((ue je me pro[)Osais d’écrire et que
j’avais, appris que la TaOle se dis[iosail
à faire ime tiilressc aux Vaiidois dans
ce butf j’ai pensé qu’il était convenable
de l'aUendro ,, soit,’p't’"' uo pas me
donner l’air de lui suggérer quelque
chose, soit tiussi pour ne pas comir
le risque do me metlre sur (pielque
|)oiul en contradiction avec elle. Maintenant que j’ai lu, et je pins le dire,
avec une réelle sali.sfaction , l’adresse
dont il s’agit■; je puis, sans crainte,
amener mon petit coniingeiil j)ûtir la
campagne qui vient de s’ouvrir, persmidé que, si tous ceux (jiii le peuvent,
donnent à notre administration leur
appui moral et matériel , la vicloire
n’est [las doiilense.
,lo ne veux pas iitsiuuer par là que
ce que je fais en ce momeuL soit [im
exemple à suivre et que notre jounud
doive êli'e inondé de correspondances,
mais simplement exprimer le vœu que
quiconque en a l’occasion plaide cette
eansn vraiment nationale et vitale et
réfute, comme j’ai déjà plus d’une fois
lâché de le faiic , les objeclions diverses qui .se produisent un peu parlont, sans doute , contre l’enlrefu'ise
de la Table.
Avant d’aller plus loin, et pour affaiblir d'antanl la grande objection lii'ée
de la pauvreté des Vandois , je dois
reclilier dans ma première lettre un
calcul fait très à la bâte , et suitoiit
par quelqu’un qui ii’étaiil pas fumeur
lui-même ne se doute pas de ce que
coCilo/’c passeteiiqis. Ce n’est pas (piiir/.e
mille l'rancs qui s'en voiil animellemeiil
en fumée pai' le fait des Vaudois, mais
deux fois et probablement trois fois
cette somme.
Cela dit par acquit de conscience et
sans faire l’ombre d'nii reproclie à
mon ami le mathématicien , j’ai'rive
entin à l’objet spécial de ma lettre.
,1’eii avais deux, mais le rémom de cette
semaine m’eii a enlevé im que je me
borne donc à liicnlionner encore. Il
faut iju’il soit bien expliqué et bien entendu qu’il n’est pas question d’une colleetc dont le produit sera partagé entre
les pasteurs et ministres aclnellemenl
en exercice dans les vallées, ce (]tie
plusieurs pourraient |ienser ou craindre; mais d’nn fonds à recueillir, lequel
placé (le la irianiére la plus avaulageùse
’en même lemps'que la pins sfire, donneia un revenu permaneiil desliné à
améliorer le iraitemenL de nos ministres.
Ce qu’il imiiorlo ensuite (réindicr
et d’expliqnei' avec, le plus grand soin ,
c’est la mesure dans laquelle le.s vaudois qui en aitronl l'cconnu le de\ dr
coniIibneront à la formation de ro
caj.)iLal. ,rexplique ma peir^ée en ré.snmanl bricvemeul un entretien ijne j’ai
eu dernièrement sur ée sujet avec un
voisin (,'l bon ami. C’est mi de ceux
qui ne se font jamais tirer l’oreille
|)onr donner leur conlribiilion pour
les dilférenics œuvres de l’Lglise ; il
s’usl donc empressé dti déclarer qn’ii
donneraiL bien volontiers pour celle
que Ton nous recommande en ce rao-
7
^167
menl. Pour lui le devoir de mainlenir
le niinistèie évan}iélique esl hors de
tonte conteslalion ; il esl imposé à
tous ceux qui en prolitciil pour euxmêmes ou pour quelque membre de
leur himille. Mais eornuie je crus m’apercevoir q\i’il se proposait, d'accomplir
ce devoir à trop bon marché, j’abordai
résülumenl avec lui la question du chiffre , en lui demandanl (ce que mes
rapports avec lui me pennetlaienl de
faire sSans indiscrétion) qu’elle devrait
être, à son jupemenl, la quoie à fournir par notre paroisse el quelle part
il en pi'endrait à sa char[ie. Il avait
cerlainemeiu déjà rélléchi à la chose,
car il répondit sans hésiter: «Je me
propose de souscrire pouwingl francs,
el je crois que si tous concourent dans
la même proportion avec leur fortune,
la paroisse l'omiiiia mie conliibnlioit
de k à500 fr., ce qui, ajouta-1-il, me
paraît assez joli ■.
Après un moment de silence qui
parut le surprendre^ beaucoup , car il
s’attendait à mon plein assentiment,
peut-être, à mou admiration: «Ainsi
lui dis-je, vous donneriez un peu moins
{\'un franc par an pour l’entretien de
votre pasteur, iOt noire paroisse mute
entière en fournirait environ une vingtaine! Avouez que ce n’est pas merveilleux el que si .celte' contribution,
était la mesure exacte de , notre allacbemcnl à riüvangile nous en donnerions une bien pauvre idée. El d’ailleurs remarquez, je vous prie, que ce
franc que vous contribuerez et les vingt
de la paroisse étant répartis entre les
!20 fl 24 pasienrs el ministres des
V.,illées, ce sera en l'éaliié quatre à
cinq centimes que voti'c pasteur recevra
annuellement de vous et environ un
franc de la paroisse entière. S’il y a
plusieurs paroisses beaucoup plus considérables et plus' riches que la nôtre,
il en a aussi do plus pauvres el de
plus petites, el si loiites s’imposaient
dans la proportion de la somme que
vous nous assignez, ce serait donc quelque cho.se comme quinze francs annuels
que chaque ministre recevrait des vaufiois eux-mêmes ».
A son tour, mon ami m’écoula sans
m’interrompre, se lui un long moment
après que j'eus cessé de parler, et
ajou'.a simplement : « ,1e n’^' avais pas
pensé ; je n’avais pas consideré la ijneslion à ce point de vue ».
Je suis porsnailé (ju'il doublera, ou
triplera la conlrilrution qii’ii avait arrêtée à part, lui , et je souhaite que
tous eu fassent autant.
, , Voire dévoué
s.
lèou\)cUco rcUjicuee
et faits divers
Italie. — Nous avons la joie d’annoncer à nos lecteurs que, pendant les
dix premiers jours de juin, Turin el
les Vallées Vaùdoises auront à leur tour
le privilège de pos.sédér et d’entendre
CCI éminent serviieiir de Dieu, célèbre
surloul pai' le grand nombre d inslitiVlions ehnrilables, scolaires el d évaiigélisalion qui, après Dïe'u, lui'doivenl
i’exi'slencc, el qui s’appelle OEonGE
Muller de Bri.stol. ,
— La loi destinée à rendre la célébration du mariage civil avant celle du
mariage religieux, absohifrieiVt'o.bligatoirc,' Vient d’être adoptée,' piir'la Cbambre des députés, a la Siiilc d’imeidiscns-sion approfondie el marquéé' d’uii
bout à l’aulré , au coin' d’mie parlailô
convenance de la part dès orateurs qui
ont parlé,pour el contre.
— Mardi 13 du courant, le docteur
Laura .a donné dans la chapelle annexée an temple vandois de Turin , el
sous les auspices de l'Ununi chrelinine
tie jaunes gens de celte ville, une conférence très intéressante sur le suicyle.
Au nombre des causes les plus iiislemenl eiïicaces de celle plaie lalale , le
conférencier a indiqué: a) le malérialisme croissant, b) la soif des j ic.iifisses cl les deceptions qu’elle amène
très souvent à sa suite; c) la mauvaise litléi'alnre et <f) l’instructioii séparée d’une saine éducation morale et
religieuse. Comme remède, M. j<aura
s’est particulièrement attaché à I Ivyiuigile toujours mieux connus, couq'i’is et
surtout vécu, el il a dit sur ce grand
8
468.,
siijel des choses qui, parlanl du cœur,
auront Irouvé, nous aimons à lé croire,
le chemin des cœurs de son nombreux
auditoire.
Suisse. — Le renouvellement du
Consistoire de l’Eglise nationale de Genève, qui a eu lieu le dimanche H
du courant, a donné (tne majorité considérable à l’élément évangélique sur
l’élément dit libéral qui, —^ à l’endroil
précisément de la liberté pratiquée ,
non pas au profit de quelques uns seulement, mais de dons,—; avait laissé
de si regrettables souvenirs de son adminislralion. V ^
Une remarquable Conférence sur la
question il l’ordre du jour de la séparation de riüglise et de rßtat , et
concluant Crancliement pour la séparation, a été donnée, vendredi dernier,
à la salle de la Réformalion par Monsieur le pasteur Coulin parlant, a-t-il
dit, « non pas en son nom personnel
seulernenj,, mais en celui d’une fraction importaiiie, de l’Eglise nationale
de Genève,. ef. peut être de'la majorité
rie ses pasteurs ». Çeltej déclaration
s’ajoutant, à la ■ bo-hlê des arguments
avancés par le. Conférencier à l’appui
de sa thèse, a, comme chacun le comprend,. une très grande importance.
France. — Xejs assemblées religieuses
de Paris ont tiré dès çirconslances
particulièrement graves dans lesquelles
se trouve l’Eglise Réformée de France
un intérêt qu’elles n’avaient pas éveillé
au même degré les années précédenies.
La plupart d’enlr’ellés ont été fort
nombreuses, riches en allocutions pénétrées de l’esprit chrétien le pins pur
et écoulée avec rattention la plus soutenue. Les nouvelles en parliciilier'qui
y ont été données dè l’œuvre d’évangélisation entreprise au milieu des
catholiques sçnt dés plus encourageantes.
— Le Témoignage (journal de l’Eglise Luthérienne ), annonce i» .«es
leclenrc qu’à la suite des réductions
opérées par le Conseil municipal de
Paris, dans le traîtetnenl des pasiehrs
et dans l’allocation pour leur' loge*
meol, l’Eglise luthérienne ne pouvant
faire face à ses''charges, a' 'supprimé
dans son biidgét, le iraitemehl de tl'Ois
paslénrs auxiliaires. — Des réductions
analogues placeront le Consistoire réformé en face de diffcultés financières
non moins sériRuses , mais que le zèle
des chrétiens de ces deux églises réussira, nous en sommes cerlains, à
surmonter.
— Les Bassoiilos du S, de t’AFriqiiè
ont souscrit 100 IV. pour l’œuvre Mac
Mi à Paris, Des cannibales de hier
faisant évangéliser des parisiens, n’ést-;
ce pas là un de ces signes auxquels il
vaut la peine de prendre garde ?
La Chambre des députés a discuté
et approuvé par. 453 voix contré 401
le projet de loi élaboré par plusieurs
ministres et tendant à rendre obligar
loire la célébration du mariage civil
avant celle du mariage ecclésiastique.
Elle a ensuite repris l’examen de la
lob sur'la consimeiiion des nouveaux,
chemins de fer.
En France lerminislére Gontinue à
avoir ttne position peu solide à cause
de sa poliliqiie 'étrangère , surloirt en
ce qui concerne l’Egypte. i
¡L’étal dès choses en Russie conlinne
à: être très inquiétant. L’assassin' du
czar a fait des révélalions en suite desquelles on a fait un très’ grand nombre d’arrestations dans les rangs de la
bourgeoisie et dans ceux de la noblesse,
I.es cantons de lu Suisse ont été.appelés dimanche dernier à se prononcer
pour ou contre le rélablissemenl de la
peine de mort. Dans le canton de Berne
il y a eu 20,000 voix de majorité'pour
le rélablissernenl. ¡ü
AVIS.
La (’onférence du Val-St -Martin
se réunira dans laparoissede Villesèche le 3 juin prochain.
Le sujet à l'bV.dre du joué est!:
La discipline dans l'Eglise.
Ernest Uobert, oéA'Unt'etÀdmifiisïradur.
iMg'nèrnt, iniprTcbiaiTtoroi et Sta.scaTéllÎ.