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le année
Juillet 1868.
L'ECHO DES VALLEES
NOLVKUÆ SERIin—
Que toutes les ohoses qui sont véritables. occupent
vos pensées — ( Phiîippiens., IV. 8. )
SOMMAlliE: — Liberté pour tous. — Importance de la langue française pour
les Vaudois. — Fragment d un rapport. — Monument de Luther ù
M'orms. — Fails divers. -- Vallées Vaudoises.
LIBERTÉ POUR TOUS
C’était au dernier Synode, à propos de la bénédiction
nuptiale , qu’un certain nombre de personnes eussent volontiers rendue obligatoire pour les époux qui font partie d’une
église vaudoise. — Liberté I liberté ! entenclimes-nous dire
aussitôt à l’entour. Kt ce n’était pas la première fois que cela
nous arrivait. Un Synode s’avise-t-il, par exemple, d’entourer
de quelques timides précautions le passage du monde à cette
société religieuse où l’on ne devrait entrer que par la conversion et la profession de foi la plus spontanée et la plus
explicite? — Etroitesse que tout cela. — Une fois admis,
les membres de l’église sont-ils tenus de satisfaire à certaines
conditions pour devenir électeurs et pour faire, en celle
qualité , partie de l’assemblée délibérante dite de paroisse ? —
Voilà notre monde qui crie à l’arbitraire. Vous semble-l-il alors
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que ces électeurs si jaloux de leurs droits devraient tout au
moins faire acte de présence aux assemblées oii ils sont convoqués, en sorte qu’on ne vît pas des fonctionnaires , ou des
représentants nommés par quinze à vingt voix là où l’on en
pourrait compter deux à trois cents? — Quel despotisme
que le vôtre ! quelle atteinte à la liberté du prochain !
Vraiment à l’ouïe de ces protestations de libéralisme on est
quelquefois tenté de se demander si peut-être on ne serait pas
soi-même un peu rétrograde. Il y a tant de gens qui sont
cléricaux sans le savoir ! — Et puis comment se ranger
tout d’un coup du côté de ces libéraux vulgaires qui,
avec je ne sais quel évêque piémontais d’il y a vingt
ans, font de la liberté la faculté pour chacun d’agir
comme bon lui semble, sans d’autres limites que ses trente
six volontés? Il est donc évident qu’il y a ici quelque confusion dans les idées, et que le plus simple est de s’expliquer.
Or sans vouloir parler de la nature de la liberté ni de son
étendue d’une manière générale, et tout en nous restreignant
au cas particulier qui nous occupe, il faut bien reconnaître
d’entrée qu’il y a liberté et liberté , et que ce mot n’a pas la
même valeur pour tout le monde. Ecoutez: liberté pour tous!
disent les uns ; — liberté pour nous ! répondent les autres. —
La différence , comme on voit, n’est pas si mince ; et pourtant
que de fois on se contente de crier liberté, sans s’inquiéter de
ce qui. vient après I — La liberté pour nous et pour ceux qui
partagent nos vues, mais c’est le pain quotidien de tous les
despotes du monde : pleins pouvoirs pour les uns, tremblement
pour les autres; pour ceux-là privilège, pour ceux-ci patience
et soumission. — C’est possible, nous dira-t-on , mais pour
trouver la liberté ainsi pratiquée il faudrait aller jusqu’au Vatican. Soit; le plus loin sera le mieux. Seulement, le malheur
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— loi
veut que la maxime, qui aurait honte d’elle-mème sous cette
forme trop sauvage, se présente d’ordinaire avec d’autres couleurs moins suspectes. On ne dira plus: liberté poumons; mais
on dira: liberté pour les plus nombreux! et naturellement ce seront les intéressés qui pousseront le cri. Sont-ils deux du même
sentiment? il faut que le troisième se soumette et les suive :
sont-ils quatre..., une centaine, des milliers, des millions? —
Alors leur voix devient, à les entendre, la voix même de
Dieu, il n’y a plus d’autorité que la leur, plus de bien que ce
qu’il leur plait d’appeler de ce nom, plus de mal que ce qu’ils
désapprouvent, et malheur à qui ne marche pas avec eux !
Il est superflu d’avertir que nous sommes ici en plein catholicisme, à moins qu’on ne veuille dire qu’il s’est vu mainte
église protestante se comportant à peu-près comme si elle
avait été catholique. La chose s’est vue en effet, et pourrait
bien se voir encore , tant il nous en coûte de sentir d’autres
libertés cà côté de la nôtre. Dieu soit loué, dans nos Vallées
ce catholicisme s’en va disparaissant de jour en jour, et l’on
peut dire qu’il n’existe déjà plus. Non seulement les églises
vaudoi.ses ont leur place au soleil à côté de l’église ci-devant
dominante, ce qui est une chose merveilleuse ; mais encore
il est facultatif à chacun de choisir ses croyances et son culte
selon ses lumières, ou même de rester complètement en
dehors de toute église ou communauté religieuse, sans qu’il
ait à rendre compte de sa conduite à d’autres qu’à Dieu.
Sommes-nous donc enfin arrivés à la liberté pour tous? —
Pas tout à fait. Car voici revenir sous une autre forme encore
ce libéralisme égoïste dont nous parlions. Pour les uns, disions-nous, l’individu doit disparaître dans la communauté,
la liberté d’un seul s’évanouir devant celle de doux ou trois :
pour les autres au contraire, c’est la liberté de deux ou de
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trois la liberté de l’association qui doit s’éclipser devant la
liberté d’un seul. — Lequel à vos yeux est préférable ?
le système qui sacrifie la liberté de l’individu à la liberté de
l’église, ou celui qui fait plier la liberté de l’église devant
l’individu ? Celui-ci, sans doute, paraît moins menaçant que
celui-là, ce qui certes est déjà un progrès. Néanmoins que
ce soit la domination de plusieurs sur un seul, ou la domination
d’un seul sur plusieurs, il nous semble qu’il y a toujours domination de quelqu’un, ce qui veut dire souffrance ou gêne
pour les autres.—Dans les rouages d’une montre, il suffit
d’un grain de sable pour causer le désordre et tout arrêter.
Il n’en va pas autrement dans l’église, et cela seul suffirait
pour expliquer la difficulté de nos mouvements.
Or voilà ce qui nous empêche de crier : liberté ! chaque fois
qu’on crie liberté. Vous êtes, dites-vous, membre de l’église,
mais vous entendez y avoir vos coudées franches, vous ne
pouvez la suivre dans la voie que lui tracent sa confession de
foi, ses statuts, son Synode; veuillez donc alors la laisser
aller toute seule. Vous voulez ,y entrer librement, y rester
librement, en sortir librement. Rien de mieux jusque-là ; seulement à côté de votre liberté, faites aussi une place à celle
des autres, qui mérite le même respect. Vous ne trouvez pas
bon que l’église vous contraigne d’entrer; ne la contraignez
pas à vous admettre. Vous n’entendez pas qu’elle vous retienne par force ; à votre tour, ne lui faites pas un devoir de
vous garder dans son sein, quand votre présence lui devient
nuisible ou inutile. La liberté de vos frères ne doit point, dites
vous, gêner la vôtre : à la bonne heure. Mais est-il juste que
votre liberté à vous soit un obstacle pour celle de la société
dont vous faites partie ? et pareeque vous ne pouvez marcher
comme la communauté, faudra-t-il qu’elle se condamne' à
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marcher comme vous ? Ou bien encore, parceque votre église
n’a le droit ni de vous faire mourir, ni de vous châtier, ni de
vous abandonner, ni peut-être même celui de vous excommunier, lui sera-t-il défendu à elle de respirer et de vivre ?
Tout cela nous semble diflicile à soutenir. — C’est pourtant
ce que signifient les prétentions de quantité de personnes
dont l’inertie rend nos règlements inutiles et notre marche on
ne peut plus pénible.
Comment avancer avec le genre de recrues qui s’imposent
en quelque sorte annuellement à nos églises? Voici des catéchumènes dont les connaissances sont évidemment insuffisantes, et la profession de foi à peu près nulle : mais ils ont quinze
ans, ils en ont seize ou dix-sept, il faut qu’ils entrent dans
l’église avec les autres. Une fois introduits, ils fréquentent le
culte ou l’auberge ; ils participent à la communion ou n’y
paraissent plus ; ils observent le jour du Seigneur ou ils le
profanent; leur conduite est bonne ou inauvai.se; n’importe,
ils sont là, ils y restent, c’est leur droit, du moins ils le disent,
('t ils sont crus. Plus tard ils se marient : leur mariage accompli ou, comme on dit, célébré devant l’officier de l’état
civil, les époux viennent à l’église implorer sur cet acte solennel de leur vie la bénédiction du Seigneur, ou bien ils s’en
passent. Ne sont-ils pas libres? D’ailleurs ils n’auraient, pour
leur excuse, qu’à désigner à l’église tel ou tel de ses membres
qui n’est pas en règle comme ils le sont, et qui n’en reste
pas moins nanti de tous ses droits et privilèges. Et alors que
peut faire l’église? Subir humblement la liberté des uns et des
autres, et se taire. — Quand les chrétiens de nos Vallées verront-ils qu’ils sont appelés à autre chose, qu’au silence et à
la résignation ? Quand se diront-ils qu’ils ont, comme église,
une tâche que le monde ne saurait accomplir à leur place ?
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D(‘ riinporlance de la laupe française pour les \audois
Le discours qui forme en quelque sorte la clôture de l’année
scolaire , a été prononcé cette fois par M*" le professeur Etienne Malan
avec la permission duquel nous en détachons le fragment qu’on
va lire.
Parmi les questions à l'ordre du jour nous trouvons, dit-il, celle de
l’étude et de l’usage de la langue française dans nos établissements d’instruction en général , et plus particulièrement dans nos écoles secondaires. — Vous présenter quelque réflexions sur ce sujet et rappeler
sur lui votre attention , tel est le but de ce travail.
Une connaissance approfondie de la langue française est non seulement utile , mais encore , dans les circonstances présentes de notre
population , tout à fait indispensable. — Tout le monde parmi nous
ne souscrira pas à cette proposition, si nous en jugeons par les efforts
que l'on ne cesse de faire depuis quelque temps pour mettre l’élude
de cette langue sur l’arrière plan au profit de la langue italienne. —
Nous sommes loin de nous opposer à ce que. la langue de notre
patrie soit la langue officielle de nos établissements d’instruction. La
mesure qui l’a ainsi voulu est naturelle et légitime ; c’est un acte
de patriotisme auquel nous avons nous-même applaudi de grand
cœur ; nous désirerions même que la langue italienne fût plus en
usage parmi nous et surtout qu’elle retentît plus souvent dans nos
chaires ; ce n’est pas sans un vif regret que nous devons constater
qu’à cet égard , loin d’être en progrès, nous avons feit bien des pas
en arrière, n’ayant point conservé notre premier amour. — Nous
sommes donc loin de vouloir diminuer l’importance de l’étude de
l’idiome de notre patrie. — Nous sommes italiens ; parlons italien ;
que l’italien soit la langue officielle non seulement du collège, mais
encore de toutes nos écoles secondaires, et que tous les professeurs
soient • tenus de connaître cotte langue et soient capables de s’en
servir convenablement dans son enseignement, — Nous croyons que
c’est là notre droit et notre devoir.
Mais d’un autre côté ne perdons pas de vue la position que l’histoire nous a faite — Cette position modifiée à certains égards n’est
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pas enlièremeiit rhangi'e par l’avènement de la liberté parmi nous et
par notre admission dans la grande famille italienne.
Xe perdons pas de vue les intérêts temporels de notre population,
et particulièrement ceux de tant de jeunes gens qui, obligés de se
faire une carrière à l’étranger, n’y peuvent parvenir que grâce à la
connaissance de la langue française. — Surtout ne perdons pas de
vue nos besoins spirituels et religieux — Homme évangéliques nous
avons tout à gagner à nous maintenir en relation avec nos coréligionnaires de langue française dont nous recevons les livres de science
chrétienne , d’instruction et d’édification que l’Italie ne peut pas
encore nous fournir.
Tenons compte aussi des préjugés d’une partie de notre public
religieux qui habite les localités les plus reculées de nos Vallées , et
pour laquelle un (hangement de langue dans le culte équivaut
presque à un changement de religion. Combattons ces préjugés, mais
sans nous flatter de les dissiper tout d’un coup. — Disons nous bien
qu’il faudra encore du temps pour que nous voyions se réaliser la
crainte ou l’espérance manifestée un jour par un membre de notre
Synode, qui s’adressant à des amis étrangers de langue française et
les invitant à venir nous visiter leur disait : hâtez-vous de venir si
vous voulez encore comprendre les Vaudois et en être compris ; le
français s’en va , et ai vous tardez , vous ne trouverez plus de ce
coté des Alpes que des italiens parlant la langue italienne.
Malheureusement , si le français est en usage parmi nous et s’il
promet de l’ètre encore longtemps, il ne s’en suit pas qu’il soit bien
parlé.... De la même manière que nous légitimons très à notre aise
la connaissance imparfaite que nous avons de la langue italienne en
alléguant le milieu presque français dans lequel nous vivons , nous
légitimons également notre ignorance de la langue française en disant
qu’après tout nous sommes des italiens, demeurant en Italie —
Nous nous permettons ainsi très facilment de négliger l’etude de la
langue française. Nous nous contentons de ne l’apprendre qu’en gros,
sans en approfondir les ressources et nous exercer à son maniement.
— Aussi notre langage est-il pauvre de mots , et se réduit-il à un
petit nombre d’articulations entredes mains qu’on peut dire bien imparfaitement exercées même là où elljes devraient l’être le plus.—11 est vrai que
la. langue française ét^t ordinairement parlée par la grande majorité
.des personnes un peu cultivées de notre population , elle pourrait
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s’étudier d’une manière pratique et vivante; mais il faudrait qu’elle
fût plus généralement bien parlée qu’elle ne l’est pour que cet avantage ne se changeât pas ti'op souvent en un inconvénient pour nous.
Nous avons effeclivement tous fait l’expérience que les élèves qui
parlent mal français dans leurs familles ne parviennent que beaucoup plus difiicilement à s’exprimer d’une manière un peu correcte,
que ceux qui ont habituellement parlé patois jusqu’à leur entrée au
Tollége. Nous ne pouvons par conséquent compter que d’une manière
très partielle sur la conversation , ce qui est pour nous un véritable
détriment. — Car, comme le dit Vinet, ^ une société qui ne sait
pas sa langue , ainsi que celle qui ne sait pas sa religion , n’est pas
dans les termes d’une civilisation véritable. Il y a , dit-il encore , il
y a telle langue qui bien apprise doit à elle seule donner une excellente forme aux esprits; et si une langue imparfaite sert mal la civilisation d’un peuple , l’emploi imparfait d'une langue porte à la civilisation plus de préjudice encore »
pCragment ^Rapport.
• A côté de quelques rapports négligés ou équivoques nous en
aurons de fidèles, nous en aurons de positivement instructifs », disions
nous dernièrement en parlant du jugement que nos Consistoires sont
appelés à porter annuellement sur les paroisses qu'ils administrent.—
Les lignes suivantes , qu’on nous autorise à publier diront si nous
étions dans l’erreur.
Nous désirons maintenant, ainsi s’exprime le rapport que nous citons,
porter un jugement impartial sur l’état spirituel de la paroisse confiée
à nos soins.
A l’égard de la piété et de la vie vraiment chrétienne, nous reconnaissons que le progrès est bien faible, A en juger par la fréquentation du culte public , nous serions tentés de croire qu’il y a de
quoi être satisfaits. — Mais quand nous nous sommes ejenftândé si
l’habitude et la routine n’y étaient pas pour beaucoup , noff avons
été forcés de reconnaître que ce signe pouvait nous Ivompéi*, comme
il nous trompe en effet ; car ces mêmes chrélifns que ndus avons
vus assis et attentifs sur les bancs de l’église , si nous les suivons
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dans leur maison ou à leur trafic , oh ! alors tout change . et ils
redeviennent ce qu’ils n'onl jamais cessé d’être au fond , — des
hommes du monde, uniquement préoccupés de leurs gains, de leurs
intérêts matériels , et agissant le plus souvent d’une manière tout
opposée aux principes évangéliques qu’ils professent. — Dans les
maisons pas de culte en commun : à l’exception de dix â douze familles où cette bonne pratique est régulièrement observée , les autres se contentent, nous dit-on, de recommander leur âme à Dieu.
Dans la vie publique, les procès sont le fléau de nos pauvres gens ,
on accourt chez le juge pour des riens: puis c’est le jeu, le cabaret
l’ivTognerie , avec toutes leurs déplorables conséquences. Oh ! le mal
est bien grand : plus fort, plus étendu que le bien. — Nous prions
Dieu qu'il donné à chacun des membres de cette paroisse de le sentir,
d’en être profondément- affligé Puisse-t-il répandre sur nous tous son
Esprit de grâce et faire revivre ces mortsl —.\lors nous ressusciterons
en nouveauté de vie, nous marcherons non plus selon la chair, mais
Selon l’esprit , et le royaume de Dieu sera venu jusqu’à nous ».
X_Jiio sajir© d.élil>ér*atioii
Le huitième du mois de juillet mille huit cent soixante huit, la Table
régulièrement convoquée et réunie dans la salle ordinaire de ses séances à la Tour, et au nombre des ci-bas signés, a pris la délibération
suivante. Informée que le Rev, docteur Stewart pasteur de l’Eglise
libre d’Ecosse à Livourne . et depuis trente ans l’ami dévoué et l’infatigable avocat de l’Eglise Vaudoise , vient d’être désigné par le vote
unanime de l’Assemblée générale de son Eglise pour occuper le poste
important de Convener du comité continental de cette Eglise ,
Reconnaissant que . dans la position qui serait faite au D'' Stewart
par cet appel si honorable de son Eglise , il aurait l’occasion . aussi
bien que les moyens, de manifester encore son vif intérêt pour tout
ce qui tient â l’avancement du règne de Dieu en Italie; et persuadée
en même temps que l’éloignemeni n’affaiblirait pas son affection
pour l’Eglise 'Vaudoise; — sentant d’un autre côté , que le vénéré D
Stewart est un de ces gommes'providentiels que le Seigneur avait
préparés et dont il s’est servi pour accomplir au sein de la petite
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église vaudoise, et par son moyen dans tonte la péninsule, les grandes
choses qui font la joie de tout enfant de Dieu; que nul plus que lui
ne connaît la nature et les difficultés de l’œuvre d’évangélisation en
Italie , et n'est qualifié pour y prendre part, soit comme ami éprouvé
des Vaudois dont il possède la confiance et l’estime , soit comme
l’organe et l’intermédiaire de cette Eglise libre d’Ecosse qui continue
à être au premier rang parmi les soutiens de cette œuvre;
Ne pouvant douter que l’éloignement d’un homme d’une pareille
autorité et d’une pareille influence ne fût préjudiciable (non seulement à l’église vaudoise qui n’a jamais réclamé en vain son secours,
mais aussi et surtout à l’œuvre même d’évangélisation par le moyen
de l’église vaudoise , œuvre à la quelle il est intimement associé;
Par ces considérations la Table , convaincue d’être l’interprète fidèle de l’église vaudoise tout entière , exprime le très-vif désir et
adresse à la représentation légale de l’Eglise libre d’Ecosse , l’humble
mais instante prière que le cher et vénéré D' Stewart soit laissé au
poste qu’il occupe depuis si longtemps et où son activité a été si
abondamment bénie.
Les Membres de la Table
LE MONUMENT DE LUTHER A WORMS
Le 16 avril 1521; vers midi , un moine enveloppé de son froc franchissait dans un modeste char couvert, les* murs de l’antique cité de
Worms, ^ Devant lui cavalcadait le héraut impérial , cent cavaliers
l’escortaient, et deux mille personnes accourues pour le voir, l’accompagnaient à travers les rues de la ville. Quant à lui, calme et serein
il s’arrête devant l’hôtel des Chevaliers de Rhodes , et pendant qu’il
met pied à terre on lui entend prononcer ces mots: « Dieu sera
ma défense •.
Il était attendu. A Worms en effet se trouvait alors l’Empereur
Charles Quint avec tous les princes de l’Empire, '— et le moine déjà
condamné â Rome était cité à comparaître devant la diète pour y
être examiné sur sa dôctrine et ses écrits. — « Luther est arrivé,
dit l'Empereur aussitôt, qu’allons-nous faire?,» — Ce q'ue Sigismond
a fait à Jean Huss. lui répondirent quelques uns de ses couseiUers.
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Le lenJemain , 17 avril , à quatre heures apres midi , Martin
Luther , après avoir péniblement traversé un foule immense , était
enfin parvenu à l’hùtel de ville. Là , en présence de Sa Majesté Impériale et des états de l’empire , réunis au nombre de deux cent et
quatre personnages, monarques, princes, prélats, un chancelier somma
le moine de répondre à cette double question : « premièrement , lui
dit-il en lui montrant une vingtaine de volumes déposés sur une
table, reconnais-tu que ces livres ont été composés par toi ? — Secondement , veux-tu rétracter ces livres et leirr contenu?». Luther
répondit affirmativement à la première question ; quant à l’autre , il
obtint un jour pour se recueillir.
Le jeudi soir , 18 avril , après une journée d’angoisse et de supplications , l’humble fils du mineur de Mansfeld , se déchargeant de
tout sur le Seigneur , se trouva de nouveau debout au milieu de
cette assemblée de rois, en face de l’Empereur. — Ce fut alors qu’avec
une douceur qui lui était peu naturelle , mais du ton le plus assuré,
Luther passant en revue ce qu’il avait écrit et enseigné, déclara
ouvertement qu’il ne pouvait rien retirer a moins qu'il ne fût convaincu
d’erreur par la Bible même. — Si l’on ne rend ma conscience
captive de la Parole de Dieu , je ne puis et ne veux rien rétracter ».
Puis accablé de fatigue et d’émotion et portant son regard sur cette
assemblée qui d'un mot pouvait disposer de sa vie en l’envoyant au
bûcher , le grand réformateur prononça cette parole à jamais mémorable ; « Me voici : je ne puis autrement. Dieu m’assiste. Amen !».
Passons maintenant par dessus trois siècles et demi ; et revenons
à Worms le jeudi 25 juin 1868 C’est bien toujours cette ville sur
la rive gauche du Rhin; mais sa population a si fort diminué que
c'est à peine si elle compte aujourd’hui quatorze mille habitants,
dont mille israélites et quatre mille catholiques — Depuis deux jours
on arrive de toutes parts pour l’inauguration de la Statue de Luther ;
œuvre admirable de Rietschel et de ses élèves; de leur côté les habitants sè préparent à faire à leurs hôtes le meilleur accueil possible;
tous pavoisent leurs demeures, élèvent des arcs de triomphe, exercent
leurs chants dans les écoles ou composent leurs discours. Tous, sans
distinction de culte , parlent du réformateur en le nommant notre
Luther. La fête est allemande autant que protestante.,— Dès le mercredi , dès le malin du jeudi surtout, le monde arrive par milliers ,
12
— no
toutes les cloches sonnent A grarnle volée , les temples sont remplis.
Le roi de Prusse avec le prince royal , le roi de Wurtemberg , des
ducs et dus grands-ducs sont venu.’ pour la fête.
Mais voici un cortège qui s’avance ; c’est la jeunesse des écoles ,
ce sont des centaines d’écclésiasliques et de professeurs, les représentants des universités, habitants des villes voisines et des compagnes,
protestants venus d’Europe et même d’Amérique ; bien.tôt les chanteurs
se disposent ; les garçons et devant eux les jeunes filles entourent le
monument comme d’une bordure de marguerites. L’enceinte réservée,
puis la place entière se remplit de vingt mille assistants. Les discours
se succèdent, se prolongent; mais tout ce peuple a l’esprit à autre
chose
Enfin le moment est venu; l’horloge frappe trois heures. — Tous
les regards se tournent vers le centre de la place ; le doyen fait un
signe; un coup de canon retentit, elle voile qui couvrait le monument
s’ abaisse peu à peu; la tête de Luther apparaît... Une indicible émotion
s'empare alors de la foule ; une acclamation , dit un témoin de cette
scène , une acclamation telle que je n’en entendis jamais de pareille .
à demi étranglée par les sanglots, mais joyeuse, d’une joie puissante
se dégage de toutes les poitrines, grandit, s’élève, s’élance. Le voile
descend toujours : voici la main du Réformateur posée sur la Bible.
Voici plus bas , et assis sur le piédestal , .Tean Huss , 'Wicleff , Savonarole et Valdo. — Plus bas encore et à trois mètres de distance ,
sept autres statues représentent les défenseurs les plus ilévoués de
la Ruformation en Allemagne , l’electeur Frédéric , le landgrave Philippe de Hesse-. Mélanchton ei Reuchlin avec les trois villes d’Augsbourg , de iMagdebourg et de Spire. — Les spectateurs n'en reviennent pas d’admiration ; tout le monde est debout , pas une tête ne
reste couverte , pas un œil ne reste sec_______ Tout à coup un chant
se fait entendre, faible d’abord et coupé par l’émotion , mais toujours
grandissant; c’est le chant de Luther que vingt mille poitrines entonnent sans attendre le signal convenu. — « Moment solemnel . dit
un témoin , peut-être le plus pur de la fête . ou les cœurs et les
esprits furent le plus véritablement â l’umsson ».
Telle avait été à Worms la journée de jeudi 18 avril 1521 . telle
fut, à plus de trois siècles de distance . la journée du jeiidl 25 juin
1868. — Nous n’avons parlé ni des nombreux discours , ni des ser-
13
- Ili
vices religieux où des princes assistaient , ni des cliants qui ¡•('sonnaient du haut des tours , ni di.s feux dont chaque soir s’illuminaient la ville et surtout le monument, — Beaucoup moins encore nous
appartient-il de dire si cette fête allemande a été pour la Prusse un(i
victoire de Sadowa • sans aiguilles». — He qui nous intéresse infiniment d’avantage , c'est la fête protestante cette immense congrès
évangidique « où personne n'a ete mauJit , personne glorifié»; —
c’est ce » petit moine » que Charles Quint avait d’abord trouve « in
signifiant», et qui a tant grandi pendant que l’Empereur « toujours
Auguste » a disparu. — 0 la puissance irrésistible d’une conscience
qui ne reconnaît de maître que la parole de Dieu i — Enfin , pour
quoi ne le dirions-nous pas? - Comme Vau lois, nous savons gré
au grand artiste Rielschel, d’avoir fait dans ce merveilleux groupe
de statues , une place à notre pieux et vaillant ancêtre Pierre Valdo,
— aussi bien qu’à notre illustre compatriote Savonarole,
i.e Pape et l’itiitrielie. L’Empereur d’Autriche avait à peine
sanctionné de sa signature (le 25 mai) les lois confessionnelles déjà
votées par le Parlement, que le nonce papal , tout vêtu de violet, se
rendait ( le 2 juin ) auprès du baron de Ileust pour lui remettre la
protestation de la Cour de Rome. Plus tard, dans son allocution du
22 juin en consistoire secret, comme on dit. le pape lient pour abominables aussi bien la loi fondamentale du 21 décembre 1867, que
les lois du 25 mai qui en sont dérivées. — Puis, toujours en vertu
de la même autorité, il déclare « nuis et sans force » tous ces décrets
et ceux qui les ont suivis. — Le gouvernement d’Autriche, on pouvait s’y attendre, a fait à tout cela une réponse conforme en repoussant cette intrusion d’un pouvoir élranger; et maintenant les municipalités de l’Empire, à l’exemple de celle de Vienne, rivalisent de
zèle pour l’appuyer et l’encourager de toutes leurs forces. — Ce beau
mouvement dans le sens de la liberté religieuse n’a pas laissé que
d’étonner le pape lui-même «Nous n’aurions jamais pensé, dit-il en
commençant son allocution du 22 juin , nous n’aurions jamais pensé
qu’aprés 1e concordat que nous avions conclu â la grande joie de
tous les bons avec l’Empereur et Roi apostolique d’Autriche, nous
serions forcé aujourd’hui, après treize ans environ , de déplorer les
très-graves malheurs et calamités, qui par l’œuvre d’hommes
ennemis, affligent et tourmentent pitoyablement l’église catholique
dans l’Empire d’Autriche... »
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i.c corps des Pasteurs a été convoqué par la Table à la Tour
le 7 juillet pour examiner sur leurs aptitude aux fonctions d’aidesévarigélistüs MM. les Instituteurs P. Forueron et F. Guigou, qui s’étaient
présentés aux termes de l’article 35 de notre constitution ecclesiastique. Après une délibération aussi calme que prolongée , et pour
des considérations complètement étrangères à la personne et au caractère des deirx postulants , auxquels il fut rendu le meilleur témoignage , l’assemblée , ne voulant rien faire avec précipitation, crut
que le mieux était d’attendre avant de procéder à un examen de cette
importance. que le Synode en ait clairement établi par un réglement
et le but et le programme
Cxamena et promotions de Juillet Le 11 juillet vers
10 h. du matin , tous les examens étant achevés , le temple de La
Tour s’ouvrit pour recevoir la jeunesse de nos divers établissements
d’instruction secondaire. — Si avec tous les élèves qui ont suivi plus
ou moins régulièrement les leçons du Collège , de l’école s normale
et de l’école supérieure des jeunes filles, nous avions pu réunir ceux
de l’école latine du Pomaret ainsi que nos étudiants en théologie de
Florence ou de l’étranger , c’est quelque chose comme 222 jeunes
gens , — le centième de notre population vaudoise, — que nous
eussions vu sur les bancs de l’église : encore faudrait-il y ajouter les
quinze ou vingt personnes qui donnent l’enseignement à tout ce
monde.— Il est vrai que si de ce nombre nous retranchons les externes
et tous ceux qui pour de bonnes ou de mauvaises raisons n’ont pu
se présenter aux examens ou sont définitivement échoués , le reste
se réduit A 189 environ dont une trentaine avec un ou deux examens
¿refaire en automne. — Mais d’un autre côté : au nombre de 150 ou
peu s’en faut , qui ont obtenu immédiatement leur promotion . nous
n’en comptons pas moins de 75 dont les chiffres ont atteint ou dépassé
les 80 points sur cent, notre maximum général. — Ceux qui savent
ce que ces chiiîres exigent de travail opiniâtre n’envieront pas à la
Jeunesse de nos écoles l’air pur qu’elle va respirer.
l,eB cinq Riinëcs de l’école supérieure des demoiselles
ont compté dans le courant de l’année au delà de 80 élèves , dont
plusieurs , il est vrai , ne sont point arrivées jusqu’à l'époque des
examens on n’ont pu subir l'épreuve avec succès , mais qui nous
ont donné en définitive 51 promotions, dont 22 avec 80 centièmes ou
au dessus ; — ce qu’on peut tenir pour un résultat satisfaisant.
Uons les trois années de l'école normale, les examens ont
également donné des résultats , tels qu’on ne les avait pas vus depuis
une dixaine d’années. — Sur les 40 et quelques élèves régents ou
auditeurs qui ont suivi les leçons , trente trois ont affronté l’épreuve
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des examens et en sont sortis en échelonanl leurs cltül'res. cinq entre
6i et 70 centièmes, treize entre 70 et 80 , douze entre 80 et 90 . et
deux plus haut encore: succès encourageants, vu que même en tenant compte de huit élèves renvoyés â l’automne pour une ou deux
branches , et d’un qui est échoué, il en reste toujours encore vingt
quatre , c’est-à-dire les trois quarts , qui ont été promus pour tous
leurs quinze â vingt examens.
L’école latine de Pnmaret, avec ses trois années, correspondantes
aux trois premières du collège de La Tour , a eu 20 élèves aux examens de Juillet , quelques autres s’étant retirés pendant l’année. Sur
les 17 admis à la promotion , 9 l’ont été avec des chiffres allant de
80 à 91 centièmes. — Nous en connaissons qui se contenteraient à
moins
•%u Collëtte de La Tour . les quatre premières années comptaient ensemble . — les externes compris , — une cinquantaine d’élèves , — 7 à la P année , 19 à la 2®, et 24 dans les deux suivantes
dont on peut bien retrancher tous d'abord les six externes et les
sept qui ont échoué. — Des autres qui ont plus ou moins réussi .
quinze ou seize ont un ou deux examens à refaire en automne, et
une vingtaine ont été promus sur le champ, moilé avec 80 et au
dessus, moitié avec des chiffres moins élevés. — Bien supérieurs oiK été
les résultats obtenus dans les quatre dernières années dites de Rhétorique et de Philosophie, où de vingt sept étudiants un seul a échoue
quatre pourront être promus en automne moyennant quelques examens à refaire, et vingt deux l’ont été le jour même. Parmi les douze
étudiants qui ont obtenu ici de 80 â 91 , il faut compter , chose
peu ordinaire , tous ceux de la 2™® année de Rhétorique. — On ne
pouvait mieux désirer.
I*e notre école de Théolnf;ie à Florence nous dirons seulement
que de ses neuf étudiants plus de la moitié ont fait de fort
bons examens, et qu’il ne reste â deux d’entre eux que peu de chose
à faire pour avoir terminé leurs études. — D’autres étudiants , qui
se préparent également pour le compte de l’eglise vaudoise , sont
l’un á Berlin , et trois ou quatre à l’oratoire de Genève. — D’entre
tous nous eu avons trois que nous pourrons prochainement ajouter
aux quatre jeunes évangélistes qui depuis un an déjà, sont, on peut
le dire , en pleine activité missionnaire , ayant en quelque sorte été
appelés de Dieu à son service , avant de l’être officiellement par les
hommes.
Il faudrait maintenant revenir au temple de La Tour pour y voir
et entendre autre chose que des chiffres, — toujours secs malgré leur
réelle importance ; — il faudrait ajouter quelque chose encore ,â ce
que nous avons cité plus haut du discours de M” le professeur E.
Matan , prendre noterai! moins dfe cette parole de M® le professeur
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Nicolini, nous rappelant que le sel des études c’est la connaissance
de Dieu par son Fils, faire part à nos lecteurs de l’allocution tout à
la fois grave et affectueuse de le Modérateur et Inspecteur Lantaret,
prêter l’oreille enfin aux quelques chants'que nous ont fait entendre
les demoiselles et l'école normale , en attendant ceux que le collège
méditait pour nous en égayer l’année prochaine; — mais il est temps
de nous arrêter . et c’est tout au plus si nous pouvons recueillir
encore deux ou trois observations.
La première c’est, nous disait Mr Lantaret, que sur les deux cents
élèves ou professeurs de nos trois établissements de La Tour, pas
un n’étant mort dans le courant de l’année, on peut dire que trois
ou quatre au moins ont été littéralement épargnés, ce qui donne au
Seigneur rlouble droit sur leur vie.
La seconde , ajoutait il , c’est qu’après tout ce que notre jeunesse
vaudoise a reçu de soins et d’instruction dans nos écoles de toute
sorte, il est quelque peu étonnant de voir à quel point ces mêmes
jeunes gens oublient le rocher d’où ils ont été taillés — Les études
achevées , l’on reste au pays, ou bien l’on s’en va au dehors. Grâce
au peu de connaissances que l'on possède on fait de bonnes affaires,
même très-bonnes quelquefois : mais les établissements auxquels on
doit sa culture , ils sont oubliés , vraiment oubliés. — Est-ce bien ?
— Des huit ou dix qui vont nous quitter n'y aurait-il personne qui
veuille se souvenir de ceux qui restent ?.
Il est enfin une innovation que tout le monde a bien accueillie.
Les jeunes demoiselles n'ayant pu - cette année à cause de leur
nombre avoir leurs promotions dans leur salle, ordinaire , force a
été de réunir dans le même local les élèves des trois établissements
Quand cette circonstance n’aurait eu pour effet que d’amener aux promotions un public plus nombreux que de coutume, il y aurait déjà
de quoi s’en féliciter. Mais un bien ne vient jamais seul, et dès le
lundi à l’aube du jour , tout cette jeunesse était sur pied pour se
rendre ensemble au sommet de la Vachère et y secouer le peu qui
restait du long ennui d’un mois d’examens. — Le moyen pour leurs
institutrices et 'leurs professeurs de ne pas courir après cette compagnie volante? - Inutile de dire si les ébats furent joyeux —Qu’aux
maîtres et aux élevés l’on voie s’unir encore les parents et les
amis , comme nous eûmes le bonheur d’en avoir déjà cette fois, et
l’on peut garantir-que nos promotions vont redevenir une fête véritable.
Pignerol , J. Ghiantore Impr.
H. Jahibr Gérant.