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IV. année
16 Avril 1869.
N.'> 15.
L’ECHO DES VALLÉES
FEUILLE HEBDOMADAIRE
Spécialement consacrée aux intérêts matériels et spirituels
de la Famille Yaudoise.
Que toutes les choses qui sont véritables........ eecupent
vos pensées — ( Philippiens., IV^ 8.)
PRIX D ABONNEMENT 1
Italie, Ò. domicile (un an) Fr. 3
Suisse................* 5
France................* 6
Angleterre , Pays-Bas , Allemagne 8
Vn numéro séparé : 5 cent
Vu numéro arriéré : 10 cent.
BUREAUX D’aBONNEMENT
Torrf-Pkm.ice : Via Maestra,
N. 42. (Agenzia bibliografica)
PiGNERoL : J. Chlantore Impr.
Tubin :J.J. Tron, via Lagrange
près le N. 22.
Florkncr : Libreria Evangelica, via de'Panzaiii.
ANNON^’ES : 5 cent, la ligne
ou portion de ligne.
- Lettres et envois franco. S* a< dresser pour radminisiration
‘ au B>ireau d Torre-PrfUce ,
[ via Maestra N. 42. —pourla
\ réduction : â Mr. A. Revel
\ Prof. îi Torre-Pellice
SOMMAIHE : — Idées claii^s pour les esprits peu au clair. — Chroniquepulitiqtie.
— Chronique locale. — Correspondance.
Idées claires
pour les esprits peu au clair.
Le journal L’Eglise Libre, entr’autres bonnes choses, s’est
proposé de traduire en langage familier, accessible à tous,
l’ouvrage capital d’Alexandre Vinet : Essai sur la manifestation
des convictions religieuses et sur la séparation de l’Eglise et de
l’Etat, envisagée comme conséquence nécessaire et comme garantie
du principe (1842). Notre feuille qui, depuis sa fondation, n’est
pas restée étrangère à cette question vitale, se doit, me suis-je
dit, de faire un travail analogue, en l’appropriant de son mieux
à nos besoins.
En principe , sinon de fait, notre Eglise Vaudoise est une
société de croyants, ou du moins de professants [Constitution, § 2). On ne peut en faire partie qu’en suite d’une adhésion
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individuelle et libre ; on ne peut y exercer les droits de membre
actif qu’en vertu d’un déclaration publique par laquelle on
adhère à ses principes religieux et à son gouvernement. Mais
cela est-il parfaitement clair pour tout le monde ? 11 nous est
permis d’en douter. Que ce doute, modestement exprimé,
serve, auprès de nos lecteurs, de justification au titre que nous
avons choisi; et entrons, sans autre préambule , en matière.
I.
Du devoir de manifesler ses conviclious.
Le Lectenr. — Vous voulez prêcher le devoir, pour chaque chrétien de manifester ses convictions religieuses. Que ne prêchez-vous d’abord, à tout homme,
celui de se former des convictions? Ne voyez-vous pas que le plus grand mal
de notre époque c’est précisément l’absence presqu’universelle de convictions
en religion, en morale , en politique même? •
L'Auteur. — Non seulement ce que vous dites est vrai, mais je veux abonder
dans votre sens. Cette difficulté de croire doit certainement tenir à l’engourdissement du sens moral ; et ceux-là même qui professent de croire en doivent
être atteints comme les autres, car bon nombre d’entr’eux semblent si peu
sûrs de leur foi, ont l’air si honteux de croire, que leur timidité fait plus de
prosélytes que leur foi.
Le Lecteur. — Vous voyez 1 Je vous le répète : donnez-nous d’abord des convictions religieuses, et nous les manifesterons. Rien de plus clair : « J’ai cru,
c'eut pourquoi j’ai parlé ». Quant aux vrais croyants, vous prenez une peine
superflue.
L'Auteur. — Vous voulez donc que je m’adresse à ceux qui ne croient pas ,
que je leur donne des convictions, c’est-à-dire une religion toute faite; et
vous ne voulez pas que je dise rien à ceux qui croient, pour les engager à
confesser leur foi ? Mais précisément la question est de savoir si cette peine est
superflue. Permettez-moi de vous demander quelle est l’essence de la vraie foi.
Le Lecteur. — L’essence de la vraie foi est de fructifier en œuvres de sainteté.
L’Auteur. — Eh bien, mon ami, à une époque telle que la nôtre, oh la profession du christianisme recommence à devenir signifleâtive et difficile, ce
qui presse le plus, et qui promet le plus, l’œuvre la plus pratique, est que
ceux qui croient se manifestent à ceux qui ne croient pas. Les non-croyants
pourront-ils être enseignés, avant que les croyants se soient pénétrés du devoir
de les enseigner ? Les convictions naissent les unes des autres ; et le moyen
de former des convictions consiste précisément en ce que ceux qui en ont
les expriment pour les faire passer dans l’esprit des autres, et tout premièrement pour honorer leur foi par leur franchise. Apprenons aux uns, rappelons aux autres, efforçons-nous de rendre cher à tous le devoir de la sincérité.
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— 115 —
Chronique pUüque.
La fête du 11 avril, cinquantième anniversaire de la consécration sacerdotale du Pontife Pie IX, fut célébrée de la manière suivante.
Le matin, messe solennelle récitée par Sa Sainteté dans la Basilique
de S' Pierre , distribution de l’Iiostie sacrée à 150 personnes qui eurent
le privilège de la recevoir du chef suprême do l’Eglise, et chant du Te
Deum. — X 5 heures de l’après diner, réception oflicielle , dans les salles
du Vatican , de toutes les députations venues offrir au S‘ Père les bornages
et les vœux de toute la catholicité. Le soir sjdendidc illumination et exécution grandiose d’un chœur, auquel prirent part 1000 soldats et 7 bandes
musicales. Le pape s’est montré au balcon du Vatican où il a reçu les
ovations de la populace tumultueuse et de scs nombreux spectateurs.
Moins révérencieux que les habitants de Rome envers les ministres de
leur culte et les objets qui lui sont consacrés, les paroissiens de Lerma, province de Gènes, pénétrèrent dans leur temple le jour de dimanche 4 avril,
et en enlevèrent de force tous les confessionnaux qu’ils brisèrent ensuite
dans leur fureur, sans que les prières de leur prêtre soient parvenues à
les en empêcher.
La Chambre des Députés a ouvert ses séances par la discussion du budget
des travaux publics. Le comte Cambray-Digny fera, dans huit jours, l’exposition de l’état de nos finances.
On célébrera à Florence le 4 mai prochain, le 4™® centenaire de la naissance de l’historien Macchiavelli. Une commission présidée par le comte
Terenzio Mamiani est chargée de préparer cette solennité littéraire et politique. Le Municipe de Florence a mis , pour cet effet, à sa disposition,
la somme de 10 mille francs, dont la moitié au moins sera décernée à
l’auteur de la meilleure biographie du Secrétaire florentin.
On annonce l’accord des gouvernements prussien, badois, suisse et italien
pour rétablissement d’une voie ferrée à travers le S‘ Gothard.
Les Chassepots ne lui suffisant plus, le Gouvernement français vient
d’ordonner en Amérique la fabrication de 100 mille fusils Remington.
Jules Favre apostrophant récemment au Corps legislatif les ministres de Napoléon III : « vous balbutiez des paroles de paix, leur dit-il, mais vous n’y
croyez pas ». Le marquis de Lavalette affirma en parlant de l’Italie, avec
laquelle, comme d’ordinaire, il se flattait d’être en de bons termes, que le
moment n’était pas encore venu de reprendre la convention de septembre,
et de rappeler les troupes impériales du territoire pontifical.
En attendant que ce moment vienne, et dans le but peut être de le hâter,
Victor Emmanuel a fait apporter à l’empereur d’Autriche le collier de l’ordre de VAnnunziata. Le général De-Sonnaz est actuellement à Vienne où il
attend une audience oflTicielle de S. M. I. pour le lui remettre.
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— 116 —
Les élections Roumaines ont donné au gouvernement du prince Charles,
l’appui nouveau d’une grande majorité.
Don Fernando a refusé carrément le trône d’Espagne. Les Portugais
eu sont contents, mais les Espagnols démontrent en cette occasion une
liien sombre indilférence.
®hrtmtjC|ue locale.
"Tor-i'o-IConférences populaires. Comme nous l’avions fait
pressentir, la saison des conférences est close. La XIII® et dernière (7 avril )
a été donnée par M® le prof. Rollier qui d’une manière très-intéressante,
a entretenu ses auditeurs du percement des Alpes, vulgairement nommé
tunnel du Mont Cenis.
— Leçons d’agronomie. Dans sa 4® leçon (5 avril) M® le prof. Rollier a
parlé des engrais mixtes et de leurs avantages mécaniques; leur qualité
devant dépendre à la fois de la nature du sol, de la nature de la plante
à cultiver, et de la partie du végétal que l’on a spécialement en vue
d’obtenir. Pour avoir des tiges, il faut de l’humus; rien de plus déplorable , par conséquent, (}ue la manière dont on aménage nos forêts ; on
dirait que l’on prend à tâche de les appauvrir, tant on déploie d’avidité
à en enlever le bois mort, la feuille morte et l’herbe. Pour avoir des
graines, il faut des engrais animaux. Pour la vigne, qui demande beau
de potasse, de chaux, de soude, il faut de la chaux et des cendres.
des cendres aussi, du sel marin. Si possible,
tubercules, des cendres encore, parcequ’elles
contiennent de la soude et de la potasse, éléments des plus précieux
pour leur développement. — Tout conspire à prouver que l’agriculture est
un art, et qu’on n’acquiert cet art que par une étude attentive et rationnelle du terrain qu’on est appelé à cultiver, et de la confection des
engrais dont il faut faire usage.
— Assemblée paroissiale. L’assemblée paroissiale, réunie le 11 courant pour
l’examen du rapport du Consistoire, s’est occupée exclusivement des causes
qui ont pu amener la démission de deux anciens, motivée comme suit
par lettre du 24 janvier p. p. ; « Comme il a semblé inutile aux sous» signés de faire partie d’un corps dont les décisions, prises à la majo» rité des membres qui le composent, ne sont pas respectées, — ils vieu» nent résigner leurs fonctions entre les mains de l’Eglise qui les a nom» niés, et prient le Consistoire d’en référer à l’Assemblée de la paroisse
» afin qu’il soit pourvu à leur remplacement. Signé: J. Revel, J. P. Jàlla ».
La coterie qui gouverne le Consistoire et la paroisse a opposé à cette lettre
d’audacieux démentis, elle a cherché, par de doucereuses paroles et un
ton papelard, à circonvenir l’assemblée ; elle a tenté de
coup
Pour obtenir de la feuille ,
des engrais liquides. Pour
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- 117 —
.......rectifier le mal de l’actiou
Avec la pureté de son intention;
elle n’a pas reculé devant la plus indigne profanation du nom de Dieu
pour mettre à couvert sa responsabitité ; elle n’a pu réussir toutefois à
faire jeter un blâme sur les anciens démissionnaires, et il demeure acquis , par cette discussion, que non-seulement le Consistoire de La Tour
se met au-dessus des lois et des règlements, mais qu’il en est venu à ne
plus savoir se respecter lui-même. — Dans le court espace d’une année,
on a donc vu , pour la même cause, trois anciens et un diacre se retirer volontairement de l’administration. — L’assemblée paroissiale s’est
ajournée au 18 avril.
ssan Olovannl-F»ellloo, —Liueerna. Transaction honorable
Nous apprenons avec une vive satisfaction que, le 1'' mars dernier, animées du
désir sincère de mettre fin à un procès séculaire intenté par les Communes
de Bibiana et de Lusernette à celles de Luserne et de S‘ Jean, relativement à
la propriété de certains biens fonds situés sur les hauteurs de Rorà et de
Bagnol, les Juntes municipales des quatre Communes intéressées ont jeté les
bases d’une transaction que leurs Conseils respectifs se sont empressés
d’approuver.
La Députation Provinciale, à laquelle il appartient d’autoriser cet arrangement, n’hésitera pas, nous osons l’espérer, à hâter, par une décision favorable , l’eftectuation d’un acte dont les parties contractantes, n’auront jamais
qu’à se féliciter. — Le vieil adage qu’un mauvais arrangement vaut mieux
qu’un arrêt favorable, trouvera toujours son application aussi bien chez les
corps moraux que chez les simples particuliers.
San Olovannl r*olHco. Plusieurs villas ont déjà été construites
sur la riante colline de cette Commune et ses riches alentours ; d’autres sont
maintenant restaurées ou vont s’érigeant dans les environs de son chef-lieu.
Cela est fort-bien. Les habitants de cette commune rurale commencent à comprendre leurs véritables intérêts; mais pourquoi l’Autorité administrative qui,
il faut le reconnaître, a déjà beaucoup fait pour l’entretien des routes, n’achèvet-elle pas l’aplanissement et l’agrandissement de la place des Blonats ? Pourquoi ne daigne-t-elle même pas l’éclairer le soir au moyen d’un réverbère ?
On ne lui demande pas d’éclairer à gaz la principale rue et le carre-four du
chef-lieu; un peu de pétrole et un grain de bonne volonté suffiront et au delà.
— A discreta domanda non si dia rifiuto.
(KTorreef^onbance.
On nous écrit de Oonève, en date du 9 avril :
La foule se presse, toujours attentive, émue bien souvent, au Cirque de
Plainpalais, chaque fois qu’un orateur vient y traiter des questions de l’ordre religieux. Barde, il vous en souvient, avait hautement revendiqué
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les droits de la Parole de Dieu à notre respect et à notre amour ; Mr Catalan , en sa qualité de libre-penseur, a voulu lui répondre.
Mr C. ne veut plus de la Bible. Pourquoi? C’est que le Dieu de la Bible,
dit-il, a laissé debout les monarchies et n’a par conséquent rien à faire
avec le Dieu de paix. — Ses arguments ont à peu près tous la même valeur; parlant de l’origine du péché, C. nous déclare gravement, du
du haut de son tribunal, que la solution qu’en donne la Genèse est peu
galante (sic), et qu’elle entre pour beaucoup dans les préventions que la
femme nourrit contre l’homme !
— L’on pourrait supposer que dans le tableau, tracé par M"” de Gasparin,
des dangers inhérents à l’union de l’Eglise et de l’Etat, l’Eglise nationale
de Genève ait cru se reconnaître quelque peu. Mais., quoiqu’il en soit de
cette supposition, que je vous livre sous bénéfice d’inventaire, le fait est
que Mr H. Oltramare, pasteur et professeur national, s’est senti le devoir
de répondre par une conférence se résumant dans l’exclamation finale :
« Vive l’Eglise nationale de Genève ! » Il nous a énuméré les services rendus par cette Eglise, comme si on les lui avait contestés ; il nous en a
fait connaître la constitution ; il nous en a exposé la théorie, mais sans
la prouver. Ce que M^ de Gasparin demande, est à ses yeux, non pas
la séparation, mais le divorce; non pas l’Eglise libre dans l’Etat libre,
mais l’Eglise libre hors de l’Etat libre. Il a cherché de son mieux à établir que, en fait si non en principe, cette séparation existe à Genève;
car, dit-il, l’Eglise ne tient à l’Etat que par uu iil: fe budget. Ce fil, certes,
il faut bien se garder de le briser, s’il a la puissance morale que lui
prête M^ Oltramare; si c’est lui qui dit au pasteur; « Souviens-toi de tes
hautes fonctions ! ».
Objecte-t-on que, surtout dans une république, l’union de l’Eglise à l’Etat
est contraire à l’égalité des citoyens , puisque les dissidents ne sont pas
payés ? Voici la mémorable réponse de M"’ 0. :
« Un homme va au camp; il est délicat; la gamelle ne lui va pas; il
veut quelque chose de mieux ; il se le paie. Ainsi en est-il des dissidences;
elles se paient ».
Mr 0. ne veut pas de l’Eglise libre ; car elle fait ce qu’il appelle la
part du feu\ tandis que l’Eglise nationale, abritant dans son sein tout
le monde , réalise, pense-t-il, la magnifique promesse : « Un seul berger,
un seul troupeau ». Avouons, dans ce cas, que cette parole de Christ est
réalisée, d’une manière plus complète encore, sur les bords du Tibre
que sur les rives du Léman. Il n’est pas inutile d’ajouter que la conférence de Mr 0. n’a pas touché au point capital de ja question, à savoir
si l’Eglise chrétienne et le monde c’est tout un.
— Il résulte du rapport de la Société des Protestants disséminés que le
chiffre de ses membres s’élève à 999, et qu’elle a dépensé, depuis 1844,
pour constructions de temples, pour entretien de pasteurs et pour autres
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œuvres de ce genre, la somme de fr. 363.609. Dans la seule aimée 1868,
elle a recueilli fr. 21456, 25, et dépensé fr. 21785, 10.
— Une foule nombreuse a accompagné aujourd’hui^au champ du repos
Louis Quibüer, secrétaire de la Société Evangéliipie de Genève. .Administrateur habile. conscience délicate, cœur aimant et sincère, il avait reçu
de Dieu le don de se faire des amis de toutes les personnes qui le connaissaient. Le secret de sa belle et modeste vie, toute consacrée au service de Dieu et à l’avancement de son règne , résidait dans une foi puissante. Ainsi qu’il l’avait demandé, aucun éloge n’a été prononcé sur sa
tombe.
— L’auteur des lettres anonymes aux quelles nous avons fait allusion dans
notre dernier numéro, s’étant fait connaître et nous ayant même envoyé
un double de sa seconde épître en nous priant de repêcher la première,
nous n’avons plus d’objection à élever contre sa demande d’insertion.
« Un de vos abonnés. Monsieur le Rédacteur, vient vous demander l’insertion
de cet article.
»Je viens de lire seulement aujourd’hui (30 mars), dans la Chronique locale
du numéro 12 de votre journal le petit article de soirée de bienfaisance (ou
soirée dramatique). Que tout ait été convenable, nous n’en doutons nullement,
mais nous voulons seulement protester contre le principe.
» Nous avons beaucoup avancé dans la civilisation aux Vallées, même plus
qu’ailleurs; et les bals de bienfaisance, soirées de bienfaisance, abondent
depuis longtemps dans la plupart des villes d’Italie, avant d’avoir fait leur
apparition chez nous. .Mais nous, Vaudois, témoins de la Vérité, conservateurs
de la Parole de Dieu et appelés à la répandre, devons-nous nous préparer,
sinon à la lutte, du moins à être le lux lucet in tenebris, en jouant la comédie ?
Une petite représentation dans un petit endroit est une grande représentation
dans une ville de premier ordre ; et les Vaudois, descendants des bardes et
des martyrs, ne sont pas appelés à jouer la comédie. La Bible traverse les
siècles sans suivre les bonds de ce qu’on appelle la civilisation moderne ; elle
nous dit : « L’œil est la lumière du corps ; si donc ton œil est sain , tout ton
corps sera éclairé ; mais s’il est mauvais, tout ton corps sera dans les ténèbres.
Prends donc garde que la lumière qui est en toi ne soit que ténèbres »
(Luc. XI, 35)
» Mais on répondra : il faut quelque amusement pour la jeunesse. Oui ; mais
jouer publiquement de petites comédies, quelque morales qu’elles soient, et
aller au théâtre plus tard c’est tout un. Personne n’a le droit d’empêcher le
monde de s’amuser ; mais ne favorisons pas des récréations qui peuvent devenir dangereuses. L’ennemi y a tout à gagner et le Seigneur tout à y perdre ».
— A cette protestation, dont nous avons scrupuleusement respecté le texte,
nous répondons :
l”) L’Echo ne peut que se louer de l’honneur qu’on lui fait enfin d’une manifestation franchement hostile. — Dans notre vie de trois ans et demi,
nous avons combattu plus d’un abus, et soutenu plus d’un principe ; il eût
été naturel qu’on nous eût, à l’occasion, donné un coup de main, ou un
simple signe de sympathie ; nous en eussions été reconnaissants. Eh bien ! ce
témoignage, c’est en vain que nous l’avons attendu de 1a part do certaines
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— 120 —
gens ; et il n’a fallu rien de moins que les trois mots soirée de bienfaisance pour
réveiller leur intérêt à notre égard.
2o) Nous avons dans notre dernier numéro exprimé, avec une clarté sufiisante, notre propre manière de voir sur la valeur de ces termes conventionnels : soir^s de bienfaisance. Nous n’aurions, quant à nous, probablement
jamais inventé cette formule, et nous n’avons qu’un goût très-modéré pour
cette manière de rire pour ceux qui pleurent. Nous ne réclamons, par conséquent, aucun brevet d’invention. Nos correspondants, qui ont à cet endroit
une conscience si chatouilleuse, et qui nous sermonnent avec tant de zèle,
ont peut-être oublié que l’exemple de ces sortes d’amusement de bienfaisance
a été donné en haut lieu; qu’on a mis, dans ce but, en réquisition tous les
bancs d’une église voisine, et, qui plus est, de respectables anciens, chargés de
distribuer les billets d’entrée et d’en percevoir le prix. On s’est fort amusé ce
soir-là ; on a entendu des airs d’opéra bouffe ; on a ri d’un rire homérique ,
olympien, inextinguible. Et tout cela dans un but philantropique. Oh étiez-vous
donc alors, que vous n’ayez rien aperçu, que rien ne vous ait « serré le cœur? »
Oh est le sermonneur officieux et obstiné qui se soit levé pour déclamer au
nom d’un principe ? Que si VEcho n’a fait ressentir d’ordinaire que le beau
côté des choses, c’est tout simplement parceque nous n’entrions pour rien
dans l’affaire, pas plus aujourd’hui qu’alors, et que nous n’avons su voir, alors
comme aujourd’hui, que les meilleures intentions.
30 ) Quant aux bals dont on nous parle, nous pouvons bien dire qu’à
notre connaissance, il n’y en a eu que dans l’imagination de nos correspondants.
4°) Est-il bien sûr qu’avec un peu de soin on n’eût pas trouvé plus près
de soi le mal dont on se plaît à nous rendre responsables? On n’a pas
besoin de sortir de sa paroisse pour trouver des amis du bal et bien d’antres choses plus malséantes encore. On n’a pas besoin de courir si loin
pour trouver de quoi chatouiller sa douleur. Ah ! s’il n’y avait de comédie
que là ou vos yeux viennent d’en découvrir, jamais en ce monde il n’eût
été question de gens qui coulent le moucheron et qui avalent le chameau !
50 ) On nous cite la Bible ; c’est bien. Nous savons la citer aussi ; mais
nous ne pouvons nous empêcher de regretter profondément l’usage quasi
profane qu’on en fait. Vous plaît-il que nous remettions votre texte à sa
vraie place ? Il y est question de ceux qui allument leur lampe pour la
mettre ensuite sous le boisseau. Oh est l’a-propos de votre citation ? Avec
quelle apparence de justice insinuez-vous que nous fermons volontairement
l’œil de notre esprit à la lumière divine? Avec quelle coupable légèreté
n’employez-vous pas le langage des Ecritures!
6° ) Au reste nous sommes bien simples de chercher à écarter de nous
une accusation qui va tomber ailleurs. Tout ce monde dont vous avez
une si pauvre opinion forme une portion très-respectable d’une ou deux
paroisses modèles oh des supérieurs vigilants et jaloux ne permettraient
pas qu’on favorisât des récréations dangereuses. Shls n’ont nen dit, s’ils
n’ont pris aucune mesure au sujet des « mondains », si la recette de la
soirée qui a tant troublé votre sommeil a été accueillie par qui de droit
avec beaucoup de reconnaissance, et n’a pas répandu de mauvaise odeur,
il nous semble que tout est fini par là. — Ainsi, salut et point de rancune.
P, s. _ La deuxième lettre paraîtra dans notre prochain numéro.
Pignerol, J. Chuntore Impr.
A. Revei. Gérant.